Atelier d'écriture

L’atelier d’écriture est l’occasion de jouer avec les mots, de faire entendre sa voix, d’écouter celle des autres, de se découvrir. C’est avant tout une expérience ludique, le plaisir de réaliser quelque chose et de le partager. À chaque séance l’animatrice propose de nouvelles consignes, qui servent de point de départ à l’écriture. Cette règle du jeu, par son aspect contraignant, permet de libérer l’imagination. On n’est plus devant une inquiétante page blanche, mais devant une proposition d’écriture, qu’on pourra à son gré suivre de près ou subvertir discrètement. C’est ce qui fait tout le sel de la lecture des textes : on se rend compte que chaque participant a traité la consigne de façon personnelle, provoquant la surprise, le rire ou l’émotion. Les échanges, qui se font dans un esprit curieux et bienveillant, permettent à chacun de prendre du recul sur son propre texte.

Atelier n°9


Proposition n°1 : rédaction d'une liste

Chacun fait une liste détaillée de 5 ou 6 de ses petites manies.


Proposition n°2 : logo-rallye

Chaque participant choisit un livre, l’ouvre au hasard et y pioche trois mots (substantifs, verbes ou adjectifs).
On met ces mots en commun, et chacun écrit à partir de la liste un texte incluant tous les mots.
Contrainte supplémentaire: les mots seront utilisés dans l'ordre de la liste.

Proposition n°3 : écriture à partir d’un objet posé sur la table

En l'occurence, un hérisson en peluche...

Quelques textes du 9e atelier


Liste de "mes petites manies"

Maniaque : à un point que je ne peux pas commencer la lecture d’un livre tant que je vois de la poussière autour de moi.

Lorsque je suis dans une chambre d’hôtel seule, je mets toutes mes valises et sacs derrière la porte et je vérifié plusieurs fois que le verrou est tiré.

Je vérifie plusieurs fois avant de quitter mon domicile si j’ai bien fermé lumière, etc.

Je ne m’assois jamais près du hublot dans l’avion.

Je ne passe pas sous une échelle de peur de recevoir quelque-chose sur la tête.
Gigi


Au petit-déjeuner, beurrer les tartines dès qu’elles sont sorties du grille-pain pour que le beurre fonde et goûter le chocolat au lait avant de manger les tartines.

Cacher les livres qui ne valent pas la peine d’être lus au fond de l’étagère de la bibliothèque, derrière les autres, les meilleurs.

Le soir, avant de me coucher, vérifier si j’ai mis mon réveil à sonner pour le lendemain, vérifier, vérifier et encore vérifier.

Ranger, tout ranger, laver, tout laver, essuyer, tout essuyer.

Ne rien oublier, ne rien oublier, ne rien oublier (j’aimerais !).
Sabine


Je passe sans arrêt mon joli chiffon microfibre bleu sur mon iPad pour effacer mes empreintes digitales

Je ne peux pas m'empêcher de corriger les erreurs de français des étrangers et les erreurs d'anglais des Français.

Je bois mon thé toujours dans la même tasse que je lave à la main après utilisation.

Je parsème mon discours de "finalement" et de "enfin", sans doute dans l'espoir de couper court à toute objection éventuelle.

Je ne peux pas m'empêcher de vérifier fébrilement mes emails sur mon téléphone, probablement de crainte de manquer un message important bien que je ne reçoive pas de messages importants par email et que ces messages ne soient jamais urgents.
Pascal

Logo-Rallye

Avec les mots: Venir - quotidien - meute - garde-à-vous - désemparé - l'essentiel - revendication - respecter - irlandais - aujourd'hui - fois - médicament.

Pourquoi vient-elle ainsi troubler le quotidien
Des meutes assagies de nos républicains?
Se mettre au garde-à-vous, ce serait abdiquer.
A l'étrangère, ici, d'être désemparée.
Allons à l'essentiel, faisons-là déguerpir
Tout les moyens sont bons pour la voir repartir.
Elle fait sourde oreille aux revendications
Pourquoi faudrait-il donc que nous la respections?
Car un cœur irlandais hier comme aujourd'hui
Ne saurait accepter aucune monarchie
Et encore une fois, voici mon sentiment
Aux maux de notre histoire, un seul médicament :
La reine doit partir comme elle était venue
Sinon, foi d'irlandais, nous la mangeons tout cru.
Pascal


Ils venaient d’arriver dans mon bureau. Leurs venues étaient quotidiennes. C’était presque des rendez-vous. Je dis presque parce que je savais qu’ils viendraient mais je ne savais jamais quand. C’était une meute, une meute d’ouvriers en colère qui surgissait devant moi. Certes ils frappaient à la porte mais ils n’attendaient jamais que je leur réponde avant d’entrer. Moi j’avais l’impression d’être au garde-à-vous. Je venais d’arriver dans cette usine, il y a un mois. Pour redresser la situation m’avait-on dit, calmer les esprits, appliquer la législation bien entendu, leur accorder ce qu’ils demandaient mais, surtout, à moindre coût. On ne m’en avait pas dit davantage. La première semaine j’étais désemparée. Ils étaient très bien organisés. J’avais compris qu’ils procèderaient ainsi jusqu’à ce qu’ils soient satisfaits ou jusqu’à ce que je démissionne. Je les accueillais avec le sourire, les écoutais, négociais fermement et m’engageais à leur donner ma réponse définitive les jours suivants. L’essentiel c’était qu’ils ne me séquestrent pas. La nuit, je voyais des piquets de grève, le portail fermé et le matériel qu’ils brûlaient dans la cour en criant leurs revendications. Mais ils finissaient par se calmer et m’écoutaient toujours attentivement ; surtout, ils me respectaient. Leur porte-parole était irlandais. Je ne savais pas encore comment il était arrivé ici. Il parlait un français parfait. On me disait qu’il était le plus dur et qu’il ne cèderait pas. « Aujourd’hui, on discute » venait-il de dire, « mais la prochaine fois, on veut voir les derniers chiffres. » La prochaine fois, c’était demain. Et je savais que lorsque l’après-midi même j’en parlerai au patron par visio-conférence, à quinze heures comme tous les jours, je le verrai sortir sa petite boîte de la poche de son pantalon et avaler ce médicament qui calmait son cœur.
Sabine


L’enfant vient quotidiennement rendre visite aux moineaux du Parc des Blanchis, c’est un rituel. Il entre dans le parc, s’approche du bassin et s’assoit sur le banc. La « meute », dans un bruissement d’ailes alors arrive « flip, flip, flop » au pied du jeune garçon qui se met instinctivement au garde à vous, solennel comme pour saluer ces volatiles. Puis, comme chaque matin, il lance une grosse poignée de morceaux de pain à ces ventres affamés.
Cependant, un oiseau se tient à l’écart des autres, et semble désemparé, craintif. L’enfant pour qui, il est essentiel de remplir sa mission s’approche du volatile et s’adresse à lui :
« Pourquoi ne participes-tu pas à ce repas matinal ? Aurais-tu une revendication particulière ? Le pain ne te convient-il pas ? N’est-il pas assez frais pour toi ? »
Sur ce, l’enfant lui tend un plus petit morceau ; l’oiseau l’examine avant de s’éloigner.
« Ah bien ! Dis l’enfant, tu n’aimes pas on pain, tu dois être irlandais au moins ! Pour renoncer à ta pitance aujourd’hui. Ou bien, es-tu tout simplement malade, un peu anémié peut être ! La prochaine fois, je t’apporterai un médicament car tu as bien besoin de vitamines.
Gigi

Ecriture à partir d'un objet

J’avais dû partir dans la précipitation.

Paolo avait sonné à la porte et ne m’avait dit que ces quelques mots : « Ils sont à tes trousses. On ne sait pas encore comment ils ont fait pour te retrouver. Il faut que tu partes. Tout de suite. »

Tout de suite, je savais ce que cela signifiait. On nous l’avait appris dès les premiers jours et répété sans cesse. Tout de suite, c’était partir à peine la phrase terminée, en laissant tout derrière soi, sans savoir où l’on irait, sans savoir si l’on reviendrait.

Alors, j’avais suivi Paolo une fois ces paroles prononcées. Il m’avait accompagné à l’aéroport et ce n’était qu’avant de quitter la voiture qu’il m’avait donné un passeport, un billet d’avion et une valise. Sans consigne.

Une fois dans l’aéroport, j’avais appris ma nouvelle identité et ma destination. Ayant peu de temps avant le départ de l’avion, j’avais avancé d’un pas rapide vers le hall d’embarquement et passé les contrôles sans problème.

Et il y avait eu cette petite fille. Une petite fille qui avait laissé tomber à mes pieds son hérisson en peluche. Je m’étais baissé pour le ramasser, le lui donner et repartir aussitôt. Un hérisson à tête beige, aux piquants marrons, vêtu d’un pantalon en jean retenu par des bretelles, d’une chemise à carreaux rouges et blancs et d’un nœud papillon en ruban marron autour du cou.

J’avais commis une erreur, je le savais. Je n’aurais pas dû m’arrêter. Certes il appartenait à un enfant qui ne savait fort probablement pas qui j’étais mais cet enfant était peut-être accompagné par sa mère, son père ou qui d’autre encore.

Une fois dans l’avion, je n’avais cessé de penser à ce hérisson. Je revivais la scène, détail par détail, pour essayer de retrouver la ou les personnes qui accompagnaient l’enfant et guetter leur réaction. Mais je ne voyais plus que ce hérisson, le visage de la fillette commençait même, déjà, à s’effacer.

A l’arrivée, j’avais commis une seconde erreur. J’aurais dû parler du hérisson, de la fillette et de ses parents qui devaient sûrement l’accompagner. Mais je n’avais rien dit à cette femme inconnue qui m’attendait et m’avait embrassé en me serrant dans ses bras.

Depuis, l’on me cache, de maison en appartement, d’appartement en hôtel, à la ville, à la campagne. Je suis le cousin de passage, le fils qui vit à l’étranger, ou même l’infirmier venu soigner le malade. Je ne sais ni quand cette cavale se terminera ni comment. Je ne cesse de penser à ce hérisson. Je n’ose en parler. C’était une fillette. Mais ses parents ? Ses parents ? Je ne sais pas. Je le saurai peut-être si un jour, l’on vient m’arrêter. Et je ne suis pas certain que ce hérisson portait un nœud papillon.
Sabine


Le réveil a bien sonné ce matin à 7h. J’étais très angoissé avant de m’endormir hier soir à l’idée d’être en retard à ce rendez-vous. C’est important pour moi cette rencontre avec mon nouvel éditeur.
Mon dernier manuscrit sous le bras « Pile Poil », le porc épic, j’entre dans l’immeuble des Editions Histoires à lire debout ». Là, je suis accueillie par une jeune femme charmante mais dont le petit sourire sarcastique m’agace un tantinet. Elle me fait entrer dans un bureau étrange : il est seulement composé d’une table rectangulaire immense en bois et d’une chaise.
Mon attention est attirée par un objet au milieu de cette table, je m’approche intriguée, c’est une petite peluche de couleur gris un peu sale, vêtue d’une salopette bleue à bretelles, une chemise à carreaux rouges et des petites bottes marron. Ses deux bras sont grands ouverts comme pour accueillir le visiteur. Que fait cette peluche sur la table ? Je la saisie, la retourne ; en fait, il s’agit d’un petit porc épic, quelle coïncidence ! Je viens de terminer mon 2è roman pour enfant dont l’histoire raconte l’étrange voyage d’un porc épic surnommé Pile Poil.
Assis sur ma chaise, j’observe Pile Poil. Depuis quelques instants, j’ai l’impression qu’il me regarde avec insistance. Ses bras lentement se baissent le long de son corps. Tout à coup, il se lève, l’air féroce, les babines relevées laissant apparaître 2 crocs énormes, les yeux injectés de sang, la bave aux lèvres, il avance vers moi, toute pique dehors !
Je suis paralysée de peur sur ma chaise. Malgré l’ordre intimé par mon cerveau de fuir, je reste figée.
Brusquement, je tombe avec la chaise en arrière, je me relève et regarde vivement autour de moi, je sui s en sueur.
La peluche est au centre de la table parfaitement immobile, les bras ouverts !
Ce n’était donc qu’un rêve ! Je regarde ma montre : plus de 2 heures se sont écoulés depuis mon arrivée et mon éditeur ne s’est pas manifesté.
Je ressors du bureau encore un peu étourdie, les jambes flageolantes. L’assistante a disparu.
C’est décidé, je jette mon manuscrit, je vais écrire un nouveau roman avec un autre héros que Pile Poil.
Gigi


Il déballa nerveusement le petit paquet rose joliment enrubanné qui portait son nom. Il n'avait, cette année, de toute évidence, qu'un petit cadeau pour son anniversaire . Mais, comme le lui avait répété mille fois sa mère, ce n'était pas la quantité qui importait.

Il écarquilla les yeux. Quoi ? C'était ça son cadeau ? Un hérisson en salopette ?
- Mais maman, j'ai passé l'âge de jouer avec des peluches! Et pourquoi un hérisson? Je déteste les hérissons.
Sa mère lui adressa un regard méprisant en essuyant, d'un geste théâtral, les fausses larmes qui coulaient sur ses joues émaciées.
- Quoi que je fasse, tu n'es jamais content. Je fais tout mon possible pour te faire plaisir et voilà ce que je reçois en guise de remerciement ! Pourquoi tant d'ingratitude ? Tu cherches vraiment à me rendre malheureuse. Et bien, j'ai une excellent nouvelle pour toi ; tu y arrives très bien. Je suis en effet malheureuse. Bravo. Pour une fois que tu réussis quelque chose.

Il baissa les yeux et se mit a triturer le hérisson nerveusement. Il sentait la colère monter mais se rappela ce que sa mère lui avait martelé : "seuls les animaux ne maitrisent pas leurs pulsions"! Il fallait qu'il se calme.
- Alors ? Tu ne dis rien ? Tu n'es même pas capable de t'excuser auprès de ta pauvre mère ? Tu me déçois. Tu es pitoyable.

Il continua de triturer rageusement le hérisson jusqu'à en arracher la tête.
Sa mère le regarda effarée!
- Tu n'es qu'un être violent et malsain. Je l'ai toujours su. Ce n'est pas étonnant que j'en sois là où j'en suis aujourd'hui.
Il leva le yeux vers sa mère et sentit peu à peu que lui venait enfin la force d'exprimer son ressentiment, sa douleur, sa haine.

- Les heures de visites sont terminées, annonça la psychiatre. Je vous invite à repasser demain si vous le souhaitez!

Mais l'homme savait que lui et sa mère ne se reverraient plus! Sa décision était prise : il allait laisser la vieille femme crever seule à l'hopital. C'est tout ce que méritait celle qui avait poussé son père et sa soeur au suicide.
Pascal