Atelier d'écriture

L’atelier d’écriture est l’occasion de jouer avec les mots, de faire entendre sa voix, d’écouter celle des autres, de se découvrir. C’est avant tout une expérience ludique, le plaisir de réaliser quelque chose et de le partager. À chaque séance l’animatrice propose de nouvelles consignes, qui servent de point de départ à l’écriture. Cette règle du jeu, par son aspect contraignant, permet de libérer l’imagination. On n’est plus devant une inquiétante page blanche, mais devant une proposition d’écriture, qu’on pourra à son gré suivre de près ou subvertir discrètement. C’est ce qui fait tout le sel de la lecture des textes : on se rend compte que chaque participant a traité la consigne de façon personnelle, provoquant la surprise, le rire ou l’émotion. Les échanges, qui se font dans un esprit curieux et bienveillant, permettent à chacun de prendre du recul sur son propre texte.

Jeudi atelier n°2


Proposition n°1 : Inventaire 


"J’aime… J’aime pas…"
 5 à 10 items, en alternant.

Proposition n°2 : Écrire sur la forme du mode d’emploi 


Chacun choisit un sujet, important, insignifiant, ironique ou autre, et en propose la recette ou le mode d’emploi.

Proposition n°3 : Réponse au mode d’emploi


Échange de textes.
Quelqu’un a tenté la méthode et écrit à son auteur pour dire comment ça s’est passé. 


Proposition n°4 : Écrire sans réfléchir 


Quelqu’un lance un mot à voix haute, et tout le monde écrit une première phrase contenant ce mot inducteur. Puis un autre participant lance un autre mot qu’on intègre à la deuxième phrase, etc. Le tout doit former un texte cohérent.

Quelques textes du 2e jeudi


Le mode d'emploi et ses effets



Comment ne pas obtenir son permis de conduire 


Il est indispensable au préalable de s’imprégner en profondeur de l’importance du permis de conduire dans la vie actuelle. En effet, et sans prétendre à l’exhaustivité, signalons que : 
- n’importe quel imbécile possède le joli passeport rose 
- le permis de conduire est le tout premier prérequis de toute offre d’emploi pour travailleur peu qualifié 
- être en capacité de conduire et de relayer son conjoint au cours des migrations estivales est vivement conseillé par les professionnels 
- la conduite sur route est la façon la plus efficace de donner la mort dans la France d’aujourd’hui.
Commencez donc par vous préparer de façon intensive. Passez vos nuits devant les vidéos d’entrainement au Code de la Route. Il est indispensable que vous réussissiez cette première phase faute de quoi la saveur de la suite sera affadie. 
Travaillez en parallèle la conduite accompagnée avec vos parents et amis : inutile d’attendre pour cela d’avoir le sésame du code car de toutes façons votre objectif est de ne pas réussir. Autant donc accepter cette petite dose d’illégalité. 
Présentez-vous à l’Auto-école quand vous vous sentirez parfaitement à l’aise avec votre volant, votre accélérateur et votre pédale de frein. Raccourcir cette phase au minimum vous épargnera des dépenses inutiles. Mais vous ne pouvez pas non plus vous passer du parrainage de votre moniteur et il faut donc le circonvenir aussi vite que possible. 
Le jour venu, réglez bien votre réveil. Le subterfuge consistant à ne pas se présenter est d’une part trop éculé et d’autre part vous conduirait droit chez le psy si vos parents vous surveillent de près.
Quand l’examinateur vous dira de tourner à droite, tournez résolument à gauche, ou vice-versa. Vous devez le perdre dans le dédale de petites rues qu’il croit connaitre, jusqu’à provoquer sa fureur. Le succès, c’est-à-dire l’échec, est garanti. 

Jean-Marie 


Lettre à l'auteur de « Comment ne pas obtenir son permis de conduire » 

Déposé aux éditions « Les manuels pas pratiques » 


Cher auteur, 

Ce n'est pas pour me plaindre, mais votre méthode ne m'a pas du tout réussi. 
Pourtant je suis le roi du ratage. Dès l'école maternelle j'ai su que ça allait être compliqué. Je me trompais de salle ou d'horaire, je ratais tous mes contrôles, j'ai fait une allergie aux vaccins... En grandissant, j'ai échoué au brevet des collèges, je n'ai pas pu m'inscrire en bac pro suite à une erreur informatique, et quand j'ai voulu me remettre à jour en anglais j'ai acheté par erreur une méthode de portugais. 
Bref, j'étais le candidat idéal pour ne pas obtenir mon permis de conduire. Ça a bien commencé, puisque j'ai raté quatre fois le code avant de le décrocher par miracle à ma cinquième tentative. 
Je me suis inscrit à l'examen du permis, bien décidé à suivre vos conseils ; en effet, je ne tiens pas du tout à savoir conduire. Ça provoque trop d'attentes chez les autres, et avec moi ils sont toujours déçus. Autant partir perdant, c'est plus sûr. 
Donc quand l'examinateur m'a demandé de tourner à droite, j'ai tourné consciencieusement à gauche. Seulement voilà : entre autres problèmes, il s'avère que je suis dyslexique. J'ai donc obéi à toutes les instructions en croyant faire l'inverse. J'ai tellement bien conduit que j'ai décroché mon permis du premier coup, à la stupeur de mes parents. 
Et maintenant, qu'est-ce que je vais devenir? On me parle déjà de trouver un travail, dans la livraison ou comme chauffeur Uber. C'est un cauchemar, et c'est votre faute! Pour la première fois de ma vie j'ai réussi quelque chose. Je ne vous félicite pas. 

Mordicus Padpo (Vanessa) 


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Réponse à l'auteur de "Comment planter un clou"


Des clous ! 

Monsieur,

Avant d’appliquer votre méthode, j’avais cinq doigts à la main gauche ; maintenant, j’ai cinq moignons sanglants. 
Si j’avais un marteau et un clou, je vous l’enfoncerais dans le crâne ; si j’en avais trois, je vous crucifierais (et tant pis si ça heurte vos éventuelles convictions religieuses !). 
Ceci pour vous signifier que votre méthode est aussi exécrable que dangereuse. 
Certes, j’aurais du voir un opticien avant de me lancer dans mes travaux, ma femme me le reproche assez ; il faut dire qu’avec mes problèmes d’audition, je ne la comprends guère ; par ailleurs, ma maladie de Parkinson n’arrange rien. Mais ceci ne vous exonère en rien. 
Votre méthode était intitulée : « Comment devenir un enfonceur de clous de premier ordre ». J’ai vidé mon porte-monnaie pour l’acquérir ; je me suis vidé de mon sang en suivant vos conseils d’escroc ; pour couronner le tout, je serai moi-même bientôt vidé de la maison de retraite ou je réside, ainsi que mon épouse. 
À l’avenir, si on me demande ce que vaut votre méthode, je ne répondrai qu’une chose : des clous !

Eric


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Réponse à la recette pour rendre durable un bonhomme de neige 


Cher monsieur,

J’ai trouvé sur marmiton.com la recette que vous proposez pour rendre durable un bonhomme de neige. Résidant en moyenne montagne où neige et redoux alternent, je me suis senti très sensible à votre argumentaire et j’ai instantanément interrompu la recette de mousse au chocolat que j’avais commencée. Une belle neige collante était tombée la nuit précédente et m’offrait l’occasion rêvée. 
Réaliser le bonhomme de neige lui-même m’a pris une petite heure, sachant que je suis resté modeste dans les proportions, s’agissant d’un premier essai. J’ai évité comme vous le préconisez, la carotte et la pipe, avantageusement remplacés par un morceau de polystyrène pour le nez et par la casquette de mon oncle pour donner le côté viril. 
Faire tenir le parapluie arthritique prévu en Phase Un m’a posé un peu plus de difficultés : comment serrer le fil de fer gainé autour du bonhomme sans cisailler son corps ni sa tête (j’envisageais d’utiliser du fil vert de jardinage) ? J’ai résolu le problème en y adjoignant une vieille parka que j’ai boutonnée autour du bonhomme et sur lequel j’ai emmanché le parapluie. 
Arrivé au Point Deux que vous n’aviez pas fini de rédiger, j’ai tenté de compléter à ma façon votre recette. Vous mentionnez la nécessité que le bonhomme de neige soit de couleur sombre. L’illumination m’est venue et j’ai utilisé la mousse au chocolat qui était restée sur le feu pour napper l’ensemble des parties de neige encore visibles. Je dois avouer que cela a été un échec et qu’il ne m’est resté entre les mains que la parka et le parapluie. 
Merci donc de compléter votre recette en indiquant plus précisément de quelle matière sombre il convient de faire usage.

Jean-Marie

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Comment impressionner son auditoire

Petit manuel de rhétorique et de brillance, à l'usage des politiciens, hommes d'affaires, 
sociologues de comptoir, et autres personnes qui veulent avoir toujours raison 


1. Soignez voter apparence « winner » : portez un costume bien coupé, une cravate ; faites-vous blanchir les dents pour un sourire carnassier ; portez des lunettes pour avoir l'air intelligent. Si vous êtes une femme, changez de sexe ; le « winner » est un homme. 

2. Adoptez un ton assuré, quel que soit le sujet de la discussion, et même si vous n'y connaissez rien. Alignez les chiffres invérifiables. Exemple : « Une étude suédoise de 1989 a montré que 76% des pains aux raisons contiennent des pruneaux. » 

3. Citez de grands noms ; laissez entendre que vous avez des relations haut placées. Exemple : « Barack me le disait encore hier... » N'hésitez pas ; plus c'est gros, plus ça passe. 

4. Balayez les objections avec la plus sincère mauvaise foi. Si votre interlocuteur conteste vos chiffres, écrasez-le d'un regard méprisant. S'il s'obstine à vous contredire, parlez plus fort pour couvrir sa voix. En dernier recours, criez des phrases telles que « Monsieur, je ne vous permets pas », ou « Vous ne pouvez pas dire ça ». 

5. S'il ne se rend toujours pas, faites appel à votre fan-club. Ayez toujours des complices dans l'assistance, ils vous applaudiront et empêcheront l'autre de parler en criant « Hou ! Hou ! » à chaque phrase.

6. Pour finir, levez-vous, même si l'adversaire est en train de parler, faites votre sourire carnassier, et saluez l'assistance. Tout le monde pensera que vous avez remporté le débat. Succès assuré au bar-PMU, au club-affaires d'Air France, voire à l'élection présidentielle. 

Dr La Forcètentoi (Vanessa)



Écrire sans réfléchir 


nuage, chat, tasse, palmier, montre, chaise 

Un nuage vient obscurcir son cerveau ; Julien a un trou de mémoire. Il se tourne vers son chat et demande : « Pitou, c'est quoi déjà la capitale de l'Ukraine ? » En guise de réponse, Pitou conne un délicat coup de patte dans une tasse posée au bord de la table. Elle vient éclater en morceaux dans le pot du palmier. « Tu ne m'aides pas beaucoup », dit Julien en ramassant les morceaux de porcelaine. « Montre-moi sur la carte, ça sera plus simple. » « Miaou ! » dit Pitou en sautant sur une chaise.
Vanessa

Mercredi atelier n°2


Proposition n°1 : Inventaire 


"J’aime… J’aime pas…"
 5 à 10 items, en alternant.

Proposition n°2 : Écrire sur la forme du mode d’emploi 


Chacun choisit un sujet, important, insignifiant, ironique ou autre, et en propose la recette ou le mode d’emploi.

Proposition n°3 : À partir d’une image



Quelques textes du 2e mercredi


À partir d'une image 




Quelle heure est-il? Est-ce un rêve ou suis-je éveillé? Autour de moi des coquelicots rouge sang à perte de vue semblent m'encercler. Tournoyants, virevoltants, menaçants. Où suis-je? Un champ. Etrange comme l'air y est lourd. Le ciel me frôle les cheveux, d'un noir qui déteint sur ma peau, sur mes bras, mon nez, mes lèvres. J'ouvre la bouche, je crie, je sombre. Des coquelicots partout. Je me retourne, essayant de prendre repère dans cette vision affolante. A l'horizon, le rouge et le noir ne forment plus qu'une épaisse masse cotonneuse. Je tends les mains, cligne des yeux. Comme ils sont secs, ils brûlent, je pleure. De toutes mes forces j'avance dans cette folie. Je sens la sueur couler le long de mes tempes, perler dans mon dos et mouiller mes paumes. J'avance encore. Soudain je tombe. Je sens mes muscles se crisper et mon cœur s'arrêter une fraction de seconde. Les coquelicots laissent place au néant. Un néant rouge, doux, souple. Où suis-je? Suis-je dans un rêve ou suis-je éveillé? Je ne sais pas. Je ne ressens plus rien. Ou si, justement, je ressens quelque chose. Agréable et étrange. J'ai passé une frontière. De ce côté-ci, on ne revient pas en arrière. Je laisse derrière moi tout ce que je pensais savoir. Mon esprit s'ouvre comme une fleur qui éclot. Je souris. Et je danse. Je danse à l'infini. 

Justine



J’me voyais déjà… 

Petite, je n’avais que des tutus rouges et des pointes rouges. 
Tous mes professeurs toléraient ce petit caprice, tant j’étais une élève appliquée, tant mes progrès étaient constants. Je rêvais de devenir une star, une étoile. Je voulais être le cygne blanc et le cygne noir, tant ’’Black Swan’’ m’avait marqué. Plus tard, je serais, tout à la fois, la grâce et l’innocence, la ruse et la sensualité. Je serais la tulipe rouge de la dance, le symbole de l’amour éternel de mon public, de mes fans, de mes adorateurs. Je serais celle qui aura mis cet art à la portée de tous. Comme disais Aznavour, je m’voyais déjà… 
Et puis le temps a passé. Jour après jour, je perfectionnais mon style avec des chorégraphies de plus en plus ingénieuses et inattendues, complexes et sophistiquées, sans me rendre compte que, petits pas après petits pas, figures après figures, je m’éloignais de mes spectateurs, que je ne dansais plus que pour une élite avertie, que mon public ne me comprenait plus. 
Alors, pour le reconquérir, j’imaginai un nouveau ballet, fait de quarante-neuf pas et de six petits sauts, une merveille de fluidité teintée de détermination qui, à coup sûr allait remporter un franc succès. 
Hélas, le remède fut pire que le mal et je fus huée, sifflée, conspuée. On m’accusa de prendre les gens pour des gogos, de me moquer du monde, même de trahir ce que j’avais été par le passé. Dès lors, je ne parvins plus à trouver le moindre engagement. J’étais bannie du monde que j’avais tant voulu conquérir. 
Aujourd’hui, mon ensemble rouge, il y a vingt ans que je le porte et je suis bien loin de la tulipe écarte dont j’avais rêvé. 
Je ne suis plus qu’une pale tulipe de hollande, surnommée ’’Valse du Quarante-Neuf-Trois’’. 

Pierre