Atelier d'écriture

L’atelier d’écriture est l’occasion de jouer avec les mots, de faire entendre sa voix, d’écouter celle des autres, de se découvrir. C’est avant tout une expérience ludique, le plaisir de réaliser quelque chose et de le partager. À chaque séance l’animatrice propose de nouvelles consignes, qui servent de point de départ à l’écriture. Cette règle du jeu, par son aspect contraignant, permet de libérer l’imagination. On n’est plus devant une inquiétante page blanche, mais devant une proposition d’écriture, qu’on pourra à son gré suivre de près ou subvertir discrètement. C’est ce qui fait tout le sel de la lecture des textes : on se rend compte que chaque participant a traité la consigne de façon personnelle, provoquant la surprise, le rire ou l’émotion. Les échanges, qui se font dans un esprit curieux et bienveillant, permettent à chacun de prendre du recul sur son propre texte.

Atelier n°9


Proposition n°1 : Tautogramme


Texte dont tous les mots commencent par la même lettre.


Proposition n°2 : Le personnage par un narrateur omniscient


À partir d’une photo, faire le portrait d'un personnage: apparence physique, personnalité, histoire de vie... Texte à la troisième personne, par un narrateur omniscient.


Proposition n°3 : Le personnage prend la plume 


Le personnage décrit précédemment s'exprime à la première personne.

Quelques textes du 9e lundi

Tautogrammes


1) Tautogramme en M 


Ma Mie, mouvons, ma Maîtresse, migrons. Madagascar ! Merveille ! Me mèneront mes mots ! Marées, mers, Méditerranée !... Mince ! Ma mie meurt !
Muriel

Merci ma maman. Maintenant, mes menottes mauves malaxent mon menton méticuleusement. Morbide moi ? Mon moral monte merveilleusement Mummy ! Moi manger mon melon mariné. 

Patrice

Mince, mon mouflon me mange mes moufles! Méchant mammifère! Meurt, mouflon meurt! Mais mince, mince, mince! Mon manteauu me moule maladroitement. Maudit mirage mirobolant...

Vanessa

2) Tautogramme en D


Dès dimanche, détecte des débiles dans des déserts démoralisants ! Déterre, découpe, détruis. Dors dorénavant dans des débarras dégoûtants. Digérons des donuts dévorés dans des donjons détruits. Didon dina du dos dodu du dindon.

Patrice 

Débutons, diable, dérivons dans diverses directions ! Dérivons, Derviches dépossédés ! Des damiers diaboliques drainent doucereusement des déraisons dissimulées.
Muriel

Didier disserte doctement du devenir des dindons dans des documents démesurés. Décidément, dur dur de deviser délicatement de dindons! Depuis des décennies, des docteurs délibèrent, dissertent, dissèquent des difficultés dindonesques. Distinguons Dr Didier Durand, dominant décidément des décennies de débats.

Vanessa


Le personnage : 

narrateur omniscient ; narrateur subjectif




Jessica ne rayonne jamais plus que dans sa cuisine, parfaite épouse tout occupée à récurer et à cuisiner jour après jour, l'incarnation même de la femme idéale de notre temps. Sa chevelure auburn lissée, crantée, domptée par un serre-tête, son front dégagé, ses joues aux pommettes rondes, ses lèvres rouge incarnat s'ouvrant sur un discret sourire aux dents blanches, ses grands yeux noisette discrètement soulignés d'un trait d'eye-liner précis, la ligne auburn de ses sourcils épilés dessinant une courbe nette, sa poitrine moulée d'un chemisier blanc repassé de frais, elle virevolte dans sa cuisine où tout brille, tout étincelle, tout se détache impeccablement en couleurs vives. Elle n'est préoccupée que de plaire à son parfait époux, Peter, lorsqu'il rentre de son bureau de la City, et d'élever leur petit Jimmy. Seul point noir de sa vie, ses voisins négligés qui vivent dans un déplorable laisser-aller. Elle a horreur de les croiser. Ils lui rappellent trop son enfance misérable dans l'East End d'avant-guerre.
Depuis son mariage, elle n'a de cesse de repousser le spectre de la saleté et de la pauvreté à coups d'aspirateur, de serpillère, de plumeau, de chamoisine, de cire à linoleum, de patins à frotter. Le petit Jimmy ne peut tacher ses vêtements, ou avoir une mèche de cheveux qui s'écarte de la raie maternellement tracée chaque matin au peigne trempé dans l'eau, sans qu'elle ne se précipite pour le nettoyer, changer ses habits, le peigner et le gronder pour sa négligence. C'est un enfant timoré qui ose à peine respirer et refuse de jouer avec les autres enfants, de peur de se salir. Elle en est ravie et s'extasie de sa sagesse. Dès qu'un jouet est utilisé, il doit être rangé. Il a appris à s'exécuter. Il sait déjà que partout doivent régner l'ordre et la propreté. C'est à ce prix que Jessica surmonte la terreur enfantine de la violence et de la crasse de l'East End des années quarante. Son mariage en 1950 lui a permis de s'échapper vers un nouvel horizon qu'elle chérit, où elle s'épanouit entre les meubles en formica impeccables et inusables de sa cuisine , et ceux en acajou vernis du salon et des chambres.
Jour après jour, la même joie la suffoque au réveil dans ce monde parfait de leur trois pièces-cuisine, au rez-de -chaussée d'une résidence moderne.

Muriel

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Faut que ça brille. Je frotte, je brique, je vous nettoie tout ça aux petits oignons. Faut du brillant, faut du clinquant! Quand je manie la chamoisine, souvent j'imagine que je la passe sur la tête de mon Jimmy. Je lui ébouriffe sa petite tête de premier de la classe, je lui fais un shampoing sec dont il se souviendra. Jimmy, l'enfant trop parfait... Je passe mon temps à le rhabiller, à le peigner, à lui faire dire "bonjour monsieur, merci madame" - en réalité il m'exaspère, il est trop propre, je te le mettrai dans le lave-linge pour lui apprendre la vie! 800 tous par minute!
Mais je l'aime, bien sûr. Je suis une bonne mère. Plus tard il fera Harvard, comme son père. Son connard de père. Oh, j'ai dit connard! Va te laver la bouche au savon, Jessica. Connard, connard, connard. Peter le connard, qui m'a collé un enfant tout propret qui finira à Harvard. Si je pouvais le passer à la machine, lui aussi, mais il est trop grand, il ne rentrerait pas. Quoique... découpé en morceaux... J'ai de beaux couteaux, dans cette cuisine rutilante. De la lame qui brille, ça étincelle de mille feux, oh oui, le feu aussi ça serait bien un peu d'essence renversée malencontreusement, une allumette, et hop! Finie la maison, finie la cuisine qui brille et la salle de bains qui scintille, fini le salon avec ses fauteuils assortis, finie la Jessica proprette, je serai noire de suie, et je respirerai enfin! Je respirerai la bonne odeur de brûlé, et j'imagine déjà la tête de Peter, ce connard, quand il rentrera le soir dans sa maison en ruine, accueilli par sa femme sale et échevelée! 
Frotte, Jessica, frotte, faut que ça brille. Faut que ça sente le propre et le frais, faut pas laisser le brûlé prendre le dessus. Pas encore. Tiens, la porte.. Bonsoir mon chéri!

Vanessa


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Jean-Claude n'a pas eu la vie facile. Son visage émacié garde la trace des épreuves qu'il a traversée depuis l'enfance. Né peu après la guerre, dans une famille déjà nombreuse, il a été envoyé aux champs, comme on disait Il a suivi l'école de loin en loin, dans l'indifférence générale ; à onze ans il s'est retrouvé orphelin et sa soeur la plus âgée, 'la pris chez elle. Après avoir échoué au certificat d'études, il a continué à aider à la ferme familiale pendant quelques années puis a décidé de tenter sa chance ailleurs. C'est ainsi qu'il est devenu vagabond. Pendant des années il a traversé la France, au gré des petits boulots saisonniers: coupe du bois, vendanges, cueillette des fruits... IL faisait aussi de menus travaux selon les besoins. Parfois on le laissait dormir dans la maison ; le plus souvent il se débrouillait dehors avec son sac à dos et son sac de couchage. Jean-Claude se méfie des humains ; il leur préfère la compagnie des chiens. Il a d'abord eu sa fidèle Titoune, puis Brillant ; aujourd'hui son meilleur ami est un sympathique bâtard nommé Pistache. Pistache ne fait pas de remarques désobligeantes sur les habits élimés de son maître, sur son hygiène douteuse, sur ses choix de vie. Il le suit dans ses pérégrinations, partageant les périodes fastes est les moins bonnes. Jean-Claude a maintenant soixante-cinq ans ; il est moins fort qu'avant, mais continue à travailler car il n'aime pas faire la manche. Il en a assez de bouger sans cesse ; il s'est fixé en bordure d'un village dans la Creuse, où on le laisse tranquille. Un habitant lui a offert une petite tente Queshua, un autre une couverture pour lui et une pour Pistache. On aime bien Jean-Claude, malgré ses airs taciturnes. On ne lui poser pas de questions, maison veille à ce qu'il ne soit pas trop mal installé. Jean-Claude de dit rien, mais il apprécie. Il trouve que les gens sont plus doux avec lui maintenant qu'il vieillit. Sans doute fait-il moins peur, avec ses rides et sa moustache grisonnante.

Vanessa

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Ce coin de la scierie, j'aime bien, c'est tranquille. Personne pour me zyeuter, ou me dire Dégage, c'est privé ici, tu sais pas lire ? Ben non, je sais pas, Ducon ! J'ai oublié. Hein, Pistache, bon chien, tu t'en fiches, toi, que je sache plus lire?... Ici fait chaud, et ça sent bon le bois coupé, ça me rappelle chez Mémé. C'est loin, tout ça...Qu'est-ce que je serais devenu si Mémé n'était pas morte trop tôt ?... ça sert à rien de ruminer...c'est fait, c'est fait ! On peut pas rembobiner le film... J'aimais bien ça, quand ils rembobinaient le film à l'envers, qu'on voyait courir à reculons, la voiture à toute allure en marche arrière, les chevaux galoper à l'envers, c'était marrant ! Dommage qu'y a pu ça maint'nant, le cinéma ambulant. C'est tout c'qui m'manque, au fond... mais faut pas s'plaindre ! Jean-Claude, t'as de la chance, t'as fait ton trou au fond du village, y t'ont même donné une tente, deux couvrantes, une chaise, un matelas, un réchaud, une casserole, de quoi c'est-y que tu t'plaindrais ? Rien à sert de rouspéter, qu'a disait Mémé. Elle me manque bien. Quand je r'garde les nuages, j'me d'mande si je la retrouverai là-haut. J'ai bientôt l'âge qu'elle avait quand elle est partie. Est-ce qu'elle est là-haut, comme y disait le curé ? Et toi, mon p'tit Pistache, tu pourras t'y être , avec nous zautres ? Tu l'mérites bien, c'est sûr, bien plus que beaucoup que j'connais ! Un chien, jamais de reproches, toujours à vous regarder de ses bons yeux, toujours fidèle, toujours là, sous la pluie, la neige, dans le cagnard, qu'il y ait à croûter ou pas. Brave Pistache, bon chien va !

Muriel


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Mourad Ben Salah, 37 ans, a décidé d’arrêter sa carrière de footballeur professionnel qu’il avait commencée à 18 ans lorsque, citoyen égyptien, il avait été transféré dans le club anglais de Manchester United.
Il était resté 5 ans dans le club mancunien où il s’était rapidement révélé comme un joueur indispensable au poste d’avant centre. Dès la première année, il avait marqué 35 buts, ce qui, pour un joueur de son âge est un fait rarissime. 
Il avait, de plus, montré un caractère et une attitude rares dans le milieu du football. En effet, jamais il ne se plaignit de la faute d’un adversaire sur sa personne ou d’une décision douteuse de l’arbitre. Il fut d’une droiture et d’une politesse exceptionnelles dans ce monde généralement considéré comme « trop populaire ». 
Après 5 ans à Manchester, les clubs les plus huppés d’Europe cassèrent leur tirelire pour le faire venir. C’est ainsi que le club de Liverpool offrit la somme faramineuse de 100 millions d’euros pour son transfert. Il y resta 4 ans jusqu’à l’âge de 27 ans. L’impact qu’il y eut fut encore plus remarquable. Du fait de son extrême correction et de son bon esprit devenu légendaire, il eut une influence décisive sur l’image du football. 
Les statistiques notèrent qu’en sa présence, les violences et les incivilités des joueurs et du public en général diminuèrent de 40% : beaucoup moins de fautes, moins de penalties sifflés, une baisse sensible de l’hostilité du public vis-à-vis contre l’équipe adverse, contre les noirs, les arabes ou les homosexuels. 
Après ses 2 expériences anglaises, le Real Madrid parvint à le faire venir en Espagne pour la somme de 150 millions d’euros. Il y resta 5 ans et les influences positives qu’il eut en Espagne sur le monde du football non seulement se confirmèrent mais augmentèrent même sensiblement. Le football en devenait même presque ennuyeux tant la politesse, la correction et l’amabilité devenaient monnaie courante. 
Après 5 ans au Real, il choisit de terminer sa carrière en France, à Marseille où, à lui seul, il permit aux marseillais, non seulement d’être champions de France mais aussi de gagner la champions’s league. Avec, bien sûr, toujours autant de buts et d’effets positifs sur l’attitude générale. 
Après 5 ans à Marseille, à 37 ans donc, il décida d’arrêter le football. 
Cet arrêt n’est pas seulement dû à son âge mais aussi et surtout à une proposition qui lui fut faite de tourner dans un film de Steven Spielberg. Son physique avantageux et sa personnalité pleine de charisme expliquent sans doute ce choix du réalisateur américain.

Patrice


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Ceci est mon journal.
Jamais je n’aurais pensé que ma vie publique serait ce qu’elle fut jusqu’ici.
Alors qu’à 18 ans je vivais encore chez mes parents au Caire et jouais dans l’équipe junior du club de la capitale, mon entraineur vint me voir un matin et me dit : « Mourad, sais-tu qu’un grand club anglais te veut ? » Abasourdi, je l’entendis prononcer le nom de Manchester United. J’en fus complètement affolé et même un peu déçu. Moi qui ne jouais au football que parce que mon père, amoureux de ce sport, m’avait inscrit dès l’âge de 11 an dans le club de la ville, je me voyais propulsé vers le devant de la scène, appelé à devenir peut être une vedette internationale, car Manchester était un des clubs les plus réputés au monde.
J’eus le sentiment de ne plus être maitre de mon avenir, d’autant plus que, je l’appris le jour même de la bouche de mon père, il avait signé un contrat à ma place, la majorité en Egypte n’étant qu’à 21 ans. Ainsi, j’allais devoir quitter ma famille, ma ville, mon lycée, mes amis pour jouer au foot, alors que mon rêve était de continuer le théâtre et d’en faire peut-être mon futur métier.
15 jours plus tard je débarquai à Manchester, accompagné de mon père. On m’attribua un appartement de 4 pièces à proximité du stade d’entrainement, à moi, à un gamin de 18 ans.
A partir de là, chaque jour, entrainement de foot, le samedi ou le dimanche, match à Manchester ou dans une autre ville. Ne faire que du foot, ne parler que de foot, n’assister qu’à des matchs de foot. J’en eus rapidement tellement marre que je devins quasiment schizophrène. Certes, je jouais et marquais beaucoup de buts, mais je décidai de rompre avec l’esprit de « footeux » : j’allais montrer à tous que ce qui m’importait dans la vie était le contact humain, le respect de l’autre.
Petit à petit je remarquais les effets de mon attitude. Un nouvel état d’esprit sembla s’instaurer sur les terrains où je jouais, une sorte de sérénité, de respect, d’honnêteté vis-à-vis des l’arbitre, des adversaires, du public.
De plus, last but not least, je parvins à m’intéresser de nouveau à la littérature. Puisque j’étais en Angleterre, je me plongeai dans Shakespeare quand le foot me laissait un peu de répit. Par la suite mes séjours en Espagne, puis en France me donnèrent l’occasion de découvrir des auteurs comme Garcia Lorca ou Molière.
Récemment j’ai été contacté par Steven Spielberg qui me propose de tourner un film. Je n’en connais ni le sujet ni la date mais j’en bous déjà d’impatience. Vivement demain !

Patrice