Atelier d'écriture

L’atelier d’écriture est l’occasion de jouer avec les mots, de faire entendre sa voix, d’écouter celle des autres, de se découvrir. C’est avant tout une expérience ludique, le plaisir de réaliser quelque chose et de le partager. À chaque séance l’animatrice propose de nouvelles consignes, qui servent de point de départ à l’écriture. Cette règle du jeu, par son aspect contraignant, permet de libérer l’imagination. On n’est plus devant une inquiétante page blanche, mais devant une proposition d’écriture, qu’on pourra à son gré suivre de près ou subvertir discrètement. C’est ce qui fait tout le sel de la lecture des textes : on se rend compte que chaque participant a traité la consigne de façon personnelle, provoquant la surprise, le rire ou l’émotion. Les échanges, qui se font dans un esprit curieux et bienveillant, permettent à chacun de prendre du recul sur son propre texte.

Atelier n°2


Proposition n°1 Liste « J’aime… J’aime pas… » 

alternant concret et abstrait de façon croisée.


Proposition n°2 : Ecrire une lettre 

Premier texte : On écrit pour demander de l’argent. 
Chacun crée un nom de personnage et un nom pour le destinataire, une adresse postale, et invente les raisons de la demande d’argent. 

Deuxième texte : le destinataire répond à la lettre. 


Proposition n°3 : Écrire sans réfléchir 

Quelqu’un lance un mot à voix haute, et tout le monde écrit une première phrase contenant le mot inducteur. Puis un autre participant lance un autre mot ; on continue à écrire en intégrant ce mot à la deuxième phrase du texte, etc.

Quelques textes du 2e atelier


« J’aime… J’aime pas… » en concret / abstrait 


J’aime le bruit du petit miroir de sac à main qu’on referme 
J’aime pas la confiture de figue 

J’aime écrire 
J’aime pas l’odeur des pots d’échappement 

J’aime l’odeur des croissants chauds quand je passe devant ma boulangerie 
J’aime pas sentir des grains de sable dans mes sandales 

J’aime déguster un macaron à la framboise 
J’aime pas avoir des idées noires 
Hélène 

J'aime les framboises 
J'aime pas la bêtise 
J'aime la liberté 
J'aime pas les films d'horreur

J'aime écouter les infos 
J'aime pas l'injustice 
J'aime la vie 
J'aime pas l'haltérophilie. 
Vanessa 


Écrire une lettre pour demander de l’argent... et y répondre


Le Destin 
13 rue de Je ne sais où
70 000 Le Paradis c'est maintenant 


Cher Destin, 

Contrit par des épreuves multiples, j'ai l'honneur - sinon l'audace - de t'écrire pour trouver auprès de toi quelque réconfort. En effet, comme tu le sais sans doute, je me trouve sans-logis depuis l'incendie accidentel qui a détruit ma maison. Qu'un si petit pétard mal éteint sur mon lit, fasse de si grandes flammes, me laisse comme un amer goût de bad trip. 

J'aurais pu emménager ailleurs rapidement, si Tata Louison ne m'avait pas déshérité. Mais elle a préféré à moi mes cousins qui sont venus la voir jusqu'à ses derniers instants… Je croyais que cela n'avait pas de mémoire, un Alzheimer ! 

De plus, sur ces entrefaites, ma femme m'a plaqué, et pour personne d'autre de surcroît ! À cette double peine s'ajoute une troisième : elle me réclame une prestation compensatoire… Tout irait bien si mon ex maîtresse ne me collait pas un procès. Elle prétend que je suis le père de ses triplés. C'est injuste, je n'ai jamais couché plus de deux fois avec une illégitime… bref... 

Je paierais de bon cœur si mon employeur ne m'avait pas licencié pour perte de confiance. J'ai toujours fait mon travail honnêtement, avec dévouement et sincérité. De par notre solidarité masculine, nous avions partagé tant de succès… alors pourquoi se formaliser au motif que j'ai tenté, un soir, de partager sa femme ? ! 

En résumé, cher Destin, cet enchaînement de circonstances ressemble fort, tu en conviendras, à un harcèlement moral lourd. Tu me dépouilles, lentement mais sûrement, depuis plusieurs mois. Parce que l'on dit qu'il faut forcer le destin, je te mets en demeure de réparer ces dommages dont tu es l'auteur. Tout mode de paiement m'agréera : héritage imprévu, billet gagnant au loto, couguar fortunée. Il va sans dire que j'attends cette somme, que j'estime à 1 million d'euros, dans les délais les plus brefs. 

Je compte sur ta diligence et sur ton équité. Puisque tu dis qu'il faut croire en toi, fais preuve de crédibilité. Je te remercie de ta compréhension et de ton action rapide. 

Sincères salutations. 

Cyprien Glandu de la Fiole (Catherine)

*

Cher Cyprien, Glandeur de la Fiole,

Je vois que la fiole ne te réussit pas et que ton imagination voltige et te brouille le ciboulot.
Si tu crois qu’en écrivant des lamentations toutes aussi sinistres qu’insensées, tu obtiendras du réconfort, tu te trompes.
Je constate que tu en es encore à fumer des pétards dans ton lit !
Et puis tu as oublié que Tata Louison n’a pas pu te déshériter, puisque c’est moi, Tata Louison, et je sais ce que je fais. Je n’ai pas encore clamsé, je n’ai pas alzheimer et j’applaudis Georgette de t’avoir quitté. (Comment a-t-elle pu supporter tes plaintes et tes multiples découchages ?) J’applaudis Paulette aussi qui s’est aperçue à temps que tu avais un cœur d’artichaut.
Moi, Tata Louison, ton cher destin comme tu l’appelles, ne lâcherai rien tant que tu ne seras pas remis dans le droit chemin. Tu confonds tout. Le destin, c’est toi qui le crées.

Moi, Tata Louison, je ne t’enverrai pas un seul bouton de culotte, Moi, Tata Louison, ne me laisserai pas entourlouper par toutes tes balivernes, Moi, Tata Louison te dis : bas-toi, cuve tes fioles, éteins tes pétards, mange ta soupe, arrête de trousser tous les jupons qui passent et redeviens Cyprien, plus que rien !

Agnès


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Jessica ROCKEFELLER 
Empire State Building, 107ème étage 
New York 
 à 
Rose ALMOND 
Route de Madison 
Yuma, Arizona 


New York, le 22 octobre 2014 

Chère Tatie Rose, 

Je t’écris après de bien trop longues années de silence afin de prendre de tes nouvelles (comme le décès d’oncle Tom a dû être douloureux à surmonter !) et surtout de te donner des miennes. 

La vie à New York est si trépidante, si exaltante, en un mot si extraordinaire que je n’ai pas eu le temps d’écrire à la famille et encore moins d’aller la voir dans cette si lointaine et si morne campagne de l’Arizona. Je le regrette aujourd’hui car je me rends compte que si les amis peuvent trahir, la famille, elle, constitue une épaule indéfectible sur laquelle on peut toujours s’appuyer. 

Oui, chère Tatie, j’ai appris à mes dépens que les amis sont capables des pires trahisons, même à l’encontre d’une pauvre et jeune fille fraîchement débarquée à New York. J’avais, en effet, été fort étonnée, dès mon arrivée dans la Grosse Pomme après mes quatre années de pensionnat dans le Missouri, de constater que ma liste d’amis s’allongeait proportionnellement au nombre d’invitations que je recevais pour des soirées de charité ou des événements festifs. Dès que j’apparaissais dans une salle, j’étais chaleureusement accueillie et embrassée par de parfaits inconnus, désaltérée par moult coupes de champagnes, invitée à donner mon avis sur des sujets tous plus sérieux les uns que les autres. Ce furent d’abord des sourires, des baisemains et des compliments à n’en plus finir, puis vinrent ensuite les sollicitations financières. Lorsqu’un de mes nouveaux amis était dans l’embarras, je n’hésitais pas une seconde à lui venir en aide. J’ai ainsi acheté un loft avec vue sur Central Park à mon ami Stephen qui, du jour au lendemain, et sans que je comprenne bien pourquoi, s’est retrouvé à la rue. J’ai dû également dépanner un autre ami, John, en lui achetant une Ferrari de toute urgence, suite à un inexplicable accident de voiture ayant réduit sa Fiat d’importation en miettes. 

Je ne souhaite pas t’ennuyer plus longtemps en te citant tous les exemples de déconvenues financières rencontrées par mes amis, amis que j’ai soutenus à chaque fois avec promptitude et compassion. Mais si, aujourd’hui, je saisis ma plume pour t’écrire cette lettre, c’est parce que je me trouve dans une situation désespérée. En bref, je suis ruinée, mon porte-monnaie Hermès est vide, je n’ai plus un dollar en poche. 

C’est pourquoi, ma chère Tatie Rose, je te demande très humblement de me prêter un peu d’argent (10 000 dollars feraient parfaitement l’affaire). J’imagine qu’oncle Tom avait dû souscrire une assurance-vie ou devait avoir quelques économies cachées sous le matelas et dans lesquelles tu pourrais aisément puiser sans que cela te manque… 

Je te remercie sincèrement pour ton aide, ma Tatie Rose, et je t’embrasse chaleureusement sur les deux joues. 

Jessica (Hélène)

PS : Viens me rendre une petite visite un de ces jours, tu seras époustouflée par la vue que j’ai de New York depuis mon appartement ! 

*

Yuma, le 1er novembre 2014

Ma petite Jessica, 

Ta lettre me fait chaud au coeur. avoir enfin de tes nouvelles, après trente années pendant lesquelles j'ai été mariée, divorcée, remariée, mère de famille, divorcée, remariée, veuve, remariée avec une femme, sans que jamais ma nièce chérie ne vienne assister à l'une ou l'autre cérémonie, sans recevoir de toi la moindre visite ni même une lettre ou un coup de téléphone, apprendre enfin que tu es en vie et que tu penses à moi, cela me réchauffe le coeur à un point que tu ne peux pas imaginer. 

Quand tu as manqué l'enterrement de ton oncle Tom, j'ai pensé que par un concours de circonstances tu étais devenue paraplégique. Je suis heureuse d'apprendre qu'il n'en est rien. Je vois que tu habites notre appartement new-yorkais de l'empire State Building, qui comprend, si mes souvenirs sont exacts, une suite parentale, huit chambres d'amis, neuf salles de bains, un gymnase et une piscine privée. Tu as raison ; la vie est trop courte pour vivre chichement. 

A ce propos, tes amis me semblent un peu excessifs dans leurs demandes ; si je peux me permettre un conseil en tant qu'aînée, c'est d'être un peu moins prompte à distribuer voitures et appartements. mais il faut bien que jeunesse se passe. 

Ta plaisanterie sur ta ruine supposée m'a bien fait rire. Tu voulais me montrer comment tes amis t'ont soutiré de l'argent ; je dois dire qu'ils ne sont pas très subtils! Et puis 10 000 dollars, c'est ridicule. Qu'est-ce qu'on peut s'acheter pour 10 000 dollars? C'est à peine le salaire mensuel de ton chef-cuisinier. 

Ma chère nièce, je te remercie pour ta gentille lettre, et je t'envoie en cadeau un petit livre de Sénèque, le philosophe stoïcien, qui pourra te divertir. Il s'intitule De la brièveté de la vie. Je t'embrasse, 

Tatie Rose. (Vanessa) 



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Mon fils,

Juste ce petit courrier, le premier que je t’écris en 85 ans, pour te demander une bricole, trois fois rien.
Te souviens-tu de ton enfance que ta mère et moi avons essayé de te rendre heureuse. Tu n’as jamais manqué de rien. Tiens, je te propose un inventaire :
-        Un pain au chocolat à chaque goûter pendant 15 ans, soit 3000 francs (et oui, à l’époque, on parlait en francs),
-        Ta première mobylette : 500 €
-        Ton permis de conduire repassé 3 fois : 2500 €
-        La location de ta chambre d’étudiant durant tes cinq ans d’études : 25 000 €
-        L’avocat pour ton divorce : 5000 €
Tu vois, au bas mot, ces quelques 40000 € que j’ai investis pour ton bien être, pour te construire, me manquent aujourd’hui pour offrir à ta mère le tour du monde dont elle rêve.

Je sais que je peux compter sur ton sens de la justice et, qu’en lisant cette lettre, tu n’hésiteras pas à sortir ton chéquier ou demander un prêt à ton banquier.

Nous t’avons rendu heureux, rend nous la monnaie de la pièce aujourd’hui. Permet à tes vieux parents de finir leurs jours aux Bahamas à siroter des pinas coladas au bord d’une mer transparente et chaude toute l’année.

Nous ne manquerons pas de te témoigner notre reconnaissance éternelle en t’adressant une carte postale à chacune de nos escales.

Enfin, en bon père de famille, je voudrai te rappeler ce principe de bon sens tant de fois vérifié « qui paye ses dettes s’enrichit ».

Ta mère s’associe à moi et t’adressons toute notre affection.

Ton père (Eric)


PS : on nous a parlé de travellers chèques, ça a l’air pratique cette chose-là.


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Cher Papa, 

C'est avec une vive émotion que je découvre ce jour ton courrier. C'est si bon de savoir que tu te souviens de moi et de constater avec quel empressement tu demandes de mes nouvelles. Je suis également heureux de lire vos projets de voyage. Vous qui n'aviez jamais envie de rien lorsque nous nous côtoyions c'est une excellente nouvelle ! Ne dit-on pas « les voyages forment la jeunesse » et encore « mieux vaut tard que jamais » ? 

Je te remercie, de tout cœur, de me rappeler de si tendres souvenirs. Permets, à mon tour, que j'en fasse l'inventaire. 
- 15 ans de pains au chocolat achetés par Maman, qui savait que j'étais intolérant au gluten et qui, avec amour et dévouement, détruisait mon système immunitaire jour après jour... 
- Cette drôle d'histoire de Mobylette que j'avais failli oublier… offerte pour mon seizième anniversaire, achetée à vil prix, sans freins, elle m'a fait traverser le décor. Je ne me rappelle pas des 500 €, mais des 500 points de suture, fort bien. 
- Mon permis de conduire repassé trois fois. J'avoue, je suis confus… Mais me l'offrir pour que j'amène maman faire les courses pendant que tu allais te saouler avec tes amis au bar était au-dessus de mes forces… Tu comprendras, j'en suis sûr. 
- Mes études et ma studette-cagibi-étudiante, que je co-louais avec les cafards. Je ne me rappelais pas que tu avais payé les loyers après m'avoir mis à la porte de chez vous. 
- Quant à l'avocat payé pour mon divorce, tu m'excuseras de considérer cette dette comme étant purgée, dans la mesure où je serais toujours marié si tu n'avais pas couché avec ma femme... 

Je suis ravi d'apprendre que le mot "justice" fait partie de ton vocabulaire. Et tu as raison, cher père, de me dire que vous m'avez rendu heureux : 85 ans de silence, c'est bien votre plus belle preuve d'amour, votre plus beau cadeau. Puisque les bons comptes font les bons amis et que tout comme toi, j'aime rendre la monnaie de toute pièce, tu trouveras ci-joint un jeu morpion à gratter en lieu et place du Traveller chèque. J'espère que tu en apprécieras toute la valeur symbolique. 

Comptant sur ton silence jusqu'à tes funérailles et celles de ma génitrice, je bois une pina colada à votre santé. Je vous adresse mes sentiments les plus vomitifs.

Bien sincèrement.

Votre fils bien-aimé, d'un transat aux Caraïbes. (Catherine) 


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Le Pavillon Fleuri 
28 rue des sablons 
91002 Saint Rémy les Chevreuses 

Paris le 12 juin 2014 

Monsieur,

Pour votre exposition ‘’ Le Pavillon Fleuri ’’, qui avait lieu les samedi 11 et dimanche 12 mai, vous êtes venu me solliciter, le jeudi précédent, afin que je vous fournisse vos plaquettes publicitaires. Vu le délai extrêmement court, vous n’êtes pas sans savoir que j’ai dû faire appel à des fournisseurs travaillant en ‘’Rush’’ et ‘’Super Rush ‘’. Il va sans dire que leurs factures sont en complète adéquation avec leurs délais, et qu’ils ont été payés par mes soins dans un délai tout aussi court. Vos plaquettes vous ont été livrées le vendredi soir, et depuis, je suis sans nouvelles de votre entreprise, mis à part les quelques réponses de votre secrétaire qui m’affirme que le chèque est à la signature, ou parti le matin même. 

Donc… 
Nous sommes, aujourd’hui mercredi et je vous encourage à me faire parvenir mon chèque en ‘’Rush’’ voire ‘’Super Rush’’, afin qu’il me parvienne avant vendredi soir. 

Dans le cas contraire, je me ferais un plaisir de venir samedi, avec quelques amis, sur votre salon permanent pour animer votre espace de vente. Mes amis semblent très intéressés par des projets de pavillon, avec plans, perspectives couleurs et devis détaillés, mais je doute qu’ils aient la moindre intention d’acquérir quoi que ce soit. 

Etant sûr de votre compréhension, face à l’impatience d’un personnage doté d’un respectable pouvoir de nuisance, je vous prie d’agréer, Monsieur, l’expression de mes salutations distinguées. 

Pierre

*


Monsieur,

Pour faire suite à votre courrier que succède l’appel téléphonique de ma secrétaire, je voudrais vous présenter mes excuses pour le retard dans le paiement des plaquettes publicitaires que vous avez bien voulu réaliser pour notre exposition du pavillon familial.

Je vous dois quelques explications, en effet.
La secrétaire en question à qui j’avais confié le matin même le chèque, afin d’honorer votre paiement et que je connaissais depuis vingt ans, une personne très sérieuse, est allée poster votre dû à pieds.

Bénéficiant de toute ma confiance, je n’avais pas mis l’ordre sur le chéquier, erreur que je regrette amèrement aujourd’hui.

Car il faut que je vous dise qu’après avoir encaissé à son profit ledit chèque, elle est allée prendre un ticket de loto.
Et comme vous le savez, il n’y a de chance que pour la canaille ; me le confirme cette carte postale de sa part que je viens de recevoir depuis l’île Maurice par laquelle elle m’indique démissionner.

J’ai bien entendu porté plainte contre cette employée indélicate mais les choses se compliquent puisque la justice a saisi le chèque litigieux comme pièce à conviction et refuse de vous l’adresser.

Dans ces conditions, et malgré ma bonne volonté et ma bonne foi, mon entreprise ne pouvant payer deux fois une même prestation, je vous invite à saisir le médiateur de la République qui ne pourra traiter votre dossier que dans un délai raisonnable de 8 ans.

Vous pouvez encore prendre un billet d’avion pour l’île Maurice dans l’espoir de retrouver mon ex-secrétaire afin de récupérer votre argent.

Enfin, concernant vos amis susceptibles d’être intéressés par des plans métrés et en couleurs de projets illusoires d’acquisition de pavillons, je suis au regret de vous confirmer qu’ils constituent déjà la majeure partie de mes visites.

                                   Bien à vous,
                                   Le gérant du Pavillon fleuri (Eric)




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Hélène 
5e gauche 
Bâtiment C 

Paris, le 22 octobre 2014 

Cher Loïc,

J’ouvre à l’instant ton courrier glissé dans ma boîte aux lettres et je trouve ton initiative très intéressante. Cela fait maintenant dix ans que j’habite l’immeuble et tout autant d’années que je n’apprécie guère le comportement de notre « anonyme » voisine du 6e droite. 

En effet, quand elle n’envoyait pas son chien renifler nos portes pensant ainsi démasquer de dangereux trafiquants de drogue, elle soupçonnait ses voisins, y compris la pauvre Madame Domingues qui ne se déplace plus qu’en déambulateur, de dévaler les escaliers à trois heures du matin en lançant des gaz fumigènes à tous les étages… 

Sa dernière initiative te concernant ne me surprend donc guère (j’ai même appris par le brave Monsieur Claudel qu’elle avait essayé de séduire un des policiers avec sa blouse à fleurs la plus décolletée) et je souhaite tout autant que toi que ces agissements prennent fin. Nous n’aurons ainsi peut-être plus à subir les inondations à répétition de l’entrée de l’immeuble lorsqu’elle arrose obstinément les plantes en plastique qui décorent notre hall. 

Je suis donc tout à fait disposée à prendre le taureau par les cornes en contribuant, par la modeste somme de 24 euros, au financement de la prise en charge psychologique de notre détestable voisine par cette sophro-analyste. 

Avec tout mon soutien, 

Hélène 

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Olivette Martin
27, rue du Rendez-Vous
75012 Paris
Mary Higgins Clark 
Chez son éditeur 
New-York, USA 

Chère Mary,

Je m'adresse à vous (en espérant que vous êtes toujours en vie) car vous êtes depuis mon enfance un modèle, une inspiration, presque une idole. J'ai lu tous vos livres, et je suis toujours frappée par la précision de vos descriptions, particulièrement quand vous détaillez les tenues vestimentaires et la décoration des maisons. Je crois la voir, cette Lucy vêtue d'une jupe droite gris clair et d'un chemisier de soie blanc, chaussée de bottines en daim, une barrette dans ses cheveux châtain mi-longs. Il me semble pénétrer avec elle dans ce salon au parquet clair, aux murs sablés, avec son canapé de cuir vieilli et tous les autres meubles et bibelots minutieusement décrits.

Tous ces détails, livre après livre, ont éveillé en moi une soif de devenir, à mon tour, digne de figurer dans une de vos intrigues - de préférence sans me faire trucider. Mon rêve est d'être aussi bien habillée que vos héroïnes, et de vivre dans un grand appartement décoré avec goût. Mais pour cela, il faut de l'argent ; et c'est là, je l'espère, que vous interviendrez.

J'ai déjà un grand appartement, grand au sens parisien du terme, c'est-à-dire un deux-pièces de 45 mètres carrés.Il ne me reste qu'à le meubler, accrocher quelques toiles (aucun de vos intérieurs n'en est dépourvu) et bien entendu, à m'habiller chez de bons créateurs pour ne pas détonner dans le décor. D'après mes calculs, une somme de 65 000 euros devrait suffire ; vous me la prêterez volontiers, j'en suis sûre, car c'est à peine ce que vous rapporte un de vos romans policiers en un an, et vous en avez écrit plusieurs dizaines. En remerciement, je vous convie à toutes mes prochaines réceptions, qui vous permettront d'admirer mon salon et son hôtesse (je parle de moi). Tenez, soyons encore plus accueillantes : si vous arrondissez votre prêt à 70 000 euros, je pourrai servir du champagne à toues mes réceptions, comme il se doit. Je sais que vous apprécierez.

Dans l'attente de vous lire, chère Mary, je vous embrasse.

Olivette (Vanessa)

PS : Ci-joint quelques catalogues pour vous donner une idée de mes projets (Conrad Shop, BoConcept, Ralph Lauren Home, etc.).

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Olivette Martin 
27, rue du Rendez-vous 
75012 Paris 

Saddle River, le 22 octobre 2014 

Chère Enfant,

Je vous remercie infiniment pour votre lettre dans laquelle vous me faites part de votre admiration. Cette lettre venue de France m’a particulièrement touchée, étant moi-même une amoureuse de la littérature française et de celle de Victor Hugo en particulier. C’est d’ailleurs en pensant à lui qu’il m’est venu une petite idée pour répondre à votre demande.

J’ai un très vieux cousin qui vit dans la magnifique maison qui a inspiré un grand nombre de mes romans. Il est dans une situation financière plus que confortable et pourra certainement combler le moindre de vos désirs lorsque vous serez mariés. Il n’est âgé que de soixante-dix-huit ans et s’il est complètement dégarni, il est plutôt d’humeur affable, lorsque ses reins ne le chahutent pas, que son estomac cesse ses acidités et que sa toux le laisse en paix. Au printemps, vous pourrez le promener sur sa chaise autour de cette maison que vous aimez tant, il vous en sera très reconnaissant.

Quelle romantique histoire ma petite Cosette ! Heu !!!...Pardon ! Ma petite Josette. Ah, Oui!... Il se prénomme Marius, et si toutefois cette solution ne vous convenait pas, j’ai aussi une cousine qui pourrait vous adopter. Elle exerce une profession assez lucrative et n’hésitera pas, j’en suis sûr, à vous y initier.

Elle s’appelle Fantine.

                    Bien à Vous

Mary Higgins Clark (Pierre)


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Chère Amie et Voisine,

Je vous sollicite ce jour afin d’obtenir un certain service.
Nous nous connaissons depuis longtemps déjà et avons partagé de nombreux moments en toute franchise.
Vous sachant généreuse, sans histoire, j’ose vous demander de me prêter la somme de vingt mille euros.
En fait, les vingt mille euros me permettraient de  prendre un nouvel envol.
Je pourrais, ainsi, grâce à votre don, me payer les cours de professeur alpin. Quand je serai devenue professeur alpin, je pourrai alors contribuer à vous faire gravir les montagnes, celles qui vous font tant rêver. Je vous emmènerai en Italie, et même en Suisse.
Dans le cadre de ce nouvel envol que je prendrais, je pourrais m’offrir quelques cadeaux. Vous savez bien que je n’ai pas de goûts de luxe, mais avouez que la robe en soie rouge qui se trouve en vitrine du magasin de la Madeleine m’irait à ravir. J’irai au bal avec.
Je pourrai enfin boire des grands crûs de vin. Et puis, cet argent, vous me le devez un peu. Vous m’avez bien dit souvent combien je vous portais bonheur ! Combien je méritais quelque offrande en toute simplicité. Je souhaite que ce prêt soit notre pacte amical - entre  vous et moi - une folie douce.
Je vous entends déjà me dire : « Quelle bonne idée est-ce là ! ».
Avec la robe rouge, il y a aussi des bottines incroyables avec des lacets enrubannés…
Merci mon amie, j’attends votre petit mot d’acquiescement (dont je ne doute pas !)

A très bientôt,


Votre dévouée A. (Agnès)



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Manuel, qui était absent au 2e atelier, nous propose sur son blog une variation fantaisiste sur ces échanges de lettres : Tempête chez Prospero .


Écrire sans réfléchir 

guerre ; asticot ; plaquette ; lait ; bottine ; cinéma ; nuage


Partir à la guerre, moi, jamais ! Ces généraux d’opérette ne feront pas de moi un asticot des tranchées. En plus, j’ai mes plaquettes en chute libre et je suis allergique au lait de vache. Quoi, on me dit que mon paquetage et mes bottines sont prêts ! Non Monsieur, je m’y refuse, je préfère encore me rendre au cinéma ou m’allonger dans l’herbe et contempler les nuages. 
Hélène 

Au Printemps Haussmann, en ce premier jour de soldes, c'était la guerre. Les clients grouillaient comme des asticots. Le sang des vendeuses se figeait dans leurs veines, leurs plaquettes caillaient. Dans les sacs des femmes, les vêtements s'entassaient sur les légumes et les bouteilles de lait. On se battait pour un manteau, on s'écharpait pour une paire de bottines. C'était un spectacle horrifique et vivifiant, encore mieux qu'au cinéma. Dans la pagaille, quelqu'un déchira un oreiller et un nuage de plumes s'envola sur le magasin. 
Vanessa