Atelier d'écriture

L’atelier d’écriture est l’occasion de jouer avec les mots, de faire entendre sa voix, d’écouter celle des autres, de se découvrir. C’est avant tout une expérience ludique, le plaisir de réaliser quelque chose et de le partager. À chaque séance l’animatrice propose de nouvelles consignes, qui servent de point de départ à l’écriture. Cette règle du jeu, par son aspect contraignant, permet de libérer l’imagination. On n’est plus devant une inquiétante page blanche, mais devant une proposition d’écriture, qu’on pourra à son gré suivre de près ou subvertir discrètement. C’est ce qui fait tout le sel de la lecture des textes : on se rend compte que chaque participant a traité la consigne de façon personnelle, provoquant la surprise, le rire ou l’émotion. Les échanges, qui se font dans un esprit curieux et bienveillant, permettent à chacun de prendre du recul sur son propre texte.

Atelier n°9


Proposition n°1 : Cadavre exquis

sur le modèle :
- Je…
- C’est parce que tu…


Proposition n°2 : Bouts rimés

Chaque participant crée deux rimes (deux mots qui riment entre eux). On note cette liste de rimes et chacun écrit un poème avec ces rimes, dans l'ordre.


Proposition n°3 : Ecrire à partir d’un objet




Proposition n°4 : Ecrire sans réfléchir

Quelqu’un lance un mot à voix haute, et tout le monde écrit une première phrase contenant le mot inducteur. Puis un autre participant lance un autre mot ; on continue à écrire en intégrant ce mot à la deuxième phrase du texte, etc.

Quelques textes du 9e atelier


Cadavre exquis 


Je suis snob.
C'est parce que tu dors tout le temps.

J'aime la fourrure.
C'est parce qu'il n'y a pas d'os dedans.

Je sors en boîte tous les soirs.
C'est parce que tu regardes tout le temps ta montre.

Je pète la forme, c'est dingue.
C'est parce que tu es né un 25 décembre.

J'aime me rendre à la Poste.
C'est à cause des rond-points tordus.

J'ai une envie de fraises.
C'est parce que tu sautes à la corde.

Je ne sais rien, j'ai tout oublié.
C'est parce que tu as les cheveux blonds.

J'aime les bananes.
C'est parce que tu fais tout de travers.

J'ai une envie de fraises.
C'est parce que sautes à la corde.


Bouts rimés


paupiettes / tempête ; voiture / biture ; vacances / pitance ; désert / RER ; plage / voyage ; paillette / silhouette ; oiseau / château



Dans la poêle chaude trône la paupiette
La sauce rissole, petite tempête.
Pour venir la goûter on prend sa voiture
On veut la savourer, avant la biture.
La paupiette, mazette, même en vacances
On vient de loin pour en faire sa pitance.
Dans les restaurants alentours, c'est le désert
Pour la paupiette, les gourmets, en RER,
se pressent. La garniture, une vraie plage,
s'étale sur l'assiette et vaut le voyage.
Elle est célébrée par les stars en paillettes
Si la paupiette empâte la silhouette,
Le monde chante son goût, même les oiseaux
On la déguste et on entre dans un château
Manuel 


Anorexique 

Elle a vomi toutes ses paupiettes 
Ne supporte pas la tempête 
Toujours malade, même en voiture 
Sans nul besoin d’une biture 
Son estomac est en vacances 
Quand elle s’abstient de toute pitance 
Lui faut une table comme un désert 
Pas l’affluence du RER 
Ou d’un mois d’août sur la plage 
Pour qu’elle fasse un bon voyage 
Pas de banquet avec paillettes 
Pour conserver sa belle silhouette 
Sa légèreté de bel oiseau 
Mais quel enfer, pour ce château !!!... 

Pierre 


Sortant de chez Paulo, lourd de riz et paupiettes,
Je me trouve à la rue au coeur de la tempête
Sans moto ni scooter, encore moins de voiture ;
Je dois rentrer à pied, malgré pluie et biture.
Hébété, titubant, je rêve de vacances
Loin de ce bar, de son vin et de sa pitance
Pitoyable, sur un chameau dans un désert,
Loin de Paris et son terrifiant RER,
Ou bien, classiquement allongé à la plage,
Ou encore, attablé pour un autre voyage
Avec de jolies femmes habillées de paillettes
Ne faisant pas mystère de leurs silhouettes.
Au milieu des coraux, des fleurs et des oiseaux
Je rêve un paradis ou serait mon château.

Vanessa


 Ecrire à partir d'un objet 


D’où viens-tu ? 
Tu es gris comme une souris, tu as l’air usé, rompu et surtout tu ne dis rien ! 
Qu’as-tu à me dire avec tes bras tendus ? tu veux que l’on te prenne par la main ? 
Tu es arrivé par le train de 6h52. Tu as déambulé toute la journée dans les rues des périphéries. Tu as flairé, fouillé, fouiné dans de petits bistrots. Tu as aimé humer l’odeur des paupiettes, tu as cherché des types comme toi. Les as-tu trouvés ? Tu ne dis rien, c’est ta vie, ton teint gris. Mais tu tends toujours les bras, qu’attends-tu ? 
Tu as un œil triste et l’autre qui pétille. 
Hier tu faisais le fier quand ta chemise à carreaux était moins grise. Qu’atttends-tu ? 
Une flèche rapide crève un ballon, une deuxième flèche crève un autre ballon, puis ce sont trois ballons qui viennent d’exploser. 
J’ai gagné au stand de tir à la Foire du Trône. J’ai le choix entre un ballon de foot en porte-clé, un serpent en caoutchouc et toi, avec ta chemise à carreaux. 
Je te mets dans ma poche et je j’embarque ! en route ! 
Agnès


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Petite peluche innocente, quelle est ton histoire ? 

Au secours, il fait noir !
Me voilà secoué entre un tube de rouge à lèvres et, aïe, un trousseau de clés pointues. C'est rangé comme un sac à main de femme, ma parole. Pourtant, je ne suis qu'un petit hérisson en peluche. Je ne prends pas beaucoup de place. J'ai été offert pour les deux ans de Bébé. Je ne peux pas être si vieux et me retrouver dans le sac à main de Bébé, 20 ans plus tard. 

Je me souviens quand j'ai été déposé dans la chambre de Bébé. Ce n'était pas il y a si longtemps pourtant ! J'ai pris un air chaleureux et souriant. J'ai les bras écartés. Il est mignon le petit hérisson. Bien mieux que le doudou sans forme , qui ne ressemble plus à rien à force d'être mâchouillé et de passer à machine. Oui, on peut mettre à la poubelle. D'ailleurs, Bébé a l'âge, maintenant. Hop, hop ! N'oubliez pas la doublure, le doudou de remplacement. À la poubelle aussi ! 

Il faut reconnaître que je suis formidable : j'ai une petite salopette et un nœud papillon tout mignon. Ma salopette, je m'en sers pour jouer avec les collègues. Les voitures en plastique, ça ne tient pas le coup. Hop, hop ! À la poubelle ! On ne garde que le jeu de construction, pour me faire une belle maison. Les Legos trop colorés sont un divertissement inutile. Hop, hop ! À la poubelle aussi ! 

Avec mes habits élégants, j'ai du succès avec les poupées. Le mélange chemise de bûcheron et nœud papillon, ça tombe chez les Barbies, hein ! Les Ken avec leurs smoking qui ne résistent pas aux déchirures et leurs petites chaussures en plastique qui se perdent : Hop, hop ! Direction la brocante ! 

Et je suis coloré, avec ma fourrure claire et ma tignasse sombre. Pas besoins de crayons d'autres couleurs. Je suis tellement beau, qui voudrait dessiner autre chose que ma jolie frimousse ? Hop, hop ! Les crayons jaune, vert, violet, au feu ! Mais aucun dessin ne peut reproduire mon air mutin et ma petite truffe noire. Hop, hop ! Les autres crayons ont bien servi, c'était gentil. Les feuilles ne serviront plus. Hop, hop ! Tout ça au feu, dans la cheminée. 

J'ai les jambes courtes, alors qu'on m'explique à quoi sert ce cheval à bascule. Franchement, pour le bien de la chambre de Bébé, nous ne pouvons pas le garder. Hop, hop ! Par la fenêtre, dans la cour, le cheval à bascule. J'ai bien fait de l'expulser, celui-là. Vous auriez vu l'atterrissage de l'animal, en mille morceaux. Des échardes partout ! Les éclats de bois, c'est un danger public pour Bébé. 

Les petits soldats en plastique qui m'ont donné un coup de main pour faire place nette, ils ne sont pas francs du collier. Ce sont des traîtres qui ont des casques lisses sur la tête alors que mes bonnes petites joues appellent des câlins. Des jouets de guerre, en plastique non recyclé, ce n'est pas un exemple pour les jeunes. Mes compagnons de la première heure, vous êtes finalement des traîtres à la cause de la chambre de Bébé. Hop, hop ! Dans la caisse des jouets qui vont partir en déportation ! 

Ça y est, je me souviens pourquoi je me retrouve dans ce sac à main de femme ! La chambre commençait à être le Paradis Radieux du Hérisson en Jean quand la mère de Bébé est rentrée. Dans la chambre, je trônais dans le lit de Bébé pendant que ce gros bêta inutile dormait dans la caisse des jouets qui vont partir en déportation. Ça été la révolution. Hop, hop ! Je me suis retrouvé dans son sac à main. Une histoire de me rendre dans un magasin... Camarade, il ne faut pas m'en vouloir : je suis « made in China », le pays du Grand Timonier ! 

Voilà pourquoi je suis ballotté dans le noir pendant qu'un téléphone m'enfonce son coin arrondi sur ma petite panse. Puisque je suis là, pas besoin de discuter avec quelqu'un d'autre. Hop, hop ! Par-dessus bord, le portable, par la fermeture éclair. 

Manuel

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Le Hérisson mal poilé 

Cool, c’est moi la vedette ! Me voici enfin exposé aux yeux de tous. 
Ça faisait un moment que je m’ennuyais dans ce tiroir. Il y a belle lurette que Vanessa ne me prend plus pour dormir avec elle. 
Mais là, c’est ma soirée…. The Prickly Super Star.
Je me suis fait un joli pantalon, avec la poche d’un vieux jean et une petite liquette avec un restant de robe vichy que la Bardot m’a donné. Je soigne le look avec des bretelles taillées dans des lacets en cuir, ce ruban va me faire un superbe nœud papillon et le top du top, je me fais la coupe à Mathieu Chedid… La classe… 
Voilà… Ça devrait leur plaire… Enfin, j’espère, parce que je me suis quand même un peu démené.
Non, pas pour concevoir ma tenue. Mais essayez d’enfiler un jean et une chemise quand vous avez le dos couvert de piquants. Vous croyez que c’est facile… Et je ne vous parle pas de la dose de gomina pour maintenir cette pointe ridicule sur mon front. 
Bon ! Je veux bien faire des efforts, m’exposer pour que ces écrivains en herbe se défoulent sur mon compte, mais, surtout, qu’ils n’oublient pas quand même… 
Je déteste les langues de vipère et je me mets facilement en boule… 
Alors hein !!!... 
Qui s’y frotte, s’y pique… 
Pierre 


Écrire sans réfléchir


chevelure ; noeud papillon ; élastique ; tisane ; potager ; hirsute ; cocaïne 


Les bons sachets du père Manuel 

Ce n’est pas parce qu’on a une ondoyante chevelure qu’on est obligé de manger des œufs durs. 
Pas plus que le port d’un nœud papillon nous fait tourner en rond et qu’une mâchoire élastique soit nécessaire pour ingurgiter du mastic… 
Mais, c’est n’importe quoi !!!... Qu’est-ce que je raconte ???... 
Oh, le bad trip !!!… Aie aie aie !!!… Ça je n’aurais pas dû… 
Pourtant je l’ai fait… Oui, je l’ai fait… Comme ça avait l’air efficace, pour écrire aussi vite que les autres, j’ai piqué un sachet à Manuel… A l’insu de mon plein gré, comme dirait l’autre… 
Oh là là, j’aurais mieux fait de me faire une soupe avec les légumes du potager de ma grand-mère. Oh le délire… Je suis là, hirsute, avec les divagations d’un type shooté à l’héroïne. 
L’inspiration en infusion ce n’était pas vraiment une bonne idée…Tu parles d’une tisane !!!... 
Le tour de France de l’écriture… Hagard à la gare Saint Lazare… La franche déconnexion.
Mais quelles substances peut-il bien mettre là-dedans ???… 
Qu’est-ce que c’est que cet alchimiste de bazar ???... 
Oh… Ce n’est pas bien clair tout ça… 
J’m’en vais te l’balancer à la brigade des stups le Manu… 
Pierre
Sa chevelure s'agitait sous le vent. Le nœud papillon défait, elle se tenait un verre un la main. L'élastique qui tenait sa queue de cheval avait lâché. Cela l'énervait, il était tombé dans son verre de tisane. On lui avait servi sa soupe d'herbe en provenance directe du potager. Du moins, c'est ce que le jardinier hirsute lui avait promis. La tisane fumaient dans la tasse. Elle avait quand même un sacré goût de cocaïne. Manuel