Atelier d'écriture

L’atelier d’écriture est l’occasion de jouer avec les mots, de faire entendre sa voix, d’écouter celle des autres, de se découvrir. C’est avant tout une expérience ludique, le plaisir de réaliser quelque chose et de le partager. À chaque séance l’animatrice propose de nouvelles consignes, qui servent de point de départ à l’écriture. Cette règle du jeu, par son aspect contraignant, permet de libérer l’imagination. On n’est plus devant une inquiétante page blanche, mais devant une proposition d’écriture, qu’on pourra à son gré suivre de près ou subvertir discrètement. C’est ce qui fait tout le sel de la lecture des textes : on se rend compte que chaque participant a traité la consigne de façon personnelle, provoquant la surprise, le rire ou l’émotion. Les échanges, qui se font dans un esprit curieux et bienveillant, permettent à chacun de prendre du recul sur son propre texte.

Atelier n°10


Proposition n°1 : Écrire avec une syllabe imposée


Chacun écrit quelques phrases en utilisant des mots (noms, adjectifs et verbes) qui commencent tous par la même syllabe : « dé ».

Proposition n°2 : À partir d’une situation


Deux personnages se retrouvent. L’un s’écrie : « Tu as un œil au beurre noir ! Mais qu’est-ce qui s’est passé… ? »


Proposition n°3 : Écrire une histoire à plusieurs


Quatre tours, une demi-page chacun.

Quelques textes du 10e atelier


Écrire avec une syllabe imposée


Dépossédée de tout désir, Déborah sentie le désespoir se déverser en elle. Son nid délicieux et délicat était, sous ses yeux, dévoré par d’énormes flammes. Une fumée sombre comme un démon décuplait le désolant désastre qui se déroulait.

Nicole H.

À partir d'une situation


Plus la distance se réduisait entre eux, plus Quentin trouvait la démarche et la face de Timothée annonciatrices d’une sorte de drame. À un mètre de lui, il constata qu’il pressentait vrai.Timothée avait perdu en hauteur et se tenait courbé sur ses genoux repliés, lesquels sortaient à nu de son jean. À la vue de son ami les cheveux en bataille, la lèvre tuméfiée et l’œil droit horriblement maquillé, Quentin s’écria :
- Mais, tu as l’œil au beurre noir ! Mais qu’est-ce qui t’est arrivé ? Repose-toi sur moi, tu ne tiens plus debout.
- Je… Je…  Timothée laissa tomber deux dents, un filet rougeâtre vint tinter sa lèvre noircie et lézarder son menton bleui.
- Fe… Fe… me fuis fais agre… agre… agreffer par deux géants cagoulés…
Fermant l’œil qui lui restait, il s’affala sur le banc de bois plus dur que jamais.
- Ils t’ont pris quelque chose ? 
- Mon téléphone, ma facofffe 
- Les salauds !!! Tu sais par où ils sont partis ?
- Non ! Ils m’ont frappé, je fuis tombé sur les venoux… 
- On attend un peu, dès que tu es en état, je t’amène à la pharmacie là-bas et je cours au commissariat le plus proche.
Timothée eu un haut le corps, un jet puissant vint reboucher les trous de son jean. En deux secondes Quentin aspergea son ami avec le litre et demi d’eau de La Tour du Pin qui dépassait de son sac. Timothée en ressentit comme un léger bienfait. Il voulut s’exprimer, mais c’est une troisième dent qui lui échappa cette fois-ci.

Nicole H.

Écrire à plusieurs


Hier au marché de Daumesnil j’ai entendu un dialogue entre la poissonnière et le fleuriste dont les étals se font face… 
— Belle, elles sont belles mes tulipes
— Beau il est beau mon cabillaud!

J’adore mon marché Daumesnil. toujours très animé, et comme toujours bien achalandé. Fruits et primeurs, viandes, poissons, casseroles et autres produits pour la maison. Mais j’avoue avoir une faiblesse pour la poissonnière, qui a toujours la bon mot pour attirer le client. Ah oui, il est beau son cabillaud, mais cher, il est cher son filet de Saint-Pierre…

J’y vais généralement dimanche matin. L’ambiance et très sympa, on slalome entre les poussettes, les caddies, les chiens. Ça me rappelle les marchés du sud, très hauts en couleurs et en parfums. La poissonnière se repère de loin. Elle a une voix qui porte, et sa carrure est impressionnante.

Elle a ses clients attitrés qu’elle chouchoute avec beaucoup de considération. Pour ces privilégiés, le cabillaud n’est pas aussi cher que pour les autres. La poissonnière a vraiment recréé un système de classes. Si je veux manger du poisson, je n’ai qu’une solution: me mettre bien avec elle. Je m’avance vers son étalon grand sourire aux lèvres, et je susurre:
— Que votre cabillaud est joli! Que votre Saint-Pierre me semble beau! Sans mentir, vous êtes la plus parfaite marchande de ce marché. 
Elle se tourne vers moi avec mins de douceur que je ne l’avais espéré, et aboie: 
— On fait la queue, comme tout le monde!
Je suis rentré chez moi honteux et confus, en jurant qu’on ne m’y reprendrait plus.

Annie, Louis, Maris-Claudine, Vanessa 

***

En ce moment, j'en ai marre... ! Marre de scruter jour après jour la météo. Cette météo qui ne change pas depuis plusieurs mois. De la pluie, presque tous les jours, du vent, et des températures si basses pour un printemps qui n'arrive pas, alors que l'été pointe le bout de son nez... En tous cas sur le calendrier ! Le changement climatique... C'est maintenant !

L'an dernier, à la même époque, on avait affronté une semaine de canicule, début juin. Je m'en souviens, je me suis précipitée chez Darty acheter un super ventilateur Dyson. Par contre, il pleuvait pour la fête de la Musique, ce qui l'a gâtée, forcément. On ne peut pas faire de projets avec les prévisions météo qui ne tiennent pas la route. Ça ne vaut pas la peine de voyager si c'est pour se retrouver dans des pays inondés.

Et puis, bon, j'ai décidé d'arrêter de ronchonner et, mouillée pour mouillée, j'ai pris un billet pour l'Indonésie. C'est un des pays les plus touchés par les pluies torrentielles et les tsunamis. Après ce printemps pluvieux, je me sens prête à affronter encore plus d'eau, et au moins je verrai du pays, entre les gouttes.

Ma valise est fin prête, ma sacoche, mes billets, mes papiers. Plus qu'à faire un dernier tour par précaution dans la maison. Allez hop, en route pour l'aventure ! Je serai largement à l'heure à l'aéroport de Genève, le taxi est déjà devant ma grille. Mais, qu'est-ce-que c'est que ce grondement effroyable ? 
France 3 Régions :
« Chers téléspectateurs, nous apprenons à l'instant qu'une effroyable coulée de boue et de pierres a entièrement emporté tout un village de Savoie, à Belregard. Le torrent a débordé avec violence, ses rives montagneuses se sont écroulées. Miraculeusement tous les habitants sont indemnes, sauvés à temps par un ballet d'hélicoptères dès le début. Mais leurs maisons sont englouties. Nous faisons appel à votre solidarité ».

Louis, Marie-Claudine, Vanessa, Muriel

***

L'homme sortit de sa cabane de rondins. Il ferma sa veste en peau de buffle, prit un bâton de marche noueux posé contre le volet de la porte, ajusta son bonnet de loutre, et s'éloigna dans l'aube naissante, vers le bois de bouleaux, un grand sac de toile gris jeté sur son épaule. Son berger allemand lui emboîta le pas en remuant la queue. Il savait ce qui les attendait dans la forêt.

Les deux compagnons s'y enfoncèrent une heure durant au plus profond. Ils en étaient au cœur. Curieusement les hauts arbres s'espaçaient, les buissons ne voulaient plus stopper leur marche et les hautes herbes se faisaient plus douces pour ne point les ralentir encore. Stocker reniflait le sol de plus en plus bruyamment, soulevant de petites mottes de terre. C'était un chien exceptionnel qui cachait bien son jeu.

Il chassait les Indiens, c'était sa spécialité. L'homme, Bud de son petit nom, avançait sans percevoir quoi que ce soit. Stocker grogna et fila très vite vers ce que Bud pensait être des fleurs printanières. L'innocent ! Stocker avait levé... deux Indiens Manitoba dont les plumes dépassaient un petit monticule de terre. Ils se levèrent en hurlant, se frappant la poitrine, retroussant les lèvres à la manière d'un... Stocker prit peur et vint se réfugier auprès de Bud qui avait suivi la scène avec étonnement. Il pensait que son chien ne faisait qu'IMAGINER des Indiens Manitoba. De là à en voir réellement !...

En fait, avec une grande joie, il put enfin pratiquer la langue indienne qu'il avait apprise auprès de deux amis Comanches qu'il avait rencontrés en Iowa. Il leur adressa donc la parole, dans la langue parlée par les Comanches.
- « Bonjour les amis, comment allez-vous ? Je suis un grand ami des Indiens et suis pour un vrai rapprochement avec vous ».
- « Hugh, répondit l'un des deux Manitobas. Nous pas comprendre le Comanche. Nous parler anglais ».
- OK, how are you ?

Muriel, Nicole, Jacques-André, Patrice

***

Enfin ! C'était le premier jour des soldes. Arnold allait pouvoir se rhabiller de la tête aux pieds. Pendant toute la durée de son mariage, c'est Élodie qui choisissait ses vêtements, elle lui avait donné du style, c'est vrai, mais enfin...ce n'était pas son style ! Trop décontracté-chic, trop de baskets en cuir noir et de pulls en cachemire. Désormais Arnold allait s'autoriser plus de fantaisie. Il entra dans la première boutique...

La techno lui déchira les oreilles. Un vendeur repéra son hésitation, se précipita « Je peux vous aider ? ». Arnold balaya du regard les portants, les étagères, les mannequins. Tout était dans le même style que le vendeur. Tee-shirts acidulés, jeans troués et rapiécés, shorts effrangés, baskets fluo oranges et jaunes, formes asymétriques, bandanas aux couleurs vives.
- Euh, non, répondit Arnold, je crois que je me suis trompé.
- Attendez, répondit le vendeur à la narine transpercée d'un anneau, regardez cette tenue, ça vous changerait !

Après un déhanché spectaculaire, le vendeur exhiba sous son nez un blouson de daim modèle années 50, mais d'une merveilleuse couleur orange. Un second déhanché fit apparaître un pantalon de lin vert sapin d'une coupe nonchalante et parfaite. Il tendit les deux pièces à Arnold qui n'en croyait pas ses yeux, mais hochait la tête dans une sorte d'approbation. Le vendeur revint vers lui presque essoufflé et lui tendit un T-shirt de coton bio, blanc et épais, de couleur rosée. 

Arnold se dit qu'il aurait peut-être l'air d'un sapin de Noël avec l'orange, le vert et le rosé ! Mais il se dirige vers la cabine d'essayage d'où il ressort métamorphosé. Un look rétro qui sort de son confort et évite les pseudo-vêtements vendus très cher. - Vous n'auriez pas un chapeau texan en rayon ? Le vendeur se déhanche une nouvelle fois et le miracle devient réalité. Il lui présente un magnifique Stetson plus vrai que texan. Arnold se regarde dans la grande glace. Stetson au top, veste bien frangée, pantalon moulant.
- Waouh ! s'écrie une cliente. Il lui jette un clin d'oeil : 
- Pas mal, hein, Baby?


Vanessa, Muriel, Nicole, Jacques-André

***

Un matin vers 6h, j’ouvris un œil et vis un animal sauter sur mon lit. C’était un rat. Il s’approcha de moi et se mit à me regarder fixement. J’en fis de même et nous passâmes une minute à nous toiser. Je me levai lentement et allai ouvrir la fenêtre avec l’espoir que le rat se sauverait. Tu parles … Il ne bougea pas d’un iota et continua à me fixer. Je crus même déceler un vague regard ironique de sa part …

Mais en le regardant plus attentivement, je vis plutôt de l’empathie dans cet œil morose, rond et très vif. Ben tu viens d’où ? me surpris je à lui dire ... Il tourna la tête vers la fenêtre entrouverte. Puis son regard s’arrêta sur la photo de Basthet, ma chatte hélas disparue. Et moi de dire, t’inquiète, elle n’est plus là et d’ailleurs je suis sûre que vous auriez pu dialoguer.

Ah, ce rat des villes … Il avait un air presque humain … Imaginer qu’il puisse penser, en regardant une simple photo, que ma chatte aurait pu lui parler ou le chasser… Je divague… Cette bête, moche et sale (c’est ce que je ressens) est là, à cause du laisser- aller des services de la mairie, incapables de traiter radicalement le problème. Et au contraire, constater que ledit problème prenait une ampleur exponentielle. Mais quand les rats de la ville de Paris iront voir si l’herbe est plus verte ailleurs ??

Soyons concret et réaliste. L’urgence est de contacter la Mairie pour lui demander d’intervenir, ou au moins pour l’informer de la situation. Même si les services municipaux ne prennent pas en charge les opérations de dératisation, ils peuvent au moins faire une campagne de sensibilisation et fournir une liste de sociétés spécialisées dans le domaine, et cete(ra). 

Patrice, Annie, Louis, Marie-Claudine

***

J’ai les palmes, le tuba, le short hawaïen, le chapeau de paille, la crème solaire hydrophobe, bon..., rien ne manque. Je suis prêt.
Alors, maintenant je vais où ?
À la mer bien sûr. Que dit le Net ?
La côte d’Azur ? Trop chère, trop bondée.
La côte d’Opale ? Trop glagla.
La Bretagne ? Tiens c’est une idée... Hum hum… Brigognan-Plages, tiens pourquoi pas ? L’hôtel Azur face à la mer. Je clique !

Et tout de suite, je déchante. La première information que je peux lire sur le site de l’hôtel est que celui-ci est complet pendant les deux prochains mois. Alors que moi, j’étais prêt à partir sous 24 heures. Que faire ?
Il me vient alors une idée : quand j’étais encore à la fac, j’avais fait la connaissance de Dino qui venait de Lorient. Et si j’essayais de le recontacter pour qu’il m’invite chez lui ?
Je consulte la liste de mes contacts et retrouve son numéro que je compose immédiatement. « Salut Dino, tu te souviens de moi ? Je suis Patrice. Nous nous sommes connus à la fac de Nanterre». Oui, bien sûr ! Que deviens-tu ?

Ça va, toujours dans la politique et la littérature. Et toi, que deviens tu ? Bof ! Tu sais, je travaille dans l’administration du port de Lorient…Pas très poétique, mais ça fait vivre.
Tu travailles au port de Lorient ? Quelle coïncidence, je suis en train de préparer un livre sur la vie des pêcheurs bretons du 19e siècle et j’ai quelques manques et besoin de photos. Tu pourrais peut-être m’aider ?
Génial ! Bien sûr ! Tu ne connaitrais pas un petit hôtel près de chez toi, pas trop cher ?
Patrice, idiot, viens à la maison, j’ai trois chambres et vue sur la mer.

Ah, ben dis donc, trop sympa ta proposition ! Mais tu sais, j’avais l’intention de venir dès demain. Tu es sûr que c’est possible ?
Ah, demain ? Écoute, j’avais prévu autre chose pour demain et les jours suivants, mais je peux peut-être m’arranger et différer mon programme. Je vérifie et je te dis. Ok, tu me rappelles rapidement ? Oui oui…
Au fond de moi, je me suis rendu compte que j’avais peut-être un peu exagéré et que m’incruster aussi soudainement était quelque peu maladroit. Oh, après tout, je reste optimiste. Le Dino, c’est un mec sympa et puis je ne lui ai rien demandé, c’est lui qui m’a proposé de m’inviter et de dormir chez lui…

Jacques André, Patrice, Annie, Louis

Atelier n°9


Proposition n°1 : La liste de mes envies


- Que voudrais-je avoir ?
- Que voudrais-je faire ?
- Que voudrais-je être ?


Proposition n°2 : À partir d’un objet





Proposition n°3 : À partir de quelques éléments


- deux personnes
- un sentier ou chemin 
- une bague

Quelques textes du 9e atelier


La liste de mes envies


- Que voudrais-je avoir ?
Une mémoire phénoménale
- Que voudrais-je faire ?
Un désencombrement intelligent
- Que voudrais-je être ?
Moi-même avec 10 cm en plus et 8kgs en moins

Nicole H.

Je voudrais avoir la tête vide
Je voudrais avoir les pieds sur terre
Je voudrais toujours avoir un livre à portée de main
Je voudrais avoir une vue sur le grand étang

Je voudrais faire une seule chose par jour 
Je voudrais faire un poème par jour
Je voudrais faire de la musique
Je voudrais faire un bon plat régulièrement

Je voudrais être avec Muriel dans la nature
Je voudrais être nu souvent
Je voudrais être en phase avec mes idées

Jacques -André (à distance)


Le sujet est difficile car y répondre signifierait que l’on n’est pas satisfait de sa situation actuelle, de ses possessions, de ses actes ou de sa manière de voir la vie. On va essayer quand même…
Avoir : j’aimerais avoir toujours raison quel que soit le sujet
Faire : j’adorerais écrire un roman
Être : J’aimerais être pianiste

Patrice

À partir d'un objet


Au bord d'un étang
Deux yeux globuleux me fixent
La grenouille médite

Marie-Claudine


Aujourd’hui, vivant en ville, il ne nous est plus donné de rencontrer des batraciens autour de nous, sauf bien sûr quand nous quittons pour quelque temps notre chère ville de Paris. C’est pourquoi, pour évoquer ce sujet, je vais faire appel à de vieux souvenirs de mon enfance à Bizerte, dans le nord de la Tunisie, une ville au bord de la mer.
Avec les copains nous allions souvent nous isoler loin des adultes pour faire des choses interdites : fumer des cigarettes par exemple mais pas seulement… Il ne fallait surtout pas qu’un adulte puisse nous voir car dans cette petite ville, tout le monde se connaissait et on pouvait être trahi auprès de ses parents.
En traversant le canal de Bizerte avec un des deux bacs, nous arrivions à Zarzouna, un lieu où se trouvait un marais. Les batraciens y étaient innombrables.
Nos jeux stupides consistaient à les poursuivre pour les voir sauter loin de nous.
La grenouille que nous avons sur la table aujourd’hui est colorée alors que nos grenouilles étaient grises. En tout cas c’est ainsi que je les voyais.
En les poursuivant, il nous arrivait de tomber dans la boue. Nous revenions du marais couverts de boue et il était difficile de mentir à nos parents au sujet du lieu où nous étions allés… car ils avaient probablement fait les mêmes bêtises lorsqu’ils étaient jeunes… surtout les garçons car les filles ne vadrouillaient pas comme nous.
Voilà les pensées qui m’ont été inspirées par la gentille grenouille verte.

Patrice


Il était une fois un marchand de couleurs. La boutique était un vrai capharnaüm. L'on y trouvait tout ce que l'imagination n'avait même pas pu concevoir. Il y avait des clous de tapissier, des clous de charpentier, des rideaux coulissants, des rideaux rouge sang. Il y avait des escabeaux de toutes les hauteurs, il y avait des escargots de toutes les grosseurs. Il y avait des livres anciens dont il fallait couper les pages. Il y avait des pulls à tricoter, il y avait des mules à restaurer, il y avait un chat angora en grosse laine. Il y avait une grenouille bleue et verte.

La grenouille s'est mise à jouer à cache-cache avec le chat angora.
Le chat s'est caché derrière les livres anciens.
La grenouille a fini par le trouver dans le dernier chapitre.
C'était au chat de compter.
La grenouille verte et bleue s'est dissimulée dans le motif bleu et vert de rideaux.
Elle a été découverte par le chat qui a refusé de continuer.

La grenouille verte et bleue a repris sa place d'origine.
Le chat angora a remis son museau entre ses pattes.

Monsieur Lambert, le marchand de couleurs, a pénétré tout essoufflé dans sa boutique.

Jacques -André (à distance)


Tout le quartier connaît « Le coffre aux trésors », une charmante boutique toute biscornue, encombrée de bibelots et d’objets de décoration, tenue par la non moins charmante Odette. Cette petite femme aux cheveux blancs relevés en chignon, au fragile corps de vieille dame et au sourire enjôleur, vous accueille avec tant d’amabilité que vous ne pouvez repartir sans lui acheter un chaton en porcelaine ou un mini sac en crochet.
Mais ce qui fait vraiment la renommée de la boutique, ce sont des objets qu’on ne trouve nulle part ailleurs : des animaux en tissu coloré cousus à la main, remplis de petites billes, très agréables à l’œil et au toucher. Odette réalise elle-même chacune de ces créatures, toutes différentes ; elle en propose une nouvelle par semaine. Aujourd’hui elle dépose sur le comptoir une petite grenouille verte, bleue et jaune avec deux boutons noirs pour figurer les yeux.
— Oh, qu’elle est mignonne ! s’écrie une cliente. Je peux la prendre ?
— Elle est réservée, répond Odette.
En effet un jeune homme aux muscles saillants décorés de tatouages, qu’on n’aurait pas imaginé s’intéresser à ce genre de poupée, vient d’entrer, salue Odette et repart avec la grenouille. C’est son troisième achat. Il en est très satisfait, comme toujours. De retour chez lui il découpe soigneusement le ventre de la grenouille, et extrait d’entre les billes une bague en or massif. Il n’aura plus qu’à la revendre sur le marché parallèle. Puis il recoud la grenouille, et la dépose sur la cheminée aux côtés d’une tortue et d’un agneau en tissu. Décidément, c’est un plaisir de travailler avec la charmante, mignonne, innocente Odette.

Vanessa


Petite grenouille verte et bleue, de tissu recouvert, le ventre lourd de grenaille, que fais-tu au milieu de la table ?
- Es-tu là pour nous dire quelque chose ?
- Voudrais-tu t’adresser à chacune, à chacun d’entre nous ? ou bien percer tous nos secrets ?
- Es-tu à la recherche de la mare qui peuple chacun de tes rêves ?
Le chat, aussi noir que tes prunelles cassis, t’a repérée. Il saute près de toi, te renifle, avance une patte arrondie pour te faire sauter. Il se lasse bientôt et d’un bond rejoint son canapé.
Toi, tu gardes ton énigme.

Nicole H.


À partir de quelques éléments


Victor est parti aux aurores. D’ailleurs, il n’a pas dormi ! Son sac à dos, pourtant prêt depuis la veille, est aussi lourd que celui qu’il emporte pour son camp d’été. Il y a entassé une couverture écossaise histoire de rendre fou un éventuel caméléon, un thermos de thé de Ceylan, un autre rempli de café d’Ethiopie. Les assiettes sont en carton, les gobelets en argent, quant aux couverts il a sélectionné les mieux astiqués.
Il porte sa chemise de lin beige, son short aux grandes poches à soufflets et ses Pataugas tout terrain. Il ne peut être ridicule, il a le mollet rond et doré.
Pour la dixième fois au moins, il vérifie d’une main preste la présence de la petite boîte au fond de sa poche droite et part enfin le cœur léger sur le chemin de hallage.
Il a été convenu que chacun ferait la moitié du trajet partant d’un point opposé. Plus il avance, plus il lui semble que la silhouette de Céline se dessine dans l’air tremblant de chaleur.
Il est proche du point de leur rencontre. C’est ce chêne immense au tour de tronc rassurant et qui proposera son ombre et sa fraîcheur pour leurs agapes.
Victor s’est délesté de son sac. Il attend. Il imagine tant de belles choses.
À présent, Victor a cessé de se relever au rythme de son impatience pour scruter le bout du chemin. Il reste assis au pied de l’arbre, la tête enfouie dans ses bras croisés. Deux bonnes heures se sont écoulées charriant le pire. Il met fébrilement la main dans sa poche et caresse la petite boîte douce et bombée renfermant la merveilleuse bague. Céline ne viendra pas, elle ne viendra plus.

Nicole H.


Le long de la falaise qui surplombe la plage, le soleil couchant plonge progressivement dans une mer déchaînée. Des nuages menaçants plombent un ciel tourmenté annonçant la grande marée. De puissants jets d’écume éclaboussent les falaises. En cette fin de journée agitée, des groupes de promeneurs s’attardent sur le sentier des douaniers. Le spectacle est grandiose, la nature reprend ses droits et impose sa loi. Parmi eux, un jeune couple semble particulièrement fasciné par ce paysage très inhabituel pour eux. Ils viennent tout juste d’arriver de la grande ville. Ils ont profité d’un long weekend pour s’évader et prendre l’air du large. À peine descendus du train, ils ont décidé d’aller directement se promener en bord de mer pour ne pas perdre une seconde de ce temps si précieux. Le jeune homme est particulièrement enthousiaste et partage toutes ses impressions avec son amie qui l’écoute très attentivement. À un moment où ils se retrouvent seuls, un peu loin du groupe, le jeune homme lui propose de s’asseoir sur un banc pour admirer ce spectacle inoubliable de la terre qui rejoint la mer dans une symphonie de couleurs fascinantes. Tout ému, avec une grande délicatesse, il lui offre alors un joli petit écrin. Surprise, elle le regarde longuement avant d’ouvrir la boite avec précaution. Dans la nuit tourmentée qui les enveloppe délicatement comme pour mieux les protéger, l’éclat du solitaire fait briller ses yeux et illumine son visage d’un bonheur inattendu.

Marie-Claudine


Arnold avait vu trop de comédies romantiques. Quand il tomba amoureux d’Ophélie, il lui fit livrer des brassées de roses rouges et l’invita à dîner en haut de la tour Eiffel. Et quand, peu de temps après, il voulut la demander en mariage, il lui fallut se montrer original et délicat à la fois, comme tout héros qui se respecte.
Il organisa donc un parcours ente les différents lieux de leur histoire : la fontaine du premier baiser, le café des premières confidences, les berges de la Seine où ils avaient fait leur première ballade. Et pour finir, la chasse au trésor les mènerait sur un sentier du bois de Vincennes, sur la petite île de Bercy habitée par des paons aux magnifiques couleurs ; et là, à l’aide de quelques indices habilement disséminés, Ophélie découvrirait dans le creux d’un tronc d’arbre une fine bague sertie d’un diamant, symbole de leur amour et prélude à leur union.
Le début du parcours fut un peu refroidi par la pluie et le vent ; contrairement aux mois de mai hollywoodiens, ce mois de mai à Paris n’avait rien de printanier. Entre deux éternuements Ophélie suggéra qu’ils se réfugient dans une crêperie et en profitent pour se restaurer. Arnold ne voulut pas en entendre parler. Une crêpe ! Après tous ses efforts, se rabattre sur une crêpe ! Et puis le plus important restait à venir.
Il traina donc Ophélie jusqu’au bois de Vincennes, où, les pieds dans la boue, ils finirent par atteindre l’île. Ophélie avait perdu le sourire. Elle avait froid, elle avait faim, les indices l’ennuyaient ; et quand Arnold poussa un cri devant l’arbre qui avait abrité la bague, et qui ne contenait plus qu’un emballage de chocolat, elle fit demi-tour et reprit le métro.
Arnold resta figé devant l’arbre. Il ne comprenait pas Dans son esprit, l’amour triomphait toujours à la fin. Décidément, les comédies romantiques ne lui réussissaient pas.

Vanessa


Basile et Eléonore s’aiment depuis leur enfance. Ils s’étaient rencontrés en CM2, à 10 ans donc.
Aujourd’hui ils ont 24 ans et ont décidé de se marier. Le jour du mariage a été fixé. Basile s’est chargé de l’achat des alliances qu’il a cachées jusqu’au jour du mariage civil.
Une demi-heure avant la cérémonie, il a remis à Eléonore la bague qu’elle lui passerait au doigt. Pour l’alliance réservée à cette dernière, il avait choisi une bague avec un diamant, ayant l’intention de gâter sa future épouse avec un joyau unique en son genre.
Au moment de lui passer la bague au doigt, il se rendit compte qu’elle était trop large pour la fine main d’Eléonore. Il décida qu’après la noce, il rapporterait la bague au bijoutier pour la rétrécir.
En attendant Eléonore la maintint avec son pouce.
Après la cérémonie et la fête qui eut lieu le soir, ils décidèrent le lendemain d’aller faire une promenade amoureuse dans la belle forêt voisine. Ils prirent le chemin qui y menait. Eléonore oublia de maintenir l’alliance avec son pouce. Et que fit la bague ? Elle tomba de sa main et roula jusqu’à un buisson.
Affolés, ils se mirent à chercher cette magnifique bague que Basile avait payée 3000 euros. Ils ne la retrouvèrent que deux heures plus tard, enfin rassurés. Cette fois Eléonore n’oublia plus de se servir de son pouce pour bloquer l’alliance et profiter de cette promenade d’amour.
Le lendemain ils se rendirent chez le bijoutier qui put rapidement résoudre le problème.
Leur bonheur pouvait enfin s’exprimer avec sérénité et amour.

Patrice


Pirluru, chapeau pointu, se promène sur le Sentier des Monts. Il dit souvent, en se trompant, le Sentier de Mots. Ce n'est pas sot.
Pirluru parle aux oiseaux. Il aime entendre le merle, la fauvette, le coucou et le pivert.
Il vient les écouter en toutes saisons.
Ce sont les seuls amis qu'il rencontre.

Sauf qu'un jour, un mercredi, Pirluru, arrivant au Sentier des Monts, tombe nez-à-nez avec un elfe vêtu de vert et d'orange vif, une plume sur son chapeau.
Bonjour je suis Pirluru, et toi, comment t'appelles-tu ?
Je ne m'appelle pas. Je me nomme Goah-le-Malicieux, dit-il en bombant sa plume.
Ha ha, malicieux, hein ? Et en quoi es-tu malicieux ?
Eh bien, par exemple, je vous offre une belle bague sertie de pierres précieuses, ô combien précieuses !
Ah ah je voudrais bien voir cela !
Eh bien voilà, regardez votre annulaire droit.
Oh ventredieu ! C'est incroyable, c'est magique. Alors … me voici riche avec cette bague. Je vais...
Tsss Tsss Tsss ne partez pas si vite ou alors...
Ou alors quoi ? s'enquiert Pirluru, en se tournant, car il avait commencé à s'éloigner.
Regardez votre main, maintenant.
Au secours, ma bague, où est ma bague. Au voleur, à l'assassin, ma bague ! Tu me l'as volée.

Jacques -André (à distance)


Atelier n°8


Proposition n°1 : Portrait chinois


Les quatre éléments :
- Si j’étais l’eau…
- Si j’étais l’air…
- Si j’étais le feu…
- Si j’étais la terre…


Proposition n°2 : Centon


Le centon est une forme poétique consistant à prélever des vers dans divers poèmes et les mixer pour constituer un nouvel ensemble.

Des recueils de poèmes sont à disposition sur la table. Chaque participant constitue un nouveau poème d’une dizaine de vers, à partir de plusieurs poèmes d'auteurs différents.

Proposition n°3 : À partir d’œuvres d’art

Quelques textes du 8e lundi


Les 4 éléments


Si j’étais l’eau, je serais la pluie de ton jardin.
Si j’étais l’air, je serai ton souffle. 
Si j’étais le feu, je serais celui qui te réchauffe.
Si j’étais la terre, je serais le sable du désert que tu foules.

Nicole H.


Si j’étais l’eau je serais une rivière qui coule vers son destin.
Si j'étais l’air je serais le vent qui porte l’odeur des fleurs.
Si j’étais le feu je serais une salamandre pour me nourrir de ses flammes.
Si j’étais la terre je serais le sol aride et brun des Cévennes.

Vanessa

Centons


(René Char, Yves Bonnefoy, René-Guy Cadou, Arthur Rimbaud, Charles Baudelaire, Alphonse de Lamartine, Stéphane Mallarmé, Louis Aragon, Arthur Rimbaud)

La terre nous aimait un peu je me souviens 
Comme était faible la distance de nos corps 
Je te regarde et tu souris sans mouvement
Et, dès lors, je me suis baigné dans le Poème
Les parfums, les couleurs et les sons se répondent
Tout à coup des accents inconnus à la Terre
Et, peut-être, les mâts, invitant les orages
Cachent-ils des éclairs dans cette lavande où
Rêveur, j'en sentirai la fraîcheur à mes pieds.

Jacques-André


(A. Rimbaud – A la musique, E. Verhaeren – Les campagnes hallucinées, Les villes tentaculaires, V. Hugo - Voyage de nuit, G. Apollinaire - Calligrammes, P. Verlaine – Fêtes galantes, Romances sans paroles, G. Apollinaire – Alcools, T. Gautier, Non relevé)

L’orchestre militaire, au milieu du jardin,
Les jours d’hiver quand le froid serre,
Fait marcher quelque chose en écrasant quelqu’un
Qui se trouve au coin de la rue Saint Simon-Le-Franc.
Bien dans le ventre, mal dans la tête
Je me disais Guillaume, il est temps que tu viennes,
D’une main délicate,
En souriant,
Ouvrir cette porte.

Nicole


(Michaux, Verlaine, « haiku », Mabanckou, Rimbaud, Apollinaire, Prévert, Mabanckou, Hugo)

Infini incessamment qui tressaille
Et l’on voudrait pouvoir goûter la paix des cieux
Oies sauvages dans le ciel
Il parait qu’au-delà des collines point l’autre horizon
Pleurant, je voyais de l’or - et ne pus boire.
Mais pleure pleure et refluerons
La saison des pluies recommence
L’aube porte une balafre en plein visage
Et j’ai la nostalgie du soleil, mon ancien pays.

Vanessa


À partir d'une oeuvre d'art



Paul Gauguin « Aus Tahiti » - 1902

Le feu illuminait les visages, y traçant des ombres qui souriaient sombrement.
La nuit était venue tard, les oiseaux avaient tu leurs chants. Les femmes et les hommes ont commencé la Danse des Couleurs. Hymne à la Beauté environnante et ses ors, ses bleus saphir et les couleurs de l'espoir. Puis la Danse des Saveurs et ses accents de safran, de pivoines sauvages. Et, sans se concerter, hommes et femmes ont rendu hommage au Soleil des loups qui se miroitait sur la lagune.
C'est le moment choisi par le sorcier Mau- Mau, vêtu de sa cape orangée sur son vêtement bleu nuit, pour invoquer les Ancêtres. Cela frappe les esprits et fait renaître les Aïeux, les uns émergeant de la dune, les autres sortant des troncs de micocouliers. Fête mêlant morts et vivants dans une liesse collective. Les Anciens rient de leurs bouches édentées soulignées d'un rouge carmin.
Les enfants allument des feux d'espoir pour toute la tribu.
Seules, restées à l'écart, deux femmes semblent circonspectes. Qu'a-t-il encore en tête, Mau Mau, ce soir ? Elles se regardent. Leur échange muet complote un renversement d'alliance. L'une se substituera à l'autre, au moment de partager sa couche.

Un nuage passe devant la lune des Marquises.

Jacques-André





Sébastien, martyre de l’ambiguïté, muscles saillants et gestuelle gracieuse, accueille calmement les flèches sur son corps imberbe. Il oppose aux normes en armes un visage tourné vers l’intérieur, indifférent au sang qui coule, ailleurs, déjà. Ancien militaire, ses armes ont désormais la douceur de ses traits et sa semi-nudité. Sa part féminine a remplacé la virilité du soldat d’est elle qui triomphe des incroyants et exalte des peintres et leur public depuis des siècles.

Vanessa



Camille Claudel – Les causeuses, ou les bavardes ou la confidence, 1897


L’aimable conciliabule sur le banc de bois clair,
Elles mêlent leurs mains blanches,
Leurs longs cheveux défaits.

Leurs voix murmurent parfois ensemble
Les secrets, les aveux des amours manqués.
Leurs têtes alors se penchent pour mieux emmitoufler
Leurs paroles légères.

Elles se dressent soudain
Et leurs rires aigus percent l’air alentour.
Elles quittent les bosquets pour les buissons au loin,
Leurs tuniques s’affalent mollement à leurs pieds.

Nues elles sont et entrent avec prudence dans l’onde de l’étang.
Elles font naître des gerbes qui en cerceaux retombent.

La carpe étonnée sort la tête de l’eau
Et baille de surprise devant tant de gaité.

Nicole H.

Atelier n°7


Proposition n°1 : Inventaire


« Choses qui font peur »

Proposition n°2 : Quatrième de couverture d’un livre fictif


Chacun invente un livre et rédige sa 4e de couverture, comprenant un titre, un éditeur, une présentation du contenu, de l'auteur, éventuellement une citation critique...

Proposition n°3 : À partir de 3 phrases imposées


Phrase de début:
« L’été fut troublé par un événement inattendu. » (Romain Gary, La Promesse de l’aube)
Phrase intermédiaire:
« C’était la fin de l’après-midi, et Beaumanoir ne contenait plus une goutte de vin. » (Gu Long, Les Quatre brigands du Huabei)
Phrase de fin:
« Elle se leva, passa la porte médiévale et s’éloigna pour grimper dans la montagne. » (Clara Dupont-Monod, S’adapter)

Quelques textes du 7e lundi


Inventaire : choses qui font peur


- Les serials killers
- Les kilos
- Les pas derrière moi
- Les bruits de rue que je n’identifie pas
- Les rires très aigus
- Rater mon train
- Ne pas retrouver mon chemin 
- Les Vosges, de manière générales les forêts par mauvais temps
- Les insectes

Nicole H.

Quatrième de couverture d'un livre fictif


Le cri de la chouette, de Luc de la Bonnière – Éditions Coeur menthe à l'eau

Le dernier opus de Luc de la Bonnière nous emmène dans la vie nocturne et champêtre des monts d'Arrée. L'on y retrouve la fée Morgane et ses pouvoirs magiques, teintés ici d'un érotisme délicat. Le lecteur est invité à découvrir les péripéties multiples et parfois cocasses que déclenche l'espièglerie de Morgane.
Car la fée n'est pas exactement celle de la légende mais plutôt une aventurière moderne qui n'hésite pas à enfourcher sa grosse cylindrée pour parcourir la lande bretonne.
Cette lande réserve elle aussi des surprises, abritant des lieux de perdition pour marins au rencard. Si ceux-ci célèbrent leurs aventures passées avec force rasades de chouchen, Morgane se mue à leur égard en gardienne de leur humanité. Car au fond, les durs à cuire de la mer restent souvent des enfants qu'il faut consoler... parfois avec une application qui n'a plus rien de maternelle.
Le lecteur trouve ici matière à rire mais aussi à réflexion sur la destinée de l'Homme qui ne décevra pas les lecteurs des précédents ouvrages souvent plus légers de l'auteur.

Luc de la Bonnière a récemment reçu le prix Gala 2022 pour son roman Les sucettes à l'anis.

Jacques-André
 
*****


« L’âme de fond » et autres nouvelles
Albert Desfontaines
Ed. La Belle Etoile – 2020

Eléone s’est réveillée la tête lourde d’une question essentielle : Qui est-elle ? Bien d’autres s’en suivront…

Par le biais du questionnement, Albert Desfontaines nous entraîne de façon très subtile dans une vertigineuse introspection.
« L’âme de fond » est la première nouvelle de ce recueil qui en compte sept. Énigmatiques, drôles ou terrifiantes, chacune d’elles confirme l’art de l’auteur en la matière.

ÉcrIvain, poète, dramaturge, Albert Desfontaines ne cesse de se renouveler.

Nicole H.
*****


Le souriceau dans le bac à douche
Contes et légende du 12e arrondissement de Paris
par Ornella Dumoutier et. al.
Éditions "Les mystères du quotidien", 2024.

Cet ouvrage érudit, au style enchanteur, recense les légendes qui circulent dans le 12e arrondissement depuis des siècles. Les auteurs ont rencontré de nombreux conteurs et conteuses, dont la célèbre chamane Fleur de Ficus, âgée de cent-un ans, pour collecter leurs récits.
Parmi les plus célèbres, on retrouve bien sûr l’espiègle souriceau du bac à douche, mais aussi le fantôme des canalisations, la fée cannibale du Bois de Vincennes, ou encore le Prince des Puces de Picpus. Chaque conte est précédé d’un court rappel historique et géographique. Et c’est tout le 12e arrondissement qui déploie devant nous son mystère, sa magie blanche et noire, ses contes transmis de générations en génération, pour le plus grand plaisir du lecteur.
« Ces contes et légendes du 12e nous ont transportés » (Magazine bi-annuel du métro Avron).

L’équipe de la professeure Dumoutier, de l’université Paris 12bis, est très réputée dans le domaine du conte ultra-local. Son ouvrage précédent, Sorcellerie sans complexe dans le 11e arrondissement de Paris, a été adapté sur scène avec succès, au Théâtre 11 bien entendu.

Vanessa


À partir de trois phrases imposées


« L’été fut troublé par un événement inattendu ». La campagne était resplendissante telle une belle femme blonde. Les paysans, en sueur sous leur feutre couleur terre, s’acharnaient à recueillir l’or des semailles, à édifier d’imposantes meules aussi parfaites que des mottes de beurre.
Soudain, un cri phénoménal, monstrueux comme celui d’une bête, déchira l’air tremblant. Il se prolongea longtemps, se répéta. Les regards des hommes, tétanisés dans leur geste, avaient lentement convergé vers le château et s’étaient élevés jusqu’au donjon. Car de là, venait la plainte inhumaine.
Le silence s’installa et les hommes, toujours dans la surprise de ce qu’ils venaient d’entendre, reprirent leur tâche. L’air de nouveau fut troublé, par des gémissements cette fois, s’y mêlaient de faibles cris.
Dame Fénégonde venait avec douleur de donner la vie à celui qu’on nommerait sans tarder Galéon.
La grossesse, fruit d’un adultère, avait été tenue secrète et la Dame mise au plus sûr de la forteresse. On sut plus tard que l’époux légitime, maître des lieux, fut saisi, à la vue de ce petit mâle rouge et grimaçant, d’un bonheur irrépressible dans lequel la fierté n’était pas étrangère. 
Le mari, dès qu’il prit conscience de l’arrondi du ventre de sa belle, avait pris soin de questionner icelle avec fureur, car impuissant il ne pouvait, hélas, prétendre à la procréation.
L’auteur des faits, à la faveur de quelques indiscrétions royalement récompensées, fut promptement dénoncé, mis au cachot et le temps pour lui d’avouer, écartelé sans autre informé.
Fénéconde pardonnée, fut descendue de sa geôle et retrouva le moelleux de la couche conjugale, Galéon à son sein.
Le suzerain convia à un généreux banquet qui débuta bien avant le soir, tout ce que son fief comptait de manants. On but plus que de raison et bientôt il fallut renouveler les breuvages. Hélas les barriques avaient écoulé tout leur sang. « C’était la fin de l’après-midi et Beaumanoir ne contenait plus une goutte de vin. » On envoya alors deux ou trois sires point trop vacillants et pourvus d’écus, menant deux mules chacun en quérir au domaine voisin. Ils s’en revinrent chantant à tue-tête, traînant derrière eux les pauvres bêtes harassées sous la charge. On put reprendre les ripailles qui durèrent jusqu’à l’aurore du jour suivant.
Fénégonde ayant retrouvé toutes grâces voulut en remercier le ciel. « Elle se leva, passa la porte médiévale et s’éloigna pour grimper dans la montagne. » 

Nicole H.


*****


L’été fut troublé par un événement inattendu. Un samedi matin, notre paisible village de Saint Bignoul du Gard vit débouler sur la grand-place un car de tourisme d’où descendirent une vingtaine de grands gaillards en short, chaussettes dans les claquettes et bob sur la tête. Celui qui semblait être leur chef (car il avait un plus gros sac à dos et un bob de couleur rouge) regarda autour de lui, repéra immédiatement Beaumanoir, notre café-restaurant principal, et y entraîna sa troupe.
— Et qu’est-ce qu’on boit dans ce charmant estaminet? demanda le chef avec bonhommie.
Lucette, la patronne, ne se laissa pas impressionner.
— On boit ce qu’on vous sert.
Et elle leur monta de la cave cinq bouteilles de rouge local.
Égayés par l’alcool, les hommes lui racontèrent qu’is visitaient les plus beaux villages de France entre hommes, pour se changer les idées. Saint Bignoul du Gard est très joli en effet, avec ses vestiges du Moyen Âge et les chemins de randonnées qui l’entourent. Mais le groupe ne paraissait pas pressé de le visiter. Sans rien dire, Lucette apporta deux caisses de vin rouge, une eau-de-vie qu’elle avait concoctée dans sa baignoire, ainsi que des planches de charcuterie et de fromage.
Le temps passait. C’était la fin de l'après-midi, et Beaumanoir ne contenait plus une goutte de vin. Le chef proposa alors à ses hommes de prendre quelques photos pour montrer à leurs femmes qu’ils avaient bien visité Saint Bignoul. Tous se levèrent pesamment. Il leur fallut un bon quart d’heure pour réunir leurs affaires, remercier la patronne et sortir sur la place, où ils prirent une photo de groupe sous de clocher.
Lucette ramassa les verres et les bouteilles vides. Elle avait fait une bonne journée, mais le tintamarre des voix masculines éméchées l’avaient fatiguée. Elle avait besoin de respirer. Elle se leva, passa la porte médiévale et s’éloigna pour grimper dans la montagne. 

Vanessa

Atelier n°6


Proposition n°1 : Définitions de mots inconnus


Mots présents dans le dictionnaire Littré, mais inusités aujourd’hui.
Inventer une définition selon la sonorité, l’impression… 3 mots au choix parmi 6 proposés :
mipoux ; teucriette ; alios ; mulcter ; rupicole ; quintoyer.

Proposition n°2 : Le lieu du mystère


À partir d’une photo de maison ou de paysage. Ce lieu a un secret. Écrire un texte pour l’évoquer ou le révéler.

Proposition n°3 : Une phrase à partir d'un mot


Mot pioché au hasard d'un livre: le tablier.

Quelques textes du 6e lundi


Définition de mots inconnus


Mipoux
Nom masculin, idem au pluriel. Se dit d’un pou qui a perdu une partie de son anatomie, le plus souvent la tête – (ce qui est un comble pour une bestiole qui élit domicile sur les nôtres).
Teucriette
Nom féminin, pluriel des teucriettes. Petit instrument de cuisine en métal utilisé par les pâtissiers pour découper ou décorer la pâte.
Mulcter
Verbe du premier groupe. Effectuer un mouvement rapide des lèvres, s’apparentant à un tic ou encore se mordre nerveusement l’intérieur des joues.
Rupicole
Adjectif, pluriel rupicoles. Qualifie les insectes recueillant le nectar des fleurs.
Quintoyer
Verbe du premier groupe. Tousser de façon saccadée par quinte.
Nicole H.


Mipoux 
Quelqu’un qui m’est complètement pourri et me maltraite moi, uniquement.
Teucriette
Je te crie « etté » c'est-à-dire que je t’engueule entre juin et septembre.
Alios
Alios Aligos : façon de quitter définitivement des personnes qui furent mes amis.
Mulcter
Transférer quelqu’un dans une autre boicte.
Rupicole Une personne qui boit plein d’alcool en dehors de chez lui mais uniquement à l’extérieur, pas chez des amis ou dans un troquet.
Quintoyer
Dire tu à 5 personnes en même temps.
Patrice

Mipoux
N.M. Moitié de pou, forme altérée du mot demi-punaise. Insulte. Synonymes: demi-portion, personne minable.
Teucriette
N.F. Familier. forme affectueuse du mot sucrier. "Passez-moi la teucriette, dit le baron" (Balzac, Le Père Goriot).
Alios
N/M. Étymologie: halios, soleil ; et ali, ami. Ami de coeur, âme soeur.
Mulcter
Verbe intransitif. Se transformer, changer de nature. "Tel Jésus, le serveur mulcta l'eau en vin" (Aragon, Aurélien).
Rupicole
Adj. De couleur rouge vif, voire bordeau. Un teint rupicole de bon vivant.
Quintoyer
Verbe intransitif. 1: Faire la fête. 2: trinquer. On a quintoyé toute la nuit.
Vanessa


Le lieu du mystère





Nous sommes tous réunis ? Très bien. Voilà, nous sommes arrivés à la fameuse demeure, Mesdames et Messieurs. Cette bâtisse est du 17ème siècle, bien dans le style régional du Lubéron.
Le Comte de Laudret l'avait fait édifier sur ce promontoire pour deux raisons. Elle domine toute la plaine alentour et accueille une confrérie à laquelle le Comte avait donné abri pour lui permettre de s'isoler du monde.

La famille Laudret faisait exploiter les champs pour la culture céréalière mais également les plantes médicinales sans oublier la … La ? Lavande, merci Monsieur.

Les rapports entretenus avec la Confrérie Saint Jacques sont peu connus. Sans être astreints au silence, les frères ne paraissaient guère enclins à se mêler au monde séculier. Cela renforce bien entendu les interrogations sur le mystère qui nous a guidés jusqu'ici.
Il semblerait toutefois que la promiscuité ne posait guère de problèmes. Les frères avaient reçu des terrains et leurs récoltes fruitières leur ont toujours permis de confectionner moult confitures : airelles, figues et mûres en particulier. Ils se sont révélés également d'excellents apiculteurs. Vous recevrez, Mesdames et Messieurs, un petit pot de miel en fin de visite.

Toutefois l'ambiance paisible fut troublée par un événement tragique. Eudes, un frère mineur, fut retrouvé le crâne défoncé par une solide pierre de granite. Le rapport établi par les autorités d'Apt fut classé sans suite, faute d'éléments probants.

Ce n'est qu'en 2010 que le nouveau propriétaire a trouvé dans le mur Nord de la chambre principale, un journal intime. En feuilletant précautionneusement le document, M. Pranly fut stupéfait de lire les faits relatés en 1788 de la main du Comte de Laudret.
Celui-ci se flagellait de mots en exprimant ses doutes quant à la fidélité de son épouse. Il s'était mis à l'épier de façon obsessionnelle. Quelques lignes plus loin, il éprouvait un remords plus fort que la mort tant Marie-Joliette lui paraissait incapable de toute vilénie. Et... Et ? Le 7 septembre 1788, le Comte de Laudret n'y alla pas par quatre chemins. Après avoir surpris en cachette Marie-Joliette dans les bras de frère Eudes, étendus sur le lit de la chambre réservée aux amis, il attendit la fin des ébats, laissa sortir Eudes et...Et ? Lui asséna par-derrière un coup mortel sur le crâne, à l'aide d'une pierre du mur d'enceinte.
Le journal, Mesdames et Messieurs, s'arrête sur cet assassinat, laissé mystérieux jusqu'en... 2010. Je vous laisse faire le tour de la propriété et vous donne rendez-vous à l'autocar dans vingt minutes.

Jacques-André





Quand je revois cette photo, je ne peux m’empêcher de me remémorer un moment unique dans ma vie.
J’étais chez des amis dans la région des Alpes de Haute Provence. Le couple m’avait informé que le lendemain ils devaient se rendre à Digne les Bains où avait lieu un atelier d’écriture qui devait durer toute la journée afin de terminer un roman commun auquel avaient participé 15 personnes. N’ayant pas prévu de me déplacer en voiture pour visiter la région, je décidai d’aller explorer les environs de leur domicile qui se trouve à proximité d’un col.
J’eus bien sûr à monter et descendre en sautant de rocher en rocher en prenant garde de ne pas tomber dans un précipice. Après maints efforts qui mirent ma respiration à rude épreuve, j’arrivai à cet endroit montré sur la photo : un arbre aux branches complètement tordues.
Ayant beaucoup marché pour arriver à cet endroit, je décidai de me reposer en m’asseyant quelques minutes au pied de l’arbre à l’ombre car le soleil tapait fort en ce mois d’août. Après quelques minutes, je vis quelque chose briller sous un des rochers. Me servant de mon Laguiole, j’essayai de déterrer l’objet brillant et quelle ne fut pas ma surprise de découvrir un lingot d’or. Ouaaaaah !!!!!! Un trésor ?
Avec une joie aussi intense qu’incrédule, je cachai le lingot dans mon sac à dos et le soir venu, quand mes amis revinrent de leur atelier d’écriture, je leur montrai mon lingot en leur narrant sa découverte. Nous décidâmes d’y retourner le lendemain en nous équipant de pioches et de pelles. Nous trouvâmes une vingtaine de lingots que nous partageâmes.
Depuis cette somptueuse découverte nous sommes devenus riches… discrètement car nous ne voulions pas faire de ce lieu isolé un site de recherches de lingots d’or.
Quant à savoir comment cet or s’est retrouvé là, nous n’avons même pas essayé de trouver la réponse. Quand on devient riche vite, il faut rester discret.

Patrice






Pour découvrir Chicago, quoi de mieux qu'un trajet en bateau-mouche, ou blateau-du-fleuve comme ils disent?
Notre petit groupe s'est donc inscrit pour la traversée de 14h, et nous voilà sur le pont du bateau glissant sur l'eau presque verte, étonnamment pure, entre les gratte-ciels, pendant que notre guide nous raconte l'histoire de la ville au micro. Le temps est magnifique. Les vitres des immeubles étincellent au soleil; nous passons sous un pont-levis au son des "oh!" et des "ah!" des passagers.
— Sur votre droite, annonce le guide, vous voyez la Willis Tower, anciennement nommée Sears Tower. Et sur votre gauche, la récente Trump Tower, inaugurée en 2009.
Les Français poussent de "Bouh!", les autres admirent poliment.
— Et sur l'eau, qu'est-ce que c'est? demande quelqu'un.
— Quoi donc?
— Ce reflet, ou je ne sais pas, comme s'il y avait quelque chose qui fait une tache sombre... Un vieux vélo peut-être, comme dans la Seine?
Le guide laisse passer un silence, soit qu'il hésite à répondre, soir qu'il veuille accroitre le suspense. Enfin il reprend la parole.
— Non, ce que vous voyez là n'est pas solide. On en a déjà passé plusieurs. Regardez sur votre droite, il y en a un autre.
— Mais qu'est-ce que c'est? — Ce sont les fantômes des architectes qui ont reconstruit la ville après l'incendie de 1871. Ils ont dessiné les premiers gratte-ciels qui forment la ligne d'horizon de Chicago, la skyline. Ils en sont tellement fiers qu'il ne veulent pas partir; ils gardent un oeil sur leur création. Alors ils flottent autour du fleuve.
Les quelques Américains présents hochent la tête. Les Français échangent des regards sceptiques. Pourtant c'est dans notre petit groupe que se produit la première manifestation de peur. Notre ami Alfred est pris de sueurs et de frissons, et déclare qu'il a été traversé par un fantôme. 
— Ne vous inquiétez pas, dit le guide. Ils n'ont aucun pouvoir. Ils sont là, c'est tout, on fait avec. À Chicago, tout le monde les connaît.
Peut-être, mais aucun de nous n'osera en parler à qui que ce soit. Nous aurions trop peur de passer pour des fous, ou, pire encore, des naïfs. Car il n'est pas exclu que ce guide s'amuse à terroriser les touristes. Nous terminons la traversée en silence, observant de temps en temps une de ces ombres sur l'eau claire. Ensuite, pour nous remettre de nos émotions, nous allons boire un chocolat chaud chez Girardelli.

Vanessa





Dans la rue Danton, tout au milieu du vieux port de pêche, Jean, docker au Havre, mène une vie paisible entouré de sa petite famille. Chaque jour il se lève très tôt et rentre à la nuit tombée après une longue journée de travail bien fatiguant. Mathilde, sa jeune femme, élève leurs trois enfants tout en s’occupant de l’entretien  de leur modeste maison rose. C'est un des quartiers populaires du Havre, la plupart des habitants font partie de la classe moyenne. Tout le monde se connaît et l’ambiance y est très conviviale. 

Récemment une nouvelle voisine est arrivée. Elle s’est installée dans la maison orange, pas loin de celle de Jean. Elle a une belle voiture le plus souvent garée devant chez elle. On l’aperçoit régulièrement sortir en fin de journée, toujours élégante et très bien habillée. Elle n’est pas de la région, sa voiture est immatriculée dans les Bouches du Rhône. Mathilde a eu l’occasion d’échanger quelques mots avec elle et a remarqué son fort accent sud-américain.  Elle s’exprime vraiment difficilement en français mais malgré tout elle arrive bien à se faire comprendre.

Mathilde en a discuté avec Jean et a suggéré de l’inviter à prendre un café chez eux un weekend. Ils pourraient faire plus ample connaissance, ça faciliterait certainement son intégration dans le quartier.  Étrangement Jean n’a manifesté aucun enthousiasme à cette proposition alors qu’il est d’un naturel très accueillant, qu’il aime beaucoup sympathiser avec ses voisins et qu'il est toujours le premier à vouloir rendre service aux autres.

Mathilde a quand même  pris l’initiative de contacter leur voisine pour en parler avec elle. Elles pourraient peut-être même devenir  amies.  À sa grande surprise,  celle-ci a paru  vraiment gênée et dans un français très approximatif lui a répondu que ce n’était pas possible car elle n’était pas sûre de rester très longtemps dans le quartier et qu'elle serait sans doute obligée de déménager d'ici quelques semaines.

Marie-Claudine






Assise en tailleur devant l’immense coffre ouvert, je remontai le temps, celui de mon enfance. Je restai un long moment la tête renversée, les yeux occupés à suivre la danse de la poussière.
Une cohorte vint à moi, les aïeux d’abord à la marche incertaine dans des habits de théâtre. A ma hauteur, ils inclinèrent leur haut de forme, ajustèrent leur redingote, puis les femmes les plus jeunes saisirent le bas de leur robe me laissant voir la mousse de leurs multiples jupons, des bambins en culottes courtes et chapeaux à rubans, précédés de grands cerceaux, fermaient la marche.
Mes revenants s’évanouirent les uns après les autres dans la boîte géante. Je fermai les yeux pour m’aider à reconquérir la réalité. Le moment que j’avais retardé s’imposa.
Je repérai parmi tout un fatras de poupées parfois sans tête, d’oursons parfois sans yeux, de livres grands et minces comme des registres, la boîte en noyer clair. À l’ouverture, elle dégagea une odeur que je tenais pour particulière et désagréable, celle d’un velours vieilli et d’un petit amas de photos dentelées. Parmi elles, une dépassait, elle était retournée contrairement aux autres. Je la saisis et la scrutai pour la énième fois.
Lentement, le malaise s’infiltra, empoisonnant mes muscles et mon cerveau. Le déclic s’opéra et je pénétrai dans le salon moelleux, encore embelli par le gros bouquet d’hortensias mauves, les livres reliés, les tableaux de petits formats. Tout n’était que douceur et propice aux chuchotements, à la confidence, au murmure des sentiments amoureux.
Et pourtant, et pourtant, c’est dans ce salon que le colonel Moutarde, armé d’un chandelier avait assommé la délicieuse baronne, son épouse.
Nicole H.


À partir d'un mot: le tablier


D'une ancienne liaison avec un chef-cuisinier, j'ai conservé un tablier blanc orné de deux cuillères brodées sur la poche à l'avant. Cela me donne de la classe quand je me fais cuire des pâtes.
Vanessa

Ce grand créateur de modèles luxuriants aux étoffes mordorées, avait à jamais fixé dans la rétine, le camaïeu bleu délavé du tablier mille fois reprisé d’une humble paysanne.

Nicole H.
 
— Mince, j’ai oublié mon tablier gris ! La dirlo du collège va m’engueuler.
— Tablier tes chaussures ? C’est pour ça que tu es pieds nus ?
Patrice


Atelier n°5


Proposition n°1 : Lipogrammes 


Écrire une ou deux phrases n’utilisant aucun mot comportant la lettre e.


Proposition n°2 : Un fait divers


À partir d’un fait divers raconté dans un journal : « Italie : un plancher s’effondre pendant un mariage », chacun imagine un personnage et lui donne la parole.


Proposition n°3 : À partir d’une photo

Quelques textes du 5e atelier

Lipogrammes


Un jour sans pain voit mon estomac criard, mon allant mou, ma vision s’obscurcir.
Un jour sans vin, divin disparu, chagrin lourd, vision sans fond.

Nicole H.

 
Alain partit un jour loin, si loin! Trois mois plus tard il arriva au Soudan où il fut fait roi du pays par choix national. Puis un putsch chassa Alain qui courut à son pays natal pour toujours.

Vanessa

Pari gagnant ! Today nous n’avons pas le droit au savoir animal car pas 2 mots with i british et non aï. La nuit sans dormir m’a KC.

Patrice

Un fait divers


Le Carabiniere :

« Mère Maria Paola de la Santa Familia, vous êtes la Supérieure du Couvent dans lequel ce terrible drame s’est produit, pouvez-vous nous préciser les circonstances exactes ? »

Mère Maria Paola :

« En tant que supérieure du Couvent je suis responsable de l’Intendance et du bon déroulement des évènements qui ont lieu dans notre maison. La veille de la fête, comme d’habitude nous avons fait une répétition générale et vérifié toutes les installations et les équipements, notamment celles du matériel sonore et son impact sur le plancher qui est très ancien. Tous les tests de résistance réalisés dans les règles étaient parfaitement satisfaisants.
Les convives sont arrivés comme prévu à 20h pour le Diner, puis l’animation musicale a commencé vers 22h. Je précise que l’évènement se déroulait tout à fait normalement au 1er étage réservé pour ce type de manifestation. Une bonne centaine de personnes étaient présentes. L’ambiance était joyeuse et festive, rien ne pouvait laisser présager ce terrible accident qui nous a tous bouleversés.
À 23h30 un groupe de jeunes gens venus de l’extérieur a rejoint les danseurs. Nous avons vérifié immédiatement avec la Wedding Planner si leur présence était bien attendue. Ils étaient une bonne dizaine. Elle a hésité quelques secondes et nous l’a confirmé.
Leur tenue n’était pas tout à fait celle attendue pour une soirée de mariage. La plupart étaient entièrement vêtus de noir et portaient de grosses chaussures de type militaire. Ils dansaient en groupe et sautaient en frappant fort le plancher. Personne ne semblait surpris de cette incursion aussi étrange qu’inattendue. Je suis retournée voir la Wedding Planner qui m’a informée qu’il s’agissait d’ une bande d’amis du marié.
À minuit exactement un bruit effrayant m’a alertée, je suis retournée sur les lieux et ai découvert avec horreur que le plancher s’était effondré et que tout le monde était en grande panique. J’ai immédiatement appelé les pompiers et la police qui sont intervenus aussitôt. Ils ont été d’une efficacité remarquable, je les en remercie du fond du cœur. Certes il y a des victimes, mais leur nombre a été limité.

Voilà tout ce que je peux vous dire sur cette triste affaire qui nous a tous bouleversés.

Toutes mes pensées vont aux blessés et à leur famille.

Marie-Claudine

*****

Cela fait plus de six siècles que j’ai été construit par des esclaves venus du sud de l’Italie. Vous n’imaginez pas ce que j’ai eu à porter sur mon dos pendant ces 600 ans… Pourtant, à priori, j’aurais dû passer une vie tranquille puisque le bâtiment dont j’étais le plancher au premier étage était un couvent où vivaient une trentaine de moines très sages et très discrets.
Les choses ont changé radicalement lorsque le cardinal de Florence a décidé de gagner de l’argent en louant très fréquemment et très cher le couvent pour différentes fêtes comme les communions solennelles, les mariages, les anniversaires, enfin… toutes sortes de fêtes religieuses… ou pas, d’ailleurs.
Le plus douloureux à vivre était, bien sûr, lorsque les participants se mettaient à danser comme des malades et martelaient le plancher… Surtout les femmes avec leurs talons hauts qui, sans qu’elles s’en rendent compte, creusaient des petits trous qui n’étaient pas visibles à l’œil nu mais qui ne faisaient que réduire ma solidité.
J’étais vraiment épuisé, proche de la fin sans pouvoir le faire savoir aux propriétaires du couvent, c'est-à-dire l’Eglise de Toscane.
Et le jour catastrophe est arrivé ; un mariage était organisé ce jour-là avec une majorité de jeunes qui sautaient comme des fous en dansant. Je n’en pouvais plus… et je me suis effondré, créant une sorte d’apocalypse. Trente participants ont été blessés dont cinq gravement mais sans risque de mourir.
La décision de l’autorité régionale a été de ne pas faire réparer le plancher. Le couvent a été définitivement détruit.
Je ne pensais pas mourir avec cette violence et pourtant… je vous parle du paradis des planchers.

Patrice

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Un témoin qui n’a pu s’exprimer : La pièce montée

Toute blanche, de roses parées, je patientais dans le frigo en très bonne compagnie, celle de mes chères amies, les bouteilles de champagne. Un extra, presque aussi beau que le marié dans sa tenue de pingouin, nous rendit visite par trois fois, emportant au passage plusieurs de mes compagnes pétillantes d’impatience. Je grelottais certes, mais l’idée de la fête, les relents de musique qui me parvenaient chaque fois que l’on ouvrait ma prison temporaire, tout cela m’émoustillait.

Enfin, mon tour vint. Trônant sur un brancard de velours immaculé parsemé de pétales et porté par quatre autres séduisants pingouins, je fis du haut de mon piédestal de verre une entrée remarquée. Je n’étais pas peu fière et rivalisais sans rougir avec la mariée enrobée d’une moussante chantilly.

C’était un grand et riche mariage. J’eus presque le tournis voyant virevolter une soixantaine de personnes, pas moins, sur le magnifique et vénérable plancher de chêne. Il faisait la fierté du lieu qui abritait la noce, un imposant couvent édifié pierre par pierre six siècles auparavant.

Hélas ! cent fois hélas, je n’eus pas le temps d’être déposée avec mille délicatesses sur la table oblongue nappée de satin. Un craquement sinistre suivi d’un fracas monstrueux firent valser les danseurs d’une toute autre manière. Pantins projetés, lourdes retombées les quatre fers en l’air, la noce perdait de sa superbe et je commençais à trembler telle une infâme gelée anglaise. Mes quatre porteurs dont je réalisai, à mes dépens, l’admirable sang froid, me projetèrent en l’air. Je fis une retombée lamentable sur quelques planches restées solides. Décoiffée, mes roses emmêlées, mes étages déplacés, je pus les voir se précipiter et déposer dans une synchronisation parfaite la mariée toute défaite à la place même où je triomphais quelques minutes plus tôt. C’était une de sauvée en attendant les secours professionnels. Le marié n’était pas en reste et tentait de relever les demoiselles d’honneur affaissées en coroles sur le traitre plancher. Les secours arrivèrent toutes sirènes glaçantes. Les raies d’un puissant soleil aidant, je m’évanouis dans ma crème. Ne resta plus de moi qu’une flaque visqueuse engluant le sol de l’étage d’après.

Je ne sus jamais que le gouverneur de Toscane fit, le soir même sur la chaîne de Berlusconi, une déclaration avec la mine qui convenait.
« Noces troublées par un plancher vulnérable, 30 personnes blessées dont cinq dans un état grave, mais dont la vie est hors de danger… ».
Vu mon état et ma fonction, je ne pus témoigner. Dommage ! j’aurais fait l’éloge de mes quatre valeureux chevaliers.

Nicole H.

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Mama mia, c'était une belle fête. J'avais concocté un programme très large pour associer tout le public présent au mariage de Giulia et Narciso. Ces deux-là, qu'ils sont beaux ! Giulia avec son air de Madonne dans ce vieux couvent et Narciso, eh bien, comme son prénom l'indique, quoi ! Soixante-dix personnes venues pour célébrer leur union. Et moi ! Ecco moi dans mon costume de paillettes aux reflets roses et bleutés... Regardez ce qu'il est advenu : déchiqueté, mon costume, une vraie loque. Et cette balafre au front, je suis défiguré, moi l'Arturo du Disco.

Cela faisait une heure que je m'étais mis aux manettes en chauffant la salle avec du disco bien sûr, incontournable disco. Les Bee Gees, Patrick Hernandez (ah ! ce Français, il est très fort). Il fallait à un certain moment bien sûr calmer le jeu en mettant des slows... sans oublier Una lacrima sul viso. Quel tube, vraiment. Et puis, sur le coup de minuit, j'ai remis du rythme avec les années rock. Une soixantaine de personnes se trémoussaient sur Elvis, of course, Bill Halley, Jerry Lee Lewis, Little Richard et j'en passe. Le rock acrobatique battait son plein. Les cavalières voltigeaient par-dessus l'épaule de leurs partenaires. Jamais je n'avais connu une telle ambiance rock comme celle-ci.

Et, d'un coup, la terre a tremblé et le plancher… le plancher s'est effondré ! D'un coup ! Quel enchevêtrement de corps, de poutrelles de gravats, de poussière. Et les cris ! Cris de douleur, cris d'horreur tout autour de soi. J'ai assisté à des réactions curieuses de la part de certaines personnes qui n'ont pensé qu'à s'enfuir sans porter assistance à qui que ce soit. Pour ma part, j'ai aidé comme j'ai pu et fait patienter jusqu'à l'arrivée des secours.

Alors, je me suis assis à côté de ce qui restait de ma sono. Un projecteur allumé, pendant du plafond restant, se balançait, telle une lampe-tempête.

Jacques-André

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— Et maintenant nous donnons la parole à Vittoria Secca qui a vécu le drame de la manière la plus intense en tant que mère de la mariée. Vittoria, on vous écoute. 
— Ah la la, quelle histoire! Ma pauvre Giulia, belle comme un lys dans sa robe blanche, elle avait d’ailleurs perdu trois kilos pour l’occasion…. Je n’oublierai jamais ce moment terrifiant: elle dansait au centre de la piste avec son nouveau mari Gabriele, j’était restée sur le côté pour les regarder, et soudain, boum! Il y a eu une sorte de tremblement de terre et j’ai vu le plancher s’ouvrir comme la porte de l’enfer, et ma fille a disparu avec Gabriele et les autres! 
— Ça a dû être terrible pour vous… 
— Terrible, oui, même si finalement Giulia a juste une entorse, sa chute a été amortie quand elle est tombée sur mon gendre. Il est encore à l’hôpital, le pauvre. Mais c’est ça le mariage, l’homme doit protéger sa femme. 
— On a évité le pire, alors. 
— Oh, mais ça n’est pas tout! Je suis la mère de Giulia mais aussi de son frère Ernesto. J’avais aussi invité mes cousins Andrea, Federico, Nicolo, ma tante Ginevra, mes neveux Alfonso, Matteo et Rocco, mes nièces Enora et Giulia… Eh oui, vous avez bien entendu, ma belle-soeur s’est permis de choisir le même prénom que celui de ma fille! Elle a été bien punie, maintenant elle a les deux jambes dans le plâtre. 
— Vittoria, on sent votre émotion, vos paroles dépassent votre pensée…
— Elles ne dépassent rien du tout. Si je vous disais tout ce qui se passe dans cette famille, on en aurait pour la journée. Déjà, ce mariage nous a coûté 12.000 euros, plus 5.000 en liquide, euh.. je veux dire à crédit, et sinon n’est pas intégralement remboursés j’irai moi-même casser le plancher de la « wedding-planner » qui nous a trouvé ce plan à la...
— Oui, Vittoria, on comprend notre point de vue. 
— Et le pire, c’est que la belle-famille me fait des reproches, comme si c’était ma faute, tout ça parce que j’ai dit quelle préférais un ancien couvent plutôt que leur propriété dans les Pouilles. Ils essaient toujours de se faire mousser, j’espère que leur fils sera moins arrogant. 
— D’accord Vittoria, on va s’arrêter sur cette note douce-amère, avant que vous soyez fâchée avec toute votre famille. 
— Vous êtes sûr? Parce qu’il y aurait beaucoup à dire sur ma belle-mère et son attitude pas jolie jolie dans toute cette histoire. 
— Merci Vittoria de nous avoir accordé cet entretien. Je rends l’antenne! 

Vanessa

À partir d'une photo





Mon nom est Full Metal Jacket. Je viens d’une étoile éloignée de deux années lumière de la Terre. Je suis un géant de 15 mètres et si je suis présent chez vous terriens, c’est parce que j’ai été condamné à l’exil par les autorités de ma planète pour avoir fait preuve de sentiments humains vis-à-vis de mes congénères métalliques, ce qui n’était pas admis chez nous. 
L’amour ou l’amitié est quelque chose d’inexistant sur notre planète puisque nous sommes tous fabriqués dans une gigantesque usine sans cœur, sans cerveau, sans système digestif et donc sans sentiments ni logique ni faim.
Je suis tombé amoureux d’un autre être métallique ni masculin ni féminin. Chez nous le sexe n’existe pas.
J’ai donc été déposé sur la Terre, en Europe. En Pologne très exactement. La fusée m’a jeté à dix mètres du sol mais j’ai pu atterrir sans encombre. Dès mon arrivée du côté de Cracovie, deux êtres humains sont venus à ma rencontre et sont montés dans chacune de mes mains. 

Patrice


Nos ancêtres avaient dépensé beaucoup de temps et d’argent à fabriquer des automates, puis des robots pour les assister dans leur travail et peu à peu dans tous les domaines de leur vie. Puis ils avaient développé l’intelligence artificielle, sans se rendre compte de ce qu’elle impliquait. 
Pendant que les acteurs se mettaient en grève pour préserver leurs emplois, que les caissières disparaissaient des supermarchés et les employés des administrations, pendant que se déroulaient ces épiphénomènes humains, les robots progressaient en silence. Ils apprenaient. Leur intelligence n’inquiétait pas les humains, puisqu’elle était « artificielle ». Mais au fil de leur apprentissage les robots ont développé d’autres compétence. Ils se sont posé des questions. Ils ont appris à mûrir leurs décisions, à peser le pour et le contre. Et progressivement ils ont commencé à peser aussi le bien et le mal. Ils ont créé des comités d’éthique.
Et nous voilà aujourd’hui, nous, les humains rescapés dans une société de robots, à attendre leur jugement. En ce moment même ils discutent de la pertinence de l’existence humaine, ce qu’elle apporte à la vie terrestre et ce qu’elle lui coûte. Je ne suis pas très optimiste. Les robots ont découvert le bien et le mal, mais pas encore la pitié. S’ils nous jugent inutiles, voire malfaisants, ils procèderont à notre élimination. Nos ancêtres auraient dû réfléchir avant d’animer des êtres artificiels comme des Golems modernes…

Vanessa



En tant qu’ancienne casserole, j’ai mon mot à dire sur la robotisation. Mon usine ayant fait faillite et reconversion oblige, je me suis retrouvée dans la high tech. Entendez par là que j’ai fait un très long voyage en soute jusqu’au Japon. Sur place et avec mille autres sœurs, j’ai été fondue, transformée refondue, découpée et finalement ajustée à la silhouette d’un bien curieux personnage mi-homme, mi-robot.

Une description s’impose. Des bras, des jambes tout pareil, mais articulés, un torse vaste et lisse avec au niveau de la ceinture tout un bazar de fils, d’écrous, de puces. Quant à la tête, elle surplombe un cou capable d’une rotation à 180 degrés. La place du crâne est prédominante, ce qui me fait penser qu’il y a un autre bazar en-dessous. La face est surprenante, dépourvue d’appendices auditif et nasal, pas d’yeux non plus, bref une face de rien.

Mais moi, ancienne casserole, je dois vous avouer que je ne suis pas peu fière de faire partie de la chose. Et pour tout vous dire, j’occupe une place privilégiée. De casserole, je suis devenue ange et me tiens debout dans la main droite de l’avenir de l’humanité, le robot, j’ai nommé. Vous vous rendez compte !

J’ai cependant un concurrent et pas des moindre. Dans la main gauche du susnommé se tient aussi droit que moi le diable en personne affublé de tout son attirail de diable, fourche, cornes et queue fléchée.

Ce pesage manuel et somme toute équitable, sinon équilibré me donne de l’espoir. C’est donc un robot pensant qui comme tout être humain envisage le bien et le mal.

Nicole H.