Atelier d'écriture

L’atelier d’écriture est l’occasion de jouer avec les mots, de faire entendre sa voix, d’écouter celle des autres, de se découvrir. C’est avant tout une expérience ludique, le plaisir de réaliser quelque chose et de le partager. À chaque séance l’animatrice propose de nouvelles consignes, qui servent de point de départ à l’écriture. Cette règle du jeu, par son aspect contraignant, permet de libérer l’imagination. On n’est plus devant une inquiétante page blanche, mais devant une proposition d’écriture, qu’on pourra à son gré suivre de près ou subvertir discrètement. C’est ce qui fait tout le sel de la lecture des textes : on se rend compte que chaque participant a traité la consigne de façon personnelle, provoquant la surprise, le rire ou l’émotion. Les échanges, qui se font dans un esprit curieux et bienveillant, permettent à chacun de prendre du recul sur son propre texte.

Atelier n°5


Proposition n°1 : Lipogrammes 


Écrire une ou deux phrases n’utilisant aucun mot comportant la lettre e.


Proposition n°2 : Un fait divers


À partir d’un fait divers raconté dans un journal : « Italie : un plancher s’effondre pendant un mariage », chacun imagine un personnage et lui donne la parole.


Proposition n°3 : À partir d’une photo

Quelques textes du 5e atelier

Lipogrammes


Un jour sans pain voit mon estomac criard, mon allant mou, ma vision s’obscurcir.
Un jour sans vin, divin disparu, chagrin lourd, vision sans fond.

Nicole H.

 
Alain partit un jour loin, si loin! Trois mois plus tard il arriva au Soudan où il fut fait roi du pays par choix national. Puis un putsch chassa Alain qui courut à son pays natal pour toujours.

Vanessa

Pari gagnant ! Today nous n’avons pas le droit au savoir animal car pas 2 mots with i british et non aï. La nuit sans dormir m’a KC.

Patrice

Un fait divers


Le Carabiniere :

« Mère Maria Paola de la Santa Familia, vous êtes la Supérieure du Couvent dans lequel ce terrible drame s’est produit, pouvez-vous nous préciser les circonstances exactes ? »

Mère Maria Paola :

« En tant que supérieure du Couvent je suis responsable de l’Intendance et du bon déroulement des évènements qui ont lieu dans notre maison. La veille de la fête, comme d’habitude nous avons fait une répétition générale et vérifié toutes les installations et les équipements, notamment celles du matériel sonore et son impact sur le plancher qui est très ancien. Tous les tests de résistance réalisés dans les règles étaient parfaitement satisfaisants.
Les convives sont arrivés comme prévu à 20h pour le Diner, puis l’animation musicale a commencé vers 22h. Je précise que l’évènement se déroulait tout à fait normalement au 1er étage réservé pour ce type de manifestation. Une bonne centaine de personnes étaient présentes. L’ambiance était joyeuse et festive, rien ne pouvait laisser présager ce terrible accident qui nous a tous bouleversés.
À 23h30 un groupe de jeunes gens venus de l’extérieur a rejoint les danseurs. Nous avons vérifié immédiatement avec la Wedding Planner si leur présence était bien attendue. Ils étaient une bonne dizaine. Elle a hésité quelques secondes et nous l’a confirmé.
Leur tenue n’était pas tout à fait celle attendue pour une soirée de mariage. La plupart étaient entièrement vêtus de noir et portaient de grosses chaussures de type militaire. Ils dansaient en groupe et sautaient en frappant fort le plancher. Personne ne semblait surpris de cette incursion aussi étrange qu’inattendue. Je suis retournée voir la Wedding Planner qui m’a informée qu’il s’agissait d’ une bande d’amis du marié.
À minuit exactement un bruit effrayant m’a alertée, je suis retournée sur les lieux et ai découvert avec horreur que le plancher s’était effondré et que tout le monde était en grande panique. J’ai immédiatement appelé les pompiers et la police qui sont intervenus aussitôt. Ils ont été d’une efficacité remarquable, je les en remercie du fond du cœur. Certes il y a des victimes, mais leur nombre a été limité.

Voilà tout ce que je peux vous dire sur cette triste affaire qui nous a tous bouleversés.

Toutes mes pensées vont aux blessés et à leur famille.

Marie-Claudine

*****

Cela fait plus de six siècles que j’ai été construit par des esclaves venus du sud de l’Italie. Vous n’imaginez pas ce que j’ai eu à porter sur mon dos pendant ces 600 ans… Pourtant, à priori, j’aurais dû passer une vie tranquille puisque le bâtiment dont j’étais le plancher au premier étage était un couvent où vivaient une trentaine de moines très sages et très discrets.
Les choses ont changé radicalement lorsque le cardinal de Florence a décidé de gagner de l’argent en louant très fréquemment et très cher le couvent pour différentes fêtes comme les communions solennelles, les mariages, les anniversaires, enfin… toutes sortes de fêtes religieuses… ou pas, d’ailleurs.
Le plus douloureux à vivre était, bien sûr, lorsque les participants se mettaient à danser comme des malades et martelaient le plancher… Surtout les femmes avec leurs talons hauts qui, sans qu’elles s’en rendent compte, creusaient des petits trous qui n’étaient pas visibles à l’œil nu mais qui ne faisaient que réduire ma solidité.
J’étais vraiment épuisé, proche de la fin sans pouvoir le faire savoir aux propriétaires du couvent, c'est-à-dire l’Eglise de Toscane.
Et le jour catastrophe est arrivé ; un mariage était organisé ce jour-là avec une majorité de jeunes qui sautaient comme des fous en dansant. Je n’en pouvais plus… et je me suis effondré, créant une sorte d’apocalypse. Trente participants ont été blessés dont cinq gravement mais sans risque de mourir.
La décision de l’autorité régionale a été de ne pas faire réparer le plancher. Le couvent a été définitivement détruit.
Je ne pensais pas mourir avec cette violence et pourtant… je vous parle du paradis des planchers.

Patrice

*****


Un témoin qui n’a pu s’exprimer : La pièce montée

Toute blanche, de roses parées, je patientais dans le frigo en très bonne compagnie, celle de mes chères amies, les bouteilles de champagne. Un extra, presque aussi beau que le marié dans sa tenue de pingouin, nous rendit visite par trois fois, emportant au passage plusieurs de mes compagnes pétillantes d’impatience. Je grelottais certes, mais l’idée de la fête, les relents de musique qui me parvenaient chaque fois que l’on ouvrait ma prison temporaire, tout cela m’émoustillait.

Enfin, mon tour vint. Trônant sur un brancard de velours immaculé parsemé de pétales et porté par quatre autres séduisants pingouins, je fis du haut de mon piédestal de verre une entrée remarquée. Je n’étais pas peu fière et rivalisais sans rougir avec la mariée enrobée d’une moussante chantilly.

C’était un grand et riche mariage. J’eus presque le tournis voyant virevolter une soixantaine de personnes, pas moins, sur le magnifique et vénérable plancher de chêne. Il faisait la fierté du lieu qui abritait la noce, un imposant couvent édifié pierre par pierre six siècles auparavant.

Hélas ! cent fois hélas, je n’eus pas le temps d’être déposée avec mille délicatesses sur la table oblongue nappée de satin. Un craquement sinistre suivi d’un fracas monstrueux firent valser les danseurs d’une toute autre manière. Pantins projetés, lourdes retombées les quatre fers en l’air, la noce perdait de sa superbe et je commençais à trembler telle une infâme gelée anglaise. Mes quatre porteurs dont je réalisai, à mes dépens, l’admirable sang froid, me projetèrent en l’air. Je fis une retombée lamentable sur quelques planches restées solides. Décoiffée, mes roses emmêlées, mes étages déplacés, je pus les voir se précipiter et déposer dans une synchronisation parfaite la mariée toute défaite à la place même où je triomphais quelques minutes plus tôt. C’était une de sauvée en attendant les secours professionnels. Le marié n’était pas en reste et tentait de relever les demoiselles d’honneur affaissées en coroles sur le traitre plancher. Les secours arrivèrent toutes sirènes glaçantes. Les raies d’un puissant soleil aidant, je m’évanouis dans ma crème. Ne resta plus de moi qu’une flaque visqueuse engluant le sol de l’étage d’après.

Je ne sus jamais que le gouverneur de Toscane fit, le soir même sur la chaîne de Berlusconi, une déclaration avec la mine qui convenait.
« Noces troublées par un plancher vulnérable, 30 personnes blessées dont cinq dans un état grave, mais dont la vie est hors de danger… ».
Vu mon état et ma fonction, je ne pus témoigner. Dommage ! j’aurais fait l’éloge de mes quatre valeureux chevaliers.

Nicole H.

*****

Mama mia, c'était une belle fête. J'avais concocté un programme très large pour associer tout le public présent au mariage de Giulia et Narciso. Ces deux-là, qu'ils sont beaux ! Giulia avec son air de Madonne dans ce vieux couvent et Narciso, eh bien, comme son prénom l'indique, quoi ! Soixante-dix personnes venues pour célébrer leur union. Et moi ! Ecco moi dans mon costume de paillettes aux reflets roses et bleutés... Regardez ce qu'il est advenu : déchiqueté, mon costume, une vraie loque. Et cette balafre au front, je suis défiguré, moi l'Arturo du Disco.

Cela faisait une heure que je m'étais mis aux manettes en chauffant la salle avec du disco bien sûr, incontournable disco. Les Bee Gees, Patrick Hernandez (ah ! ce Français, il est très fort). Il fallait à un certain moment bien sûr calmer le jeu en mettant des slows... sans oublier Una lacrima sul viso. Quel tube, vraiment. Et puis, sur le coup de minuit, j'ai remis du rythme avec les années rock. Une soixantaine de personnes se trémoussaient sur Elvis, of course, Bill Halley, Jerry Lee Lewis, Little Richard et j'en passe. Le rock acrobatique battait son plein. Les cavalières voltigeaient par-dessus l'épaule de leurs partenaires. Jamais je n'avais connu une telle ambiance rock comme celle-ci.

Et, d'un coup, la terre a tremblé et le plancher… le plancher s'est effondré ! D'un coup ! Quel enchevêtrement de corps, de poutrelles de gravats, de poussière. Et les cris ! Cris de douleur, cris d'horreur tout autour de soi. J'ai assisté à des réactions curieuses de la part de certaines personnes qui n'ont pensé qu'à s'enfuir sans porter assistance à qui que ce soit. Pour ma part, j'ai aidé comme j'ai pu et fait patienter jusqu'à l'arrivée des secours.

Alors, je me suis assis à côté de ce qui restait de ma sono. Un projecteur allumé, pendant du plafond restant, se balançait, telle une lampe-tempête.

Jacques-André

*****

— Et maintenant nous donnons la parole à Vittoria Secca qui a vécu le drame de la manière la plus intense en tant que mère de la mariée. Vittoria, on vous écoute. 
— Ah la la, quelle histoire! Ma pauvre Giulia, belle comme un lys dans sa robe blanche, elle avait d’ailleurs perdu trois kilos pour l’occasion…. Je n’oublierai jamais ce moment terrifiant: elle dansait au centre de la piste avec son nouveau mari Gabriele, j’était restée sur le côté pour les regarder, et soudain, boum! Il y a eu une sorte de tremblement de terre et j’ai vu le plancher s’ouvrir comme la porte de l’enfer, et ma fille a disparu avec Gabriele et les autres! 
— Ça a dû être terrible pour vous… 
— Terrible, oui, même si finalement Giulia a juste une entorse, sa chute a été amortie quand elle est tombée sur mon gendre. Il est encore à l’hôpital, le pauvre. Mais c’est ça le mariage, l’homme doit protéger sa femme. 
— On a évité le pire, alors. 
— Oh, mais ça n’est pas tout! Je suis la mère de Giulia mais aussi de son frère Ernesto. J’avais aussi invité mes cousins Andrea, Federico, Nicolo, ma tante Ginevra, mes neveux Alfonso, Matteo et Rocco, mes nièces Enora et Giulia… Eh oui, vous avez bien entendu, ma belle-soeur s’est permis de choisir le même prénom que celui de ma fille! Elle a été bien punie, maintenant elle a les deux jambes dans le plâtre. 
— Vittoria, on sent votre émotion, vos paroles dépassent votre pensée…
— Elles ne dépassent rien du tout. Si je vous disais tout ce qui se passe dans cette famille, on en aurait pour la journée. Déjà, ce mariage nous a coûté 12.000 euros, plus 5.000 en liquide, euh.. je veux dire à crédit, et sinon n’est pas intégralement remboursés j’irai moi-même casser le plancher de la « wedding-planner » qui nous a trouvé ce plan à la...
— Oui, Vittoria, on comprend notre point de vue. 
— Et le pire, c’est que la belle-famille me fait des reproches, comme si c’était ma faute, tout ça parce que j’ai dit quelle préférais un ancien couvent plutôt que leur propriété dans les Pouilles. Ils essaient toujours de se faire mousser, j’espère que leur fils sera moins arrogant. 
— D’accord Vittoria, on va s’arrêter sur cette note douce-amère, avant que vous soyez fâchée avec toute votre famille. 
— Vous êtes sûr? Parce qu’il y aurait beaucoup à dire sur ma belle-mère et son attitude pas jolie jolie dans toute cette histoire. 
— Merci Vittoria de nous avoir accordé cet entretien. Je rends l’antenne! 

Vanessa

À partir d'une photo





Mon nom est Full Metal Jacket. Je viens d’une étoile éloignée de deux années lumière de la Terre. Je suis un géant de 15 mètres et si je suis présent chez vous terriens, c’est parce que j’ai été condamné à l’exil par les autorités de ma planète pour avoir fait preuve de sentiments humains vis-à-vis de mes congénères métalliques, ce qui n’était pas admis chez nous. 
L’amour ou l’amitié est quelque chose d’inexistant sur notre planète puisque nous sommes tous fabriqués dans une gigantesque usine sans cœur, sans cerveau, sans système digestif et donc sans sentiments ni logique ni faim.
Je suis tombé amoureux d’un autre être métallique ni masculin ni féminin. Chez nous le sexe n’existe pas.
J’ai donc été déposé sur la Terre, en Europe. En Pologne très exactement. La fusée m’a jeté à dix mètres du sol mais j’ai pu atterrir sans encombre. Dès mon arrivée du côté de Cracovie, deux êtres humains sont venus à ma rencontre et sont montés dans chacune de mes mains. 

Patrice


Nos ancêtres avaient dépensé beaucoup de temps et d’argent à fabriquer des automates, puis des robots pour les assister dans leur travail et peu à peu dans tous les domaines de leur vie. Puis ils avaient développé l’intelligence artificielle, sans se rendre compte de ce qu’elle impliquait. 
Pendant que les acteurs se mettaient en grève pour préserver leurs emplois, que les caissières disparaissaient des supermarchés et les employés des administrations, pendant que se déroulaient ces épiphénomènes humains, les robots progressaient en silence. Ils apprenaient. Leur intelligence n’inquiétait pas les humains, puisqu’elle était « artificielle ». Mais au fil de leur apprentissage les robots ont développé d’autres compétence. Ils se sont posé des questions. Ils ont appris à mûrir leurs décisions, à peser le pour et le contre. Et progressivement ils ont commencé à peser aussi le bien et le mal. Ils ont créé des comités d’éthique.
Et nous voilà aujourd’hui, nous, les humains rescapés dans une société de robots, à attendre leur jugement. En ce moment même ils discutent de la pertinence de l’existence humaine, ce qu’elle apporte à la vie terrestre et ce qu’elle lui coûte. Je ne suis pas très optimiste. Les robots ont découvert le bien et le mal, mais pas encore la pitié. S’ils nous jugent inutiles, voire malfaisants, ils procèderont à notre élimination. Nos ancêtres auraient dû réfléchir avant d’animer des êtres artificiels comme des Golems modernes…

Vanessa



En tant qu’ancienne casserole, j’ai mon mot à dire sur la robotisation. Mon usine ayant fait faillite et reconversion oblige, je me suis retrouvée dans la high tech. Entendez par là que j’ai fait un très long voyage en soute jusqu’au Japon. Sur place et avec mille autres sœurs, j’ai été fondue, transformée refondue, découpée et finalement ajustée à la silhouette d’un bien curieux personnage mi-homme, mi-robot.

Une description s’impose. Des bras, des jambes tout pareil, mais articulés, un torse vaste et lisse avec au niveau de la ceinture tout un bazar de fils, d’écrous, de puces. Quant à la tête, elle surplombe un cou capable d’une rotation à 180 degrés. La place du crâne est prédominante, ce qui me fait penser qu’il y a un autre bazar en-dessous. La face est surprenante, dépourvue d’appendices auditif et nasal, pas d’yeux non plus, bref une face de rien.

Mais moi, ancienne casserole, je dois vous avouer que je ne suis pas peu fière de faire partie de la chose. Et pour tout vous dire, j’occupe une place privilégiée. De casserole, je suis devenue ange et me tiens debout dans la main droite de l’avenir de l’humanité, le robot, j’ai nommé. Vous vous rendez compte !

J’ai cependant un concurrent et pas des moindre. Dans la main gauche du susnommé se tient aussi droit que moi le diable en personne affublé de tout son attirail de diable, fourche, cornes et queue fléchée.

Ce pesage manuel et somme toute équitable, sinon équilibré me donne de l’espoir. C’est donc un robot pensant qui comme tout être humain envisage le bien et le mal.

Nicole H.