Atelier d'écriture

L’atelier d’écriture est l’occasion de jouer avec les mots, de faire entendre sa voix, d’écouter celle des autres, de se découvrir. C’est avant tout une expérience ludique, le plaisir de réaliser quelque chose et de le partager. À chaque séance l’animatrice propose de nouvelles consignes, qui servent de point de départ à l’écriture. Cette règle du jeu, par son aspect contraignant, permet de libérer l’imagination. On n’est plus devant une inquiétante page blanche, mais devant une proposition d’écriture, qu’on pourra à son gré suivre de près ou subvertir discrètement. C’est ce qui fait tout le sel de la lecture des textes : on se rend compte que chaque participant a traité la consigne de façon personnelle, provoquant la surprise, le rire ou l’émotion. Les échanges, qui se font dans un esprit curieux et bienveillant, permettent à chacun de prendre du recul sur son propre texte.

Atelier n°2


Proposition n°1 : Rédaction d’une liste

Mots que j’aime / mots que je n’aime pas


Proposition n°2 : Écriture objective / écriture subjective

Rédaction de deux textes brefs :

- Le premier texte relate un expérience vécue, très anodine, de façon objective factuelle.
- Le deuxième texte relate le même événement de manière à faire entendre le point de vue du narrateur. 


Proposition n°3 : Écrire à partir d’une première phrase imposée

Un matin, en ouvrant les volets, il/elle vit que le soleil ne s’était pas levé...

Quelques textes du 2e atelier


Mots que j'aime, mots que je n'aime pas 

J’aime « aimer » parce que ça fait grandir.
Je n’aime pas « grandir » parce que ça fait vieillir.
J’aime « vieillir parce que ça fait mûrir.
Je n’aime pas « mûrir » parce que ça fait pourrir.
J’aime « pourrir »… non, non, c’est pour rire.
J’aime « rire », « sourire », « vivre » parce que… rien.
J’aime bien « sérénité » surtout quand je la trouve.
Parce que ça finit comme « éternité », que j’aime bien aussi, bien que ce soit un peu long (mais moins qu’anticonstitutionnellement).
Et j’aime bien « rêver » pour les étoiles qu’il y a dedans.
Catherine 

J'aime poutchi pouli 
J'aime rouletabille 
Je n'aime pas fonctionner 
Je préfère marcher 
J'aime pissenlit et salopette 
J'aime circonflexe 
Je me méfie de parenthèse 
J'aime félicité 
Je n'aime pas axiome 
J'aime térebenthine, pinard et polisson. 
Vanessa 

Écriture objective / écriture subjective 

1) Ma grand-mère m’a demandé d’aller chercher dans le grenier des pots en verre pour faire de la confiture. Ils étaient sous la mansarde. Je me suis penchée pour les ramasser et, en me relevant, je me suis cognée la tête et mes cheveux se sont coincés dans des tendeurs suspendus là.

2) « Monte là-haut me chercher les pots en verre que j’y mette ma confiture, tu seras mignonne. »
Cette requête s’accompagnait d’un bisou lancé et vivement rattrapé par mes soins mais mince, où ça là-haut ? « Dans le grenier ! » me répondit ma grand-mère qui se débattait avec sa louche dans les vapeurs sucrées de fraises… A moins que ce ne fut dans mes vapeurs, à moi. Le grenier… mon cœur s’est serré, un vide m’a enveloppée et Mémé a brisé le silence par un tonitruant « Dégrouilles-toi un peu ! »
Obéissante, je gravis les escaliers jusqu’au premier étage, là où il y avait ma chambre et je regardai longuement la porte qui menait dans ce monde inconnu et habité : le grenier.
Régulièrement, la nuit, j’y entendais de mon lit des bruits inexpliqués, tels des pas ou des glissades. Je n’avais jamais aimé cet endroit dans lequel je n’arrivais jamais à me sentir seule, dans lequel la peur n’avait de cesse de m’accompagner. Puis il y avait eu l’affaire du carillon : une horloge ancienne, installée là, qui chantait tous les quarts d’heure. Impossible de dormir avec ce bruit ! On avait beau arrêter le balancier, elle survivait malgré tout, braillant le temps qui s’égrenait. Il avait donc fallu la briser. Pour qui marquait-elle les heures ? Par quelles forces surnaturelles et hostiles ?
J’ouvris la porte du grenier doucement et de regardai les marches et cet espace dont les couleurs me semblaient si différentes des autres pièces de la maison. Il y avait là comme un voile, un brouillard de poussière dans cette demeure pourtant impeccable, quotidiennement briquée par ma grand-mère maniaque.
Je montai les escaliers doucement, saisissant au passage un balai qui me ferait office d’arme le cas échéant. Mon cœur battait vite et fort, rythmant ma respiration bruyante. J’arrivai en haut et aperçus l’objectif, une caisse emplie de pots en verre. La saisir, me retourner, partir.
J’accélérai. Maudite caisse, tout au fond rangée ! Je dû me mettre à quatre pattes pour la sortir de son abris, lâchant de fait mon arme de paille. Mon Graal saisi, je me relevai prestement quand soudain, je reçus un grand coup de gourdin sur la tête. Peur, panique, mais cela ne s’arrêta pas là. Je n’eus pas le temps de crier à l’aide que mon agresseur me saisit par les cheveux avec force et violence.
C’en était fini de moi, je n’arrivai même pas à crier au secours. Mon cœur était sur le point de sortir de ma poitrine, ma vie entre les mains d’un autre fantomatique. Je voulu saisir ces griffes qui m’agrippaient, afin de me retourner et de voir ma mort en face, mais je ne parvins qu’à attraper des cordes élastiques pris dans mes cheveux.
Les tendeurs de mon grand-père, au-dessus de la caisse suspendue sur une poutre que j’avais prise pour un gourdin ! Je voulus me dégager. J’étais sûre, fondamentalement sûre, que ces tendeurs n’étaient pas là à mon arrivée. Folle de rage contre ces spectres moqueurs, je me dégageai, laissant dans les griffes en plastique des mèches de cheveux. Je pris la caisse et descendis quatre à quatre les escaliers sous les rires des habitants invisibles du grenier. Je refermai la porte derrière moi et mis le verrou pour être sûre qu’ils ne descendirent pas. Les bocaux en verre faisaient des castagnettes dans mes mains agitées. Ma grand-mère a hurlé « C’est pour aujourd’hui ou pour demain ces bocaux ! Qu’est-ce que tu fous ?! »
Au fait… Je n’ai jamais aimé la confiture de fraises…
Catherine

*


1) Ce soir en rentrant du travail je suis passée à la boulangerie pour acheter du pain. La vendeuse m'a montré une corbeille contenant de petits morceaux de pain et m'a invitée à y goûter. C'était une façon de faire connaître la nouvelle création du boulanger, un pain rustique fourré aux noisettes et aux raisons, appelé pain charpentier. Je l'ai trouvé très bon et en ai acheté une part. Il était vendu au poids. J'en ai eu pour 2,66 euros. Je retournerai certainement en acheter. 

2) Après une journée de rude labeur, je cheminais vers ma maison dans la pluie et l'obscurité quand mon attention fut attirée par une boutique illuminée. Je décidai de faire escale dans ce havre chaleureux. La boulangère me fit un accueil royal, déroulant devant moi de magnifiques présents dans des corbeilles en osier. La tentatrice me fit goûter un délicieux pain aux arômes exotiques. C'était un produit biblique, nommé "pain charpentier" en hommage à Joseph. Tel un elixir magique, le morceau de pain que je goûtai insinua en moi l'envie irrépressible d'en manger encore et encore. C'est ainsi que je fus prise au piège. Il m'en coûta 2,66 euros, et ce n'était que le début de ma délicieuse addiction. 
Vanessa


*
Une roulette russe estivale

1) Ces deux dames de compagnie prenaient le thé dans des habits endimanché, un bel après midi d’été, au parc Montsouris, à Paris. 

2) Comment est-ce possible en cette étouffante chaleur d’été que mes deux cousines restent avachies toute la journée sous ce soleil de plomb ? Qu’elles sont bêtes d’avoir parié ! Bêtes et têtues, dégoulinantes de sueur sous leur robes de flanelle, buvant paisiblement leur liqueur sans sourciller. 
Leur regard fixé dans celui de l’autre, imperturbablement elles lèvent leur tasse à leur lèvre et prennent une gorgée. 
D’un geste délicat, Yasmine ôte les premières gouttes de sueur de son front tandis que Cassandra esquisse un sourire de satisfaction. 
La cigüe exerce son effet et Cassandra dorénavant exulte, c’est elle qui restera vivre aux côté de leur amant.
Loïc



À partir d'une première phrase imposée 


Un matin, en ouvrant les volets, elle vit que le soleil ne s’était pas levé. Cassandra fut tout d’abord en prise avec un sentiment de confusion. Etait-ce un rêve, ou la réalité ? Dormait-elle encore ? Elle se retourna et vit son amant, encore endormi, dans leur lit. Elle fut prise de panique et se demanda si ce n’était pas les abus – nombreux – de la veille qui faisaient d’elle ce matin une victime d’hallucinations. Il fallait admettre qu’avec Victor, ils avaient exagérément fêté le décès – accidentel, vraiment ? – de sa rivale. Pauvre Yasmine, succomber à une malheureuse tasse de thé… et alors qu’elle respirait la jeunesse et la santé ! Un sourire apparut sur le visage de Cassandra : quelle avait été leur soirée, emplie de folie, de rires, d’ivresse alcoolisée et charnelle, pour célébrer cette disparition !
Mais alors qu’elle se tenait debout devant la fenêtre, le charme de la veille s’était évanoui, dans cette chambre privée de l’ensoleillement matinal. Elle réveilla Victor, de plus en plus inquiète de cette situation aussi bien anormale qu’extraordinaire. Les yeux lourds de sommeil, Victor grommela : « Mais enfin, Cassandra, le soleil s’est levé, tu le vois bien. Referme donc ces volets, je ne pourrai me rendormir avec une telle lumière dans la chambre. ».
Sentant que son esprit s’engageait sur les voies de la folie, Cassandra enfila sa robe de chambre en satin, quitta la chambre et descendit à la cuisine qui, étant située à l’entresol de la maison, ne comportait heureusement pas de fenêtre. Elle ouvrit le garde-manger, en sortit de quoi préparer le petit-déjeuner –du café moulu, de la confiture de fraise – quand sa main attrapa, voilà qui était étrange, un pain qu’elle était sûre de ne pas avoir acheté, du pain « charpentier ». Curieuse et gourmande, elle ne put résister à la tentation d’en déguster une tranche, sans attendre de remonter dans la chambre avec le plateau du petit-déjeuner. Au moment où elle s’empara de l’impressionnant couteau à pain afin de l’entamer, une voix rauque et retentissante, venue de nulle part et partout à la fois, proclama : « Cassandra, pour avoir empoisonné Yasmine, je te condamne à ne plus jamais voir le soleil se lever et à vivre éternellement dans l’obscurité. »
Hélène


Un matin, en ouvrant les volets, il vit que le soleil ne s’était pas levé.
Alors il les referma pour aller se recoucher.
Siester, il en avait que trop peu le temps, alors si Râ devenait facétieux, il n’allait pas le prier !
Et puis les hommes s’accordent bien des jours chômés, de quel esprit tyrannique et loufoque est sortie l’idée qu’une sommité telle que le soleil ne pourrait s’octroyer ce bien nécessaire d’avoir des jours pour se reposer ?
Si le soleil apprenait à dire non, bien lui en face, c’est comme cela que l’on se forge une personnalité. D’ailleurs le bonheur de cet acte révolutionnaire était d’annuler les matinées. La nuit serait seule pour un temps et tout le monde sait que les heure de nuit sont mieux rémunérées.
« A bas les matinées ! » allait-on dorénavant scander sur le pavé.
« Le soleil avec nous ! » pourrions nous entendre de partout.
Le soleil, enjoué d’être ainsi sollicité, pointa le bout de son rayon, finissant ainsi sa révolution, au grand dam de la confédération.
Il fût un matin, Mathis s’en souvient, où en ouvrant les volets il vit que le soleil ne s’était pas levé. Et mon dieu, que ce fût beau et bon pour lui d’apprendre par l’exemple à dire non à son patron.
Loïc


Un matin, en ouvrant les volets, il vit que le soleil ne s'était pas levé. Pourtant, selon les chiffres lumineux de son radio-réveil, il était huit heures passées. Rodolphe pensa qu'il était encore en train de dormir ; mais il sentit son ventre gargouiller, ce qui ne lui était jamais arrivé en rêve. Il pensa alors que son réveil s'était détraqué, et qu'il s'était réveillé en pleine nuit. Il alluma la radio ; la présentatrice de France Info l'informa qu'il était 8h17 et lui exposa la situation du trafic routier. 
Il se frotta les yeux, mais il faisait toujours aussi sombre. Les seuls points lumineux étaient les fenêtres de l'immeuble d'en face. Une sévère gueule de bois, peut-être ? Mais il n'avait rien bu. Rien ne pouvait expliquer que le soleil soit absent ce jour-là. 
Peut-être y avait-il un problème du côté de la cour, où donnait la fenêtre de sa chambre. Rodolphe décida d'aller vérifier ce qu'on voyait pas la fenêtre du salon. De loin il vit des petites lumières qui bougeaient en tous sens, comme des lucioles un soir d'été. Il s'approcha de la vitre. Dans la rue, il y avait comme chaque matin de nombreuses personnes qui se croisaient sur les trottoirs et la chaussée ; mais aujourd'hui chacune avait une lampe accrochée au front. Le ciel était tout aussi noir côté rue que côté cour ; le soleil ne s'était décidément pas levé. Personne ne semblait surpris ou gêné par la situation ; simplement, chacun s'était équipé afin d'éclairer son chemin. 
Rodolphe écouta les informations à la radio ; il n'y eut aucune mention de cet événement inhabituel, mais entre deux flashs il entendit une réclame pour EDF. Avec un soupir, il ouvrit le placard sous l'évier, en sortit une lampe de poche, et se prépara à se la scotcher sur le front. 
Vanessa


Un matin, en ouvrant les volets, il vit que le soleil ne s’était pas levé. Il regarda son radioréveil de nouveau. Peut-être avait-il inversé les chiffres : une heure du matin au lieu de dix ? Non. Un dix bien formé luisait dans le noir. Toutes les pendules de la maison claironnaient le chiffre dix. 
Il alluma la radio sur une chaine d’information et rien ne démentait cet obscure dix. 
Il ouvrit la fenêtre, se mit sur son balcon comme pour mieux sentir cette nuit noire et s’en envelopper. Le soleil et la lune semblaient faire grève en cette matinée d’été qui aurait dû être belle. Il fut saisi d’angoisse et chercha des explications. Pollution ? Fin du monde ? Mort du soleil ? Ou bien était-ce sa mort, à lui ? Peut être que c’était ça la mort : un monde où plus rien ne luit ? 
Il mit sa main sur son cœur qui battait si fort de peur de mourir. Si fort, si vite, comme pour profiter pleinement de ce reste à vivre ultime. Il se pencha sur son balcon pour tenter de deviner une silhouette, une vie, un espoir. Ses yeux s’acclimataient peu à peu et il aperçut quelqu’un assis sur un banc en bas de chez lui. Vite ! Saisir son peignoir, chausser ses baskets et descendre. 
Parvenu dans le jardin de sa résidence, il s’approcha à tâtons près d’un homme qui ô chose curieuse, semblait lire un journal. Il osa timidement : 
- Bonsoir… Euh… Vous faites quoi là ? 
- Je lis, répondit l’homme. 
Il le distinguait mal mais sa voix trahissait un âge de patriarche. 
- Il fait nuit noire là… Vous savez ce qu’il se passe ? 
- Oui. La lumière est morte.
Le vieil homme avait prononcé ces mots comme si cela lui était indifférent, ce qui rendait la situation d’autant plus angoissante. Morte, la lumière ? Comment était-ce possible ? Comment allait-on faire ? Comment allait-on vivre ? Et des pensées délirantes s’installèrent : quid de la photosynthèse, du règne végétal et animal ? Comment être un Homme sans lumière ? Puis il se ressaisit et demanda au vieil homme : 
- Comment faites-vous pour lire sans lumière ? 
- J’allume la mienne. 
- Mais laquelle ?
Il lui sembla que le vieil homme était comme entouré d’un halo lumineux et il le vit, très nettement, mettre sa main sur son cœur : 
- Celle-ci voyons !
Puis, devant le silence de son interlocuteur, il poursuivit :
- Les nouvelles sont très intéressantes aujourd’hui, vous devriez lire un peu… 
Il prit le journal devenu comme luminescent et c’est avec stupéfaction qu’il y découvrit des photos de sa vie. 
Des photos de lui enfant, entouré de ses parents sur une plage au soleil. Des photos de lui adolescent, aux heures heureuses des colonies de vacances. Des photos de feu son mariage sous le soleil de Carcassonne. Des photos de lui papa, dans les jardins pétillants de Nice. Puis d’autres, de plus en plus ternes, de plus en plus floues jusqu’à en devenir illisibles. Son cœur se serrait, ses mains tremblaient.
- Qu’est-ce que tout cela signifie ? 
- Il est temps d’allumer la lumière Paul.
Paul ? Il le connaissait donc mais d’où ? Il bredouilla simplement : 
- Comment ça ? 
- En pardonnant. En lâchant tes rancunes, tes frustrations… tout ce qui t’encombre.
Paul demeura silencieux, bouleversé. Des larmes taquinaient ses paupières. 
- Tu es responsable de ta propre nuit.
Il ferma les yeux et les dernières années de sa vie défilèrent devant lui ainsi que sa colère, sa haine, son sentiment de trahison.
- Alors, change ! » murmura tendrement le vieil homme. 
Paul gardait ses yeux fermés dans l’espoir d’endiguer un flot de larmes, en vain. Puis il prit une profonde inspiration pour enfin regarder le vieil homme et lui crier un grand « oui ! », mais il n’était plus là. Il regarda autour de lui : personne, sinon un oiseau qui commençait à chanter pour célébrer le soleil qui naissait doucement.
Catherine