Atelier d'écriture

L’atelier d’écriture est l’occasion de jouer avec les mots, de faire entendre sa voix, d’écouter celle des autres, de se découvrir. C’est avant tout une expérience ludique, le plaisir de réaliser quelque chose et de le partager. À chaque séance l’animatrice propose de nouvelles consignes, qui servent de point de départ à l’écriture. Cette règle du jeu, par son aspect contraignant, permet de libérer l’imagination. On n’est plus devant une inquiétante page blanche, mais devant une proposition d’écriture, qu’on pourra à son gré suivre de près ou subvertir discrètement. C’est ce qui fait tout le sel de la lecture des textes : on se rend compte que chaque participant a traité la consigne de façon personnelle, provoquant la surprise, le rire ou l’émotion. Les échanges, qui se font dans un esprit curieux et bienveillant, permettent à chacun de prendre du recul sur son propre texte.

Atelier n°4


Proposition n°1 : Ma liste au Père Noël...

... sans souci de sobriété ni de réalisme.


Proposition n°2 : Logorallye 

Chacun propose un mot. Puis chaque participant rédige un texte contenant les 8 mots, dans l'ordre de la liste.


Proposition n°3 : Écrire le journal de bord d’un voyage imaginaire

Quelques textes du 4e atelier


Ma liste au Père Noël 

Père Noël, pour le 25 décembre pourrais-tu m’offrir, parce que je suis ambitieux,
1. Un passeport suisse avec la nationalité qui va avec,
2. Un grand appartement au bord du lac Léman ?
Sinon, parce que je suis paresseux,
3. Un assortiment de jolies chemises qui ne se repassent pas,
4. Une dizaine de costumes Marks & Spencer qui se lavent en machine ?
Sinon, parce que je suis gourmand
5. Des chocolats ?
Et si rien de tout ça n’est possible, alors, Père Noël, fais moi plaisir et change de travail !
Pascal 

Je voudrais :
 - Un sac magique où on peut rentrer toutes sortes de choses, et qui reste petit et léger, comme dans Mary Poppins ;
- un stylo qui corrige les fautes automatiquement, comme dans Harry Potter ;
- un badge qui me permette d'entrer dans les salons VIP en boîte et à l'aéroport ;
- des lunettes de soleil et une robe de star pour aller avec mon badge VIP ;
- une voiture décapotable et son chauffeur pour accompagner le tout ; 
- un rouleau de réglisse.
Vanessa 


Logorallye

portefeuille ; pingouin ; galère ; crayon ; clepsydre ; sapin ; pétunia.

- Excusez-moi, monsieur, vous avez fait tomber votre portefeuille.
L’homme se retourna, l’air surpris d’avoir été interpellé. Son nez pointu, son smoking, sa chemise à jabot et son nœud papillon lui donnait l’allure d’un pingouin du genre aristocrate fin de race en route pour un dîner de réveillon de Noël. 
- Un grand merci, l’ami. Sans vous je me serais retrouvé dans une sacrée galère sans mon argent et mes cartes de crédit. C’est rare les gens honnêtes par ici. J’ai de la chance d’être tombé sur vous. Je n’ai guère de temps tout de suite mais donnez-moi votre carte de visite et je vous recontacte afin de vous remercier comme il se doit.
Je n’avais pas de carte sur moi. Je donc pris un crayon qui traînait au fond d’une de mes poches et griffonnai mon numéro de téléphone sur un bout de papier que je remis aussitôt à l’homme. 
Quelques semaines passèrent et j’avais complètement oublié l’incident quand je reçus un appel. 
- Vous souvenez-vous de moi ? Vous aviez eu la délicatesse et l’honnêteté de me rendre mon portefeuille que j’avais laissé tomber par terre. Je propose que nous nous rencontrions afin de faire plus ample connaissance. 
Nous primes rendez-vous et nous retrouvâmes dans le superbe bar d’un palace. L’homme semblait heureux de me retrouver. Sa reconnaissance sincère était surprenante et j’acceptai volontiers le cadeau qu’il me fit, cadeau que je ne devais ouvrir qu’une fois rentré chez moi. Ce n’est donc que deux heures plus tard que je pus ouvrir le paquet pour découvrir une clepsydre en or de chez Hermes et un petit sapin de cristal Lalique. 
Ma femme Petunia m’incita à aller faire expertiser ces objets. Il s’avéra qu’ils étaient de grande valeur. Je les mis donc aux enchères quelques mois plus tard et eus la fort agréable surprise de tirer de la vente une somme suffisante pour me payer un grand appartement avec terrasse, en Suisse, sur les bords du Lac Léman. Ma liste au père Noël n’avait donc pas été en vain.. Bien que je dusse encore repasser mes chemises et porter mes costumes au pressing... 
Pascal 


Sous le regard sévère du gorille, Charles-Henri ouvrit son portefeuille et en sortit le carton d'invitation. L'homme en noir inclina la tête et recula d'un centimètre pour lui laisser symboliquement le passage. Un domestique emporta son pardessus, et il pénétra enfin dans le saint des saints, le salon de Madame Céleste. 
- Charles-Henri ! cria la maîtresse de maison en s'avançant vers lui. You made it ! Comme c'est charmant. 
Il se sentit rougir. Dans son costume de location il avait l'impression d'être déguisé en pingouin. "Qu'est-ce que je suis venu faire dans cette galère ?" songea-t-il, dépité. Pour se donner une contenance il prit une coupe de champagne sur un plateau qui passait, tenu sur une main par un serveur droit comme un crayon. L'alcool le détendit, mais ne l'aida pas à trouver ses mots. "Enchanté", disait-il à chaque personne qu'on lui présentait ; et parfois "ah oui, très intéressant" si'l lui semblait qu'un commentaire était attendu. 
Il aurait aimé partir, mais il n'était là que depuis une heure. On ne l'inviterait plus si'l ne faisait pas un effort. Il regarda l'horloge sur le mur : 21h12. Quatre heures plus tard, quand il regarda de nouveau, il était 21h13. Le temps semblait horriblement ralenti, comme une clepsydre asséchée. 
En désespoir de cause, Charles-Henri s'approcha du sapin qui décorait le fond de la pièce, et fit mine de s'intéresser aux ornements suspendus aux branches. "Ça devient pathétique", songea-t-il. "Bientôt je vais compter les boules. On ne m'invitera plus jamais, c'est sûr. Et au fond, je me demande pourquoi je tiens tellement à voir du monde. Je ne parle à personne, personne ne me parle..." 
C'est alors qu'une jeune femme auréolée de Shalimar s'approcha de lui. 
- Bonjour, doit-elle. Je m'appelle Pétunia. 
- Enchanté, dit Charles-Henri. 
Et il rougit. 
Vanessa


Journal de bord d’un voyage imaginaire 

Voyage au centre de l’univers 

Le 18 décembre 

9h30. 
J’aurais dû acheter des chemises qui ne se repassent pas. Je perds du temps à faire les plis. Heureusement j’ai mon costume Marks & Spencer que j’ai lavé à la machine et qui ne se froisse pas au lavage. Je dois rencontrer les autres membres de l’expédition au bord du lac Léman dans une heure. C’est un grand jour pour nous tous. Nous partons en expédition vers le centre de l’univers. 

10h25 Je suis sur les bords du lac Léman et j’attends les autres qui vont surement arriver pile à l’heure à 10h30. Ils sont suisses. 

10h35 
Personne n’est là et je me demande ce qui se passe. J’espère ne pas m’être trompé de date, d’heure ou de lieu. D’un autre côté, dans l’absolu, je pourrais partir en expédition seul. 

11h00 
Toujours personne. C’est agaçant. Moi, je suis extrêmement ponctuel. Sans doute trop : mes amis me reprochent souvent mon manque de souplesse dans ce domaine. Peut-être est-ce l’occasion aujourd’hui d’apprendre une leçon. Il est vrai que l’heure de départ de l’expédition n’a guère d’importance. Il n’y a pas d’urgence. Le tout, c’est de finir par partir. 

11h13 
Franchement, je trouve l’attente exaspérante. Certes, je pourrais partir sans mes camarades mais je me suis engagé envers eux. Que penseront-ils de moi si je pars tout seul ? D’un autre côté, qu’est-ce que ça peut bien faire ce qu’ils pensent de moi ? Ça ne change pas fondamentalement qui je suis. Si tant est que je sache qui je suis… 

12h00 
J’ai bien réfléchi et je me dis que j’ai trop tendance à me conformer à la décision des autres pour leur faire plaisir et ce, souvent, à mon détriment. Je suis un suiveur. Il faut que ça cesse. Je vais prendre ma vie en main et je vais prendre mes propres décisions. 

12h10 
Je vais me mettre en route mais j’ai tout de même des remords. Je fais le pied de grue depuis près de deux heures mais j’ai mauvaise conscience à partir sans me soucier des autres. 

13h00 
Je pars. C’est décidé. Je ne sais pas trop où je vais. C’est une expédition périlleuse mais je veux tenter l’expérience. 

14h00 
C’est si agréable de faire ce qui me plaît, pour une fois, sans me soucier des autres. Je peux tourner à droite ou à gauche, explorer tout ce que je souhaite, quand je le veux. C’est une sensation exaltante d’être aux commandes. 

15h00 
Ça fait deux heures que je voyage comme bon me semble, que j’explore tout ce qui m’intrigue. Je commence à voir l’univers différemment. Je me sens transformé. Je me sens libre. 

17h00 
Je rentre de l’expédition métamorphosé. J’ai découvert le centre de l’univers. Il était en moi. 

18h00 
Je vais m’acheter des chemises qui ne se repassent pas. 
Pascal 

Atelier n°3


Proposition n°1 : Définitions de mots inventés

- Chaque participant prépare deux syllabes. On les associe trois par trois pour former des mots inventés. 
- Chacun prépare une définition de ces mots inventés, comme pour un dictionnaire : définition brève, neutre, avec éventuellement l'étymologie du mot, un exemple, une citation... 

Les mots créés aujourd'hui sont : vrécarchou ; sekugli ; orgazol ; blousursti ; préperkad ; polmintra.


Proposition n°2 : Description d'un personnage 

À partir d’une photo, chacun fait le portrait physique du personnage, imaginer sa vie, son caractère, etc. Le texte est à la troisième personne, avec un narrateur omniscient (qui sait tout du personnage, qui le surplombe).


Proposition n°3 : Le personnage s'exprime à la première personne 

Le personnage décrit précédemment prend la plume pour parler de lui, dire ce qu’il aime, ce qu’il pense… Le texte est à la première personne. Il peut commencer par exemple par « Moi, dans la vie… »

Quelques textes du 3e atelier


Définitions de mots inventés 

vrécarchou : capacité d'un champion sportif à se reconvertir dans la musique. 
Exemple : faire preuve de vrécarchou. Antonyme : fauchoucar. 

sekugli : action exceptionnelle. Par extension, oeuvre d'une vie. 
"Avant de mourir, Javers eut juste le temps de réaliser son sekugli" (Victor Hugo, Les Misérables). 

orzasol : plante à fleur originaire de l'Amérique Latine, utilisée sous forme de poudre comme condiment. Exemple : Tu peux me passer l'orzasol ? 

blousursti : impression de déjà-vu, d'inquiétante étrangeté. 
"En passant devant le store fermé d'une boutique, il fut saisi d'un blousursti" (Patrick Modiano, Au fil des ruelles sombres). 

preperkad : fatigue légère en début d'hiver, coup de mou. 
Être preperkad. Prendre des vitamines pour éviter le preperkad. 

polmintra : lieu de culte des Polmins dans la Rome antique (voir Polmins). 
Faire la tournée des polmintras. 


Description d'un personnage 


Sir John Mac Logan décida de s’installer à Paris dans les années 80, lorsqu’on lui proposa de devenir le directeur de la célèbre maison d’édition franco-britannique « Le Roi Lire ». A 73 ans, il n’avait rien perdu de son charme qu’il pensait irrésistible auprès des femmes : une chevelure argentée élégamment coiffée et un sourire éclatant mis en valeur par un léger bouc savamment taillé étaient, selon lui, ses principaux atouts. Il avait pour principe vestimentaire d’assortir sa veste, son polo et son pantalon, et les choisissaient tous trois systématiquement de couleur identique. Il avait une prédilection pour le bleu saphir et, lorsqu’il devait apparaître en public, il affectionnait de porter son ensemble en laine et soie qui, il en était persuadé, le faisait rajeunir de vingt ans.
Anobli par la reine d’Angleterre en 1967, il portait, en signe de la reconnaissance éternelle qu’il lui vouait, des chaussons sur lesquels était brodée une couronne royale dorée. Il arborait fièrement ces chaussons quelles que soient les circonstances et malgré les railleries de certains de ces vulgaires amateurs de cuisses de grenouilles.
Francophile averti, il n’était pas peu fier de posséder une bibliothèque référençant quelque mille ouvrages, dont certains aussi illustres que « La philosophie pour les nuls ».

Mais sa passion pour les livres n’était rien comparée à celle qu’il vouait au tarot de Marseille. Une fois par semaine, il réunissait ses amis les plus intimes et prenait un plaisir infini à lire leur avenir dans les cartes. Il avait d’ailleurs lu, lors d’une fascinante séance nocturne et alors qu’il n’était qu’un jeune cartomancien inexpérimenté, que les chats seraient ses « âmes sœurs ». Or, ces derniers éprouvaient une véritable répulsion pour Sir John Mac Logan, détestant être dans ses bras, ce qu’il persistait pourtant à nier avec charme et élégance. So British !
Hélène




Olivier Lenormand est né en Chine il y a 27 ans, dans une famille très pauvre. Il s'appelait alors Cheng Li. Il a changé son nom quand il est arrivé en France avec un oncle, à l'âge de 14 ans. 

Aujourd'hui, Olivier est un homme grand, mince, plutôt beau gosse de l'avis général. Il a les cheveux étonnamment bouclés pour un asiatique ; comme pour son nom, il a décidé de ne pas se soumettre à la fatalité capillaire et se rend régulièrement chez le coiffeur. Été comme hiver, il est vêtu de cuir noir des pieds à la tête, à l'exception de sa chemise. Il connaît son pouvoir de séduction et prend souvent des poses avantageuses. 
À le voir, on ne soupçonnerait pas qu'il travaille comme coursier chez Pizza-Minute s'il ne tenait à la main, d'un geste négligent, un casque orange. Il livre des pizzas toutes la soirée, et grâce à son physique il accumule les pourboires, qu'il stocke dans un oreiller. 
Derrière son attitude superficielle, il est en réalité ambitieux et volontaire. Il a le projet de racheter Pizza-Minute à son patron pour en faire un restaurant à la mode. Il compte s'associer à sa petite amie, Lisa, qu'il a rencontrée lorsqu'il lui a livré une quatre-saisons. Lisa est d'origine ukrainienne. Ainsi, à eux deux, ils lanceront le premier restaurant sino-ukrainien de Paris. Si le succès est au rendez-vous, ce dont il ne doute pas, Olivier fera venir en France ses parents et sa petite soeur. 
Vanessa 

Le personnage s'exprime



Mon nom est Sir John Mac Logan, mais vous pouvez m’appeler John, en toute simplicité… car, oui, malgré les apparences, et je sais qu’elles peuvent être trompeuses, j’aime la simplicité. Pourquoi, sinon, recevrais-je mes invités et poserais-je pour les photographes en chaussons ?
Je pense que les Parisiens ont perdu le sens de cette notion de simplicité. C’est une des raisons qui m’a conduit à associer ma maison d’édition, dont la réputation est internationale, à celle éditant la collection « Pour les nuls ». J’ai d’ailleurs en projet de présenter, dans quelques mois, deux ouvrages qui feront date dans le domaine de la littérature : « Rajeunir en vieillissant pour les nuls » et « Vivre en harmonie avec les chats pour les nuls ». J’aime tellement les chats. Je pense qu’ils ont une véritable philosophie à nous transmettre. Très tôt, j’ai su que les chats seraient mes compagnons de vie, et que nous partagerions des émotions bien plus fortes que la plupart des humains sont incapables d’éprouver et de transmettre. Mon chat me le démontre tous les jours : l’effusion de tendresse qu’il me prodigue me touche bien plus que l’amour de ma propre mère.

Hélène



Encore 31 euros de gagnés ce soir, comme ça, au black, juste pour mes yeux. Et hop! dans l'oreiller. C'est ça qui me plaît dans ce métier. Les à-côtés. La miss qui me fait de l'oeil sur le seuil de la porte pendant que Monsieur emporte les pizza, le billet qu'elle me glisse avec un sourire, "gardez la monnaie". C'est bon pour mes projets, et puis ça me plaît, faut dire ce qui est. Je suis fidèle mais j'aime plaire, c'est mon kif. Je me verrais bien faire le mannequin dans les catalogues. Des fois je prends la pose dans la rue, je me dis que peut-être quelqu'un va me repérer. Et si ça ne marche pas, pour les photos, ça sera toujours utiles pour faire venir les clients dans mon restau. alors je m'exerce. 
Vanessa

Atelier n°2


Proposition n°1 : Rédaction d’une liste

Mots que j’aime / mots que je n’aime pas


Proposition n°2 : Écriture objective / écriture subjective

Rédaction de deux textes brefs :

- Le premier texte relate un expérience vécue, très anodine, de façon objective factuelle.
- Le deuxième texte relate le même événement de manière à faire entendre le point de vue du narrateur. 


Proposition n°3 : Écrire à partir d’une première phrase imposée

Un matin, en ouvrant les volets, il/elle vit que le soleil ne s’était pas levé...

Quelques textes du 2e atelier


Mots que j'aime, mots que je n'aime pas 

J’aime « aimer » parce que ça fait grandir.
Je n’aime pas « grandir » parce que ça fait vieillir.
J’aime « vieillir parce que ça fait mûrir.
Je n’aime pas « mûrir » parce que ça fait pourrir.
J’aime « pourrir »… non, non, c’est pour rire.
J’aime « rire », « sourire », « vivre » parce que… rien.
J’aime bien « sérénité » surtout quand je la trouve.
Parce que ça finit comme « éternité », que j’aime bien aussi, bien que ce soit un peu long (mais moins qu’anticonstitutionnellement).
Et j’aime bien « rêver » pour les étoiles qu’il y a dedans.
Catherine 

J'aime poutchi pouli 
J'aime rouletabille 
Je n'aime pas fonctionner 
Je préfère marcher 
J'aime pissenlit et salopette 
J'aime circonflexe 
Je me méfie de parenthèse 
J'aime félicité 
Je n'aime pas axiome 
J'aime térebenthine, pinard et polisson. 
Vanessa 

Écriture objective / écriture subjective 

1) Ma grand-mère m’a demandé d’aller chercher dans le grenier des pots en verre pour faire de la confiture. Ils étaient sous la mansarde. Je me suis penchée pour les ramasser et, en me relevant, je me suis cognée la tête et mes cheveux se sont coincés dans des tendeurs suspendus là.

2) « Monte là-haut me chercher les pots en verre que j’y mette ma confiture, tu seras mignonne. »
Cette requête s’accompagnait d’un bisou lancé et vivement rattrapé par mes soins mais mince, où ça là-haut ? « Dans le grenier ! » me répondit ma grand-mère qui se débattait avec sa louche dans les vapeurs sucrées de fraises… A moins que ce ne fut dans mes vapeurs, à moi. Le grenier… mon cœur s’est serré, un vide m’a enveloppée et Mémé a brisé le silence par un tonitruant « Dégrouilles-toi un peu ! »
Obéissante, je gravis les escaliers jusqu’au premier étage, là où il y avait ma chambre et je regardai longuement la porte qui menait dans ce monde inconnu et habité : le grenier.
Régulièrement, la nuit, j’y entendais de mon lit des bruits inexpliqués, tels des pas ou des glissades. Je n’avais jamais aimé cet endroit dans lequel je n’arrivais jamais à me sentir seule, dans lequel la peur n’avait de cesse de m’accompagner. Puis il y avait eu l’affaire du carillon : une horloge ancienne, installée là, qui chantait tous les quarts d’heure. Impossible de dormir avec ce bruit ! On avait beau arrêter le balancier, elle survivait malgré tout, braillant le temps qui s’égrenait. Il avait donc fallu la briser. Pour qui marquait-elle les heures ? Par quelles forces surnaturelles et hostiles ?
J’ouvris la porte du grenier doucement et de regardai les marches et cet espace dont les couleurs me semblaient si différentes des autres pièces de la maison. Il y avait là comme un voile, un brouillard de poussière dans cette demeure pourtant impeccable, quotidiennement briquée par ma grand-mère maniaque.
Je montai les escaliers doucement, saisissant au passage un balai qui me ferait office d’arme le cas échéant. Mon cœur battait vite et fort, rythmant ma respiration bruyante. J’arrivai en haut et aperçus l’objectif, une caisse emplie de pots en verre. La saisir, me retourner, partir.
J’accélérai. Maudite caisse, tout au fond rangée ! Je dû me mettre à quatre pattes pour la sortir de son abris, lâchant de fait mon arme de paille. Mon Graal saisi, je me relevai prestement quand soudain, je reçus un grand coup de gourdin sur la tête. Peur, panique, mais cela ne s’arrêta pas là. Je n’eus pas le temps de crier à l’aide que mon agresseur me saisit par les cheveux avec force et violence.
C’en était fini de moi, je n’arrivai même pas à crier au secours. Mon cœur était sur le point de sortir de ma poitrine, ma vie entre les mains d’un autre fantomatique. Je voulu saisir ces griffes qui m’agrippaient, afin de me retourner et de voir ma mort en face, mais je ne parvins qu’à attraper des cordes élastiques pris dans mes cheveux.
Les tendeurs de mon grand-père, au-dessus de la caisse suspendue sur une poutre que j’avais prise pour un gourdin ! Je voulus me dégager. J’étais sûre, fondamentalement sûre, que ces tendeurs n’étaient pas là à mon arrivée. Folle de rage contre ces spectres moqueurs, je me dégageai, laissant dans les griffes en plastique des mèches de cheveux. Je pris la caisse et descendis quatre à quatre les escaliers sous les rires des habitants invisibles du grenier. Je refermai la porte derrière moi et mis le verrou pour être sûre qu’ils ne descendirent pas. Les bocaux en verre faisaient des castagnettes dans mes mains agitées. Ma grand-mère a hurlé « C’est pour aujourd’hui ou pour demain ces bocaux ! Qu’est-ce que tu fous ?! »
Au fait… Je n’ai jamais aimé la confiture de fraises…
Catherine

*


1) Ce soir en rentrant du travail je suis passée à la boulangerie pour acheter du pain. La vendeuse m'a montré une corbeille contenant de petits morceaux de pain et m'a invitée à y goûter. C'était une façon de faire connaître la nouvelle création du boulanger, un pain rustique fourré aux noisettes et aux raisons, appelé pain charpentier. Je l'ai trouvé très bon et en ai acheté une part. Il était vendu au poids. J'en ai eu pour 2,66 euros. Je retournerai certainement en acheter. 

2) Après une journée de rude labeur, je cheminais vers ma maison dans la pluie et l'obscurité quand mon attention fut attirée par une boutique illuminée. Je décidai de faire escale dans ce havre chaleureux. La boulangère me fit un accueil royal, déroulant devant moi de magnifiques présents dans des corbeilles en osier. La tentatrice me fit goûter un délicieux pain aux arômes exotiques. C'était un produit biblique, nommé "pain charpentier" en hommage à Joseph. Tel un elixir magique, le morceau de pain que je goûtai insinua en moi l'envie irrépressible d'en manger encore et encore. C'est ainsi que je fus prise au piège. Il m'en coûta 2,66 euros, et ce n'était que le début de ma délicieuse addiction. 
Vanessa


*
Une roulette russe estivale

1) Ces deux dames de compagnie prenaient le thé dans des habits endimanché, un bel après midi d’été, au parc Montsouris, à Paris. 

2) Comment est-ce possible en cette étouffante chaleur d’été que mes deux cousines restent avachies toute la journée sous ce soleil de plomb ? Qu’elles sont bêtes d’avoir parié ! Bêtes et têtues, dégoulinantes de sueur sous leur robes de flanelle, buvant paisiblement leur liqueur sans sourciller. 
Leur regard fixé dans celui de l’autre, imperturbablement elles lèvent leur tasse à leur lèvre et prennent une gorgée. 
D’un geste délicat, Yasmine ôte les premières gouttes de sueur de son front tandis que Cassandra esquisse un sourire de satisfaction. 
La cigüe exerce son effet et Cassandra dorénavant exulte, c’est elle qui restera vivre aux côté de leur amant.
Loïc



À partir d'une première phrase imposée 


Un matin, en ouvrant les volets, elle vit que le soleil ne s’était pas levé. Cassandra fut tout d’abord en prise avec un sentiment de confusion. Etait-ce un rêve, ou la réalité ? Dormait-elle encore ? Elle se retourna et vit son amant, encore endormi, dans leur lit. Elle fut prise de panique et se demanda si ce n’était pas les abus – nombreux – de la veille qui faisaient d’elle ce matin une victime d’hallucinations. Il fallait admettre qu’avec Victor, ils avaient exagérément fêté le décès – accidentel, vraiment ? – de sa rivale. Pauvre Yasmine, succomber à une malheureuse tasse de thé… et alors qu’elle respirait la jeunesse et la santé ! Un sourire apparut sur le visage de Cassandra : quelle avait été leur soirée, emplie de folie, de rires, d’ivresse alcoolisée et charnelle, pour célébrer cette disparition !
Mais alors qu’elle se tenait debout devant la fenêtre, le charme de la veille s’était évanoui, dans cette chambre privée de l’ensoleillement matinal. Elle réveilla Victor, de plus en plus inquiète de cette situation aussi bien anormale qu’extraordinaire. Les yeux lourds de sommeil, Victor grommela : « Mais enfin, Cassandra, le soleil s’est levé, tu le vois bien. Referme donc ces volets, je ne pourrai me rendormir avec une telle lumière dans la chambre. ».
Sentant que son esprit s’engageait sur les voies de la folie, Cassandra enfila sa robe de chambre en satin, quitta la chambre et descendit à la cuisine qui, étant située à l’entresol de la maison, ne comportait heureusement pas de fenêtre. Elle ouvrit le garde-manger, en sortit de quoi préparer le petit-déjeuner –du café moulu, de la confiture de fraise – quand sa main attrapa, voilà qui était étrange, un pain qu’elle était sûre de ne pas avoir acheté, du pain « charpentier ». Curieuse et gourmande, elle ne put résister à la tentation d’en déguster une tranche, sans attendre de remonter dans la chambre avec le plateau du petit-déjeuner. Au moment où elle s’empara de l’impressionnant couteau à pain afin de l’entamer, une voix rauque et retentissante, venue de nulle part et partout à la fois, proclama : « Cassandra, pour avoir empoisonné Yasmine, je te condamne à ne plus jamais voir le soleil se lever et à vivre éternellement dans l’obscurité. »
Hélène


Un matin, en ouvrant les volets, il vit que le soleil ne s’était pas levé.
Alors il les referma pour aller se recoucher.
Siester, il en avait que trop peu le temps, alors si Râ devenait facétieux, il n’allait pas le prier !
Et puis les hommes s’accordent bien des jours chômés, de quel esprit tyrannique et loufoque est sortie l’idée qu’une sommité telle que le soleil ne pourrait s’octroyer ce bien nécessaire d’avoir des jours pour se reposer ?
Si le soleil apprenait à dire non, bien lui en face, c’est comme cela que l’on se forge une personnalité. D’ailleurs le bonheur de cet acte révolutionnaire était d’annuler les matinées. La nuit serait seule pour un temps et tout le monde sait que les heure de nuit sont mieux rémunérées.
« A bas les matinées ! » allait-on dorénavant scander sur le pavé.
« Le soleil avec nous ! » pourrions nous entendre de partout.
Le soleil, enjoué d’être ainsi sollicité, pointa le bout de son rayon, finissant ainsi sa révolution, au grand dam de la confédération.
Il fût un matin, Mathis s’en souvient, où en ouvrant les volets il vit que le soleil ne s’était pas levé. Et mon dieu, que ce fût beau et bon pour lui d’apprendre par l’exemple à dire non à son patron.
Loïc


Un matin, en ouvrant les volets, il vit que le soleil ne s'était pas levé. Pourtant, selon les chiffres lumineux de son radio-réveil, il était huit heures passées. Rodolphe pensa qu'il était encore en train de dormir ; mais il sentit son ventre gargouiller, ce qui ne lui était jamais arrivé en rêve. Il pensa alors que son réveil s'était détraqué, et qu'il s'était réveillé en pleine nuit. Il alluma la radio ; la présentatrice de France Info l'informa qu'il était 8h17 et lui exposa la situation du trafic routier. 
Il se frotta les yeux, mais il faisait toujours aussi sombre. Les seuls points lumineux étaient les fenêtres de l'immeuble d'en face. Une sévère gueule de bois, peut-être ? Mais il n'avait rien bu. Rien ne pouvait expliquer que le soleil soit absent ce jour-là. 
Peut-être y avait-il un problème du côté de la cour, où donnait la fenêtre de sa chambre. Rodolphe décida d'aller vérifier ce qu'on voyait pas la fenêtre du salon. De loin il vit des petites lumières qui bougeaient en tous sens, comme des lucioles un soir d'été. Il s'approcha de la vitre. Dans la rue, il y avait comme chaque matin de nombreuses personnes qui se croisaient sur les trottoirs et la chaussée ; mais aujourd'hui chacune avait une lampe accrochée au front. Le ciel était tout aussi noir côté rue que côté cour ; le soleil ne s'était décidément pas levé. Personne ne semblait surpris ou gêné par la situation ; simplement, chacun s'était équipé afin d'éclairer son chemin. 
Rodolphe écouta les informations à la radio ; il n'y eut aucune mention de cet événement inhabituel, mais entre deux flashs il entendit une réclame pour EDF. Avec un soupir, il ouvrit le placard sous l'évier, en sortit une lampe de poche, et se prépara à se la scotcher sur le front. 
Vanessa


Un matin, en ouvrant les volets, il vit que le soleil ne s’était pas levé. Il regarda son radioréveil de nouveau. Peut-être avait-il inversé les chiffres : une heure du matin au lieu de dix ? Non. Un dix bien formé luisait dans le noir. Toutes les pendules de la maison claironnaient le chiffre dix. 
Il alluma la radio sur une chaine d’information et rien ne démentait cet obscure dix. 
Il ouvrit la fenêtre, se mit sur son balcon comme pour mieux sentir cette nuit noire et s’en envelopper. Le soleil et la lune semblaient faire grève en cette matinée d’été qui aurait dû être belle. Il fut saisi d’angoisse et chercha des explications. Pollution ? Fin du monde ? Mort du soleil ? Ou bien était-ce sa mort, à lui ? Peut être que c’était ça la mort : un monde où plus rien ne luit ? 
Il mit sa main sur son cœur qui battait si fort de peur de mourir. Si fort, si vite, comme pour profiter pleinement de ce reste à vivre ultime. Il se pencha sur son balcon pour tenter de deviner une silhouette, une vie, un espoir. Ses yeux s’acclimataient peu à peu et il aperçut quelqu’un assis sur un banc en bas de chez lui. Vite ! Saisir son peignoir, chausser ses baskets et descendre. 
Parvenu dans le jardin de sa résidence, il s’approcha à tâtons près d’un homme qui ô chose curieuse, semblait lire un journal. Il osa timidement : 
- Bonsoir… Euh… Vous faites quoi là ? 
- Je lis, répondit l’homme. 
Il le distinguait mal mais sa voix trahissait un âge de patriarche. 
- Il fait nuit noire là… Vous savez ce qu’il se passe ? 
- Oui. La lumière est morte.
Le vieil homme avait prononcé ces mots comme si cela lui était indifférent, ce qui rendait la situation d’autant plus angoissante. Morte, la lumière ? Comment était-ce possible ? Comment allait-on faire ? Comment allait-on vivre ? Et des pensées délirantes s’installèrent : quid de la photosynthèse, du règne végétal et animal ? Comment être un Homme sans lumière ? Puis il se ressaisit et demanda au vieil homme : 
- Comment faites-vous pour lire sans lumière ? 
- J’allume la mienne. 
- Mais laquelle ?
Il lui sembla que le vieil homme était comme entouré d’un halo lumineux et il le vit, très nettement, mettre sa main sur son cœur : 
- Celle-ci voyons !
Puis, devant le silence de son interlocuteur, il poursuivit :
- Les nouvelles sont très intéressantes aujourd’hui, vous devriez lire un peu… 
Il prit le journal devenu comme luminescent et c’est avec stupéfaction qu’il y découvrit des photos de sa vie. 
Des photos de lui enfant, entouré de ses parents sur une plage au soleil. Des photos de lui adolescent, aux heures heureuses des colonies de vacances. Des photos de feu son mariage sous le soleil de Carcassonne. Des photos de lui papa, dans les jardins pétillants de Nice. Puis d’autres, de plus en plus ternes, de plus en plus floues jusqu’à en devenir illisibles. Son cœur se serrait, ses mains tremblaient.
- Qu’est-ce que tout cela signifie ? 
- Il est temps d’allumer la lumière Paul.
Paul ? Il le connaissait donc mais d’où ? Il bredouilla simplement : 
- Comment ça ? 
- En pardonnant. En lâchant tes rancunes, tes frustrations… tout ce qui t’encombre.
Paul demeura silencieux, bouleversé. Des larmes taquinaient ses paupières. 
- Tu es responsable de ta propre nuit.
Il ferma les yeux et les dernières années de sa vie défilèrent devant lui ainsi que sa colère, sa haine, son sentiment de trahison.
- Alors, change ! » murmura tendrement le vieil homme. 
Paul gardait ses yeux fermés dans l’espoir d’endiguer un flot de larmes, en vain. Puis il prit une profonde inspiration pour enfin regarder le vieil homme et lui crier un grand « oui ! », mais il n’était plus là. Il regarda autour de lui : personne, sinon un oiseau qui commençait à chanter pour célébrer le soleil qui naissait doucement.
Catherine

Atelier n°1


Proposition n°1 : Cadavre exquis 

Sujet ; verbe ; complément d’objet ; complément circonstanciel ou autre précision. 


Proposition n°2 : Lettre de motivation... 

...pour un métier loufoque. 

Chaque participant postule pour un métier attribué au hasard, tel que "rangeur de provisions dans le frigo", "décripteur de notice Ikea", "chef d’orchestre des oiseaux parisiens"... 


Proposition n°3 : Écriture à partir d'une photo 

Photo de forêt primaire japonaise.

Quelques textes du 1er atelier


Cadavre exquis 

Les oiseaux de paradis avançaient le moment festif avec une impatience grandissante. 

Le parasol gris rencontre sa merveilleuse casserole sur les ponts de Paris. 

La chaise rencontra la maserati rouge autrefois. 

Un chat noir étale la table devant la glace brisée. 

Le détective escalade une chanson inédite d'une façon dégoûtante. 

Les moineaux attendent désespérément le signal au point du jour. 

La feuille du platane priait son adorable minois sous le ciel étoilé. 

Les feuilles presque mortes découvrirent les plantations d'oliviers pendant la période glaciaire. 

Les enfants du voisin allument les nénuphars roses en attendant le soir. 

Les mésanges chevauchent la feuille tombante excessivement lentement. 

Le petit chaperon vert pomme regarde le four à micro-onde sur la berge d'Istanbul. 


Lettre de motivation pour métier loufoque


Goûteur de bonbons et chocolats 

Madame, Monsieur, 

Cacaotomane et bonbonophile depuis ma plus tendre enfance, votre annonce sur Paris Sucré a retenu toute mon attention. 

Titulaire d'un Master professionnel en histoire des sucreries, j'ai une parfaite maîtrise du sucré, des saveurs rondes et shamallowtées et parfums de synthèse divers. 
J'ai, par ailleurs, eu le bonheur de faire un stage chez La Durée de Bruges, au cours duquel j'ai pu affiner mon palais sous les saveurs délectables de truffes, caramels au beurre salé, croquants au chocolat et fondants aux framboises. 

Aujourd'hui, je souhaite m'orienter vers un métier concret et d'utilité publique. Proposer à vos clients le chocolat le plus goûteux et long en bouche, à la fois croquant et craquant, représente un véritable challenge papillesque que je suis déterminée à relever. Mobile, adaptable, je suis prête à rejoindre votre équipe pour faire connaitre à votre clientèle les meilleurs friandises et chocolats qui détrôneront à jamais dans leur cœur Carambars et Fraises Tagada. 

Veuillez trouver ci-joint mon curriculum vitae qui, pour la circonstance, est édulcoré, ainsi que mes dernières analyses glycémiques attestant que je suis apte pour ce travail. 
Je serai heureuse de vous les commenter au cours d'un entretien et suis à votre disposition pour tout renseignement complémentaire et blind test. 

Dans cette attente, 
Cacaotement vôtre, 

Framboisine de la Pie qui Chante 
Catherine




Médiateur dans les disputes entre joueurs de pétanque 

Paris, le 18 septembre 2013 

À l'attention du Président de l'Association des Joyeux Boulistes du 12e arrondissement

Monsieur,

En réponse à votre annonce parue dans le Petit Journal des Grands Sports, j'ai l'honneur de vous proposer mes services de médiateur afin de régler à l'amiable les différends entre joueurs.

Je connais bien les disputes liées à la pétanque, étant pour ainsi dire né sur un terrain, car ma mère était championne de la ligue régionale du Bas-Poitou et a pratiqué ce sport jusqu'au jour de l'accouchement. Je m'exprime au passé, car, hélas, ma mère fut victime d'un accident du travail et mourut d'une boule dans la tête. C'est de ce funeste événement que je tiens ma vocation. En effet, je suis persuadé que le joueur adverse n'aurait pas tiré aussi mal s'il n'avait été exaspéré par les disputes et les cris incessants parmi lesquels il évoluait. "Je vais te faire manger le cochonnet", "cochonnet toi-même", "tu pointes, tu tires ou tu te casse"... il y avait de quoi perdre son sang-froid. Sans l'excuser, je le comprends.

À ma connaissance du milieu bouliste et de ses problèmes, à ma motivation issue de mon histoire familiale, j'ajoute des compétences précises en gestion des conflits. Ainsi, dans mon supermarché Franprix, je désamorce les inévitables disputes entre clients, voire entre un client et un caissier fatigué. Au restaurant quand arrive l'addition, je maintiens les liens fans mon groupe d'amis en empêchant les sécessions autour du prix du dessert.

Bref, je suis un médiateur-né, et je saurai redonner aux Joyeux Boulistes la douceur de leur nom.
Médiatiquement vôtre,

Hubert de la Pétanquière 
Vanessa

Traducteur en portugais de blagues Carambar 

Monsieur, 

C'est le Carambar en bouche, (j'en consomme vingt par jour en moyenne) que je vous écris depuis mon camping au Portugal où je passe mes vacances tous les étés depuis bientôt trente ans. Chaque jour, je partage les extraordinaires moments de fous rires que génèrent vos célèbres blagues avec mes amis portugais qui n'ont pas la chance de pouvoir savourer comme moi les finesses de la langue française si bien exploitées par vos mots d'esprit. Je me vois donc dans l'obligation de traduire pour mes amis lusophones (soit vingt traductions par jour) et, comme vous pouvez vous en douter, j'ai, en trente ans, acquis une compétence tout à fait exceptionnelle dans cet exercice... et perdu également de nombreux amis, sans doute jaloux de mon humour unique.

Je dispose actuellement de moyens linguistiques exceptionnels me permettant de transposer en langue portugaise les nombreux calembours désopilants qui égaient ma dégustation de vos produits délicieux, et qui me font oublier les quelque vingt dents que j'ai perdues du fait de la dureté de vos caramels ou suite aux nombreuses caries que les Carambars m'ont occasionnées. Je suis, par exemple, en mesure de rendre dans la langue de Vasco de Gama la subtilité de jeux de mot tels que "comment vas-tuyau de poêle ?" ou bien encore "où vais-je ? où cours-je ? dans quel état j'erre ?" .

Bref, ne cherchez plus votre traducteur, vous l'avez déjà trouvé en mon humble personne.

Salutations distinguées, 
Oscar Ambar 

PS. La mutuelle de l'entreprise Carambar offre-t-elle une bonne couverture pour les soins dentaires ?

Pascal 


À partir d'une photo 


Je suis une liane et j'enserre de mon amour tous les êtres en détresse. 
Je suis un écrin où tu trouves le repos après le combat. 
Je suis un havre. Je suis la paix. Je suis l'éternité. 
Je suis un refuge pour que ton âme se repose. 
Si tu fais silence dans mes bras de mousse, tu pourras entendre qui tu es vraiment. 

J'ai l'air d'être emmêlée, mais je suis pure, épurée. 
Je suis moi sans superflu et en totalité. 
Je suis la liberté. 
Je n'ai besoin de rien d'autre que du vent et de la pluie. 
Je n'ai pas besoin de plaire, et vois comme je suis jolie. 

Je ressemble à un rêve et pourtant je suis bel et bien réelle. 
J'ai un aspect sauvage qui t'inquiète, comme inquiète souvent ce qui est authentique et rebelle. 

Je suis ce qui te fait vivre. Je suis ton berceau. Je suis ton cœur. 
Regarde-moi mieux, tu trouveras un bonheur indicible. 
Respecte-moi mieux, afin de ne jamais te détruire. 

Car tandis que je te nourris, tu m'abimes et me déchires, sans voir que c'est toi que tu mets en péril. 

Aime-moi mieux, tout comme je t'aime. 
Car je suis ta Mère. 
Ta Mère Nature. 
Catherine



Branches enchevêtrées
La nature est inquiète 
Un crime est perpétré 
Un inspecteur enquête 

Sous son dais vert et sombre 
La forêt est secrète 
Qui est prostré dans l'ombre ? 
Qu'a l'inspecteur en tête ? 

Les chiens de la police 
Se sont mis sur la trace 
Au lointain, des pneus crissent 
L'inspecteur est en place 

Soudain vient la lumière 
Tout se fait clair et net 
Dissipés, les mystères 
Quand l'inspecteur enquête.
Pascal



C'est une forêt de conte de fée, toute en mousse et racines. Le Petit Poucet jette en vain ses cailloux pour s'y retrouver ; ils disparaissent aussitôt, perdus à jamais, et l'enfant se transforme en arbre. C'est la forêt des rêveries et des cauchemars. Elle nous parle d'un monde où nous n'étions pas nés, où, peut-être, la vie se passait de nous. C'est la forêt indifférente de nos terreurs d'enfants. Parfois, en rêve, elle se rappelle à nous. 

Vanessa

Atelier n°10


Écriture d'une courte nouvelle policière 

Brainstorming 
- Discussion : construction typique d'une nouvelle policière. Comment créer un suspense.
- Création de listes pour ses donner des idées, pour les différents éléments de la nouvelle:
     . l'arme du crime ;
     . le lieu ;
     . la victime ;
     . le mobile ;
     . les indices ;
     . le détective.

Temps d'écriture personnelle

Quelques textes du 10e atelier


Panique au salon de coiffure 


Il était à peine 8h00 du matin lorsque Chloé ouvrit la porte du salon de coiffure « brush’n go » de la rue St Guillaume dans le 7e. Un salon de coiffure de luxe, fréquenté par tout le gratin parisien, starlettes de télé, politiciens en vogue … José, le patron, avait noué des liens avec toutes les personnalités du moment et se pliait en quatre pour réinventer perpétuellement les coiffures de ces habitués des plateaux télés. Son talent ainsi que ses qualités d’écoute et d’empathie faisaient de lui une personne appréciée et respectée. 

Chloé travaillait depuis à peine deux mois comme shampouineuse dans le salon de José. Elle était immédiatement tombée sous le charme de ce latino sensible et plein d’humour qui tutoyait les stars mais restait si complice de son personnel. On ne lui connaissait pas de femme et Chloé désespérait de lui tenir compagnie la nuit… Depuis des semaines elle tentait de se rapprocher de lui, José semblait amusé de cette cours discrète mais ne cédait pas, au grand désespoir de Chloé. Ce matin là, elle entra dans le salon avec la volonté des femmes qui n’ont pas dit leur dernier mot, décidée à la provoquer une dernière fois. Après avoir réajusté son décolleté et pincé ses joues pour les rosir, elle poussa la porte du bureau de José, s’attendant à le trouver là, assis sur sa chaise, lisant les nouvelles du matin. Le bureau était pourtant dans le noir, José ne devait pas être arrivé et Chloé chercha l’interrupteur pour allumer la lumière. Elle le vit au premier coup d’œil, avachi, la tête posée sur son bureau, un stylo à la main et un pistolet dans l’autre. Chloé s’approcha du bureau et put voir, sous le stylo, une feuille de papier sur laquelle un timide « pardon » était écrit. Elle referma la porte en catastrophe. José était mort, visiblement, sa tête baignait dans une marre de sang … il s’était tué, vraisemblablement … 

Dans quelques minutes tous les employés du salon allaient arriver, il faudrait appeler la police, faire des déclarations. Le suicide allait très certainement être reconnu. José était un homme très seul. Chloé savait qu’il dormait souvent au salon, incapable de rentrer chez lui et de se confronter à sa propre solitude. Et pourtant … quelque chose tournait dans la tête de Chloé et s’installait dans son esprit pour y prendre progressivement toute la place. Pourquoi la lumière était-elle éteinte ? C’était un détail, certes, mais pourquoi avoir éteint la lumière avant d’écrire le mot et saisi le pistolet ? Chloé n’arrivait pas à répondre à cette question. Plus les minutes passaient et plus Chloé en était certaine : José avait été assassiné. Le coupable, par réflexe, avait machinalement éteint la lumière du bureau avant de s’enfuir et masquer son crime. Mais qui ? Qui aurait pu vouloir du mal à José, cet être si délicieux et si aimable ? Des jaloux il y en avait tant, des amoureuses déçues comme Chloé aussi … mais rien qui mériterait un pareil sort. Et pourtant, elle le savait, elle le sentait, José avait été assassiné. Une fois sur les lieux la police écouta à peine sa déposition et refusa de la suivre dans ses « élucubrations ». José s’était suicidé, tout concordait. Choquée, Chloé masqua sa colère et se jura de mener elle-même son enquête. 

L’empressement de la police à clore l’enquête n’avait fait que renforcer ses intuitions. Il y avait quelque chose de louche dans cette histoire. Rentrée chez elle, elle alluma la télé pour distraire un peu son esprit et tenter de dissiper l’angoisse qu’avait créée la vision de la scène. Pierre-Yves Gallois, le fils du sénateur Jacques-Yves Gallois, lançait comme chaque soir le journal de 20h00. Chloé le connaissait bien, il fréquentait régulièrement le salon de José. Décidément tout me ramène à lui, pensa Chloé. Tout le monde savait que Pierre-Yves avait également un faible pour José. Etait-il au courant de l’affaire ? Probablement pas … pensa Chloé. Et pourtant, à bien le regarder, elle lui trouva un air étrange, vaguement perturbé, franchement effaré, même … Et plus elle le regardait, plus elle lisait dans ses yeux un petit quelque chose qui relevait de la panique, de la culpabilité… C’était lui ! Elle le sentait, elle le voyait, c’était lui. Il fallait qu’elle le prouve. 

A cet instant quelqu’un frappa à sa porte. Chloé se redressa vivement. Elle savait, ils savaient … ses déclarations à la police n’étaient pas passé inaperçues. Le père de Pierre-Yves avait été un temps ministre chargé auprès du ministre de l’intérieur, il avait sûrement gardé des contacts. Alors que les coups redoublaient Chloé se jeta sur son téléphone et tapa rapidement un message qu’elle envoya à tout son carnet d’adresse : « Pierre-Yves G. a tué José et son père l’a protégé ». Dans la minute qui suivit, la porte s’ouvrit brutalement et deux hommes armés pénétrèrent dans l’appartement. Elle regarda droit dans les yeux pendant qu’ils tiraient sur elle et qu'elle appuyait sur la touche « envoyer ». Les Gallois ne s’en sortiraient pas comme ça … 
Raphaele


Le crime du Franprix, rayon boucherie 


José faisait sa tournée habituelle avenue Mathurin Moreau. Il travaillait à la Poste depuis quinze ans et circulait à bord de sa bicyclette dans ce quartier depuis presque autant de temps. 

Il aimait discuter avec les commerçants et les gardiens d’immeuble, il connaissait les habitudes de chacun. C’est pourquoi, en ce lundi matin, lorsqu’il vit le petit attroupement devant le Franprix, il sut que quelque chose d’inhabituel s’était produit. 

Il alpaguat un caissier à l’air hagard, posté à l’entrée du magasin. 

- Que se passe-t-il, Roger ? 
- On a trouvé un macchabée au rayon boucherie. Il y a du sang partout Il a été éventré, c’est horrible, j’ai bien failli tomber sur lui en remettant des steaks hachés Charal. J’m’en vais de suite appeler le syndicat. J’aurai peut-être une prime de risque… 

José acquiesça. C’est vrai que ça avait du lui faire un choc au vieux, s'il pouvait en tirer un peu d’argent… 

José se dirigea vers le rayon en question. Il vit un corps étendu. Non seulement il avait été tué de manière horrible, mais il avait été charcuté. Il remarqua la plaie béante, et comme il avait des notions d’anatomie, ayant fait deux année d’école de médecine avant de se décider pour une carrière plus ambitieuse à la poste, il comprit : on avait retiré les reins du pauvre homme post mortem. 

Il entendit les sirènes de police, et se glissa hors du supermarché, pour continuer sa tournée. 

Le lendemain, il retourna sur les lieux, poser quelques questions sur le meurtre. Tout le monde ne parlait que de ça, la rue était en ébullition. 

Il aperçut le gérant du Franprix, et engagea la conversation, mais dès qu’il aborda le sujet des reins manquants, celui-ci l’arrêta : 

- Pas si fort, j’ai déjà réussi à ce que ces détails ne paraissent pas dans la presse. Tu imagines, si les gens apprenaient qu’il y a des vols d’organes au rayon boucherie du Franprix ! Mais je peux te dire qu’en effet, il avait deux reins quand il est rentré faire ses courses, et plus aucun lorsqu’il est ressorti sur un brancard. 

Le facteur parcourut l’article qui s’étalait en une du Parisien que le gérant avait laissé à l’entrée du supermarché. J’ai l’impression de connaître ce type, pensa-t-il, tombant sur la photo de la victime. 

Il remonta sur son vélo, et décida d’interroger tous les commerçants de la rue. Ils étaient tous bien disposés à discuter du fait divers sordide, et chacun avait sa petite idée concernant le mobile ou l’assassin, mais aucun n’avait de véritable information à lui fournir. Il eut de la chance, au bout d’une heure, avec l’employée du laboratoire d’analyses médicales. 

- Oui, je me souviens de lui. Il a fait des analyses la semaine dernière. Je crois qu’il habitait dans le quartier, un homme fort sympathique, quelle tragédie ! 

José eut une soudaine illumination : il ne savait pas encore qui avait tué ce pauvre homme, mais il devait y avoir un rapport avec le laboratoire d’analyse. Une personne avait lu les résultats et avait vu qu’il pouvait transplanter les reins du pauvre bougre à un proche, un membre de sa famille qui se mourait probablement. 

Il allait devoir parler à toutes les personnes susceptibles d’avoir eu accès au dossier de la victime. Il en était là dans ses réflexions, quand il aperçut un autre employé, qui tenait plusieurs éprouvettes. Il avait un air chafouin, et regardait constamment par dessus son épaule. 

- C’est toi, espèce de saligaud, le tueur du rayon boucherie de Franprix ! 

Il se précipita vers lui, l’employé réussit à s’enfuir mais, faisant tomber les fioles, il glissa sur du sang qui s’était répandu sur le sol. 

Les policiers le cueillirent là et le menottèrent, eux aussi avaient mené l’enquête, mais un peu moins rapidement que notre facteur, qui s’en alla continuer sa tournée, avec du courrier à distribuer, et la satisfaction du travail bien fait. 
Mathilde


La chute


"Allo, la police ? Venez vite. Il y a un cadavre dans mon escalier."

Quand l'inspecteur Fontanel arriva sur les lieux, il se sentait un peu fébrile. Âgé de tout juste 24 ans, il était à ses fonctions depuis quelques mois et manquait encore d'assurance. En outre, c'était son premier cadavre. La concierge lui expliqua que ce matin à six heures trente, elle avait trouvé étalé sur le pallier du 2ème étage M. Duchamps, le directeur de l'agence CréaMod, une agence de conseil dans le secteur de la mode, installée au troisième étage. Croyant qu'ils s'agissait d'un simple malaise, la concierge avait mis à M. Deschamps quelques claques pour tenter de le ranimer mais en vain. Comprenant qu'il était sûrement mort, elle avait bien sûr immédiatement appelé la police. "Entre vous et moi, il a dû se faire zigouiller, ajouta-t-elle en chuchotant ; c'était un homme exécrable que personne ne supportait. Je n'ai pas l'âme meurtrière mais franchement, il y a des jours, vu comment il me parlait, disons que je ne lui voulais pas que du bien, si vous voyez ce que je veux dire."

L'inspecteur Fontanel remercia la concierge pour son témoignage. Ce devait être une concierge très portée sur le ménage ; l'escalier fleurait bon le cirage.

Fontanel avait des doutes. Peut-être était-ce tout simplement un accident mais on ne pouvait pas encore écarter l'hypothèse du meurtre. Il fallait donc mener l'enquête. Mais par quel bout commencer ? Le jeune inspecteur se renseigna sur la victime. 51 ans, marié, deux enfants majeurs, dont un avait connu des problèmes d'addiction à la cocaïne. Mais les deux enfants résidaient désormais aux États-Unis. On pouvait donc les éliminer de l'équation. La femme, Beatrice Duchamps, était séparée de son mari et ils étaient en instance de divorce, un divorce houleux. Mme Duchamps allait hériter de toute la fortune de son mari. N'était-ce pas là une raison pour se débarrasser de son conjoint?

Fontanel rendit visite à Mme Beatrice Duchamps, une grande femme froide et hautaine, qui ne s'efforça même pas de feindre une quelconque tristesse. "Mon mari était un salaud, un pervers narcissique, comme on les appelle. Il jouissait de la souffrance des autres. Sa disparition ne m'occasionne aucune peine. Mais je ne l'ai pas tué pour autant, d'autant que je ne suis rentré sur Paris que ce matin. Pour tout vous avouer, monsieur l'inspecteur, j'ai passé la nuit chez mon amant. Il pourra confirmer mes dires."
Fontanel eut rapidement confirmation de l'alibi de Mme Duchamps.

Étape suivante de l'enquête : la visite de l'entreprise! Fontanel devait interroger tout le personnel. Il fut accueilli par la directrice de la mode, Céline Rosenstein, une belle femme rousse d'une quarantaine d'année, spécialiste de la mode et des chaussures. On ne pouvait pas s'y tromper ; son bureau regorgeait de chaussures et de produits d'entretien. "Je suis bouleversée. Je travaille pour l'agence depuis sa création il y a dix ans. Fabrice Duchamps a fait un travail formidable. Certes, il est impitoyable dans le travail mais quand on voit ce qu'il a fait de l'agence, cela force l'admiration. Je suis très inquiète pour notre avenir."

La directrice de la mode présenta les équipes à l'inspecteur qui s'entretint avec chacun. Tous étaient choqués de ce qui venait de se passer mais personne ne cachait ses sentiments à son égard : Fabrice Duchamps était un être exécrable et sa réussite ne justifiait en rien son comportement. Il avait toujours eu tendance à se montrer cinglant et humiliant durant les réunions. Tout le monde en avait fait les frais, du stagiaire jusqu'à la directrice de la mode.

L'inspecteur Fontanel était perplexe. N'importe lequel des salariés de CréaMod aurait pu vouloir tuer Fabrice Duchamps.

Alors qu'il quittait l'agence, plongé dans sa réflexion, l'inspecteur rencontra la concierge en train de nettoyer l'escalier. "Alors, monsieur l'inspecteur, vous avez trouvé le coupable ?" Fontanel fit non de la tête. "Il semble que ce soit un accident. En tout cas, votre escalier est impeccable, et il sent bon le cirage ! " "Oui, je sais, répondis la concierge, et pourtant ce n'est pas moi qui ai ciré le sol." Je me demande bien qui a pu trouvé divertissant de cirer l'escalier l'autre nuit !"

Soudain tout revint à l'esprit de l'inspecteur : les semelles de cuir des chaussures que portaient Fabrice Duchamps quand il avait été retrouvé mort, les boîtes de cirage dans le bureau de Céline Rosenstein !
Une fois interrogée au poste, Céline Rosenstein ne mit pas longtemps à avouer qu'elle ne supportait plus les humiliations quotidiennes que lui avait fait subir son patron et qu'elle avait voulu se venger. Elle savait qu'il portait des semelles de cuir très glissantes et elle avait voulu le mettre en incapacité de travailler pendant quelques temps, juste pour qu'elle ait le temps de se reposer. Elle n'avait jamais eu l'intention de le tuer ! Cécile Rosenstein était une femme à bout de nerfs, pas une meurtrière froide et calculatrice.

Cette première affaire de meurtre avait été rondement menée par le jeune inspecteur Fontanel qui fut complimenté par sa hiérarchie. "Commissaire Fontanel, ça sonne bien", pensa-t-il en serrant la main de son supérieur hiérarchique qui allait bientôt prendre sa retraite.

Pascal

Double meurtre à l'ambassade


L'ambassade de France à Rome était joyeusement illuminée. La fête battait son plein, sous la direction d'une sublime créature en fourreau Paco Rabane. C'était la femme de l'ambassadeur, la délicieuse Madame Durand. Sur un signe de sa main, deux serveurs posèrent sur la table un énorme plateau recouvert d'une pyramide de rochers au chocolat. 
- Vous prendrez bien une mignardise? dit-elle au consul de Tunisie. 
Celui-ci s'inclina et répondit : 
- Vous nous avez gâtés, ce soir. 
Il décrocha un rocher de la pyramide et l'approcha de ses lèvres. Il croqua le chocolat, eut un sourire aussitôt suivi d'une grimace, et tomba de tout son long. L'ambassadrice poussa un cri. Un deuxième cri lui répondit. 
- Madame Durand ! hurlait le serveur. Votre mari, là ! 
- Ce n'est pas mon mari, répondit-elle d'une voix faible ; c'est le consul de Tunisie. 
- Mais non, l'autre, là, derrière les Ferreiro ! 
La pauvre femme jeta un regard sur le corps écroulé derrière la pyramide de chocolats ; elle eut un gémissement, et tomba à son tour, dans un cliquetis de métal.

L'inspecteur Golse arriva cinq minutes plus tard. Il trouva l'ambassadrice assise dans un fauteuil, très pâle, ses invités immobiles autour d'elle. À terre gisaient les deux cadavres, de chaque côté de la pyramide. L'inspecteur prit un chocolat, ôta le papier brillant, et le respira. 
- Rien, dit-il. Celui-ci est sain. Et il l'avala. Tout le monde l'observait ; mais il ne mourut pas. 
- Il n'y avait qu'un seul chocolat empoisonné, déclara-t-il. Qui ici était susceptible de manger le premier chocolat, celui tout en haut de la pyramide ? 
- Mon mari, répondit l'ambassadrice d'une voix tremblante. Il était fou de Ferreiro. C'est pour ça qu'il a voulu devenir ambassadeur. Il me le disait déjà quand nous étions à Sciences Po. Mais le pauvre a été tué avant, il a été poignardé. 
- Poignardé, dites-vous. Mais avec quelle arme?

L'inspecteur Golse examina le corps. La chemise blanche était percée et tachée de sang au niveau du coeur. Le visage de l'ambassadeur portait une expression de surprise. 
- Mon pauvre Gilbert, sanglota sa femme. 
- C'est un coup des Chinois, dit une voix. 
L'inspecteur se tourna vivement. 
- Quel Chinois? 
- Les Chinois, répéta l'ambassadeur du Japon. Ils veulent se venger de votre gouvernement qui a mis un embargo sur leurs panneaux solaires. Regardez cet homme au regard fourbe, c'est l'homme de mains du Parti Communiste chinois.

L'inspecteur décida de l'interroger en premier. il se révéla très fourbe en effet, et porteur d'un flacon vide portant des traces de poison, mais aucune arme blanche. D'ailleurs il était petit et fluet ; comment aurait-il eu le dessus sur l'ambassadeur de France qui mesurait un mètre quatre-vingts et pratiquait la boxe thaï ? Et pourquoi aurait-il empoisonné le consul de Tunisie, pays pratiquement inconnu en Chine?

L'inspecteur recueillit les témoignages de tous les invités. À chacun il demanda s'il avait remarqué quelque chose concernant l'ambassadeur au cours de la soirée. À la fin, il les réunit et leur dit qu'il était arrivé à une conclusion. 
- Vous m'avez tous dit que l'ambassadeur Durand avait son col de chemise relevé du côté gauche. Il avait l'habitude de s'habiller au dernier moment, et n'ajustait pas toujours son col. Or, que constatons-nous ? Sur son cadavre, le col et parfaitement en place. Quelqu'un l'a ajusté. Est-il raisonnable d'imaginer le tueur chinois ajuster le col de sa victime après l'avoir tué ? Non, ça n'a pas de sens. Ce geste est celui d'un proche, pas d'un tueur à gages. De plus, Monsieur Ming est spécialiste des poisons, pas des armes blanches. 
- Mais monsieur l'inspecteur, interrompit une femme, quelle est cette arme blanche dont vous parlez ? 
- Ha ha, fit l'inspecteur, c'est bien la question ; y répondre, c'est donner le nom de l'assassin. L'arme du crime, voyez-vous, c'est ce disque de métal détaché dune robe Paco Rabane, et jeté négligemment dans un cendrier. Oui Messieurs-dames, la robe de l'ambassadrice. Elle a tué son mari juste après l'arrivée de la pyramide de chocolats, puis, par une vieille habitude, elle a rajusté le col de sa chemise. 
- Mais pourquoi ? demanda quelqu'un. Pourquoi ce meurtre ? 
- Elle a toujours été en rivalité avec son mari, dès leurs études à Sciences Po. Elle a mis sa propre carrière de côté ; mais elle en avait assez de jouer les potiches.

Madame Durand prit son visage dans ses mains. 
- Je n'en pouvais plus des Ferreiro, murmura-t-elle. Si tout s'était passé comme prévu, j'aurais remplacé Gilbert au pied levé au poste d'ambassadeur, et j'aurais fait servir des nougats et des pâtes de fruits. 
- Mais alors, demanda un autre convive, qui en voulait au consul de Tunisie ? 
- Personne, répondit l'inspecteur. Il est une victime collatérale. Monsieur Ming, l'homme de mains chinois, avait bien prévu d'empoisonner l'ambassadeur. Connaissant sa gourmandise légendaire, il a placé son piège au sommet de la pyramide, où sa victime l'aurait immanquablement mangé. Seulement l'ambassadeur était déjà mort, et c'est un invité innocent qui s'est trouvé empoisonné. 
- Quelle soirée tragique, soupira l'ambassadeur du Japon. Espérons qu'il n'y ait pas une troisième tentative de meurtre contre Monsieur Durand ce soir.
Et il se servit un chocolat.
Vanessa