Atelier d'écriture

L’atelier d’écriture est l’occasion de jouer avec les mots, de faire entendre sa voix, d’écouter celle des autres, de se découvrir. C’est avant tout une expérience ludique, le plaisir de réaliser quelque chose et de le partager. À chaque séance l’animatrice propose de nouvelles consignes, qui servent de point de départ à l’écriture. Cette règle du jeu, par son aspect contraignant, permet de libérer l’imagination. On n’est plus devant une inquiétante page blanche, mais devant une proposition d’écriture, qu’on pourra à son gré suivre de près ou subvertir discrètement. C’est ce qui fait tout le sel de la lecture des textes : on se rend compte que chaque participant a traité la consigne de façon personnelle, provoquant la surprise, le rire ou l’émotion. Les échanges, qui se font dans un esprit curieux et bienveillant, permettent à chacun de prendre du recul sur son propre texte.

Atelier n°7


Proposition 1 : Inventaire anaphorique 

Liste à la Georges Perec, chaque phrase commençant par « Je me souviens... » 


Proposition 2 : Le journal intime 

Écrire quelques pages d'un journal intime. 
Le "je" du narrateur n'est pas forcément celui de l'auteur, on peut faire écrire un personnage fictionnel.


Proposition 3 : À partir d'un inducteur 

« Étant donné un mur, que se passe-t-il derrière? » 
Jean TARDIEU, Le Professeur Froeppel

Quelques textes du 7e atelier


Anaphores à la Perec


Je me souviens avoir signé Pierre mon premier bulletin de notes.
Je me souviens de l’odeur du beurre persillé lorsque Grand-mère me préparait des escargots.
Je me souviens que je gardais l’argent de la quête pour acheter des bonbons.
Je me souviens avoir inauguré le périphérique en patins à roulettes avec le chef de chantier qui me lançait des : ‘’Si je t’attrape…’’
Je me souviens des derniers troupeaux de moutons qui passaient boulevard Kellermann.
Je me souviens de la colo et de la chasse aux vipères sur les voies ferrées de Dordogne.
Je me souviens de la leçon de ces adultes : ‘’Un jour, il te faudra voler des tes propres ailes’’, alors que la veille ils me recommandaient de bien garder les pieds sur terre.

Dernier souvenir d’un guerrier de Clovis : ‘’Je me souviens du vase de Soisson’’.

Pierre 


Je me souviens de la Normandie aux petites vacances.
Je me souviens avoir glissé sur un rocher et être tombée le cul dans l'eau. 
Je me souviens du chocolat chaud au Grand Hôtel de Cabourg.
Je me souviens qu'on marchait sur les planches avec ma marraine et son teckel à poils courts.
Je me souviens de la tarte aux pommes quadrillée.
Je me souviens que j'ai toujours préféré les pains aux raisins. 
Je me souviens du sable dans les bottes.
Je me souviens des photos carrées dans un cube de plexiglas. 
Je me souviens des lits superposés, moi en haut, ma soeur en bas. 
Je me souviens du livre Bonjour, petite baleine.
Je me souviens de mon troisième prix au concours de châteaux de sable. 
Je me souviens de Blonville.
Je me souviens de Bénerville. 
Je me souviens de Deauville et Trouville. 
Je me souviens de la mairie fleurie et de l'église romane, dans chacune de ces villes. 
Vanessa


Journaux intimes



Mon cher journal


2 janvier 
J’ai été souhaiter la bonne année à mémé Jeanne. Elle m’a offert un thé servi avec des biscuits trop secs. Je me suis cassé une dent. C’est vraiment trop injuste. 

2 février 
Je suis parti en classe de neige avec tous mes camarades. Je suis le seul à n’avoir pas obtenu mon ourson d’argent. Au moment où je m’élançais en ski pour dévaler la piste, un yéti a surgi, j’ai eu très peur et je suis tombé. C’est vraiment trop injuste. 

2 mars 
À l’école aujourd’hui, tous les élèves de ma classe m’ont traité de tête d’œuf et personne ne voulait jouer avec moi. C’est vraiment trop injuste. 

2 avril 
Les fêtes de Pâques viennent heureusement de se terminer et je peux ressortir jouer à travers champs. Avec mon look d’œuf, tout le monde me chassait dans les prés et ça, je trouve que c’est vraiment trop injuste. 

2 mai 
Aujourd’hui à la cantine, il n’y avait plus de frites quand j’ai présenté mon plateau. Il ne restait que des épinards. C’est vraiment trop injuste. 

2 juin 
Je devais faire de la moto mais avec ma coquille sur la tête, aucun casque ne s’adapte. Je suis condamné au vélo. C’est vraiment trop injuste. 

2 juillet 
Ça y est, c’est les vacances. Je pensais partir bronzer sur de belles plages, mais à cause de la grippe aviaire je dois rester en quarantaine chez moi. C’est vraiment trop injuste. 

2 août 
Mais qu’est-ce qu’il fait chaud ! Si je reste au soleil, je vais griller comme un œuf sur le plat. C’est vraiment trop injuste. 

2 septembre 
Je n’ai pas vu passer l’été et il faut reprendre le chemin de l’école. Cette année, ils m’ont mis dans la classe des forts et je vais être le plus nul. C’est vraiment trop injuste. 

2 octobre 
Rue du commerce, le boucher me poursuit avec son couteau en me disant par ici mon poussin. J’ai peur pour ma vie. C’est vraiment trop injuste. 

2 novembre 
Je me suis fait traiter de vilain petit canard parce que je refusais de chanter avec le reste du groupe. Je n’y peux rien si je chante faux. C’est vraiment trop injuste. 

2 décembre 
Voilà douze mois que j’ai pris la bonne résolution de commencer ce journal. Que c’est bête les bonnes résolutions de la nouvelle année. De toute façon, tout le monde se moque de ma vie pourtant si intéressante. C’est vraiment trop injuste. 

Eric

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JANVIER 2016 

Vendredi 1er 
Réveillé à 16, avec un mal de crâne carabiné. Vais dans la cuisine pour boire un verre d'eau, trouve une femme assise à ma table en train de manger des biscottes. Jolie, mais impossible de me rappeler d'où elle sort. Sans doute ramenée de la soirée chez Jean-Luc.
Elle sourit, moi aussi ; après tout, on a sans doute couché ensemble. S'ensuit une de ces conversations du lendemain que je déteste, elle finit par comprendre que je connais même pas son prénom, elle fait la gueule mais ne décolle pas. Je retourne me coucher. 
Réveillé de nouveau vers 19h. Encore un verre d'eau dans la cuisine. La blonde est partie. Soulagement.  

Samedi 2 
Je prends mes bonnes résolutions pour 2016. Ma bonne résolution, plutôt ; la même que tous les ans : arrêter de draguer à tort et à travers. C'est mon activité favorite, mais j'en ai assez des psychodrames. Au moins la blonde d'hier n'a pas cassé ma vaisselle ni écrit au rouge à lèvres sur le miroir de ma salle de bains. Elle a juste saturé mon portable avec ses textos. Encore un numéro à bloquer.

Dimanche 3 
Me suis promené au Bois de Vincennes. Repéré une petite brune sur un banc ; me suis assis à côté d'elle, engagé la conversation gentiment. Elle se méfiait d'abord puis elle a fondu. Je suis trop bon à ce jeu, je pourrais faire ça les yeux fermés et les mains dans le dos. J'ai hésité à demander son numéro, à cause de ma bonne résolution ; ça m'a donné un petit air timide qui lui a bien plu. 
Sorti de chez elle à 11h, en promettant de rappeler. Demain je commence ma résolution. 

Lundi 4 
Retour au boulot. Très sage. 

Mardi 5 
Toujours sage. M'ennuie un peu. 

Mercredi 6 
Apporté des chouquettes à Marjorie la secrétaire. Elle m'adore, mais elle pèse 100 kilos et elle est à deux ans de la retraite. Je ne risque rien. 

Jeudi 7 
Si je continue comme ça, je vais craquer et me retrouver avec Marjorie dans mon lit. 

Vendredi 8 
Fêté la fin de la semaine au Café des Amis. Rencontré une certain Priscilla. Sans doute un faux nom, mais je peux pas lui en vouloir, moi-même quand je chasse je me fais appeler Arturo. 

Samedi 9 
Moment gênant ce matin, quand Juliette a débarqué chez moi alors que Priscilla était sous la douche. Il faut vraiment que j'arrête.

Vanessa

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1er juin 
Près d’un mois que nous sommes là, au sud de l’Angleterre, attendant notre départ. 
Américains, Canadiens, Anglais, j’ai même vu quelques Français pressés de rentrer chez eux. 
En attendant on fait de l’exercice… 

2 juin 
Exercices, encore des exercices. 
Je cours, je monte, je descends, en haut, en bas, le matin l’après-midi. 
Et, malgré mes convictions, je commence à fatiguer. 
J’aimerais bien me reposer, me promener tranquillement dans les dunes et remplir mes poumons d’un grand air de liberté. 

3 juin 
Des bruits circulent, on ne devrait plus rester là très longtemps. 
Cela dit, nous en avons déjà entendu beaucoup, un jour avec, un jour sans. 
Lassitude, j’ai envie de sable fin. 

4 juin 
Aïe ! Le temps se couvre et le départ semble se confirmer. On nous a fait préparer tout notre barda. Ils se sont apparemment décidés et bien que je n’aie aucune envie de faire le voyage par gros temps, ça serait bien pour tout le monde. 

5 juin 
Enfin, nous sommes partis, mais, sous la pluie, dans la tempête, avec tangage et roulis. Beaucoup d’entre nous sont malades. Estomac retourné, malaises, nausées, tremblements, bonjour l’ambiance, vivement que l’on s’extraie de ce rafiot. 

6 juin 
Nous y voilà. Depuis le temps que j’en rêvais. 
Je saute du bateau, je me précipite en avant et puis, stoppé net dans ma course, je reste là, inerte, étendu les yeux grands ouverts, sur cette plage de Normandie. 
Il ne voulait pas que je sache ce qui se passe derrière son mur, le maréchal Rommel.

Pierre 


À partir d'un inducteur


Étant donné un mur, que se passe-t-il derrière ? 

Crétin, têtu, borné et j’en passe. 
Depuis le temps qu’on me le dit : ‘’ Sois un peu plus souple, plus tolérant, sans apriori, pourquoi toujours t’obstiner à rester sur ton idée’’. 
C’est vrai que, avec le temps, je commence à avoir un peu mal à la tête. 
Faut dire que ça fait un sacré bail que je cogne ma caboche sur tous ces murs infranchissables. 
Alors, l’autre là, avec sa phrase à la con… Qu’est-ce que j’en sais, moi ! 
Jamais pensé à le contourner pour voir ce qui s’y passe, derrière son mur !!!...

Pierre