Atelier d'écriture

L’atelier d’écriture est l’occasion de jouer avec les mots, de faire entendre sa voix, d’écouter celle des autres, de se découvrir. C’est avant tout une expérience ludique, le plaisir de réaliser quelque chose et de le partager. À chaque séance l’animatrice propose de nouvelles consignes, qui servent de point de départ à l’écriture. Cette règle du jeu, par son aspect contraignant, permet de libérer l’imagination. On n’est plus devant une inquiétante page blanche, mais devant une proposition d’écriture, qu’on pourra à son gré suivre de près ou subvertir discrètement. C’est ce qui fait tout le sel de la lecture des textes : on se rend compte que chaque participant a traité la consigne de façon personnelle, provoquant la surprise, le rire ou l’émotion. Les échanges, qui se font dans un esprit curieux et bienveillant, permettent à chacun de prendre du recul sur son propre texte.

Atelier n°1


Proposition n°1 : Cadavre exquis


Sujet ; verbe ; COD ; précision (complément circonstanciel...)



Proposition n°2 : Fiction / non-fiction

Chaque participant rédige deux textes brefs (un paragraphe) racontant :
-  une expérience vécue par l’auteur ;
- une expérience imaginée mais plausible.
Chaque texte est écrit à la première personne.  À la lecture, l'auteur du texte ne précise pas tout de suite lequel des deux textes est autobiographique.  

Proposition n°3 : À partir d'un atlas

- On fabrique une liste de mots en les piochant au hasard dans l'index d'un atlas.
- Texte sur le thème du voyage, à partir de mots de la liste.

Quelques textes du 1er atelier


Cadavres exquis

Un clown bleu amena le soleil dans la prairie.

Un jour aimait sur les quais sans espoir.

La rose trémière se regardait sur la lune dans la mer d'huile.

La chatoune grise regarde avec nostalgie dans la carrière.

Le regard vif Roger arrive les chaussures devant la télé.

La belle pluie achetait dans le lune au milieu du figuier.

Le fermier tombait dans l'armoire vitrée depuis très longtemps.


Fiction / non-ficiton


• Je laisse mes parents devant, la visite d’Andorre c’est embêtant… Papa est chargé de tabac, maman prend les devant. Je les regarde. Ils traversent le passage clouté, je les vois, je les regarde, la visite d’Andorre c’est embêtant… Soudain un jeu se présente : passer entre les roues du 15 tonnes stoppé au feu rouge, aussitôt pensé, aussitôt fait ! Le sourire au lèvres relevant la tête de l’essieu du semi-remorque démarrant en trombe au feu vert, ouf ! me dis-je, je l’ai échappé belle d’être réduit en bouillie. Puis je vois le regard de maman me fusillant. Aïe me dis-je la visite d’Andorre ça va être bien plus qu’embêtant…


• Je suis avec mes amis, nous regardons les restes gris et ternes de la terre par le hublot teinté. Elle était belle la terre, de ses couleurs bleues et vertes dans nos souvenirs enfumés. Déjà, je la pensais au passé, déjà je ne faisais plus que la regarder, elle était vieille et ridée, grise, polluée et vidée. Nous allons coloniser Jupiter, coloniser du gaz enfin d’abord le solidifier pour y habiter. Nos savants estiment que la vie sera belle là bas pendant dix siècles plus ou moins, avant de réitérer et la réduire à néant.
Loïc


• Je marche sous la pluie, la tête dans les épaules, mes cheveux dégoulinant sur mon front. Soudain je sens mon pied qui s'enfonce dans une flaque d'eau. C'est bien ma chance! J'ai de l'eau jusqu'au genou. Je sors mon pied de la flaque, et là, dans mon énervement, je piétine sans les voir des feuilles mortes trempées de pluie. Les feuilles mouillées, ça glisse... Et me voilà sur le cul, littéralement.


• J'ai besoin de cartes de visite pour ma nouvelle activité professionnelle. J'ai un modèle élégant créé par une graphiste, avec mes coordonnées sur un fond violet zébré d'un filet mauve. Je vais les faire imprimer chez "l'imprimeur le moins cher de Paris". Mais quand il me montre ses essais, ma carte si élégante est devenue un torchon sur un fond rouge sale, avec des taches blanches. Catastrophe!
Vanessa

A partir d'un atlas

Nicaragua ; Colombia (USA) ; Demerara (Guyane) ; Scarborough ; Saltillo (USA) ; Rangoon (Birmanie) ; Bordeaux ; Baie de Hawke (Nouvelle-Zélande)

"J'ai quitté mon natal Bordeaux
pour m'installer à Saltillo
en passant par Sarborough."
Point, à la ligne, fit Alexis en brandissant son stylo-plume. Il le sentait bien, son reportage imaginaire sur les Etats-Unis. S'il parvenait à l'écrire entièrement en vers, il obtiendrait certainement un prix de poésie, en plus du prix Albert Londres. Alors sa carrière de grand reporter serait lancée. Il serait embauché par un journal ou une chaîne de télévision, et il pourrait enfin voyager. Alexis n'avait jamais pris l'avion.Voyons, songea-t-il, qu'est-ce qui rime avec Scarborough? Ah oui:
"en passant par Scarborough
où chantaient les p'tits oiseaux."
Et hop, un quatrain bien emballé. À présent il fallait changer les sonorités, et peut-être ajouter quelques aventures pour maintenir l'attention du lecteur. Un peu d'action. Voyons...
"Puis j'explorai Demerara.
Je me battis au Nicaragua.
De retour aux USA,
je visitai Colombia."
Décidément, Alexis, tu es un poète! s'écria-t-il après avoir bouclé son deuxième quatrain. Si Le Monde ne publie pas ton poético-reportage, ce sera à désespérer. Comme son travail d'écriture lui avait pris beaucoup d'énergie, il décida de faire une pause et de s'offrir un paquet de pépitos. Il allait encore grossir, mais c'était le prix du génie. Balzac carburait au café ; Alexis aux pépitos. Il rassembla ses dernières forces pour écrire une conclusion en vers:
"Rien ne vaut la baie de Hawke,
Rangoon, et les lanceurs de tomahawks."
Vanessa


Le boxeur Birman se promenait le long de la baie de Hawke au bras de sa femme Demerara. Il rejoignait son vieil ami Saltillo du Nicaragua avec qui il avait tant combattu. Il était triste et hésitait à s ‘asseoir auprès de son ami. Saltillo le regard hagard se démangeait la jambe droite d’où un morceau de chair putréfié se détacha au gré du ressac de la marée. 

Rangoon en eu un haut le cœur puis se forçant à venir à la hauteur de son compagnon, lui sourit. Saltillo donna le change et lui fit signe de s’asseoir à ses côtés. Fouillant le sable, il y déterra une bouteille prête à déboucher, un Bordeaux de 1947, « à la vie et sa beauté lorsqu’elle rencontre l’amitié », « à la vie et à la beauté de l’amitié dans l’adversité » répondit Rangoon. 

Ils burent sans mot dire, le regard émerveillé par le couché de soleil sur cette baie de Nouvelle Zélande, un soir d ‘été où l’un d’eux mourrait du Scarborough, en paix. 

Lors de son voyage vers Hadès, Saltillo était ébloui de chiffres et de sons cachés par une lumière étincelante.

« Qu’est-ce donc » s’interrogea-t-il ? 
« C’est le monde que tu quittes » entendit il en lui. 

« Qui me parle ? » 
« L’hôte du monde où tu vas. » 

« Pourquoi ces chiffres, pourquoi ces noms ? » 
« Tu quittes le monde et ces pays, tu en ressens l’adversité. Tu vois au départ tout était un, et puis le verbe et l’envie ont divisé. Sois en paix, tu rejoins l’unité. » 

« Pourquoi ces chiffres associés à ces noms ? » 
« Parce qu’ils veulent tous être les premiers ou les plus fort. Tu vois le Nicaragua on ne l’entend pas, les Etats Unis en 209 reculent d’une position : il faut associer le 2 et le 9 qui font 11 puis 1 + 1 ce qui en fait le second, la Birmanie en 145 crie et veut croire en son rôle de premier… » 

« Et les autres ? » 
« Les autres ? Bordeaux et la France se cantonne à l’année de sa meilleure cuvée et la baie de Hawke au nombre de ses égarés ».
Loïc