Atelier d'écriture

L’atelier d’écriture est l’occasion de jouer avec les mots, de faire entendre sa voix, d’écouter celle des autres, de se découvrir. C’est avant tout une expérience ludique, le plaisir de réaliser quelque chose et de le partager. À chaque séance l’animatrice propose de nouvelles consignes, qui servent de point de départ à l’écriture. Cette règle du jeu, par son aspect contraignant, permet de libérer l’imagination. On n’est plus devant une inquiétante page blanche, mais devant une proposition d’écriture, qu’on pourra à son gré suivre de près ou subvertir discrètement. C’est ce qui fait tout le sel de la lecture des textes : on se rend compte que chaque participant a traité la consigne de façon personnelle, provoquant la surprise, le rire ou l’émotion. Les échanges, qui se font dans un esprit curieux et bienveillant, permettent à chacun de prendre du recul sur son propre texte.

Atelier n°4


Proposition n°1 : Cadavre exquis


Ou bien : Tautogramme

Un tautogramme est un texte dont tous les mots commencent par la même lettre.

Proposition n°2 : Journal intime


Inventer un personnage, ou choisir un personnage célèbre ou fictionnel, qui tiendrait un journal intime. Écrire quelques pages de ce journal. 

Proposition n°3 : Sur un thème


Jour de fête

Quelques textes du 4e lundi


Cadavre exquis

Le rossignol ne battra pas la soupe dans l'église. 
Le passager éclata la France dans son jardin. 
Les petites fleurs blanches hurlent les os dans le futur.
Le chien de Mélinda Ouaf brillait la table de multiplication dans les coulisses.
Un acteur joue son neveu Albert après l'écrasante défaite.
La lune s'attire en larmes très vite.
L'hirondelle tourbillonnait follement les passants sur la chaussée.
Le garçon observa son désespoir dans le cimetière. 
Le Petit Chaperon Rouge m'espionne la pluie en toute décontraction.

Journal intime


Le clown Grock


10 décembre
Le chapiteau est monté. J'entends les fauves rugir, les chevaux piaffer. Les trapézistes trapèzent, les cavalier cavalent.
Et moi ? Monsieur Pradino m'a demandé un nouveau numéro. Et ? Rien. Pas d'idée.
12 décembre
Le froid extérieur me gèle le cerveau. Pas une idée n'affleure. Je tremble plus de peur que de froid.
13 décembre
Je me demande pourquoi M. Pradino veut me faire changer de numéro, surtout sans instrument de musique. Me demander cela. Voilà 27 ans qu'il fonctionne à merveille. Le public, connaissant mes numéros, en redemande, comme si la chute devait être différente. 
15 décembre
Je m'invente enfin un nouveau personnage. Autoritaire. Rarement souriant. Une fine moustache horizontale sous un gros nez. A qui il arrive une tonne de malheurs. Un seau de farine lui tombe sur la tête. Glissade sur une planche savonneuse (très dangereux!). Un pied plus grand que l'autre l'incommode dans sa démarche et le fait tomber régulièrement. Etc. 
16 décembre 
J'affine le personnage. Son costume est le plus scintillant que le cirque connaisse. Comme celui de.. non. Mais si. Comme celui de Monsieur Pradino ! Ouille je ne peux pas lui faire cet affront. Il va m'agonir, me frapper, me renvoyer ! 
J'ai eu temps de mal à trouver une nouvelle idée. Je ne puis en changer maintenant car c'est demain que le cirque ouvre ses portes.
18 décembre 
Je n'ose écrire ce qui s'est passé hier tant ce fut énorme.
J'ai fait mon numéro en M. Pradino bis et il m'arrivait tant de misères que le public en redemandait. Et je suais d'angoisse.

À la fin de mon numéro, M. Pradino est venu me féliciter devant le public en délire. M. Pradino hilare, heureux de mon nouveau numéro !

Jacques-André


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8 septembre 2022 
"Aujourd'hui Maman est morte." C'est une citation d'un auteur français (nos ennemis héréditaires, soit dit en passant). La phrase est sèche, précise, dénuée d'émotion indécente; elle pourrait être écrite par un Anglais. Ce qui n'empêche pas une tristesse discrète. Mais soyons franc, Maman avait 96 ans, personne n'a été pris par surprise. Je me suis rendu à Balmoral quelques heures avant son décès pour lui dire adieu. Elle m'a sourit, et j'y ai vu le signe de notre réconciliation. Nous n'étions pas à proprement parler fâchés, mais elle s'est tellement accrochée à la vie, m'empêchant ainsi de me réaliser, j'ai cru qu'elle le faisait exprès. Elle ne m'a jamais fait confiance.
Et maintenant, à 70 ans, j'entame enfin ma carrière. Heureusement, je n'ai pas besoin de cotiser pour ma retraite comme un vulgaire prolétaire. À peine les yeux de Maman refermés, tout le monde s'est incliné vers moi en disant "Vive le roi". 
 
9 septembre 2022
Je viens de passer un moment très agaçant. Camilla m'incite à relativiser, mais franchement, je ne me sens pas respecté comme je devrais l'être. Après l'attente d'une vie entière je peux enfin signer ce satané document qui fait de moi le roi de la Grande-Bretagne, l'Irlande et ce qu'il reste du Commonwealth... Et on me donne un stylo qui fuit! Je me retrouve avec les doigts tachés de noir, comme un grossier forgeron! De plus, un de ces demeurés qui sont censés m'aider avait placé un gros objet moche sur la table (un buvard ou je ne sais quoi), et refusait de le déplacer malgré mes regards courroucés!
Enfin, j'ai signé. Me voici Roi, et chef de l'église anglicane malgré mon divorce et mon remariage. Prend ça dans les dents, Maman! Camilla me conseille de surveiller mon langage même dans mon journal intime, car rien n'est sacré pour ces maudits journalistes. Je veillerai à détruire tout cela vers l'âge de 90 ans. Mon hérédité, tant paternelle que maternelle, me fait penser que je mourrai centenaire. Il faudra bien ça pour rattraper les 70 premières années de ma vie.

10 septembre 2022
C'est quand même agréable d'être enfin traité en roi. J'ai hâte de voir les nouveaux timbres à mon effigie. Et au printemps prochain, enfin, le sacre! Avec la femme de ma vie Camilla, et non pas cette chipie qu'on m'a forcé à épouser. Mais ne dénigrons pas cette pauvre Diana, qui les la mère de mes enfants.
À propos d'enfants, je suis très déçu par le cadet, sans parler de ma belle-fille. Maman disait souvent qu'elle devait gérer des enfants et petits-enfants compliqués. Je commence à comprendre son point de vue.

11 septembre 2022
La presse et internet se déchaînent contre moi à cause du stylo qui fuit, comme si j'en étais responsable! On se moque de ma tendance au perfectionnisme et à l'hygiène. Ce ne sont que des marques de jalousie. Tout le monde aimerait se déplacer, comme moi, avec son propre siège de toilettes et toute sa décoration. On est si mal logé chez les autres! Camilla me dit de me détendre, qu'être enfin roi devrait me permettre de relativiser. C'est difficile. Quand j'ouvre mon oeuf à la coque et que le blanc est trop figé ou trop liquide, bien sûr j'en choisis un autre. Qui peut y trouver à redire? Tout le monde, apparemment. Ma vie est une épreuve permanente.

Vanessa


Jour de fête


La salle principale de l'école est transformée en scène de spectacle. C'est pour la fête de fin d'année.
Longs préparatifs avec la participation des écoliers, des maîtresses et des maîtres, du personnel de service et aussi des habitants du village. 
Assez naturellement ces derniers assurent les problèmes techniques. Pimpin, maître-charpentier, est venu construire la structure de la scène. Ti Claude, l'électricien, a fait toute la lumière. Les couturières ont conçu et réalisé rideaux de scène et costumes aux couleurs chamarrées. Les vielleux et accordéonistes ont affûté leurs instruments. 
Et les enfants, pour qui cela était organisé, ont été sondés pour connaître le personnage qu'ils aimeraient interpréter. Plusieurs Père Noël, un cosmonaute, Jane et son Tarzan restent sans doute les personnages les plus marquants.
Et toi, demande-t-on au plus discret des petits écoliers, qui voudrais-tu être ?
Un petit chinois, répond l'enfant. 
Chinois de Chine ? 
Ze sais pas mais ze veux être Chinois.

Fort bien, a dit Henriette, la couturière en chef. 
Deux jours après, c'est la séance d'essayage. Un habit rouge carmin agrémenté de boutons noirs, un petit chapeau rond de même facture, une natte tressée qui descend jusqu'aux fesses, un maquillage des yeux plus bridés que nature, plurent immédiatement à l'enfant. 
Je peux me voir ? demande-t-il. 
Le grand miroir posé devant lui révèle cet autre rêvé. « Ze suis un vrai Chinois, de Chine » dit-il, ravi.

Les costumes confectionnés, chaque participant devait apprendre son rôle.
Celui de l'enfant était l'histoire de qui avait bien mangé et devait le montrer. Pour cela, le garçonnet dût se frotter le ventre dans un sens et, dans le même temps, beaucoup plus compliqué, tourner son autre main dans le sens inverse autour du chapeau.

L'enfant a fait preuve de patience et d'application dans l'apprentissage de ce double mouvement inversé pendant lequel il répète « Hum que c'était bon ! » « Hum que c'était bon »... 

Jamais il n'a réussi cette désynchronisation des mains, rendant le personnage le plus comique de spectacle et le plus apprécié du public. 

Un beau jour de fête vraiment !

Jacques-André