Atelier d'écriture

L’atelier d’écriture est l’occasion de jouer avec les mots, de faire entendre sa voix, d’écouter celle des autres, de se découvrir. C’est avant tout une expérience ludique, le plaisir de réaliser quelque chose et de le partager. À chaque séance l’animatrice propose de nouvelles consignes, qui servent de point de départ à l’écriture. Cette règle du jeu, par son aspect contraignant, permet de libérer l’imagination. On n’est plus devant une inquiétante page blanche, mais devant une proposition d’écriture, qu’on pourra à son gré suivre de près ou subvertir discrètement. C’est ce qui fait tout le sel de la lecture des textes : on se rend compte que chaque participant a traité la consigne de façon personnelle, provoquant la surprise, le rire ou l’émotion. Les échanges, qui se font dans un esprit curieux et bienveillant, permettent à chacun de prendre du recul sur son propre texte.

Atelier n°4


Proposition 1 : Évocations en acrostiches 


Sur le thème de Noël : chacun choisit un objet et l’inscrit verticalement sur sa feuille ; puis écrit un texte décrivant cet objet, chaque ligne commençant par la lettre du mot choisi.


Proposition 2 : Raconter une rencontre 


À partir du « Carnet du jour » du Figaro. Comment se sont-ils rencontrés ?


Proposition 3 : Écrire sans réfléchir 


Quelqu’un lance un mot à voix haute, et tout le monde écrit une première phrase contenant ce mot inducteur. Puis un autre participant lance un autre mot qu’on intègre à la deuxième phrase, etc. Le tout doit former un texte cohérent.

Quelques textes du 4e atelier


Acrostiches de Noël


Cachées à l’abri des regards gourmands,
Ou accrochées au sapin scintillant,
Nul ne connaît l’heure de la dégustation,
Finalement, devra-t-on vraiment attendre le réveillon ?
Il serait si raisonnable de réfréner ses envies,
Si sage de ne pas être perverti,
En réalité, que nous dicte notre cœur ?
Rien, si ce n’est que pour accéder au bonheur
Il suffit parfois d’une broutille – petite, mais pas rabougrie !
Et de céder à la tentation d’une confiserie.
Hélène 


Récits de rencontres à partir de faire-parts


Assise à la proue du bateau, les embruns caressant délicatement son visage, Marine regardait pensivement le soleil disparaître derrière la ligne d’horizon. Comme chaque soir depuis bientôt 18 ans -elle en avait aujourd’hui 22 – elle se demandait quand viendrait le moment pour elle d’accoster définitivement, de quitter le bateau de son père pour ne plus jamais y remonter. 
Hélas, le père de Marine, le capitaine de vaisseau Olivier Josselin de Vouvray, célèbre dans le monde maritime pour avoir héroïquement repoussé une attaque de pirates dans l’océan indien en mai 2010, élevait sa fille dans la droiture et lui refusait tout écart dans ce qu’il considérait être une bonne éducation. Marine se désolait de cette situation et pleurait doucement, le soir venu, lorsqu’elle arpentait le pont supérieur de ce qu’elle appelait désormais sa prison flottante. 
Un matin de décembre, alors que le navire s’approchait des côtes égyptiennes – Alexandrie était la prochaine escale –, Marine demanda à son père si, exceptionnellement, il l’autoriserait à descendre à terre afin de se promener dans le souk et de s’imprégner du parfum des épices qu’elle aimait tant. À sa grande surprise, son père accepta et lui accorda une heure de liberté. 
Dans les allées sinueuses du souk, au milieu des marchands d’épices et de souvenirs bon marché destinés au prochain groupe de touristes, Marine se sentait vivre. Elle oublia bien vite ses tourments, faisant virevolter sa robe légère devant des Égyptiens ébahis et des touristes étonnés. Elle ne vit pas tout de suite le jeune homme, penché sur un sac d’épices, et qui appartenait à un groupe de Français en escale dans la ville. Elle continuait de tourner sur elle-même quand elle le percuta. Celui-ci tomba la tête la première dans un sac de cumin en poudre, ce qui rendit furieux le marchand et faillit étouffer le pauvre jeune homme. 
« Oh ! Je suis affreusement désolée ! », s’écria la jeune femme en l’aidant à se relever et en essuyant son visage avec son délicat mouchoir. A sa tenue vestimentaire, elle devina qu’il était français. « Je m’appelle Marine » continua-t-elle, afin de dissiper la gêne qui s’installait. Le jeune homme, une fois débarrassé l’excès de la fine couche d’épice qui lui chatouillait les narines et lui brouillait la vue, fut immédiatement ébloui par la beauté de Marine. « Je m’appelle Antoine », bredouilla-t-il, retenant difficilement une envie d’éternuer. Ce qu’il fit. Cela fit beaucoup rire Marine, qui lui proposa de continuer la visite du souk en sa compagnie. Antoine accepta avec joie, trop heureux de ne plus subir les propos récités machinalement par leur guide. L’attrapant par le bras, Marine entraîna un Antoine encore reniflant au plus profond du souk. 
Et c’est ainsi que, quelques mois plus tard, on put lire dans le carnet du jour du Figaro, l’annonce suivante : 
                    M. Alain Vateau 
                    Et Mme, née Delphine Le Blanc, 

                    Le capitaine de vaisseau (e.r.) Olivier Josselin de Vouvray 
                    Et Mme, née Marie-Antoinette de Larivier 

                    ont la joie de vous annoncer 
                    les fiançailles de leurs enfants 

                    Marine et Antoine 
Hélène 


Écrire sans réfléchir


pendule, chaise, poubelle, paradis, lunette(s), bouilloire

À l’ouest, toujours plus à l’ouest ! indique encore mon pendule. J’étais debout sur une chaise, au milieu du salon, et mon pendule s’agitait en tous sens au bout de mon bras. Cela faisait des mois qu’il m’indiquait l’ouest, toujours l’ouest. J’en avais tellement marre que j’étais prêt à le jeter à la poubelle. Je vivais un enfer, je savais maintenant que jamais je n’atteindrais ce paradis perdu qui m’attendait pourtant quelque part, j’en étais sûr. Peut-être qu’en regardant dans ma lunette, je verrais enfin l’île de mes rêves ? Alors, que vois-je… Ah, flûte, je n’aperçois qu’une bouilloire… 

Hélène

Atelier n°3


Proposition n°1 : Texte à trous 

On remplit un texte à trous avec des mots qui commencent tous par la même lettre choisie en commun. Et tant pis pour le sens !
Aujourd'hui, on teste le E puis le G.


Proposition n°2 : Écrire à partir de slogans publicitaires 

On constitue une liste de slogans publicitaires. Puis chacun en choisit une dizaine et les intègre à un texte, de façon aussi naturelle que possible.


Proposition n°3 : Écrire partir d’œuvres d’art

Quelques textes du 3e atelier


Texte à trous


Les éléphants sont souvent esthètes. Un jour, un de ces énergumènes décida d'étancher un étang. Ce n'était pas évident, mais il faut savoir épater. Aussi, plein d'élan, il se lança dans cette entreprise. Ce fut élégant. Toutes les eaux disparurent dans l'étrangeté.

Les gymnastes sont souvent gourmands. Un jour, un de ces gourdots décida de griller un géranium. Ce n'était pas gagné, mais il faut savoir gruger. Aussi, plein de gravité, il se lança dans ce gateau. Ce fut grandiose. Tous les grumeaux disparurent dans le gratin.


Écrire à partir de slogans publicitaires



Margot a beaucoup hésité avant de s'inscrire sur un site de rencontres. Mais elle se sent très seule depuis sa rupture, et au boulot elle ne rencontre que des esprits bornés, tous unis contre la vie chère mais pas contre l'ennui. Au moins, sur internet, elle pourra élargir son horizon, et peut-être, qui sait, rencontrer la perfection au masculin.
Elle vient à peine de déposer son annonce : « jeune femme 27 ans, drôle, sympa, cherche jeune homme même tranche d'âge, bon esprit, assurément humain, ayant le goût des choses simples, pour relation durable », et déjà les réponses affluent. Elle ne pensait pas avoir tant de profils à éplucher ! Kevin, Marcello, Lucas... à qui le tour ?
Ce site est vraiment fantastique, songe Margot. Vous avez juste à exprimer une demande, et vos envies prennent vie. Elle déchante un peu en lisant des messages machos ou mielleux, parfois bourrés de fautes d'orthographe. Mais certains de ses admirateurs valent le détour. Le plus beau est sans conteste Lucas, qui pose en marcel pour montrer sa musculature engageante et sa peau de miel. De plus il écrit bien, il a de l'humour et n'est pas prétentieux. Le poids des mots, le choc des photos, réunis en un seul homme ; que demander de plus ?
Margot lui répond, et de fil en aiguille ils décident de se rencontrer. On verra bien, se dit Margot. Au pire je m'aperçois que nous n'avons pas les mêmes valeurs, et l'histoire s'arrête là. Et au mieux... qui sait ? Nous ferons notre voyage de noces à Tahiti, parce que je le vaux bien !
Vanessa


Écrire partir d’œuvres d’art 


Bonnard, La Toilette 


Peau nue. Chair fraîche. Abandonnée à tout regard, à toute caresse, à toute violence. 

Corps offert, esseulé, assoiffé d'amour et de tendresse, condamné à la sécheresse, à la pauvreté, à la vieillesse. 

Bientôt cette peau juvénile se couvrira de ridules, minuscules puis de plus en plus marquées. Empreintes d'une vie si personnelle, si intime, si secrète. Qui disent nos peines et nos joies, nos craintes et nos espoirs. 

Matière éphémère qui tisse nos jours et nos nuits. 

Marine


Camille Claudel, La valse



La femme d’abord. Elle est fine et musclée. L’inclinaison de son buste, de sa tête, la font supposer étourdie par la musique, le mouvement. Mais la musculature de son dos, tendue, crispée, contraste avec le haut du buste : elle est en attente, pas tout à fait abandonnée. D’ailleurs sa main, comme hésitante, ne repose pas totalement dans celle de l’homme. Sa robe froissée suggère un tourbillon. Mais elle n’est pas achevée, et de fait suspendue dans le temps et l’espace. 

L’homme, lui, est sûr, dominateur, protecteur. Il la retient de tomber, il ne doute pas de lui. II semble accentuer sa chute pour mieux la retenir, ne lui laissant pas d’autre choix que de se soumettre. 

Véronique


Atelier n°2


Proposition n°1 : cadavre exquis 


1) Sur le modèle :
- Sujet (groupe nominal)
- c'est comme...
- parce que...

2) Classique :
- sujet
- verbe
- complément d'objet
- complément circonstanciel


Proposition n°2 : Logo-rallye 


Chaque participant choisit un mot; on les met en commun pour constituer une liste. Puis chacun écrit d'un texte incluant ces mots si possible dans l'ordre de la liste.


Proposition n°3 : Écrire à partir d'une première phrase imposée. 


« Il est des jours à Paris où la foule est une forêt de visages inconnus. Il en est d'autres où chaque tournant de rue est un lieu de rencontres. » (Robert DESNOS, Le vin est tiré...)

Proposition n°4 : Écrire sans réfléchir 


Quelqu’un lance un mot à voix haute, et tout le monde écrit une première phrase contenant le mot inducteur. Puis un autre participant lance un autre mot ; on continue à écrire en intégrant ce mot à la deuxième phrase du texte, etc.

Quelques textes du 2e atelier

Cadavres exquis


Le cerisier en fleur
c'est comme un ouragan de printemps
parce que ça ne me plaît pas du tout d'obéir.

Un regard absent
c'est comme la neige en été
parce que les philosophes ont la barbe longue et les idées noires.

Le canari jaune
c'est comme du lard qui grille
parce que c'était lui, parce que c'était moi.

La tour Eiffel tout endimanchée
c'est comme un arbre fleur
parce que j'avais vu exactement le même modèle chez Darty hier.

La Reine Mère
c'est comme une soirée d'automne
parce que le jardin secret était ouvert.

Le petit chat gris aux yeux orange
c'est comme une porte fermée à double tour
parce que les chats ont neuf vies.

Le grand Anatole regarde intensément une vieille pomme véreuse avec délectation.

La fillette en robe rouge et à longues tresses a attrapé le saxophone de mon voisin c'une manière très insolente.

Le petit Poucet mange une valise pleine de théières dans un manoir lugubre du 17e siècle en Écosse.

La cantatrice de l'Opéra de Paris dégustait la pelouse attendant d'être tondue dans une faille spatio-temporelle.


Logo-rallye


bibliothèque, mystère, tisane, phrase, sapin, banane, omelette, étoile 


« Double meurtre à la bibliothèque Paul Valéry : le mystère s’épaissit ». 
De notre envoyé spécial à Saint-Vlatin, Sylvain Smet. 

Les policiers chargés de l’enquête sur le meurtre de Josiane et Fernand Carton, survenu dans la soirée du 10 octobre au rayon littérature en gros caractères de la bibliothèque Paul Valéry, se trouvent chaque jour confrontés à des indices de plus en plus troublants. En effet, après avoir retrouvé près des corps un sachet de tisane où était écrite, à la main et de façon quasi illisible, une phrase énigmatique « Rendez-vous à 22 h, le 10 octobre, devant le livre "Sapins et autres conifères" à la bibliothèque Paul Valéry », les enquêteurs ont découvert ce matin que Fernand Carton avait contracté une dette auprès de Joseph Lesplat, l’épicier du village. Ce dernier a informé la police que M. Carton lui devait la somme de 3,70 euros pour l’achat de bananes qu’il n’avait pu payer en raison d’un prétendu oubli de porte-monnaie. La vengeance serait-elle au cœur de cette sombre affaire ? « Cela reste une hypothèse crédible », affirmait ce matin, lors d’une conférence de presse, le commandant de police en charge de l’enquête, Pierre Chopin. « On ne fait pas d’omelette sans casser d’œufs, continua-t-il. M. Carton savait qu’il courait un risque de représailles en n’honorant pas sa dette auprès de M. Lesplat. ».
Josiane et Fernand Carton se trouvaient-ils au mauvais endroit, au mauvais moment ? L’épicier leur a-t-il volontairement donné rendez-vous à la bibliothèque et, pris d’un coup de sang, se serait-il acharné sur eux avec un livre à gros caractères ? Une chose est sûre : la bonne étoile des époux Carton ne brillera plus dans le ciel de Saint-Vlatin. 
Hélène


À partir d'une première phrase imposée


Il est des jours à Paris où la foule est une forêt de visages inconnus. Il est est d'autres où chaque tournant de rue est un lieu de rencontre.
Je marche sans penser à rien, les yeux dans le vague, porté par mes pieds qui me conduisent comme chaque jour vers la station de métro, mon attaché-case dans une main, ma tasse isotherme dans l'autre, quand un brusque mouvement dans mon champ de vision me tire de mon hypnose matinale. Un homme a surgi devant moi, il me barre le passage de son corps et me regarde fixement.
Je le regarde à mon tour, avec curiosité et un début d'agacement car il brise les règles implicites du trottoir à l'heure de pointe ; et voilà que je le reconnais. Mon coeur s'agite violemment, mes jambes fléchissent, mon front devient moite. C'est Rico, un fantôme venu de ma vie antérieure, que je croyais bien tranquille dans sa cellule de la Santé. Il rit de son petit rire sec, sans joie, qui annonce les ennuis.
- Tu me remets, à ce que je vois. Je t'ai manqué ?
Je bredouille quelque chose, je ne sais pas moi-même ce que j'essaie de dire. Rico lance son vilain rire en direction de mon attaché-case.
- Qu'est-ce que tu trimballes là-dedans ? Les vingt-cinq sacs que tu me dois ? Et ton déguisement, c'est quoi au juste, une panoplie de ministre ?
- Je... Je suis banquier maintenant. Enfin, conseiller bancaire.
Rico émet un sifflement.
- Ben mon gars... Le p'tit Kiki, banquier ! T'as dû bien maquiller ton CV. Bon , trêve de plaisanterie. Suis-moi, on a un compte à régler tous les deux.
- Je ne peux pas, je commence à 9 heures...
Rico ouvre sa veste pour me montrer le pistolet.
- Tu as un mot d'excuse. Suis-moi.
Je soupire. Il est des jours à Paris où on ferait mieux de rester couché.
Vanessa


« Il est des jours à Paris où la foule est une forêt de visages inconnus. Il en est d’autres où chaque tournant de rue est un lieu de rencontre. » Mais où a-t-il vu ça ce… comment déjà ? Ah oui, Robert Desnos ! Moi, à Paris, tout ce que je vois à chaque tournant de rue, c’est le parisien pressé, la tête baissée vers le trottoir gris, le téléphone dans une main et le journal dans l’autre, et qui me rentre dedans au son d’un « Oh, hé, ça va pas non, pourriez pas faire attention espèce de tocard ! » Et encore, je suis poli.
Mais bon, je fais des efforts, je ne dis rien, j’essaie de me fondre dans la masse, de faire comme tout le monde. Tenez, l’autre jour, j’ai même fait la queue au cinéma du quartier, pour un film à grand spectacle, Gravity je crois. Évidemment, arrivé devant le caissier, j’ai prétexté que je ne retrouvai pas mon portefeuille avant de sortir du cinéma comme si de rien n’était.
Parfois aussi, au fil de mes errances, je fais des trouvailles intéressantes, comme ce guide de tous les mots utiles au Scrabble – jeu auquel je suis imbattable à présent – ou encore ce roman de Robert Desnos, Le vin est tiré. Le titre m’a évidemment tout de suite interpellé, car je ne suis jamais contre un petit verre de rouge de temps en temps. Mais attention, n’allez pas vous faire des idées : je ne suis pas porté sur les alcools forts pour un sou. Alors qu’un sou, ça oui, je cours toujours après… Je me suis donc installé, ce matin, sur mon banc de la place Saint-Sulpice, et j’ai commencé la lecture du livre de Desnos. Vous auriez vu la tête des passants qui semblaient se dire : « Cet individu lit Robert Desnos et ose nous demander de déposer une pièce dans un gobelet en carton défraîchi ! Mais dans quel monde vit-on grand Dieu ! ». Moi, ça fait longtemps que tout ce mépris me laisse indifférent. Il a raison, Desnos : la foule ressemble vraiment à une forêt de visages inconnus. Mais je garde espoir. Un jour, je connaîtrai, moi aussi, la joie d’une rencontre au tournant d’une rue.
Hélène


Écrire sans réfléchir


assaut, choucroute, boutonnière, crépuscule, amande, bijou, plastique, lunette 

Décidément, je n’étais pas fait pour ce métier. Quand le colonel cria « A l’assaut ! », je restai immobile. Je repensai à la copieuse choucroute dégustée la veille en compagnie de Simone la douce. J’avais encore à ma boutonnière la rose qu’elle m’avait offerte en souvenir de notre nuit d’amour. J’étais tout à mes pensées quand le colonel hurla à mon oreille : « Et alors, Landon, on compte rester planté là jusqu’au crépuscule ? ». Je savais que si je ne bougeais pas, au mieux c’était l’amende, au pire le mitard. Et là, plus question d’obtenir une permission pour aller acheter un bijou à ma tendre Simone. Bien sûr, je pourrais toujours lui bricoler une babiole en plastique du fond de ma geôle, mais je serais étonné qu’elle apprécie. Je n’avais plus qu’une seule solution : je chaussai mes lunettes, pris mon courage à deux mains et je partis au front.
Hélène 


Je me prépare à l'assaut. Aucun rapport avec la choucroute, mais je pense soudain qu'en rentrant il faudra que je fasse nettoyer la chaudière. En attendant l'assaut, je vérifie mon équipement et je glisse une marguerite dans ma boutonnière. Je suis toujours élégant, de l'aube au crépuscule, c'est un principe. Si je porte un costume vert amande, je choisis une cravate rose. Si je porte une couleur plus classique, je l'égaie avec un bijou, par exemple une chevalière. Mais que je sois d'humeur extravagante ou plus sérieuse, jamais, au grand jamais, je ne porte quoi quoi ce soit en plastique –sauf malheureusement ici à l'armée. Mon seul réconfort, à part ma fleur à la boutonnière, ce sont mes lunettes Armani – une touche de chic dans un monde de brutes.

Vanessa


Atelier n°1


Proposition n°1 : Inventaire 


Mes petits plaisirs de la rentrée.


Proposition n°2 : Échange de lettres


1er texte :
Chaque participant invente un personnage et une situation de voisinage. Le personnage écrit une lettre à son voisin ou à sa voisine (lettre de plainte, d'amour, d'invitation...).

2e texte :
Chacun reçoit une des lettres et rédige la réponse du voisin / de la voisine.

Proposition n°3 : Écrire à partir d’une photo


Forme libre

Quelques textes du 1er atelier


Inventaire : mes petits plaisirs de la rentrée  


- Se rappeler au bon souvenir de l’étagère où sont rangés les mouchoirs
- Commencer une nouvelle activité professionnelle
- Penser aux prochaines vacances
- Reprendre le chemin de l’atelier d’écriture
Hélène
- Ressortir ses vêtements d'automne et sa couette d'hiver
- Tailler des crayons neufs
- Entamer un nouvel agenda
- S'abonner à un magazine dont on ne lira que les deux premiers numéros
Vanessa

Échange de lettres 



Chère voisine, 

J’entends avec plaisir que vous êtes revenue de vos séjours à l’étranger. J’imagine que vous avez donné des concerts dans diverses villes d’Europe. Vienne, Berlin, Budapest… que de découvertes dans ces villes. 
J’imagine le voyage, les répétitions avec l’orchestre, le stress qui monte avant le concert, le grand silence avant de se mettre à jouer, le son du piano qui s’envole au dessus des spectateurs et de nouveau le silence à la fin, avant les applaudissements. Et encore votre sourire, votre robe chamarrée, vos cheveux apprêtés. 
Mais vous êtes revenue et je retrouve le plaisir de vous entendre répéter , répéter encore. Le son du piano sera pour moi seul, passant à travers les murs ou les fenêtres, ouvertes encore pendant la fin de l’été. Qu’allez vous répéter cet automne ? Savez vous que derrière les murs de votre salon un admirateur muet vous écoute avec ferveur ?
Chère voisine … bon retour chez nous. 

Votre voisin dévoué 
(Véronique)

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Chère Yolande, 


J’ai eu le plaisir de sentir, dimanche dernier, en ouvrant mes volets, une fleur de ton magnifique dipladénia m’effleurer les cheveux. Sa couleur rouge vif a immédiatement réveillé mes pupilles encore endormies et a déclenché chez moi une joie intense qui ne m’a ensuite plus quitté de la journée. Je n’avais jamais prêté attention à ton balcon auparavant. En levant les yeux, ce dimanche matin, je n’ai pu qu’être émerveillé par la multitude d’arbustes, plantes, fleurs, qui embellissent le sixième étage de notre immeuble. Comme tu le sais peut-être, je suis employé de l’entreprise de pompes funèbres « Au revoir là-haut », qui est située à l’angle de notre rue et de la rue Legrand. Je m’intéresse donc aux fleurs et à toutes les ornementations qui apaisent les douleurs du deuil. Mais je dois admettre que j’ai rarement vu d’aussi sublimes compositions et d’aussi éclatantes associations de couleurs que celles exposées sur ton balcon. Je souhaitais donc te proposer de mettre ta sensibilité florale au service de notre entreprise. Je suis certain que le chagrin des familles se dissipera à la seule vue de tes bouquets. Si ma proposition t’intéresse, n’hésite pas à sonner à ma porte un soir, je serai ravi d’échanger, autour d’une tasse de thé, nos impressions au soleil couchant. 

Bien à toi, 
Jean-Christophe (ton voisin du 5ème) 
(Hélène)

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Réponse à la lettre envoyée par le petit Jérémy à Madame Henri 

Mon cher petit Jérémy, 

J’avoue, en effet avoir eu du mal à supporter le bruit que tu faisais en jouant au ballon dans la cour, des heures durant, et surtout au moment de la diffusion de ma série préférée Derrick. Impossible de me concentrer sur ses enquêtes ! Mais en te voyant taper dans la balle tout seul, en plein mois d’août, je dois admettre que j’ai éprouvé de la tristesse à l’idée que tu n’avais même pas un petit copain pour partager rires et jeux. Je me suis donc dit qu’il valait mieux t’occuper les mains plutôt que de continuer à te gronder en criant par la fenêtre, et j’ai ressorti de mon placard les vieilles recettes de pâtisserie que je tiens de ma grand-mère Rose. 
J’ai pris beaucoup de plaisir à te transmettre ces secrets de cuisine et j’ai pu me rendre compte que tu n’étais pas le garnement que je croyais. Je viens de goûter tes muffins à la cannelle et je les trouve délicieux : tu apprends vite ! Ma grand-mère Rose aurait sans aucun doute beaucoup apprécié, elle aussi, le goût de la cassonade. 
Je te propose donc de venir me rendre visite à chaque fois que tu auras envie de compagnie, j’ai encore de nombreuses recettes à te faire découvrir. 

Madame Henri 

(Hélène)

Écrire à partir d'une photo




Lumière dans la nuit. Luciole isolée dans l'obscurité.
Les ténèbres sont profondes, et toi si petite, si fragile.
Tu sembles prête à te faire avaler, engloutir, par l'immensité noire, dense, glaciale.
Il serait si facile de se perdre dans ce monde sans repères, hostile. Si facile de ternir, de mourir, pour se fondre dans la masse uniforme.
Mais tu as cette force en toi, petite luciole, d'éclairer le monde, de porter la lumière là où elle n'est pas. De transformer le néant en relief, en couleurs, en palpable, en possible.
Reste vaillante, petite luciole, pour nous guider dans l'inconnu.
Marine




La tempête menaçait ce soir-là. Tous les habitants avaient sagement suivi les consignes de sécurité et étaient restés calfeutrés chez eux. Depuis la dernière crue de la Seine au mois de novembre dernier, qui avait causé la mort de 18 000 parisiens et provoqué l’effondrement de tous les immeubles bordant le fleuve déchaîné, les annonces du préfet de police étaient prises très au sérieux par la population. On ne lisait plus dans le Parisien de micro-trottoirs de citadins aigris par la multiplication des limitations de vitesse pour les voitures ou par la mise en place de la circulation alternée en cas de pic de pollution. Tous maintenant soutenaient les mesures de prévention et de protection contre les catastrophes climatiques prises par un Etat qui, il y a encore deux ans, aurait été traité de fossoyeur des petites gens et des automobilistes. Un simple cataclysme a tout changé. 

Pourtant, un homme, un seul, fait face aux vents et marées qui attaquent désormais quotidiennement la capitale. 

Inébranlable, il reste stoïque face aux événements, imperturbable au milieu de son bureau du 14ème étage du seul immeuble qui a résisté à la vague géante du 17 novembre. Car oui, le ministère des finances, et l’homme qui est à sa tête, sont comme figés dans le temps, les pieds dans l’eau mais la tête sur les épaules, seuls vestiges d’une époque révolue où les cars remplaçaient les trains et où les voitures étaient reines. La nature a aujourd’hui clos ce chapitre de l’histoire moderne. 

Hélène


Atelier n°10


Proposition n°1 : Texte à trous 

On remplit un texte à trous avec des mots qui commencent tous par la même lettre choisie en commun. Et tant pis pour le sens ! 
Aujourd'hui, on teste le L puis le E. 


Proposition n°2 : Le jeu oulipien ABA 

- Chacun note sur sa feuille une phrase de début (A) et en bas une phrase de fin (A’), puis la passe à son voisin. 
- Au milieu, chacun note une phrase de liaison : B. 
- Le voisin écrit deux phrases de liaison : C et C’. 
L’ensemble des phrases lues à la suite doit constituer un texte cohérent. 


Proposition n°3 : Écrire une histoire à plusieurs 

Au premier tour,  une personne un début d'histoire. Au deuxième tour un autre participant écrit le milieu. Au 3e tour une 3e personne rédige la fin.

Quelques textes du 10e atelier


Texte à trous


Un jour, l'éléphant de l'empereur décida de s'époumoner. Il commença par éteindre les étoiles. À ce moment-là, il y eu un éternuement. C'était très étonnant. Alors l'empereur se mit à errer. C'est ainsi que l'éléphant devint éclaireur.

Un jour, le loup du lac décida de se libérer. Il commença par limer le lien. À ce moment-là, il y eu un lézard. C'était très louche. Alors le loup se mit à lutter. C'est ainsi que le loup devint libre.

Un jour, le lamantin du Liban décida de léviter. Il commença par limoger le limité. À ce moment-là, il y eut un lézard. C'était très libérateur. Alors le lamantin se mit à larmoyer. C'est ainsi que la loupiotte devint lumière. 

Un jour l'éléphant de l'électricien décida d'écrire. Il commença par égrainer l'emmental. À ce moment-là, il y eut un éclair. C'était très émouvant. Alors l'éléphant se mit à éternuer. C'est ainsi que l'érudition devint épiphanie. 


Jeu oulipien ABA


Déjà tout petit, il voulait être pompier.
Il aimait la couleur rouge et quand ses grands parents l’emmenaient dans la forêt, il courait après les mulots en criant : pin pon ! pin pon ! … Puis en grandissant, il massacra les mulots, martyrisa les écureuils.
L’étape suivante consista pour lui à brûler des petits animaux morts qu’il ramassait dans la forêt.
Ce qui devait arriver arriva : il se fit pincer. Le jour du jugement arriva. On le déclara inapte. Inapte à vivre en ville, en société, bref il était condamné à disparaitre.
Vu le manque de place, son choix était fait, ça sera la crémation.


Caroline, échevelée, le rouge aux joues, furibonde, entra en trombe dans le bureau de sa chef.
Devant sa colère, celle-ci lui fit un grand sourire et lui annonça qu’elle évoluait au poste supérieur, avec évidemment la rémunération appropriée.
Elle sortit les flûtes à champagne, car elle n’avait plus de verre à pied.
Et c’est sur un ton goguenard, qu’elle avoua à Caroline, qu’elle avait, aussi, pensé à elle pour une mise à pied, mais que, devant le manque de personnel, elle s’était résolue, à contrecœur, à la promouvoir.
Les deux femmes se resservirent un verre de blanc, trinquèrent et continuèrent à boire en silence.


Lucie écrivait avec son moignon sans se soucier du qu'en dira-t-on. 
Elle notait les différentes étapes de sa recette secrète, transmise de génération en génération mais que personne n'avait encore réalisée : la potion d'immortalité. 
Il manquait à Lucie un ingrédient pour sa potion magique. 
Son arrière-grand-mère avait trouvé le venin de basilic, sa grand-mère le sang de salamandre ; à son tour elle allait ajouter un ingrédient, le dernier, qui rendrait enfin la potion efficace ; et pour cela elle se rendit au gibet. 


Car sous les arbres des pendus poussent les joncs d'immortalité
Ses idées se bousculaient dans sa tête et il avait bien du mal à se faire comprendre
Ses explications étaient claires pourtant, mais leur mauvaise foi était à pourfendre. 
Il n'aimais pas se retrouver parmi tous ces bavards, car il n'avait jamais rien à leur dire. 
Maintenant il bégayait et perdait pied dans des réflexions alambiquées, il se sentait tel un corbeau hagard ayant lâché son fromage contre les assauts de ces renards. 
Oui, décidément, il avait trop bu, il lui suffisait de voir l'air hilare de ses camarades pour le savoir.


La bouteille trainait sur la moquette, tentatrice de ses nuits, promettant une belle gueule de bois au petit matin. 
Rongé par la culpabilité, il ne pouvait se permettre de s'enivrer pour la soirée d'anniversaire de sa nièce. 
Jamais tante Julie n'aurait toléré un tel laisser-aller. 
Alors il ramassa la bouteille pour la ranger dans le frigo, plaça le tire-bouchon dans le tiroir et prit les clés de la voiture. 
Il était fier d'avoir résisté à ses pulsions alcooliques. 
Il posa les mains sur le volant. 


Écrire une histoire à plusieurs


Il rentra chez lui, ce jeudi soir, alors que les cloches de l’église voisine venaient de sonner neuf fois. Il s’aperçut que le radiateur du salon ne fonctionnait plus. Il en fut fort contrarié, car étant très frileux, il aimait maintenir la température de son appartement à un niveau élevé. Cela lui rappelait, aimait-il le répéter à ses amis, lorsque ceux-ci se rendaient chez lui, la douce moiteur de la forêt amazonienne, où il avait vécu six mois pour un reportage photo.

Immédiatement, il appela le gardien de l’immeuble afin de lui manifester son mécontentement. "Mais Monsieur lui répondit celui-ci, il n’y a pas que le radiateur de votre salon qui ne fonctionne pas, nous sommes au mois d’août, le chauffage est coupé depuis le début du mois d’avril et il fait trente-quatre degrés à Paris. C’est déjà une température difficilement supportable, même pour moi qui suis originaire du Brésil."

Il comprit donc que le gardien ne lui serait d’aucun secours. Agacé, il prit sa tente, son duvet et traversa tout Paris pour rejoindre la serre tropicale du jardin des plantes. Vu l’heure tardive, le jardin était fermé et il ne put donc atteindre son objectif. Il planta alors sa tente sur une bouche de métro, pour profiter de la chaleur de la station. Voilà cinq ans que Marcel est SDF à la gare d’Austerlitz. Il ne se plaint pas, il a chaud et il peut se rendre en journée dans les serres tropicales, dans lesquelles il se remémore, avec nostalgie, l’époque heureuse de ses reportages en Amazonie. Arrêtez-vous cinq minutes pour lui parler, il en a long à raconter.

Hélène, Pierre, Éric 


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Albert venait de s'endormir quand un vacarme assourdissant l'arracha au sommeil. Il se dressa d'un bond, fut pris d'un vertige et dut se rasseoir un instant. Le bruit sourd qui l'avait réveillé ne se répéta pas ; mais il entendait des bruits dans l'escalier, des portes qu'on déverrouillait, des cris de "qu'est-ce qui se passe", "c'est quoi ce bordel?" Il pressa le bouton de sa lampe de chevet, mais elle ne s'alluma pas. 

"Maman !" ne peut-il s'empêcher de crier. Heureusement, dans le tumulte personne n'entendit le voyageur de commerce de cinquante ans appeler ainsi à l'aide. La génitrice ainsi appelée ne s'étant pas manifestée dans la chambre d'hôtel de son fils, celui-ci décida quand même de se lever pour aller aux nouvelles. Il tâtonna un instant pour retrouver ses savates, prit ses précieux échantillons. Toujours en pyjama impeccablement repassé, il décidé d'affronter le palier de sa chambre d'hôtel. À peine la porte franchie, il fut englouti par un tourbillon de personnes en habit de nuit, hurlant, trépignant, en venant aux mains, essayant de gagner les ascenseurs. Le garçon d'étage, essayant de ramener le calme parmi les clients, fut bousculé et ignoré. 

Une âpre fumée dansait du bas des escaliers, virevoltait telle une gitane se rapprochant de tous ses charmes des passagers en dérive de cet hôtel clandestin. Sans papiers votre destin est souvent scellé, Albert le savait et se concentrait sur des visions enneigées, paisibles et transcendantes. les gens commençaient à crier, à se bousculer, heurtaient le mur du couloir sans fin, sans fin et sans vitres, aucune issue sauf cet escalier dont les étages précédents, déjà rendus en cendres, donnaient sur un brasier. Alors les flammes ruisselèrent, montant vers les murs et le plafond. Le reflet de leurs langues imprégnait son regard. Albert sourit, puis, sans comprendre, se jeta dans le gouffre de ce brasier.

Vanessa, Manuel, Loïc

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Theresa s’ennuyait.
Elle s’ennuyait le jour, elle s’ennuyait la nuit. Le jour, elle avait bien ses petites habitudes : Trouver dans ses armoires une robe, que les personnes qu’elle allait rencontrer ne verraient qu’une fois, courir au petit matin dans les rues vides, aller au travail, présenter des rapports, argumenter ses positionnements, parler des ‘’ bonnes pratiques’’, s’énerver parfois contre ses supérieurs dont elle jugeait les pensées archaïques… Pourtant, elle s’ennuyait. Elle essayait bien de ne pas le montrer, mais elle s’ennuyait.

Un jeudi matin pourtant, elle fut surprise en pleine rêverie, d’un hypothétique voyage dans les froids norvégiens qu’elle n’effectuerait certainement jamais, par Miguel, son collègue qui dirigeait le pôle ‘’Développement des Partenariats Internationaux’’. Celui-ci l’avait discrètement observée durant quelques minutes et la trouvait magnifique dans sa jolie robe bleue cintrée par un ruban de satin.

‘’Je t’offre un café ?’’, lui proposa-t-il. Elle accepta du bout des lèvres et suivit Miguel à la machine à café. ‘’Que fais-tu pour les vacances?’’, lui demanda-t-il. Et, sans attendre la réponse, plongea dans une litanie sur ses voyages exotiques et son goût pour les plages tropicales. Il se surpassa, en lui narrant, rigolard, l’histoire de quelques amis partis en vacances au Danemark. ‘’Et pourquoi pas en Norvège’’ s’exclama-t-il, ‘’les femmes doivent-être comme des glaçons dans ces contrées’’. Mon Dieu! Pauvre de moi ! Il est d’un ennui ce Miguel…
Agnès, Hélène, Pierre 


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Adèle avait installé sa charrette place Daumesnil, à son endroit habituel devant la Société Générale. En ce jour de printemps, elle était plutôt d'humeur joyeuse et s'apprêtait à servir ses clients en fruits et légumes, comme elle le faisait depuis si longtemps. 
C'est à ce moment qu'une petite fille se présenta devant elle et lui demande très poliment : 
- Je voudrais les quatre saisons, s'il vous plaît, Madame. 
- Pardon ? lui dit Adèle, interloquée, mais ma petite, je vends des fruits et légumes. Que me demandes-tu là ?

Bon, alors je vais te servir des asperges printanières, des fraises d'été, des marrons d'automnes et des endives d'hiver. Voilà, tu as bien les quatre saisons. 
Satisfaite, la petite fille va chez le disquaire et lui réclame les Quatre Saisons de Vivaldi. 
Rentrée à la maison, elle commence à éplucher ses légumes en écoutant son nouveau disque.
Cependant, quelque chose la chagrine, et comme elle a besoin d'avoir la solution à son trouble, elle décroche le téléphone. 

- Allô, Monsieur Météo ? Je voudrais savoir si on peut être à la fois en hiver, en été, au printemps et en automne. 
- Quoi ! 
- Je ne supporte pas de choisir. Je veux les quatre saisons en même temps. 
- Tu n'as que ça à faire, de déranger les grandes personnes avec tes blagues idiotes ? Va regarder la télé et laisse-moi tranquille. J'ai du travail. 
Et Monsieur Météo raccrocha. 
Ainsi s'acheva la quête de cette bizarre petite fille. 

Pierre, Eric, Vanessa


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La comtesse Irina tapa sur la vitre de la luxueuse Bentley. Son chauffeur Hervé toucha sa casquette et ouvrit la vitre de communication. 
- Est-ce que nous arrivons bientôt ? s’impatienta-t-elle. 
L’homme éleva la voix pour couvrir le bruit du moteur. 
- On ne devrait plus être loin, Madame la Comtesse. La comtesse soupira dans son élégant manteau de fourrure. 
- C’est que nous sommes attendus, Hervé. Nous devons arriver avant la tombée de la nuit. Le chauffeur jeta un coup d’œil à la colline qui s’étendait devant eux. 

Il n’était pas à convaincre, Hervé, d’arriver avant la nuit, de passer l’orée du bois et gravir la colline avant que la pâleur de la lune étende son voile lacté sur la vallée et que les bêtes grises et sombres s’éveillent et partent à l’affut du sang. 
Les vitres fermées de la Bentley protégeaient parfaitement sa maîtresse du feu ardent des rayons du jour. Plus de quarante sept ans qu’il la servait avec dévotion en espérant qu’un jour elle lui octroie l’immortalité des ses crocs acérés. 

Soudain, Irina s’écria : 
- Hervé, je ne sais pas ce qu’il m’arrive mais je ne me sens pas bien du tout ! 
- Mais Madame la Comtesse, nous y sommes presque. Regardez les beaux lévriers qui accourent à notre rencontre. Ils ont les crocs bien polis, le pelage digne et bien lissé. 
- Mais Hervé, dîtes-moi, qui suis-je ? A qui appartient ce manoir ? A qui sont ces bêtes ? 
La belle comtesse Irina retira son manteau de fourrure. 
- Hervé, débloquez la porte s’il vous plait, je veux sortir ! 
- Mais, Comtesse … ? 
- Hervé, faites ce que je vous dis ! 
La belle Irina retira ses épingles ; son chignon était défait et ses boucles de cheveux d’argent pendaient sur ses épaules. Elle se dévêtit complètement. 
 - Hervé ! Ouvrez-moi ces portes, obéissez-moi que diable ! C’est ici que je veux me reposer. 
Alors Hervé déverrouilla les portières et Irina sortit. Elle se mit à marcher dans l’herbe. Elle marcha droit devant elle jusqu’à disparaître.

Manuel, Loïc, Agnès




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Époisses, Roquefort, camembert, sa vie. Robert était fromager et fier de son métier. Il se levait tôt tous les matins pour installer son stand sur les marchés. Son jour favori : le mercredi, car son étal faisait face à celui d’Émilie, vendeuse de primeurs. 
Petits pois, carottes et fraises, sa vie. Emilie vendait des fruits et légumes, mais n'aimait pas son métier. Elle redoutait le froid de l'hiver et les grosses chaleurs de l'été. Son jour détesté : le mercredi, car son étal faisait face à celui de Robert. Elle ne supportait pas l'odeur du fromage. 

Pour corser cette comédie romantique, il faut mentionner également Jean-Claude, l'ex-mari d'Emilie, qui vendait deux stands sur sa droite des vêtements pour enfants et des ustensiles de cuisine tombés du camion. Il avait perdu son potager et son verger dans le divorce, mais plus que tout, Emilie lui manquait. Chaque mercredi, il faisait un maximum de bruit avec sa marchandise, criait comme un sourd et riait très fort avec les jolies clientes. Emilie n'en pouvait plus. Robert rêvait d'étrangler Jean-Claude. Jean-Claude était bien content de leur pourrir la vie à tous les deux. 

"Allons, poulette, ricanait Jean-Claude, tu vas pas en faire un fromage !" 
Emilie, bonne poire, encaissait sans rien dire. Elle finit quand même par aller voir Olivier, le responsable du marché. Sans lui raconter de salade, elle sut trouver la bonne carotte pour qu'il éloigne l'affreux Jean-Claude. Celui-ci, par le plus grand des hasards, se fit contrôler par la brigade des marchés. Les pandores le firent passer à la casserole après l'avoir laissé longuement mijoter.
Encouragée par ce succès, la belle jardinière se servit de son influence pour éloigner son fromager soupirant. Olivier changea l'ordre des étals et inséra un brave charcutier entre nos deux marchands.
C'est ainsi que, sur ce marché, on mange désormais de la choucroute entre la poire et le fromage.

Eric, Vanessa, Manuel

Atelier n°9


Proposition n°1 : Cadavre exquis

sur le modèle :
- Je…
- C’est parce que tu…


Proposition n°2 : Bouts rimés

Chaque participant crée deux rimes (deux mots qui riment entre eux). On note cette liste de rimes et chacun écrit un poème avec ces rimes, dans l'ordre.


Proposition n°3 : Ecrire à partir d’un objet




Proposition n°4 : Ecrire sans réfléchir

Quelqu’un lance un mot à voix haute, et tout le monde écrit une première phrase contenant le mot inducteur. Puis un autre participant lance un autre mot ; on continue à écrire en intégrant ce mot à la deuxième phrase du texte, etc.

Quelques textes du 9e atelier


Cadavre exquis 


Je suis snob.
C'est parce que tu dors tout le temps.

J'aime la fourrure.
C'est parce qu'il n'y a pas d'os dedans.

Je sors en boîte tous les soirs.
C'est parce que tu regardes tout le temps ta montre.

Je pète la forme, c'est dingue.
C'est parce que tu es né un 25 décembre.

J'aime me rendre à la Poste.
C'est à cause des rond-points tordus.

J'ai une envie de fraises.
C'est parce que tu sautes à la corde.

Je ne sais rien, j'ai tout oublié.
C'est parce que tu as les cheveux blonds.

J'aime les bananes.
C'est parce que tu fais tout de travers.

J'ai une envie de fraises.
C'est parce que sautes à la corde.


Bouts rimés


paupiettes / tempête ; voiture / biture ; vacances / pitance ; désert / RER ; plage / voyage ; paillette / silhouette ; oiseau / château



Dans la poêle chaude trône la paupiette
La sauce rissole, petite tempête.
Pour venir la goûter on prend sa voiture
On veut la savourer, avant la biture.
La paupiette, mazette, même en vacances
On vient de loin pour en faire sa pitance.
Dans les restaurants alentours, c'est le désert
Pour la paupiette, les gourmets, en RER,
se pressent. La garniture, une vraie plage,
s'étale sur l'assiette et vaut le voyage.
Elle est célébrée par les stars en paillettes
Si la paupiette empâte la silhouette,
Le monde chante son goût, même les oiseaux
On la déguste et on entre dans un château
Manuel 


Anorexique 

Elle a vomi toutes ses paupiettes 
Ne supporte pas la tempête 
Toujours malade, même en voiture 
Sans nul besoin d’une biture 
Son estomac est en vacances 
Quand elle s’abstient de toute pitance 
Lui faut une table comme un désert 
Pas l’affluence du RER 
Ou d’un mois d’août sur la plage 
Pour qu’elle fasse un bon voyage 
Pas de banquet avec paillettes 
Pour conserver sa belle silhouette 
Sa légèreté de bel oiseau 
Mais quel enfer, pour ce château !!!... 

Pierre 


Sortant de chez Paulo, lourd de riz et paupiettes,
Je me trouve à la rue au coeur de la tempête
Sans moto ni scooter, encore moins de voiture ;
Je dois rentrer à pied, malgré pluie et biture.
Hébété, titubant, je rêve de vacances
Loin de ce bar, de son vin et de sa pitance
Pitoyable, sur un chameau dans un désert,
Loin de Paris et son terrifiant RER,
Ou bien, classiquement allongé à la plage,
Ou encore, attablé pour un autre voyage
Avec de jolies femmes habillées de paillettes
Ne faisant pas mystère de leurs silhouettes.
Au milieu des coraux, des fleurs et des oiseaux
Je rêve un paradis ou serait mon château.

Vanessa


 Ecrire à partir d'un objet 


D’où viens-tu ? 
Tu es gris comme une souris, tu as l’air usé, rompu et surtout tu ne dis rien ! 
Qu’as-tu à me dire avec tes bras tendus ? tu veux que l’on te prenne par la main ? 
Tu es arrivé par le train de 6h52. Tu as déambulé toute la journée dans les rues des périphéries. Tu as flairé, fouillé, fouiné dans de petits bistrots. Tu as aimé humer l’odeur des paupiettes, tu as cherché des types comme toi. Les as-tu trouvés ? Tu ne dis rien, c’est ta vie, ton teint gris. Mais tu tends toujours les bras, qu’attends-tu ? 
Tu as un œil triste et l’autre qui pétille. 
Hier tu faisais le fier quand ta chemise à carreaux était moins grise. Qu’atttends-tu ? 
Une flèche rapide crève un ballon, une deuxième flèche crève un autre ballon, puis ce sont trois ballons qui viennent d’exploser. 
J’ai gagné au stand de tir à la Foire du Trône. J’ai le choix entre un ballon de foot en porte-clé, un serpent en caoutchouc et toi, avec ta chemise à carreaux. 
Je te mets dans ma poche et je j’embarque ! en route ! 
Agnès


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Petite peluche innocente, quelle est ton histoire ? 

Au secours, il fait noir !
Me voilà secoué entre un tube de rouge à lèvres et, aïe, un trousseau de clés pointues. C'est rangé comme un sac à main de femme, ma parole. Pourtant, je ne suis qu'un petit hérisson en peluche. Je ne prends pas beaucoup de place. J'ai été offert pour les deux ans de Bébé. Je ne peux pas être si vieux et me retrouver dans le sac à main de Bébé, 20 ans plus tard. 

Je me souviens quand j'ai été déposé dans la chambre de Bébé. Ce n'était pas il y a si longtemps pourtant ! J'ai pris un air chaleureux et souriant. J'ai les bras écartés. Il est mignon le petit hérisson. Bien mieux que le doudou sans forme , qui ne ressemble plus à rien à force d'être mâchouillé et de passer à machine. Oui, on peut mettre à la poubelle. D'ailleurs, Bébé a l'âge, maintenant. Hop, hop ! N'oubliez pas la doublure, le doudou de remplacement. À la poubelle aussi ! 

Il faut reconnaître que je suis formidable : j'ai une petite salopette et un nœud papillon tout mignon. Ma salopette, je m'en sers pour jouer avec les collègues. Les voitures en plastique, ça ne tient pas le coup. Hop, hop ! À la poubelle ! On ne garde que le jeu de construction, pour me faire une belle maison. Les Legos trop colorés sont un divertissement inutile. Hop, hop ! À la poubelle aussi ! 

Avec mes habits élégants, j'ai du succès avec les poupées. Le mélange chemise de bûcheron et nœud papillon, ça tombe chez les Barbies, hein ! Les Ken avec leurs smoking qui ne résistent pas aux déchirures et leurs petites chaussures en plastique qui se perdent : Hop, hop ! Direction la brocante ! 

Et je suis coloré, avec ma fourrure claire et ma tignasse sombre. Pas besoins de crayons d'autres couleurs. Je suis tellement beau, qui voudrait dessiner autre chose que ma jolie frimousse ? Hop, hop ! Les crayons jaune, vert, violet, au feu ! Mais aucun dessin ne peut reproduire mon air mutin et ma petite truffe noire. Hop, hop ! Les autres crayons ont bien servi, c'était gentil. Les feuilles ne serviront plus. Hop, hop ! Tout ça au feu, dans la cheminée. 

J'ai les jambes courtes, alors qu'on m'explique à quoi sert ce cheval à bascule. Franchement, pour le bien de la chambre de Bébé, nous ne pouvons pas le garder. Hop, hop ! Par la fenêtre, dans la cour, le cheval à bascule. J'ai bien fait de l'expulser, celui-là. Vous auriez vu l'atterrissage de l'animal, en mille morceaux. Des échardes partout ! Les éclats de bois, c'est un danger public pour Bébé. 

Les petits soldats en plastique qui m'ont donné un coup de main pour faire place nette, ils ne sont pas francs du collier. Ce sont des traîtres qui ont des casques lisses sur la tête alors que mes bonnes petites joues appellent des câlins. Des jouets de guerre, en plastique non recyclé, ce n'est pas un exemple pour les jeunes. Mes compagnons de la première heure, vous êtes finalement des traîtres à la cause de la chambre de Bébé. Hop, hop ! Dans la caisse des jouets qui vont partir en déportation ! 

Ça y est, je me souviens pourquoi je me retrouve dans ce sac à main de femme ! La chambre commençait à être le Paradis Radieux du Hérisson en Jean quand la mère de Bébé est rentrée. Dans la chambre, je trônais dans le lit de Bébé pendant que ce gros bêta inutile dormait dans la caisse des jouets qui vont partir en déportation. Ça été la révolution. Hop, hop ! Je me suis retrouvé dans son sac à main. Une histoire de me rendre dans un magasin... Camarade, il ne faut pas m'en vouloir : je suis « made in China », le pays du Grand Timonier ! 

Voilà pourquoi je suis ballotté dans le noir pendant qu'un téléphone m'enfonce son coin arrondi sur ma petite panse. Puisque je suis là, pas besoin de discuter avec quelqu'un d'autre. Hop, hop ! Par-dessus bord, le portable, par la fermeture éclair. 

Manuel

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Le Hérisson mal poilé 

Cool, c’est moi la vedette ! Me voici enfin exposé aux yeux de tous. 
Ça faisait un moment que je m’ennuyais dans ce tiroir. Il y a belle lurette que Vanessa ne me prend plus pour dormir avec elle. 
Mais là, c’est ma soirée…. The Prickly Super Star.
Je me suis fait un joli pantalon, avec la poche d’un vieux jean et une petite liquette avec un restant de robe vichy que la Bardot m’a donné. Je soigne le look avec des bretelles taillées dans des lacets en cuir, ce ruban va me faire un superbe nœud papillon et le top du top, je me fais la coupe à Mathieu Chedid… La classe… 
Voilà… Ça devrait leur plaire… Enfin, j’espère, parce que je me suis quand même un peu démené.
Non, pas pour concevoir ma tenue. Mais essayez d’enfiler un jean et une chemise quand vous avez le dos couvert de piquants. Vous croyez que c’est facile… Et je ne vous parle pas de la dose de gomina pour maintenir cette pointe ridicule sur mon front. 
Bon ! Je veux bien faire des efforts, m’exposer pour que ces écrivains en herbe se défoulent sur mon compte, mais, surtout, qu’ils n’oublient pas quand même… 
Je déteste les langues de vipère et je me mets facilement en boule… 
Alors hein !!!... 
Qui s’y frotte, s’y pique… 
Pierre 


Écrire sans réfléchir


chevelure ; noeud papillon ; élastique ; tisane ; potager ; hirsute ; cocaïne 


Les bons sachets du père Manuel 

Ce n’est pas parce qu’on a une ondoyante chevelure qu’on est obligé de manger des œufs durs. 
Pas plus que le port d’un nœud papillon nous fait tourner en rond et qu’une mâchoire élastique soit nécessaire pour ingurgiter du mastic… 
Mais, c’est n’importe quoi !!!... Qu’est-ce que je raconte ???... 
Oh, le bad trip !!!… Aie aie aie !!!… Ça je n’aurais pas dû… 
Pourtant je l’ai fait… Oui, je l’ai fait… Comme ça avait l’air efficace, pour écrire aussi vite que les autres, j’ai piqué un sachet à Manuel… A l’insu de mon plein gré, comme dirait l’autre… 
Oh là là, j’aurais mieux fait de me faire une soupe avec les légumes du potager de ma grand-mère. Oh le délire… Je suis là, hirsute, avec les divagations d’un type shooté à l’héroïne. 
L’inspiration en infusion ce n’était pas vraiment une bonne idée…Tu parles d’une tisane !!!... 
Le tour de France de l’écriture… Hagard à la gare Saint Lazare… La franche déconnexion.
Mais quelles substances peut-il bien mettre là-dedans ???… 
Qu’est-ce que c’est que cet alchimiste de bazar ???... 
Oh… Ce n’est pas bien clair tout ça… 
J’m’en vais te l’balancer à la brigade des stups le Manu… 
Pierre
Sa chevelure s'agitait sous le vent. Le nœud papillon défait, elle se tenait un verre un la main. L'élastique qui tenait sa queue de cheval avait lâché. Cela l'énervait, il était tombé dans son verre de tisane. On lui avait servi sa soupe d'herbe en provenance directe du potager. Du moins, c'est ce que le jardinier hirsute lui avait promis. La tisane fumaient dans la tasse. Elle avait quand même un sacré goût de cocaïne. Manuel

Atelier n°8


Proposition n°1 : Errance à la MDA

Nous cherchons vainement notre salle, ce qui oxygène les cerveau et fait courir l'imagination.


Proposition n°2 : Une vie d'objet 

Un objet du quotidien se raconte.


Proposition n°3 : logo-rallye 

Le groupe constitue une liste de mots, puis chacun écrit un texte incluant tous ces mots dans l'ordre.

Quelques textes du 8e atelier


Une vie d'objet


Le coussin

Ah, voici enfin venue l’heure pour elle d’aller se coucher…
La soirée a été, une nouvelle fois, bien difficile pour moi, pauvre coussin de mon état. Son choix s’est encore porté sur un énième remake d’un obscur film d’épouvante. Deux heures et demie à me serrer, m’écraser, me tordre, me presser contre elle pour, au final, m’abandonner tout déformé au milieu du canapé. Aucun intérêt.
Alors que quand son espèce de copain archi bodybuildé débarque à l’improviste, quelle action, quel rythme ! Paf, il me saisit vigoureusement et me transforme en punching ball ! Hop, il me jette dans la corbeille à papier en hurlant « Trois points ! ». Vlan, il m’écrabouille au sol en simulant une prise de judo ! Là, je me sens vivre, mes particules cotonnières tourbillonnent, mes fibres vibrent, s’affolent ! Et quand arrive le final, c’est l’apothéose. Car tous ces exercices physiques semblent libérer une énergie sexuelle incontrôlable chez ce maniaque de la gonflette au cerveau inversement proportionnel au volume de ses biceps. Ici, les convenances m’obligent à taire la suite. Cependant, sans entrer dans le détail, je peux quand même affirmer que je ne suis pas qu’un simple spectateur…
Je suis même le plus souvent au cœur de l’action, n’hésitant jamais à faire don de ma personne pour garantir un résultat toujours plus surprenant sur la donzelle…
Hélas, ce soir, j’ai dû me contenter de cet abrutissant film d’épouvante. Et, non contente de m’avoir abandonné sur le canapé, elle oublie de me rapprocher de ma douce couverture, elle aussi négligemment délaissée, ce qui m’attriste encore davantage. Car moi aussi je vis une histoire d’amour intense avec cette tendre amie. Ah, que j’aime quand elle s’enroule voluptueusement autour de moi et que je sens son mohair effleurer mon coton… Rien que d’y penser, j’en frissonne !
Mais ce soir, à mon grand désespoir, je n’aurai pour compagne que ma seule imagination…

Hélène



*****

Le fer à repasser 

Ça y est, on passe à l’heure d’été. C’est le printemps, donc… 
Il va falloir bosser !!!... 
L’hiver c’est plutôt calme. Les chemises sont sous les pulls, donc, pas repassées. 
Un col par-ci par-là, et les quelques robes de Madame qui ne vont pas chez le teinturier. 
Mais là, c’est parti pour la saison. Ils vont bien me faire suer et c’est rien de le dire. Et que je t’envoie des jets de vapeur, et que je te remets de l’eau, et que je t’envoie des jets de vapeur. 
Dans le temps on pouvait se poser un peu, pas de jets vapeur, fallait remouiller la pattemouille. 

En général, ça commence le matin, quand l’autre là, il se décide à repasser tout un lot de chemises. Pour être tranquille soit disant. Tu parles ! Des heures que ça dure avec ce maniaque. Pas de faux plis, pas de marques sur les manches. Et rien que du coton ! Vous imaginez la température !!!...
Enfin, vers midi il me lâche. Je peux récupérer un peu avant le soir… 
Parce que le soir, c’est Madame qui s’y colle !!!... 
Tiens, demain, je vais mettre le petit chemisier jaune… Oh ! Tout compte fait, la robe bleue ira mieux. Et voilà, que recommence la valse-hésitation. 
Ah, ils sont contents ces deux-là. Ils font des commentaires sur leurs tenues respectives et, bien sûr, ils changent d’avis comme de chemise. 
Et pendant ce temps là… Qui c’est qui transpire ? Hein !!! Qui c’est qui transpire ??? 
Alors pour la tranquillité… Il faudra repasser !!!... 

Cela dit, il ne faut pas trop se plaindre. Ici on ne fait pas le gros linge. 
J’ai un oncle qui fait le même boulot, chez une ménagère de plus de cinquante ans. 
Chez elle, tout y passe : les mouchoirs, les torchons, les serviettes, et même les draps. 
Pauvre Tonton.
Ah, ce n’est pas comme son fils, mon petit cousin. Fer de voyage qu’il est. 
Mais pas fer de voyage chez un représentant de commerce. 
Non ! Fer de voyage chez des sédentaires, des gens qui ne bougent jamais, qu’on se demande pourquoi ils ont un fer de voyage. 
Il est là, tranquille, dans son carton d’origine au fond du placard. Peinard !!!... 
Et vous croyez qu’il a fait des études pour ça ? Rien du tout, pas même un BTS tourisme. 
Non, juste : ‘’Je postule pour un poste et je l’ai…’’ Le bol quoi ! Une honte, une chance pareille. Je crois même que c’est pour lui qu’on a fait la chanson… 
                                                           
Dans la vie, faut pas s’en fer …

Pierre
*****

Quel est l'objet qui a le plus changé la vie de nos contemporains ? Ecoutons-le en parler ... 

Dring, dring, c'est moi le messager du bonheur. Je suis arrivé il y a six mois dans la vie de Dorothée. Dorothée, vous savez, la petite de la comptabilité ! Elle a vu ma photo sur un magazine féminin. Elle a été enthousiasmée par mon côté carré, ma mémoire, mon éclat, mes courbes et mon côté rose très féminin. Je ne lui ai pas parlé de mes puces ni de ma consommation, ça aurait fait mauvais genre. Pour me faire venir chez elle, vous savez comment elle a fait ? Elle a appelé pardi ! Et paf, j'ai été emballé et expédié directement chez elle. Notre grande histoire d'amour fusionnel allait pouvoir commencer. 

Bon, les premières désillusions sont vite arrivées. Dorothée a été déçue. Elle m'a acheté nu. Elle trouve que j'ai trop de boutons. Dis-donc, Dorothée, je n'ai rien dit, moi, quand tu t'es trompée de d'emplacement et m'a branché le chargeur dans la carte SIM. J'aurais pu fumer, eh bien, j'ai supporté sans rien dire. « Réseau indisponible », c'est tout ce que j'ai lâché. Et pourtant, j'avais mal au cœur. 
Je ne dis rien non plus sur l'étui. J'ai de la chance, j'ai échappé à la chaussette orpheline qui traîne dans le placard. Je m'attendais à un bel étui en cuir, élégant et racé, qui m'aurait fait ressortir comme l'objet de luxe, le fashion toy que je suis. Au lieu de ça, je dois me cacher au fond d'un étui « Hello kiki », tout blanc avec des paillettes. C'est d'un goût ! 
Dorothée, tu m'avais choisi pour mes capacités exceptionnelles. Je sais retrouver mon chemin en voiture, consulter un compte en banque, éclairer la nuit, calculer ton bio-rythme. Et toi, Dorothée, tu ne m'utilise que pour téléphoner. 

Dorothée, une femme dans la finance internationale de ta trempe (c'est à dire comptable, je flatte à peine), eh bien, ça ne devrait pas tenir des conversations plan-plan comme les tiennes. Franchement, si les services secrets des Ricains (ou des autres) nous écoutent, ils doivent bien rigoler : 
Tes histoires de cœur sont trop simples. Moi, la coqueluche des podiums, j'ai été pris en photo avec des stars. Crois-moi que si je racontais tout ce qu’on m'a confié, les magazines people s'arracheraient mon numéro. 
Mais là Dorothée, un seul homme dans ta vie, c'est d'un banal. Tu l'appelles tous les jours. Tu me postillonnes dans le micro « Mon petit André, je raccroche … oui je t'aime … raccroche en premier … toi d'abord ». Et tu rajoutes toujours des poutous-poutous que je suis sensé passer au « petit André », Beurk, c'est révoltant. 

J'endure tout ça, Dorothée parce que tu m'as fait tien. Mais je trouve que tu te lasses vite. Oh, j'ai bien vu le regard que tu me lançais quand tu tombais sur une page de pub dans ton magazine féminin. Je te connais ; tu veux déjà changer de génération. Tu en cherches un plus mince et moins lourd. Je t'ai entendu te plaindre de moi à ta collègue Josiane de la comptabilité. Même quand je suis au fond de ton sac, je tends l'oreille. Vous voulez savoir ? Dorothée trouve que je commence à manquer d’endurance. Elle a eu des mots désobligeants sur mon « texte à pile » . Il paraîtrait que je ne tiens plus la charge. Voire que j'en perds le réseau. 

Dorothée, tu sais quoi ? Je crois que je vais raccrocher !
Manuel

Logo-rallye 


salamandre ; hélicoptère ; nénuphar ; escargot ; éléphant ; pirate 


Le pavillon noir à la salamandre rouge flottait fièrement sur le navire. Salamander Jack était sur le pont de son cotre et dardait sa longue-vue sur sa proie, un gras navire hollandais de commerce, une flûte, qu'il avait pris en chasse depuis le début de l'après-midi. Salamander Jack s'adressa à son bosco, sans cesser de scruter le Hollandais. 
« Il me semble distinguer son nom, John-John. C'est « l'hélicoptère » d'Amsterdam. » 
Ledit John-John déplia sa propre longue vue. L'instrument en cuir était moins précieux que celui de son capitaine. Mais le bosco comprenait un peu de hollandais, lui. 
« Vous avez raison, mon capitaine. C'est bien « l'héliotrope ». Je regarde de suite sur le registre de la Compagnie des Indes que nous avons récupéré. » 
Le bosco dévala l'échelle et alla présenter le registre au seul homme qui savait lire et qui faisait fonction de médecin sur le navire. Celui-ci était abîmé dans sa cabine, les yeux dans le vague. L'air était empuanti d'une fumée âcre. Le bosco fut accueilli par une phrase énigmatique dont le Doc avait le secret. 
« De même qu'Ulysse et ses compagnons mangeaient des lotus, je fume des nénuphars. » 
Le bosco ne releva pas et lui expliqua ce que le capitaine Salamander Jack attendait de lui. Doc feuilleta le registre et lâcha « Porcelaine de Chine » avant de retomber dans son apathie. Le bosco couru annoncer la nouvelle à son capitaine. Celui-ci grommela : « Le batave a sorti toute sa voile. Il avance quand même comme un escargot. Nous allons le rejoindre. »
Quelques heures plus tard, serrant sous le vent, le cotre approcha bord à bord du navire de commerce. Il se colla contre lui, comme un éléphanteau contre son parent éléphant. Le capitaine hollandais, stupéfait par la manœuvre et les grappins qui tombaient sur son navire, avait l'air défait. Avant que l'abordage ne commence, il eut juste le temps de crier « Pirate ! »

Manuel


Il était une fois une petite salamandre qui avait décidé de se lancer dans la grande aventure de la télé-réalité et de participer à un jeu se déroulant dans un lointain pays. Se souvenant qu’un grave accident d’hélicoptère était survenu sur le tournage d’une émission similaire, elle décida de ne prendre aucun risque et, si la production exigeait d’elle de traverser un immense lac, elle le ferait en flottant sur une feuille de nénuphar. « Autant te déplacer à dos d’escargot ! » railla un vieil éléphant qui, passant par là, la surprit en train de négocier avec une grenouille roublarde la location éventuelle d’une feuille géante de cette belle plante aquatique. « Eh bien puisque tu es si malin, rétorqua la petite salamandre, tu n’as qu’à sortir de ton chapeau, je ne sais pas moi, une barque ou, plus fou encore, un bateau de pirates pour mon épreuve de survie ! ». « Tu es bien susceptible, pour une petite salamandre », répondit l’éléphant mécontent, qui tourna les talons et reprit lentement le chemin de la forêt.

Hélène


Salamandre, salamandre, c’est quoi déjà ça ? Un animal royal, je crois, le coup du père François ? Un peu comme l’aigle et l’abeille, le coup de Sainte-Hélène ? 
Mais Non ! C’est bon là ! Pas le coussin d’Hélène ! Le coup de Sainte-Hélène !!!... 
On m’aurait dit hélicoptère, ça je savais mieux. Le truc qui vole, qui décolle de n’importe où et qui se pose n’importe où, même sur les nénuphars, comme une libellule. 
En général on l’utilise en cas d’urgence, quand il faut aller vite. Ah ! Ce n’est pas un escargot, le machin en question ! Il parait qu’il y en a, aussi, de très gros, certes moins rapides, mais capables de soulever des éléphants. Comme moi, je soulève des montagnes… 
Ah ah ah ! Comment que je m’en suis sorti de la liste arbitraire, sur laquelle il te faut écrire un texte alors que tu es sec comme un coup de trique et que tu te regardes les autres écrire des lignes et des lignes avant même que tu aies eu la moindre idée. 
Non, mais ce n’est pas vrai. Ils fument des substances illicites, ils boivent des potions magiques, ils fréquentent un gourou, ils ont une patte de lapin, un fer à cheval, un trèfle à quatre feuilles ? 
Ou pire, Vanessa leur donne les thèmes avant de venir !!!... 
L’horreur !!!... Pierrot, prête-moi ta plume !!!... 
Mais là ! Comment que je m’en suis sorti, comment que je te l’ai sabordé le sujet ! 
Non, vraiment, ce n’est pas pour me vanter… Mais je crois quand même, être un sacré pirate… 

Et la prochaine fois… Sûr! Je pique un sachet de thé à Manuel ! Ça a l’air bougrement efficace !!!...

Pierre

*

Quelle est donc cette Maison Des Associations ? C’est Chambord ?
Pourtant il ne me semble pas y avoir aperçu la moindre salamandre.
Léonard aurait-il pu y entrer plus facilement? Certainement! Mais lui, c’était un génie.
Tiens, pour vous en convaincre, passez donc à Amboise pour y découvrir le premier hélicoptère, inventé par le Monsieur.
Pour autant, il y eut bien d’autres grands talents.
 Un détour par Giverny vous fera regretter de ne pas être né grenouille, tant les nénuphars sont magnifiques et la lecture de la tirade des nez pourrait bien vous faire renoncer à écrire le moindre mot.
Mais enfin !
Certes, nous n’avons pas la prétention d’être des génies de la littérature, mais de là à nous fermer les portes, à nous empêcher d’écrire, à laisser nos feuilles mortes, à l’enterrement desquelles deux escargots s’en vont.
Certes, nous construisons nos phrases et nos textes avec délicatesse, avec des mots de porcelaine.
Est-ce une raison pour qu’on nous regarde en chien de faïence et qu’on nous limoge ?
Eh oui, que voulez-vous, il fallait bien qu’il soit là, notre éléphant. Et de notre porcelaine, il n’a fait qu’un petit tas, qu’il a consciencieusement jeté dehors.
Pauvres de nous ! Peut-être que sous nos apparences de personnes biens propres sur elles, de gens bien policés et politiquement correct, notre éléphant, bas de plafond, s’est-il imaginé des personnages beaucoup plus ambigus : Une Vanessa la Flibuste, une Hélène Reine des Vikings, un Éric le Boucanier, un Loïc Barbe Noire, un Manuel de la Truande ou un Pierrot le Fou ???...
Toujours est-il, que dans le doute, il ne lui restait plus qu’à appliquer le règlement, son sacro-saint règlement, le plan qui préserve de tout et de tous : Le Plan Vigipirate.
Heureusement, Loïc était là pour nous sauver la soirée. Il nous fit l’Enlèvement au Sérail.
Bien sûr, vu la renommée de notre hôte, le harem me sembla quelque peu déserté.
Bien sûr, que je n’ai pu déguster le tagine qu’il m’avait semblé pouvoir espérer.
Mais l’inspiration que cet endroit donna à Hélène, ne me fera plus jamais regarder un coussin de la même manière.
Et pour ça, Loïc, je t’adresse tous mes remerciements, tu as été l’Amadeus de la soirée.
Pierre (dans l'après-coup)



Atelier n°7


Proposition n°1 : Monosyllabe

Ecrire une phrase dont tous les mots ne comportent qu’une syllabe. 


Proposition n°2 : Nécrologie d’un personnage imaginaire 

Chacun invente un personnage célèbre : patron d’entreprise, homme politique, inventeur génial, sportif, artiste… puis rédige sa nécrologie pour un journal.


Proposition n°3 : Ecrire à partir d’une première phrase imposée


     « Sans le faire exprès par pur hasard, en ouvrant la porte de chez lui avec sa clef, Luigi ne fit aucun bruit. Il en profita, pour le plaisir de faire une surprise, et avança doucement à pas de loup. »
        Dino BUZZATI, Le K (début de la nouvelle « Esclave »).