Atelier d'écriture

L’atelier d’écriture est l’occasion de jouer avec les mots, de faire entendre sa voix, d’écouter celle des autres, de se découvrir. C’est avant tout une expérience ludique, le plaisir de réaliser quelque chose et de le partager. À chaque séance l’animatrice propose de nouvelles consignes, qui servent de point de départ à l’écriture. Cette règle du jeu, par son aspect contraignant, permet de libérer l’imagination. On n’est plus devant une inquiétante page blanche, mais devant une proposition d’écriture, qu’on pourra à son gré suivre de près ou subvertir discrètement. C’est ce qui fait tout le sel de la lecture des textes : on se rend compte que chaque participant a traité la consigne de façon personnelle, provoquant la surprise, le rire ou l’émotion. Les échanges, qui se font dans un esprit curieux et bienveillant, permettent à chacun de prendre du recul sur son propre texte.

Jeudi atelier n°4


Proposition n°1 : L’horoscope 


Chaque participant invente un signe astrologique et rédige son horoscope (du jour, de la semaine ou de la nouvelle année.


Proposition n°2 : Logo-rallye 


On constitue une liste de mots à utiliser dans un texte, dans l'ordre :

pendule ; chat ; gilet ; tire-bouchon ; sacoche ; gambader ; verre ; bicyclette ; téléphone.


Proposition n°3 : À partir d'un inducteur 


"Qui frappe à ma porte ?"


Proposition n°4 : À partir d’une musique 


Robert SCHUMANN, Concerto pour violoncelle

Quelques textes du 4e jeudi


L'horoscope 


Signe du mois : la Boule de Noël 

Amour
En décembre, vous brillez de mille feux. De belles rencontres pour les natifs du premier décan, grande complicité avec les Sapins Nordmann ascendant Forêt alpline. En revanche, friture sur la ligne pour les Boules de Noël en couple avec un sapin artificiel. Tout devrait s'arranger début 2017, après la mise au placard annuelle. 
Travail et argent
Comme tous les ans, décembre est une période d'activité intense pour les Boules de Noêl. Vous gagnerez en un mois de quoi vivre toute l'année. 
Santé 
Attention au revers de cette belle activité : chute du haut d'un arbre, fêlure, voire burnout pour les Boules de Noël ascendant guirlande électrique. 
Vanessa 

Logo-rallye 


pendule ; chat ; gilet ; tire-bouchon ; sacoche ; gambader ; verre ; bicyclette ; téléphone.


Gontran de la Giraudière, dernier descendant d'une grande famille en voire d'extinction, vivait seul dans son manoir délabré. Autrefois, une armée de domestiques entretenaient la bâtisse et son jardin à la française ; mais ces temps étaient révolus. Gontran pouvait tout juste payer une femme de ménage une fois par mois. 
Un soir d'hiver, il s'était endormi dans un fauteuil de sa bibliothèque, enveloppé de couvertures à défaut de chauffage, quand il fut réveillé par la pendule qui sonnait les douze coups de minuit. Le miaulement d'un chat errant ajoutait une note lugubre à cette atmosphère déjà peu joyeuse. 
Gontran se leva, alla chercher un quatrième gilet qu'il enfila par-dessus les trois autres ; et comme n'avait pas seulement froid mais aussi un peu peur, il s'arma d'un tire-bouchon pour pouvoir se défendre en cas d'attaque. En réalité il n'avait rien à craindre d'un cambrioleur : les de la Giraudière étaient ruinés, toutes les possessions de Gontran tenaient dans uen sacoche. Mais Gontran craignait particulièrement le spectre de l'oncle Bertrand qui s'était pendu dans le grenier, et qui revenait souvent la nuit gambader dans le salon. 
Gontran se servit un petit verre de rhum pour se donner du courage. Soudain, le pauvre vicomte cuit voir passer le spectre de l'oncle Bertrand chevauchant une bicyclette ! Gontran s'évanouit. 
Il fut réveillé - à nouveau - par la sonnerie du téléphone. Avait-il rêvé ? Rêvait-il encore ?
Vanessa


Qui frappe à ma porte ? 


Gontran de la Giraudière n'était pas dans son assiette. Il était transi de froid dans son vieux manoir plein de courants d'air, frissonnant de peur après avoir vu passer le fantôme de son oncle sur un vélo spectral ; il avait l'estomac noué, les mains moites, mais il hésitait à aller se coucher car sa chambre était envahie de souris qui venaient lui chatouiller le visage pendant la nuit. 
Il aurait dû déménager depuis longtemps, mais il avait sa fierté. Un de la Giraudière ne déserte pas le domaine ; il y nait et il y meurt, comme ses ancêtres avant lui. Gontran restait donc debout dans sa bibliothèque poussiéreuse, marchant de long en large, un verre de rhum à la main. 
Et voilà que le son le plus inattendu parvint à ses oreilles : des coups frappés à la porte, avec le heurtoir métallique en forme de poing fermé. Personne ne venait jamais lui rendre visite ; le manoir tombait en ruine, Gontran de connaissait personne et n'avait plus de famille. Et il était une heure du matin. Gontran crut à une hallucination ; mais quelques instants plus tard on frappa de nouveau. Il se décida à aller ouvrir. 
Un homme grand et large se tenait là. 
- Hello ! dit l'homme avec un fort accent américain. Je suis lost, pouvez-vous loger moi tonight ?
Gontran avait le sens de l'hospitalité, mais il avait un peu honte de l'état de son logement.
- No problem, dit l'Américain pragmatique, j'ai tout ce qui'l faut dans la voiture. Et le voilà qui apporte un sac de couchage, des couvertures, un réchaud à gaz, une caisse de provisions et une Bible.
Après une nuit passée à discuter, et à manger des pancakes, Gontran et Gus étaient devenus amis.
Gus, très impressionné par ce manoir typique de la vieille Europe, offrit de l'acheter pour 200.000 dollars, et Gontran finit par céder, à condition de pouvoir continuer à y vivre dans son appartement personnel. 
"J'ai bien fait d'ouvrir ma porte", songeait Gontran quelques mois pus tard, dans sa chambre bien propre et rénovée, débarrassée des araignées et agrémentée de rideaux neufs et de draps sans trous. "Même l'oncle Bertrand ne vient plus m'embêter depuis que Gus et sa famille se sont installés ici. Je ne sais pas ce que mes aïeux penseraient de cet arrangement, mais après tout j'ai sauvé le manoir." Et il se servit un petit verre de rhum, pour fêter ça. 

Vanessa

Mercredi atelier n°4


Proposition n°1 : L’horoscope 


Chaque participant invente un signe astrologique et rédige son horoscope (du jour, de la semaine ou de la nouvelle année.


Proposition n°2 : Logo-rallye 


On constitue une liste de mots à utiliser dans un texte, dans l'ordre :

piano ; cartouche ; hôtesse ; Gertrude ; chocolat ; amygdale ; courir ; ours.


Proposition n°3 Écrire à partir d’une musique 


Robert SCHUMANN, Concerto pour violoncelle

Quelques textes du 4e mercredi


Horoscope 


Vous êtes né un 29 février et, tous les quatre ans, vous marquez le jour de votre anniversaire d’une pierre ou d’un caillou, vous êtes donc du signe astrologique du ‘’Petit Poucet’’. Vous n’en avez pas moins droit à votre horoscope annuel et voici ce qui vous attend cette année. 
Travail : 
L’année 2017 devrait être une bonne année pour vous, tout au moins, au début. Se profile à l’horizon du printemps un emploi, de bûcheron ou plutôt de garde forestier, bien rémunéré. Cependant, prenez garde de ne pas égarer vos promeneurs, voire de vous égarer vous-même. 
Amour : 
Vous allez faire une rencontre avant l’été. Vous allez vivre alors une période intense, jusqu’à ce que votre peur panique de vous faire abandonner vous fasse faire les pires excès de comportement. Finalement, vous pourriez bien vous faire plaquer par une Ariane qui trouve tout à fait ridicule de marquer son chemin avec des petits cailloux. 
Santé : 
Avec un début d’année rendu optimiste par une belle rencontre et un emploi gratifiant, l’année finira sous des cieux bien moins cléments. Après vous être fait abandonner par votre compagne, votre côté ombrageux, inutile en forêt, vous fera perdre votre emploi. Il ne vous restera plus qu’à vous faire nourrir et héberger par vos frères qui, si l’on s’en souvient, vous doivent quand même bien ça. 

Pierre 


Logo-rallye 



piano ; cartouche – hôtesse ; Gertrude ; chocolat ; amygdales ; courir ; ours 

La soirée touchait à sa fin. Après quelques morceaux de Rachmaninov et de Satie, il attaqua l’Andante du concerto 21 de Mozart. Il y mit tout son cœur, ses doigts flottaient sur le piano. 
Il tirait là sa dernière cartouche. 
Pourtant, il avait tout bien préparé pour séduire son hôtesse Gertrude, allant même jusqu’à préparer un onctueux gâteau au chocolat pour adoucir les amygdales de sa belle. 
Mais rien ne semblait atteindre cette rigide Gertrude. Il désespérait. 
Par le passé, déjà, bien des femmes l’avaient fait marcher, ce grand nigaud. Mais celle-ci, elle le faisait courir et surtout, elle commençait sérieusement à le fatiguer avec ses airs de sainte nitouche.
Attends un peu ma jolie, pensa-t-il, je ne vais pas y passer la nuit, si à la dernière note de ce concerto, auquel personne ne résiste, tu ne m’as pas esquissé le moindre sourire, je vais te faire voir mon côté ours. Que dis-je mon côté ours ! Mon côté grizzli, oui !!!... 
Et puis, Gertrude… Quel prénom ridicule… 

Pierre 


À partir d'une musique 



En musique classique, il existe bien peu de concertos pour violoncelle qui ne vous tirent pas les larmes. 
Dans un autre genre, la musique de film, le phénomène est identique. 
Si, un soir de réveillon, après avoir lu votre horoscope, concocté par quelques allumés d’écriture, vous écoutez les musiques d’Ennio Morricone jouées par Yo-Yo Ma, à coup sûr, vous faites partie du lot de suicidés de début janvier. 
Cela dit, si vous recherchez un peu de gaité, je vous invite à écouter le concerto pour violoncelle numéro un de Haydn, c’est un vrai délice. 
Et puis pour rendre justice à cet instrument, jamais nous n’oublierons Mstislav Rostropovitch devant le mur de Berlin en quatre-vingt-neuf. 
"Ce concert a été l'un des plus beaux moments de ma vie", avait dit le musicien "Ce Mur était comme une déchirure dans mon cœur." 
Peut-être pourrions-nous organiser un autre concert, à la frontière Mexicaine, pour éviter la construction d’un autre mur qui celui-là, bien plus qu’un concerto pour violoncelle, nous fera verser des torrents de larmes sur les démocraties qui se noient dans la haine.

Pierre

Jeudi atelier n°3


Proposition n°1 : Définitions de mots inventés


On prépare en commun une liste de syllabes pour créer des mots inventés. Puis chacun prépare une définition des ces mots inventés, comme pour un dictionnaire. 

Proposition n°2 : Un personnage vu par un narrateur omniscient 


À partir d’une photo, on fait le portrait physique du personnage, on imagine sa vie, son caractère, etc. Texte à la 3e personne, par un narrateur omniscient. 

Proposition n°3 : Faire parler le personnage 


Le personnage décrit précédemment prend la plume. Il dit ce qu’il aime, ce qu’il pense…

Mercredi atelier n°3


Proposition n°1 : Les acronymes revisités 


On constitue ensemble une liste d’acronymes Puis chacun les détourne en leur donnant un sens nouveau. 

Proposition n°2 : Créer un personnage de super-héros 


Chaque participant invente un super-héros à partir de sa « carte d'identité » : nom, histoire, pouvoirs, costume... Puis chacun écrit une page qui présente ce personnage sous forme de description ou en action. 

Proposition n°3 : Écrire à partir d’un inducteur 


« Demain j’arrête… ».

Quelques textes du 3e mercredi


Créer un personnage de super-héros 



Notre super-héros de la semaine est le célèbre Foksabrille, que nous avons rencontré chez lui dans sa maison immaculée au milieu d'une forêt du Sud de la France, d'où s'élève une parfum de "sapin des bois". Nous ne donnerons pas plus de précisions pour préserver son intimité. Foksabrille, encore inconnu il y a deux ans, a fait une entrée fracassante dans le monde des super-héros lors de la coupe du monde de football, où il a en quelques minutes nettoyé le stade, tondu la pelouse, et lavé et repassé les maillots de toues les joueurs. Cet exploit, retransmis sur tous les écrans du monde, l'a rendu instantanément célèbre. 
On ne compte plus les ménagères en détresse, les étudiants crasseux ou les souillons pathologiques qui ont fait appel à lui. Il suffit de crier : "À l'aide Foksabrille !" et le voilà qui surgit, entièrement vêtu de latex, avec sur le visage son casque intégral de filtration des poussières. D'un regard il évalue les dégâts ; puis il tourne trois fois sur lui-même, et huit avatars se détachent de lui. Vous voilà entouré de neuf Foksabrille, l'un armé d'une serpillère, l'autre d'une éponge qui gratte, et ainsi de suite ; et en peu de temps votre F2 minable devient un logement digne des magazines de décoration les plus intransigeants. 
Les témoignages sont dithyrambiques. 
"Foksabrille a sauvé mon mariage. " "Grâce à Foksabrille, on me croit une fée du logis." "Je n'ai plus de cafards depuis l'intervention de Foksabrille." ... 
Foksabrille serait donc parfait ? Non, il est humain ; et comme nous tous il a une faille : il est allergique au parfum " fraîcheur citrus". 
Mais d'où viennent les super-pouvoirs de notre roi du ménage ? Foksabrille a bien voulu nous révéler son secret. "J'ai toujours aimé faire le ménage, mais je n'avais pas de talent particulier. Un jour je me suis endormi dans mon placard à balais. J'ai été réveillé par une violente explosion, tous mes produits ménagers se sont déversés sur ma tête, dans des proportions très particulières, impossibles à reproduire, qui ont provoqué dans mon cerveau une bouleversement synaptique. Depuis ce jour, je suis le super-héros du ménage." 
Nous achevons l'entretien sur cet étonnant récit. Sur le pas de la porte, Foksabrille nous offre en guise de cadeau de départ un paquet de lingettes à la lavande. Ce héros est vraiment super ! 

Vanessa 


Demain j'arrête 



Je leur avais pourtant bien dit que je n’étais pas fait pour ça.
Mais allez faire comprendre à des parents, fonctionnaires de police de générations en générations, que vous n’avez aucunes compétences pour ce boulot, rien n’y fait, le poids de la tradition oblige, ils firent de moi un policier.
Mon seul problème, c’est que je suis un bon garçon, bien trop gentil et que devant le moindre délit, mon premier réflexe est de comprendre le pourquoi du comment. En fait, je cultive le grand art de me faire rouler dans la farine. Alors, évidemment, ce qui devait arriver arriva.
Ce matin, convoqué par mes supérieurs, je me suis vu reprocher ce qu’ils appellent mon laxisme et j’ai écopé d’un dernier avertissement avant sanction disciplinaire. Devant cette situation, et bien malgré moi, j’ai pris la décision la plus radicale… Demain j’arrête… 
Oui ! Demain j’arrête, n’importe qui, n’importe où, dans n’importe quelles circonstances, qu’elles soient atténuantes ou pas, de celui qui est mal garé à celui qui est mal habillé en passant par celui qui se gratte le nez, demain j’arrête tout le monde et je te colle tout ça en garde à vue. Pardon ? Délit de faciès avez-vous dit ???...
Ah non, ça je ne fais pas, pour la plus grande honte de la famille, mon père Jean-Marie et mon grand-père Adolph se sont déjà bien assez distingués dans ce domaine…

Pierre 



Quand Pauline fêta ses quarante ans, et qu'elle vit sur son gâteau ce chiffre fatidique surmonté d'une petite flamme vacillante, elle eut une révélation. " Quarante ans, 'est le mi-temps de la vie. J'entame la deuxième moitié, il n'y en aura pas d'autre. J'ai grimpé la montagne, maintenant je commence la descente. " 
Comme pour illustrer sa pensée, quelqu'un ouvrit une bouteille de champagne et le bouchon, après un rebond contre le plafond, alla s'écraser dans le glaçage du gâteau. 
— C'est fini, annonça Pauline à ses invités. Demain, j'arrête de vieillir. 
— Tu vas te mettre au botox ? À la chirurgie ? Aux implants ? 
— Tu vas te prendre un amant de vingt ans ? 
— Tu vas te faire cryogéniser ? 
— Tu vas te suicider ? 
— Tu vas rentrer au couvent ? 
— Tu vas t'installer sur Mars ? 
— Non. J'arrête de vieillir, tout simplement. 
Et comme tout le monde avait beaucoup bu, on lui répondit : 
— Ah, d'accord. 
— Pourquoi pas... 
— Si tu le dis... 
— Dacodac... 
— On verra... 
Vanessa


Jeudi atelier n°2


Proposition n°1 : Inventaire 


"J’aime… J’aime pas…"
 5 à 10 items, en alternant.

Proposition n°2 : Écrire sur la forme du mode d’emploi 


Chacun choisit un sujet, important, insignifiant, ironique ou autre, et en propose la recette ou le mode d’emploi.

Proposition n°3 : Réponse au mode d’emploi


Échange de textes.
Quelqu’un a tenté la méthode et écrit à son auteur pour dire comment ça s’est passé. 


Proposition n°4 : Écrire sans réfléchir 


Quelqu’un lance un mot à voix haute, et tout le monde écrit une première phrase contenant ce mot inducteur. Puis un autre participant lance un autre mot qu’on intègre à la deuxième phrase, etc. Le tout doit former un texte cohérent.

Quelques textes du 2e jeudi


Le mode d'emploi et ses effets



Comment ne pas obtenir son permis de conduire 


Il est indispensable au préalable de s’imprégner en profondeur de l’importance du permis de conduire dans la vie actuelle. En effet, et sans prétendre à l’exhaustivité, signalons que : 
- n’importe quel imbécile possède le joli passeport rose 
- le permis de conduire est le tout premier prérequis de toute offre d’emploi pour travailleur peu qualifié 
- être en capacité de conduire et de relayer son conjoint au cours des migrations estivales est vivement conseillé par les professionnels 
- la conduite sur route est la façon la plus efficace de donner la mort dans la France d’aujourd’hui.
Commencez donc par vous préparer de façon intensive. Passez vos nuits devant les vidéos d’entrainement au Code de la Route. Il est indispensable que vous réussissiez cette première phase faute de quoi la saveur de la suite sera affadie. 
Travaillez en parallèle la conduite accompagnée avec vos parents et amis : inutile d’attendre pour cela d’avoir le sésame du code car de toutes façons votre objectif est de ne pas réussir. Autant donc accepter cette petite dose d’illégalité. 
Présentez-vous à l’Auto-école quand vous vous sentirez parfaitement à l’aise avec votre volant, votre accélérateur et votre pédale de frein. Raccourcir cette phase au minimum vous épargnera des dépenses inutiles. Mais vous ne pouvez pas non plus vous passer du parrainage de votre moniteur et il faut donc le circonvenir aussi vite que possible. 
Le jour venu, réglez bien votre réveil. Le subterfuge consistant à ne pas se présenter est d’une part trop éculé et d’autre part vous conduirait droit chez le psy si vos parents vous surveillent de près.
Quand l’examinateur vous dira de tourner à droite, tournez résolument à gauche, ou vice-versa. Vous devez le perdre dans le dédale de petites rues qu’il croit connaitre, jusqu’à provoquer sa fureur. Le succès, c’est-à-dire l’échec, est garanti. 

Jean-Marie 


Lettre à l'auteur de « Comment ne pas obtenir son permis de conduire » 

Déposé aux éditions « Les manuels pas pratiques » 


Cher auteur, 

Ce n'est pas pour me plaindre, mais votre méthode ne m'a pas du tout réussi. 
Pourtant je suis le roi du ratage. Dès l'école maternelle j'ai su que ça allait être compliqué. Je me trompais de salle ou d'horaire, je ratais tous mes contrôles, j'ai fait une allergie aux vaccins... En grandissant, j'ai échoué au brevet des collèges, je n'ai pas pu m'inscrire en bac pro suite à une erreur informatique, et quand j'ai voulu me remettre à jour en anglais j'ai acheté par erreur une méthode de portugais. 
Bref, j'étais le candidat idéal pour ne pas obtenir mon permis de conduire. Ça a bien commencé, puisque j'ai raté quatre fois le code avant de le décrocher par miracle à ma cinquième tentative. 
Je me suis inscrit à l'examen du permis, bien décidé à suivre vos conseils ; en effet, je ne tiens pas du tout à savoir conduire. Ça provoque trop d'attentes chez les autres, et avec moi ils sont toujours déçus. Autant partir perdant, c'est plus sûr. 
Donc quand l'examinateur m'a demandé de tourner à droite, j'ai tourné consciencieusement à gauche. Seulement voilà : entre autres problèmes, il s'avère que je suis dyslexique. J'ai donc obéi à toutes les instructions en croyant faire l'inverse. J'ai tellement bien conduit que j'ai décroché mon permis du premier coup, à la stupeur de mes parents. 
Et maintenant, qu'est-ce que je vais devenir? On me parle déjà de trouver un travail, dans la livraison ou comme chauffeur Uber. C'est un cauchemar, et c'est votre faute! Pour la première fois de ma vie j'ai réussi quelque chose. Je ne vous félicite pas. 

Mordicus Padpo (Vanessa) 


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Réponse à l'auteur de "Comment planter un clou"


Des clous ! 

Monsieur,

Avant d’appliquer votre méthode, j’avais cinq doigts à la main gauche ; maintenant, j’ai cinq moignons sanglants. 
Si j’avais un marteau et un clou, je vous l’enfoncerais dans le crâne ; si j’en avais trois, je vous crucifierais (et tant pis si ça heurte vos éventuelles convictions religieuses !). 
Ceci pour vous signifier que votre méthode est aussi exécrable que dangereuse. 
Certes, j’aurais du voir un opticien avant de me lancer dans mes travaux, ma femme me le reproche assez ; il faut dire qu’avec mes problèmes d’audition, je ne la comprends guère ; par ailleurs, ma maladie de Parkinson n’arrange rien. Mais ceci ne vous exonère en rien. 
Votre méthode était intitulée : « Comment devenir un enfonceur de clous de premier ordre ». J’ai vidé mon porte-monnaie pour l’acquérir ; je me suis vidé de mon sang en suivant vos conseils d’escroc ; pour couronner le tout, je serai moi-même bientôt vidé de la maison de retraite ou je réside, ainsi que mon épouse. 
À l’avenir, si on me demande ce que vaut votre méthode, je ne répondrai qu’une chose : des clous !

Eric


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Réponse à la recette pour rendre durable un bonhomme de neige 


Cher monsieur,

J’ai trouvé sur marmiton.com la recette que vous proposez pour rendre durable un bonhomme de neige. Résidant en moyenne montagne où neige et redoux alternent, je me suis senti très sensible à votre argumentaire et j’ai instantanément interrompu la recette de mousse au chocolat que j’avais commencée. Une belle neige collante était tombée la nuit précédente et m’offrait l’occasion rêvée. 
Réaliser le bonhomme de neige lui-même m’a pris une petite heure, sachant que je suis resté modeste dans les proportions, s’agissant d’un premier essai. J’ai évité comme vous le préconisez, la carotte et la pipe, avantageusement remplacés par un morceau de polystyrène pour le nez et par la casquette de mon oncle pour donner le côté viril. 
Faire tenir le parapluie arthritique prévu en Phase Un m’a posé un peu plus de difficultés : comment serrer le fil de fer gainé autour du bonhomme sans cisailler son corps ni sa tête (j’envisageais d’utiliser du fil vert de jardinage) ? J’ai résolu le problème en y adjoignant une vieille parka que j’ai boutonnée autour du bonhomme et sur lequel j’ai emmanché le parapluie. 
Arrivé au Point Deux que vous n’aviez pas fini de rédiger, j’ai tenté de compléter à ma façon votre recette. Vous mentionnez la nécessité que le bonhomme de neige soit de couleur sombre. L’illumination m’est venue et j’ai utilisé la mousse au chocolat qui était restée sur le feu pour napper l’ensemble des parties de neige encore visibles. Je dois avouer que cela a été un échec et qu’il ne m’est resté entre les mains que la parka et le parapluie. 
Merci donc de compléter votre recette en indiquant plus précisément de quelle matière sombre il convient de faire usage.

Jean-Marie

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Comment impressionner son auditoire

Petit manuel de rhétorique et de brillance, à l'usage des politiciens, hommes d'affaires, 
sociologues de comptoir, et autres personnes qui veulent avoir toujours raison 


1. Soignez voter apparence « winner » : portez un costume bien coupé, une cravate ; faites-vous blanchir les dents pour un sourire carnassier ; portez des lunettes pour avoir l'air intelligent. Si vous êtes une femme, changez de sexe ; le « winner » est un homme. 

2. Adoptez un ton assuré, quel que soit le sujet de la discussion, et même si vous n'y connaissez rien. Alignez les chiffres invérifiables. Exemple : « Une étude suédoise de 1989 a montré que 76% des pains aux raisons contiennent des pruneaux. » 

3. Citez de grands noms ; laissez entendre que vous avez des relations haut placées. Exemple : « Barack me le disait encore hier... » N'hésitez pas ; plus c'est gros, plus ça passe. 

4. Balayez les objections avec la plus sincère mauvaise foi. Si votre interlocuteur conteste vos chiffres, écrasez-le d'un regard méprisant. S'il s'obstine à vous contredire, parlez plus fort pour couvrir sa voix. En dernier recours, criez des phrases telles que « Monsieur, je ne vous permets pas », ou « Vous ne pouvez pas dire ça ». 

5. S'il ne se rend toujours pas, faites appel à votre fan-club. Ayez toujours des complices dans l'assistance, ils vous applaudiront et empêcheront l'autre de parler en criant « Hou ! Hou ! » à chaque phrase.

6. Pour finir, levez-vous, même si l'adversaire est en train de parler, faites votre sourire carnassier, et saluez l'assistance. Tout le monde pensera que vous avez remporté le débat. Succès assuré au bar-PMU, au club-affaires d'Air France, voire à l'élection présidentielle. 

Dr La Forcètentoi (Vanessa)



Écrire sans réfléchir 


nuage, chat, tasse, palmier, montre, chaise 

Un nuage vient obscurcir son cerveau ; Julien a un trou de mémoire. Il se tourne vers son chat et demande : « Pitou, c'est quoi déjà la capitale de l'Ukraine ? » En guise de réponse, Pitou conne un délicat coup de patte dans une tasse posée au bord de la table. Elle vient éclater en morceaux dans le pot du palmier. « Tu ne m'aides pas beaucoup », dit Julien en ramassant les morceaux de porcelaine. « Montre-moi sur la carte, ça sera plus simple. » « Miaou ! » dit Pitou en sautant sur une chaise.
Vanessa

Mercredi atelier n°2


Proposition n°1 : Inventaire 


"J’aime… J’aime pas…"
 5 à 10 items, en alternant.

Proposition n°2 : Écrire sur la forme du mode d’emploi 


Chacun choisit un sujet, important, insignifiant, ironique ou autre, et en propose la recette ou le mode d’emploi.

Proposition n°3 : À partir d’une image



Quelques textes du 2e mercredi


À partir d'une image 




Quelle heure est-il? Est-ce un rêve ou suis-je éveillé? Autour de moi des coquelicots rouge sang à perte de vue semblent m'encercler. Tournoyants, virevoltants, menaçants. Où suis-je? Un champ. Etrange comme l'air y est lourd. Le ciel me frôle les cheveux, d'un noir qui déteint sur ma peau, sur mes bras, mon nez, mes lèvres. J'ouvre la bouche, je crie, je sombre. Des coquelicots partout. Je me retourne, essayant de prendre repère dans cette vision affolante. A l'horizon, le rouge et le noir ne forment plus qu'une épaisse masse cotonneuse. Je tends les mains, cligne des yeux. Comme ils sont secs, ils brûlent, je pleure. De toutes mes forces j'avance dans cette folie. Je sens la sueur couler le long de mes tempes, perler dans mon dos et mouiller mes paumes. J'avance encore. Soudain je tombe. Je sens mes muscles se crisper et mon cœur s'arrêter une fraction de seconde. Les coquelicots laissent place au néant. Un néant rouge, doux, souple. Où suis-je? Suis-je dans un rêve ou suis-je éveillé? Je ne sais pas. Je ne ressens plus rien. Ou si, justement, je ressens quelque chose. Agréable et étrange. J'ai passé une frontière. De ce côté-ci, on ne revient pas en arrière. Je laisse derrière moi tout ce que je pensais savoir. Mon esprit s'ouvre comme une fleur qui éclot. Je souris. Et je danse. Je danse à l'infini. 

Justine



J’me voyais déjà… 

Petite, je n’avais que des tutus rouges et des pointes rouges. 
Tous mes professeurs toléraient ce petit caprice, tant j’étais une élève appliquée, tant mes progrès étaient constants. Je rêvais de devenir une star, une étoile. Je voulais être le cygne blanc et le cygne noir, tant ’’Black Swan’’ m’avait marqué. Plus tard, je serais, tout à la fois, la grâce et l’innocence, la ruse et la sensualité. Je serais la tulipe rouge de la dance, le symbole de l’amour éternel de mon public, de mes fans, de mes adorateurs. Je serais celle qui aura mis cet art à la portée de tous. Comme disais Aznavour, je m’voyais déjà… 
Et puis le temps a passé. Jour après jour, je perfectionnais mon style avec des chorégraphies de plus en plus ingénieuses et inattendues, complexes et sophistiquées, sans me rendre compte que, petits pas après petits pas, figures après figures, je m’éloignais de mes spectateurs, que je ne dansais plus que pour une élite avertie, que mon public ne me comprenait plus. 
Alors, pour le reconquérir, j’imaginai un nouveau ballet, fait de quarante-neuf pas et de six petits sauts, une merveille de fluidité teintée de détermination qui, à coup sûr allait remporter un franc succès. 
Hélas, le remède fut pire que le mal et je fus huée, sifflée, conspuée. On m’accusa de prendre les gens pour des gogos, de me moquer du monde, même de trahir ce que j’avais été par le passé. Dès lors, je ne parvins plus à trouver le moindre engagement. J’étais bannie du monde que j’avais tant voulu conquérir. 
Aujourd’hui, mon ensemble rouge, il y a vingt ans que je le porte et je suis bien loin de la tulipe écarte dont j’avais rêvé. 
Je ne suis plus qu’une pale tulipe de hollande, surnommée ’’Valse du Quarante-Neuf-Trois’’. 

Pierre


Jeudi atelier n°1


Proposition n°1 : Cadavre exquis classique

- Sujet,
- verbe,
- complément d’objet,
- complément circonstanciel, adverbe ou autre précision.

Proposition n°2 : Lettres pour un métier loufoque

1er texte:
Lettre de motivation pour un métier bizarre
Ex : rangeur de provisions dans le frigo.

2e texte :
Réponse d'un employeur potentiel à la lettre de motivation écrite par un autre participant.

Proposition n°3 : À partir d’une photo

Quelques textes du 1er jeudi


Cadavre exquis


La table réfléchit une éponge dégoulinante tendrement. 
L'orchidée fanée écrit avec une serviette en papier blanche fabriquée en Chine. 
Je déposai des champignons hallucinogènes de manière hautaine. 
Le capitaine dessine des vagues noires jusqu'à la tombée du jour. 


Lettres pour un métier loufoque


traducteur de blagues carambar en portugais 


Des fadas au pays du fado 

Monsieur, 

Le Portugal est un pays d’avenir, surtout pour la maison « Carambar », dont le marché reste là-bas entièrement à développer. 
Nous avons déjà testé certaines de nos blagues sur des centaines d’écoliers locaux, sans parvenir à en dérider aucun. Nous ne pouvons pas incriminer notre traducteur, ni nos auteurs : ils ont tous fait de leur mieux, quitte à sombrer dans la dépression, l’alcoolisme ou la folie. 
C’est donc avec un intérêt certain, voire avec gratitude, que nous acceptons votre candidature : votre connaissance de notre culture humoristique « maison », ainsi que celui du folklore burlesque portugais, nous incite à vous fixer un rendez-vous. 
Désolé pour le Carambar géant que nous avons envoyé précédemment, afin de vous faire participer d’emblée à l’esprit « maison » : en plus de la lettre de convocation, il contenait le cadavre du créatif encore valide, qui avait un sens de l’humour bien à lui. 
Nous espérons qu’avec vous nous repartirons sur un bon pied : votre bureau et votre boîte d’antidépresseurs vous tendent déjà les bras.

Eric

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chercheur de lentille de contact tombée par terre 

Madame, monsieur, 

C’est avec un extrême intérêt que je découvre votre offre d’emploi de chercheur de lentille de contact tombée par terre. 

Depuis de nombreuses années, la lentille de contact m’apparait comme le symbole de la modernité : efficace, légère, préservant le côté naturel du visage, écologique car évitant le lourd procédé de recyclage du verre, technologique avec son façonnage au micron près, et in fine vecteur de relocalisation de l’emploi en Europe … Bref, je suis parmi les inconditionnels de la lentille. 

Or, comme vous le savez trop bien, son seul défaut est le risque de chute inopinée, le matin quand on la cherche encore mal réveillé, ou sous l’effet d’une bousculade, ou encore sous celui d’une crise de larmes. 

Il se trouve que je suis particulièrement apte à répondre à ces situations. Mal voyant moi-même, autant dire presque aveugle, je suis entrainé depuis ma prime enfance à retrouver à tâtons la 2e chaussette qui toujours nous échappe au lever. Pratiquant les transports en commun tous les jours, je n’ai pas mon pareil pour récupérer les piécettes tombées des poches des touristes asiatiques régulièrement bousculés par des voyous dans le métro parisien. Grand sentimental, je sens venir le pleur chez mon interlocuteur une bonne minute avant son déclenchement. 

J’attends donc avec confiance votre convocation, par téléphone de préférence, ou à défaut en braille. 

Votre dévoué 
Abel de Caïn (Jean-Marie)
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coupeur de tarte, quiche, galettes et camemberts


Madame, Monsieur, 
C’est avec un grand intérêt que j’ai découvert votre annonce concernant le poste de coupeur de tartes, quiches, galettes et camemberts.
En effet, je pense correspondre au profil recherché. J’ai depuis ma plus tendre enfance une passion pour le découpage, tranchage et autre scalp. Dès que je fus en âge de trancher, je découpais allègrement tout ce qui me passait sous la main, rideaux, peluches, même le chat du voisin. 
Je peux mettre à profit mon talent au service des gâteaux et fromages en tout genre. Je manie couteaux, pelles à tarte, scies, j’apprends vite et peux me former sur tout nouvel outil dont j’aurais l’utilité. N’hésitez pas à me contacter pour plus d’informations. 

Veuillez agréer Madame, Monsieur l’expression de mes tranchantes salutations.

Mathilde


Madame, 
Suite à votre courrier, je suis au regret de vous informer que nous ne pourrons donner suite à votre candidature. 
En effet, si, effectivement votre expérience dans le domaine de la découpe semble de longue date, force est de constater que vous êtes autodidacte et qu’aujourd’hui, même pour l’emploi le plus subalterne, une formation d’au moins bac plus deux est absolument indispensable. Moi-même, avant d’être nommé responsable des ressources humaine de notre entreprise, j’ai reçu une formation bac plus six dans l’art de couper les cheveux en quatre. 
Avec tous mes regrets, veuillez agréer, Madame, l’expression de mes salutations distinguées. 

Pierre 

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décrypteur de notices Ikea

Madame, Monsieur,
Chers amis suédois,
Hej !

Je souhaite vous soumettre une idée qui, j'en suis sûr, va considérablement améliorer votre service après-vente. Il s'agirait de proposer à vos clients, en complément de la livraison, un service de décryptage de vos notices, afin qu'ils puissent monter leurs meubles plus sereinement, sans s'arracher les cheveux, sans devoir tout démonter parce qu'un "bitoniau" a été placé à l'envers. Ils auraient ainsi les avantages du meuble Ikea sans son triste corolaire, la crise de nerfs.

Ce service serait payant, bien sûr, mais à un tarif abordable, comme l'ensemble de vos produits. Le client recevrait, avec l'habituel schéma incompréhensible, une vidéo où quelqu'un mimerait les A et les B, mettrait en scène le schéma, pour ainsi dire.

Et pour cela, je suis le mieux placé. Je mange des Krispolls tous les matins, je possède trois étagères Billy, et je maîtrise la langue des signes. J'ai une longue expérience du déchiffrement car j'ai corrigé des copies d'élèves pendant quinze ans, et j'ai personnellement sué sang et eau pour monter une armoire Ikea. J'ai toutes les connaissances pratiques et théoriques nécessaires pour être le premier "décrypteur de notices Ikea".

Dans l'attente de vous lire,

Albert Durand (Vanessa)



À l’attention de M. Albert Durant

Cher Monsieur,

Nous avons lu attentivement votre lettre de candidature. Malheureusement, nous ne pouvons pas y donner suite.

En effet, nos notices sont élaborées en toute connaissance de cause par des salariés de l’entreprise embauchés spécialement pour leur dose de sadisme. Ils produisent des schémas incomplets, rajoutent des dessins de clous inutiles, retirent exprès un élément indispensable à l’assemblage. Cela fait partie du plaisir de l’achat d’un meuble Ikea.
Les clients n’ont jamais été aussi nombreux. Ils affluent dans nos magasin, car une étude a démontré que notre clientèle type est masochiste. Elle redemande sa dose d’énervement, de stress, de disputes conjugales. Si elle en est privée, elle se tournerait vers une autre enseigne, où les notices serait bien faites, et les videos limpides.

Vous souhaitant bon courage dans vos recherches d’emploi,

Ikeament votre,

Magnus X (Mathilde)

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Expert en ronds de fumée 

Monsieur, 

Nous accusons réception de votre lettre de motivation du 16 courant, relative à un poste d’expert en ronds de fumée. Nous sommes au regret de ne pouvoir y donner suite. 

Notre société est en effet engagée dans la formation des apprentis rondeurs de fumée, avec une insistance particulière sur les bases théoriques de ce métier. Vos capacités, que vous décrivez comme innées et intuitives, ne nous apparaissent pas en ligne avec la rigueur analytique que nous demandons à nos experts d’imposer dans le cadre de notre enseignement. 

Par ailleurs, votre état de santé augure mal de la durée de la mission que vous pourriez nous consacrer. Vous vous produisiez partout en France dites-vous, et bien toussez maintenant. 

Signature : illisible 

PS : En lisant attentivement le CV joint à votre lettre de motivation, nous y découvrons que vous avez essentiellement exercé comme avaleur de sabres, et non comme rondeur de fumée. Nous vous recommandons lors de futures postulations, de prêter plus d’attention à la cohérence du CV et de la lettre de motivation. 
Jean-Marie 

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médiateur dans les disputes entre joueurs de pétanque

Monsieur,

Suite à votre annonce parue dans les échos du 12 septembre, je me permets de solliciter le poste de médiateur dans les disputes entre joueurs de pétanque.
Bien que parisien, je n’en fréquente pas moins, depuis de nombreuses années, quelques colonies de méditerranéens adeptes de ce sport. Je dis ce sport, car, bien qu’il ne soit pas représenté aux jeux olympiques, je puis vous assurer qu’au cours de ma longue carrière de bouliste, j’ai vu de nombreuses parties s’agrémenter de sauts en hauteur et de courses poursuites pour, parfois, se conclure en match de boxe.
Je possède un grand sens de la négociation, avec les personnes têtues, entêtées et dotées de cette typique mauvaise foi qui pousse à l’hystérie le plus paisible de nos concitoyens, particulièrement lorsque son haleine a quelque parfum anisé.
Dans le cas où, mes propos conciliateurs ne parviennent pas à apaiser les protagonistes, j’utilise mes arguments les plus persuasifs :
Je mesure 1.92m, pèse le quintal et suis champion de kick-boxing.
Je puis vous assurer que, l’ayant déjà testé dans d’autres circonstances, ne serait-ce que pour une demande d’emploi, c’est un argument des plus persuasifs.
Etant persuadé que ma candidature retiendra toute votre attention, je vous prie d’agréer, Monsieur, l’expression de mes salutations distinguées.

Pierre

Monsieur,

Suite à votre annonce parue dans les échos du 12 septembre, je me permets de solliciter le poste de médiateur dans les disputes entre joueurs de pétanque. Bien que parisien, je n’en fréquente pas moins, depuis de nombreuses années, quelques colonies de méditerranéens adeptes de ce sport. Je dis ce sport, car, bien qu’il ne soit pas représenté aux jeux olympiques, je puis vous assurer qu’au cours de ma longue carrière de bouliste, j’ai vu de nombreuses parties s’agrémenter de sauts en hauteur et de courses poursuites pour, parfois, se conclure en match de boxe. Je possède un grand sens de la négociation, avec les personnes têtues, entêtées et dotées de cette typique mauvaise foi qui pousse à l’hystérie le plus paisible de nos concitoyens particulièrement lorsque son haleine a quelque parfum anisé. Dans le cas où, mes propos conciliateurs ne parviennent pas à apaiser les protagonistes, j’utilise mes arguments les plus persuasifs : Je mesure 1.92m, pèse le quintal et suis champion de kick-boxing. Je puis vous assurer que, l’ayant déjà testé dans d’autres circonstances, ne serait-ce que pour une demande d’emploi, c’est un argument des plus persuasifs. Etant persuadé que ma candidature retiendra toute votre attention, je vous prie d’agréer, Monsieur, l’expression de mes salutations distinguées. Pierre Monsieur,

Votre lettre a retenu toute notre attention, car nous recherchons une personne impressionnante physiquement, plus terrorisante que diplomate. À vrai dire, ce n'est pas d'un médiateur que nous avons besoin mais d'un gorille, une armoire à glace, un dur, un tatoué, avec un visage cabossé, des pectoraux d'acier, et si possible africain ou serbo-croate, pour que l'interlocuteur n'ose même pas ouvrir la bouche. Toutes choses que nous ne pouvions pas indiquer clairement dans notre annonce pour ne pas risquer un procès en discrimination. 

Vos services ne seront pas requis pour apaiser les conflits entre nos joueurs ; ils ont l'habitude de la castagne, ça fait partie du jeu. Non, votre véritable objectif sera de convaincre Paulo-les-gros-bras de ne pas réclamer les 70.000 euros qu'il a prêtés à notre club il y a deux ans. Paulo s'impatiente. On peut le comprendre, seulement voilà, cet argent a servi à rembourser Yves-le-teigneux qui nous avait dépannés après l'affaire de la cocaïne dans le cochonnet — vous avez peut-être eu vent du début de scandale, habilement étouffé par Yves. Bref, des 70.000 euros il ne reste rien, nada, et Paulo va bien devoir s'y faire. 

C'est là que vous entrerez en scène. Si vous êtes aussi terrifiant que votre photo le laisse supposer, vous saurez lui faire entendre raison. Et pour votre salaire, pas d'inquiétude : il nous reste deux cochonnets remplis de coke. 

Cordialement,

Pitou-l'embrouille 
Président du club "Les boulistes sans peur et sans reproche".
(Vanessa)


À partir d'une photo




Trop facile

Pourquoi toujours ailleurs. Pourquoi dérangé, déboussolé par cet autre qui n’a rien de plus que moi : un visage anodin, des cheveux raides, des habits conventionnels, un corps ordinaire … D’où lui vient cette vitalité, ce magnétisme, cette sureté en soi alors que la mienne se brise au premier grain de sable, à la première rebuffade, voire même à une simple question ? 

Je l’ai croisée devant moi dans le RER, entourée de sa bande de copines et de copains. Riant, plaisantant, solaire, alors qu’elle n’a rien d’extraordinaire, qu’elle n’est peut-être rien. 

Tout comme était autrefois mon frère, conquérant, sans vergogne même après ses plus grosses bêtises, toujours en avance d’une histoire drôle ou d’une pirouette. Il m’a volé mes parents ! 

Et pourtant, je sais que ce qui est en moi est précieux. Mais pour qui, pour quoi ? 

Jean-Marie






Oui Monsieur, oui Monsieur, même si je n’en ai pas l’air, oui, Monsieur, je suis un play-boy !!! 
Et ceci depuis mon adolescence, depuis que je suis resté figé dans mon fauteuil, au cinéma, le Gaumont Palace de Lamotte Beuvron, en admirant Brando, le grand Marlon, dans l’Equipée Sauvage. Dès lors, mon seul but, ma seule ambition fut d’être, comme lui, un type à la moto, craint par les hommes, admiré par les femmes. 
Et voilà où j’en suis aujourd’hui. 
Ah, évidemment, je n’ai pas vraiment le look de mon héros et ma mobylette est bien loin de l’énorme Harley-Davidson de mes rêves, mais il n’en reste pas moins qu’elle est bien suffisante pour promener ma poule…
Pierre 





Le dégât des eaux 

Il y avait un sérieux problème de plomberie dans cet appartement, Elise l'avait remarqué dès sa première visite ; mais à Paris, on n'a pas trop le choix. Elle avait signalé le problème à l'agence lorsqu'elle avait signé le bail. Bien sûr, rien n'avait été fait ; et le premier dégât des eaux avait eu lieu six mois plus tard. 
 — C'est votre tuyauterie, elle date d'au mins cinquante ans, avait dit le plombier. 
Elise avait écrit à l'agence, sans succès. 
L'année suivante, deuxième dégât des eaux. Un tuyau fuyait sous la baignoire. 
— Vous devriez faire changer tout ça, avait dit le voisin d'en-dessous. Quand vous prenez une douche, tout le monde est mouillé chez nous. 
Elise avait de nouveau contacté l'agence. Silence radio. 
Elle ne fut donc pas surprise quand eut lieu le troisième dégât des eaux. Une flaque se forma dans la cuisine, et au même moment une autre flaque apparut dans la salle de bains. Elle les vit s'étendre, se rejoindre dans son salon, et continuer d'enfler. Fataliste, Elise ôta ses chaussons, grimpa sur la machine à laver, et appela l'agence. 
Autour d'elle, l'eau montait toujours.

Vanessa




Un caniche dans les alpages 

Il avait toujours rêvé d’avoir un caniche, un de ces animaux ridicules tondus de la tête à la queue. 
Il n’en avait jamais parlé à personne : quant on est un petit berger, chargé de gérer un troupeau de quarante bêtes, on tient à sa réputation. 
C’est tout juste si, de loin en loin, il se permettait de tondre une de ses bêtes de manière fantaisiste. On mettait ça sur le compte de l’alcool, de la solitude de l’alpage, et du manque de sommeil propre au métier. 
Tout bascula le jour où son employeur acheta un authentique caniche à prix cassé pour garder les moutons, au lieu du traditionnel berger des Pyrénées. Que voulez-vous, avec la concurrence du mouton espagnol, on fait ce qu’on peut pour se ménager une marge bénéficiaire ! 
Le berger détala immédiatement avec le caniche à Venise en voyage d’amour. 
Si on le retrouve un jour, on lui fera avaler sa tondeuse.

Eric

Mercredi atelier n°1


Proposition n°1 : Cadavre exquis 

- sujet,
- verbe,
- complément d’objet
- complément circonstanciel, ou adverbe, ou autre précision.

Proposition n°2 : Une annonce inattendue 

Écrire une lettre ou un discours, dans lequel un personnage annonce quelque chose d'inattendu à son auditoire.

Proposition n°3 : À partir d’un inducteur 

« L’ascenseur est en panne, comme d’habitude. »

Quelques textes du 1er mercredi


Cadavre exquis


Un nuage bleuté entérine des insultes graves envers les patrons à 19h30. 
Le voisin chantait une autruche multicolore aveugle avec outrecuidance. 
La ville endormie déménageait ce livre interminable en face de la gare.
Noémie a décoré son beau bureau hier soir dans le métro. 
Le petit bonhomme en mousse avale une petite bouteille dans la marmite. 
Une orchidée blanche et rose contemple avec délectation un éventail chinois avec affection. 
La grosse souris de Mémé espère deux jaunes d'oeufs tout crus du cul de la poule. 
Le chapeau à plume a cassé l'ordinateur tout en conservant son humour.

Une annonce inattendue 


Chère Maman, cher Papa,

Voici bientôt dix ans que j’ai commencé mes études de médecine : dix longues années durant lesquelles vous m’avez soutenu financièrement, encouragé dans mes moments de doute, et alors que j’étais prêt à abandonner, consolé quand Sylviane m’a quitté car je travaillais trop. Vous avez tout pardonné : mes colères, mes passages en coup de vent, mes « non, désolé, je ne dîne pas ici ce soir » au moment de passer à table, mes blouses d’interne tachées de sang, les coups de téléphone des camarades à trois heures du matin. Vous vous êtes même sacrifiés pour pouvoir financer ces interminables années d’études, que ce soit en renonçant aux deux mois de vacances annuels au Maroc dont vous rêviez une fois à la retraite, ou encore en revendant les parts de l’entreprise d’oncle Maurice alors que celle-ci était en plein essor économique. Même le buffet de Mamie Georgette -que pourtant tu aimais tant Maman- n’a pas fait le poids devant ma dernière année d’internat. Eh bien, aujourd’hui, mes chers parents, je peux vous annoncer que tous ces sacrifices n’ont pas été vains : je suis en passe de devenir un brillant chirurgien, reçu à ma thèse de doctorat avec les félicitations du jury, déjà courtisé par les plus éminents chirurgiens en vue de m’associer avec eux. Pourtant, l’avenir appartient-il à celui qui charcute des foies alcoolisés, des poumons intoxiqués, des cœurs essoufflés, des reins calculés, ou encore des intestins emmêlés ? Non bien sûr, et avant de commettre l’erreur de m’engager dans la voie du soin à l’hôpital public, j’ai pris le temps de la réflexion…

Vous êtes ainsi les premiers à qui j’annonce la grande nouvelle : je pars à l’étranger. Oui, je sais, c’est dur, mais ce n’est que là-bas, en Bulgarie plus précisément, que je pourrai mettre mon talent au service de détaillants d’organes officiant dans des cliniques privées. Non seulement les organes prélevés seront sains, mais en plus ils seront destinés à des patients qui en auront vraiment besoin ! Quelle satisfaction !

Sans compter qu’avec les bénéfices tirés de cette activité, je pourrai vous rembourser au centuple les dépenses que vous avez engagées pour moi. J’imagine déjà les sourires poindre sur votre visage et je ne doute pas que vous partagerez ma joie.

Je vous aime,

François (Hélène) 



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Françaises, Français, 
Beaucoup d’entre vous se demandent la raison de cette soudaine allocution télévisée. 
Rassurez-vous, il n’est pas question de durcir l’état d’urgence, la seule urgence étant l’état de nos finances, qui, si on y réfléchit un tant soit peu, est à l’origine de tous nos problèmes. 
Que mes potentiels adversaires aux prochaines élections ne prennent pas leurs airs les plus outragés, non, je ne mobilise pas la télévision publique à des fins personnelles, non, vous n’aurez pas à décompter cette intervention de mon temps de parole et je vais vous expliquer pourquoi. 
Moi, président, comme tout homme ordinaire, je veux dire par là, normal, si toutefois il existe une quelconque normalité dans notre foutu monde politique actuel, et bien, disais-je, comme tout homme normal, il m’arrive de me poser des questions. 
Et, ce matin, donc, comme tout à chacun, en me rasant, j’ai fait le bilan de ces quelques années passées ensembles, afin de savoir si j’allais me représenter à la prochaine présidentielle. 
Oh là là !!!... 
Déjà, il me faut bien le reconnaitre, je n’ai pas l’impression que vous m’appréciez beaucoup. Quelques soient les efforts que je fasse, les sondages me créditent de moins en moins d’avis favorables. Je devrais dire me discréditent, tant mon impopularité est croissante. 
Ensuite, lorsque je me tourne vers les gens de mon parti, j’en surprends quelques-uns, et ils sont nombreux, fins prêts à me planter un couteau dans le dos, voire à me passer sur le corps. 
Que dire de tous ces ténors de l’opposition qui tirent sur moi, par un feu nourri, en regrettant toutefois que ça ne soit pas à balles réelles. 
Mais, me direz-vous, nous connaissons tout ça, ce n’est pas une nouveauté, où veut il en venir ??? 
Eh bien à ceci… 
Je suis lassé de toutes ces critiques pleines de fiel d’où qu’elles viennent, de droite, de gauche, des cadres, des ouvriers, des gens d’ici, des gens d’ailleurs et j’en passe. 
J’en ai ras le bol de m’éreinter à essayer de contenter des veaux tels que vous, ça ce n’est pas moi qui l’ai inventé, veaux, qui de toute façon ne seront jamais contents. 
En plus, j’en ai par-dessus le casque d’être obligé de me déguiser en motard pour aller voir ma Chérie, et comme je ne veux pas avoir les mêmes problèmes qu’avec la précédente, voilà ce que j’ai décidé. 
Vous allez tous, à droite comme à gauche, faire vos primaires fissa-fissa. 
Vous allez avancer la date des présidentielles au plus vite. 
Non, je ne suis pas candidat aux primaires ! 
Non, je ne suis pas candidat à la présidentielle ! 
Non, je ne participerai pas à cette nouvelle foire d’empoigne qui, vu le nombre croissants de gladiateurs, va probablement se finir dans l’arène, qu’elle soit médiatique ou pas. 
Moi, je fous le camp, me mettre les doigts de pieds en éventail sur des plages paradisiaques et ceci, pas plus tard que ce soir. 
Alors, Julie, prépare les valises, l’avion décolle dans une heure et, que le meilleur gagne. 

Pierre 



À partir d’un inducteur 


 « L’ascenseur est en panne, comme d’habitude. » 

L’ascenseur est en panne, comme d’hab. !!!... 
Allez hop, crapahute de six étages… 
Quel crétin ce dépanneur, je vais encore cracher mes clopes… 
Quand je pense qu’avant, quand je bossais, je te les montais en deux temps, trois mouvements les six étages… 
Toujours pressé, quelle belle excuse pour éviter la papote avec les voisins : 
- La Mémé au toutou du premier 
- La grande famille du second 
- le bègue du troisième 
- Le sportif du quatrième et bien sûr, 
- Le connard du cinquième. 
Non mais, quelle promiscuité !!!... Alors, les escaliers quatre à quatre et j’évitais tout ça… 
Ah, aujourd’hui, c’est un peu différent, je m’arrête à chaque étage, avec un petit mot pour chacun et une longue halte au troisième, le temps qu’il finisse sa phrase... 
Il semblerait que je devienne bien plus social avec l’âge… 
Pierre



L’ascenseur est en panne, comme d’habitude. J’avais entendu des pas sur le palier du 6ème. Je criai un peu plus fort : « L’ascenseur est en panne, comme d’habitude !! » Et c’est alors que mon stupide voisin entonna la stupide chanson de cet imbécile de Claude François et se mit à hurler sur le palier « Comme d’habituuuuuuuuuuuudeuuuuu ! ». 
Je n’avais vraiment pas de chance, le seul qui m’avait entendu alors que j’étais coincé depuis 10 minutes entre deux étages était Stéphane Lemarchand, un gars ordinaire mais totalement bipolaire, et qui manifestement traversait en ce moment-même une période d’exaltation intense. Avait-il saisi la gravité de la situation ? Apparemment non, car il continuait à chanter à tue-tête sur le palier. Mais pourquoi, me direz-vous, n’appuyé-je pas sur le fameux bouton d’alarme présent dans tous les ascenseurs du monde et destiné à être pressé précisément dans ce genre de situation ? Eh bien, je l’ai fait, mais le technicien de maintenance a dû se tromper en programmant le numéro de téléphone, car c’est avec effroi que j’ai entendu, après avoir justement enfoncé le bouton prétendument salvateur : « Vous souhaitez converser avec Olga, tapez 1 ; avec Sabrina, tapez 2… ». Et quand je pense que mon option numéro 3 s’appelle Stéphane Lemarchand, siphonné bipolaire… La journée commence bien… 

Hélène

Atelier n°10


Proposition n°1 : Cadavres exquis  


Premier modèle :
- Rends-moi mon…
- je te donnerai ton…

Deuxième modèle :
- Je veux tout savoir sur…
- mais je n’ai rien à dire sur…

Proposition 2 : Portrait cubiste 


Un personnage est évoqué par petites touches, de plusieurs points de vue subjectifs, par des gens qui le connaissent plus ou moins.


Proposition 3 : À partir de photos en noir et blanc

Quelques textes du 10e atelier


Cadavres exquis 


Rends-moi mon innocence
Je te donnerai deux balles de tennis.

Je veux tout savoir sur la reproduction des grenouilles
Mais je n'ai rien à dire sur la spiritualité des rhinocéros.

Rends-moi ma valise à roulettes, celle qui ne fait pas de bruit
Je te donnerai des carambars si tu es sage.

Je veux tout savoir sur la poule grise du fermier
Mais je n'ai rien à dire sur son sale caractère.

Rends-moi ma tapette à souris
Je te donnerai la maturité.

Je veux tout savoir sur la culture de l'artichaut
Mais je n'ai rien à dire sur la conception de ce plan machiavélique. 

Rends-moi ma tranche de saumon
Je te donnerai ta recette de saumon à l'unilatérale.

Je veux tout savoir sur la cueillette des fraises en Amazonie
Mais je n'ai rien à dire sur la candidature de Sarkozy.

Rends-moi mes chaussettes vertes
Je te donnerai un gros morceau de roquefort.

Je veux tout savoir sur la vie hors du système solaire
Mais je n'ai rien à dire sur ses actions. 

Rends-moi ma sucette à la fraise
Je te donnerai ta peau d'ours.

Je veux tout savoir sur ce politique
Mais je n'ai rien à dire sur ta façon d'élever tes enfants.


Portrait cubiste 


« La place Saint-Sulpice en deuil après le décès de Jojo », par notre envoyé spécial, Jacques de la Tour.

La place Saint-Sulpice perd un de ses monuments : Jojo, alias Joseph Carlitz, est décédé la nuit dernière suite à une crise cardiaque. Notre envoyé spécial a interrogé, pour notre journal, des habitués du quartier.

Pascal C., gérant du café Le Saint-Sulpice :
« Si je connaissais Jojo ? Mais bien sûr ! Il était un de mes clients les plus fidèles. Toujours le sourire aux lèvres, lançant un bonjour amical aux clients. Bon, c’est vrai qu’il avait des jours avec et des jours sans — il faut dire que vivre comme ça, sans domicile vraiment fixe, ça doit pas être drôle tous les jours. Quand je le trouvais trop déprimé, j’essayais de le faire parler avec certains de mes habitués. Eh bien c’est comme s’il avalait un grand verre de jus de fruits vitaminé ! Ah, Jojo, il va nous manquer, c’est sûr. »

Gérard D., kiosquier :
« Ah, Jojo ! Je n’ai jamais rencontré un tel personnage. Il était toujours en train de traîner sur la place, quand il n’était pas au café de Pascal bien sûr. Le plus drôle, c’est qu’il ramassait toutes sortes d’objets, et aimait les exposer sur un banc près de la fontaine. Ça intriguait les passants bien évidemment. Et quand il trouvait un livre, il aimait le lire au soleil et venait en discuter avec moi quand il l’avait terminé. C’était un homme cultivé et sensible. Quelle triste fin ! »

Marie-Dominique de L. H., gérante du magasin de chocolats fin, rue Bonaparte :
« Oui, bien entendu que j’ai déjà croisé le chemin de ce, comment déjà, Jojo. C’était un pauvre hère qui, à mon goût, passait bien trop de temps à bayer aux corneilles sur les bancs de la place au lieu de chercher du travail. Enfin… Son allure laissait clairement à désirer et je ne vous parle pas de sa chevelure… Je n’appréciais guère qu’il traînât devant le magasin, avec toute sa pacotille qu’il aimait apparemment tant exposer au regard des passants. Et le plus insupportable est qu’il venait régulièrement mendier devant ma vitrine en tendant un affreux gobelet Starbucks. Dans quel monde vit-on, grand Dieu ! »

Madeleine S., boulangère :
« Jojo, c’était une institution à lui tout seul dans le quartier. Il avait le cœur sur la main cet homme. Tenez, par exemple, il aidait toutes les petites mamies à monter les marches de l’église avant la messe. Je le sais, je le voyais depuis ma vitrine ! Et il n’attendait rien en retour, attention ! Parfois, il leur portait leurs courses, ou tirait leur Caddie. Un homme généreux ce Jojo. Ah, bien sûr, avec son apparence un peu défraîchie, il ne plaisait pas à tout le monde, notamment à la Madame la Comtesse du magasin de chocolats. Il le savait d’ailleurs, et allait exprès faire la manche devant sa vitrine ! On rigolait bien, je vous assure ! Jojo, c’était la bonne humeur incarnée. Le quartier ne sera plus le même sans lui. »

Bernard, pigeon :
« Jojo, c’était mon meilleur ami. Il n’hésitait jamais à partager son sandwich avec moi. Nous passions des heures à jouer ensemble. Il me lançait des miettes le plus loin possible, je m’envolais pour les rattraper et les picorais en roucoulant de plaisir. Je perds un ami cher que je ne pourrai jamais remplacer. »

Voilà, en quelques mots, tracé le portrait de ce drôle de personnage qui laissera un éternel stigmate sur la place Saint-Sulpice.

Hélène 

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Robert Lavardin, c’est l’élégance ! 

Grand, élancé, toujours impeccable dans son costume trois pièces, avec sa cravate "Courrège" et son côté "british" il affiche une certaine assurance et même, diraient quelques-uns de ses détracteurs, un rien jaloux, un certain contentement de soi. 
La quarantaine avantageuse, Robert Lavardin est professeur de mathématiques au sein du lycée Paul Valery et bénéficie, de par ses méthodes d’enseignement efficaces, son humour raffiné et son magnifique sourire, d’une très grande sympathie auprès de ses supérieurs, collègues et élèves.

— Monsieur Lavardin ! Quel professeur de mathématiques nous avons là, et quel professionnalisme, quelle réussite !!!
Monsieur le Proviseur ne tarit pas d’éloges sur son Cher Collègue.
Quel esprit d’initiative, quel sens pédagogique, pensez qu’avec ses méthodes il nous a fait faire un bon énorme dans nos résultats au baccalauréat, et je ne vous parle pas de ses petites plaisanteries qui donnent à nos réunions professionnelles une décontraction et un dynamisme que beaucoup nous envient.

— Moi qui suis représentant des parents d’élèves, je puis vous affirmer que la venue de ce Monsieur dans notre établissement a été un bienfait pour tous. Beaucoup de parents se sont réjouis des progrès en mathématiques de leur progéniture et m’ont affirmé que, si les enfants avaient ce genre d’enseignant comme professeur de français, ils pourraient exprimer de façon un peu plus académique leur : "Ouah, trop le kif le prof, comment qu’il nous donne des astuces et des trucs mémo-machins pour nous faire réussir ! Ouais, trop cool, trop top le prof !!!..."

— Oh Robert !!!... Pardon !!!... Je veux dire Monsieur Lavardin, quelle prestance, quelle distinction minauda sa collègue, professeur d’histoire-géographie. Et puis, gentil, comme il est, comme il doit rendre son épouse heureuse, osa-t-elle rougissante…

— Ah, Monsieur le Juge, j’ai bien écouté le témoignage de toutes ces personnes. Je serais bien en peine de les contredire, moi qui ai succombé à son charme, à son intelligence.
Ah, son intelligence, Monsieur le Juge, voilà des années qu’il fait des comptes, des statistiques, des calculs de probabilité, qu’il échafaude je ne sais quelle stratégie, afin de découvrir la martingale qui nous sortira, enfin, de la situation dans laquelle nous a fait sombrer sa passion pour le jeu. Pensez, Monsieur le Juge, tout y est passé, notre auto, notre campagne et même notre appartement.
Maintenant, nous vivons dans un logement social et nous sommes couverts de dettes.
Mais quand même, vraiment, de là à penser qu’il mettrait de l’arsenic dans le thé de Maman après lui avoir fait contracter une énorme assurance-vie, dont je suis la bénéficiaire, ça je ne l’aurais jamais imaginé.
Maintenant, je me réveille effrayée, toutes les nuits, en me demandant ce qu’il aurait fait de moi, si son crime n’avait pas été découvert… 

Pierre


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Lulu, c'est moi qui la connais le mieux. Je peux vous dire qu'elle est très chouette. Elle est un peu stricte au niveau des croquettes, elle dit que c'est pour mon bien parce que j'ai pris du bide. Mais elle est gentille. Elle me brosse, elle m'achète des souris en tissu, elle ne fait pas trop d'histoires quand je déchire le bas des rideaux. Ça fait trois ans qu'on est ensemble. Avant je vivais tout seul, derrière le G20. Mais un jour j'ai eu un accident, une voiture m'a écrasé une patte. Et là, comme une super Cat-woman, Lulu est arrivée et m'a sauvé la vie. Depuis on habite ensemble. Parfois quelqu'un essaie de s'installer avec nous, mais je m'en débarrasse facilement. 

Lulu, c'est la femme de ma vie. On est faites l'une pour l'autre. Elle le sait, je crois ; mais elle n'assume pas. Je suis sa première copine. Avant moi elle était avec un mec ; elle a mis deux ans à comprendre que ce n'et pas normal d'être aussi malheureuse. Le pauvre, il n'était pas plus mal qu'un autre. C'est Lulu qui n'était pas au bon endroit. Avec moi elle revit. J'aimerais bien qu'on s'installe ensemble. Mais elle préfère vivre seule dans son studio. Parfois je me dis qu'elle préfère son chat.

Lucille était une très jolie petite fille. Je lui mettais des robes à smocks, des chaussures vernies, tout le monde m'en faisait des compliments. Je lui ai donné la meilleure éducation possible. Elle joue de la harpe, elle fait du point de croix, elle ne jure pas. Une enfant parfaite. Je ne comprends pas ce qui s'est passé. Quand elle m'a annoncé qu'elle était lesbienne, j'ai fondu en larmes. Qu'est-ce que j'ai bien pu rater dans son éducation ? Et puis "lesbienne", quel horrible mot ! Je crois plutôt que cette horrible femme aux cheveux courts lui a embrouillé l'esprit. Le père Jacques me dit que ça passera. Je prie le ciel qu'il ait raison. Qu'on me rende ma Lucille ! 

Lulu, c'est la fille discrète. On bosse bien, on rigole pendant les pauses-café, mais elle ne sort pas trop le soir avec les collègues. On ne lui en veut pas, on voit qu'elle n'est pas à l'aise dans les bars. C'est son côté versaillais. Elle fait très bourge, le genre à porter des jupes à mi-mollet et à épouser un banquier. Mais en fait elle est toujours en jean et elle n'a pas d'alliance. Alors je ne sais pas. J'ai peut-être une chance. Lucille et Gérard, ça ferait un beau couple ! 

Vanessa

À partir de photos en noir et blanc





Que va-t-on devenir, maintenant ? Maintenant que l’on a plus d’homme. 
Déjà que ça n’était pas facile avant, alors maintenant, que va-t-on devenir ??? 
Dans le temps, c’était bien, enfin bien, disons que l’on arrivait à peu près à s’en sortir. 
Certes, on vivait dans la crainte, la crainte de ces policiers très assidus, au service du président, la crainte d’une dénonciation pour un mauvais mot qui nous serait venu un jour de colère, la crainte de perdre ce petit boulot qui nous permettait tout juste de subsister, la crainte de ne plus pouvoir nourrir les enfants, en fait la crainte de tout. 
Mais nous vivions, tant bien que mal, mais nous vivions, en attendant des jours meilleurs. 
Et, voilà mon Ali, devenu tellement sombre, qu’il a commencé à écouter les autres là, les avides de pouvoir, ceux qui veulent remplacer le président par on ne sait quelle idée moyenâgeuse et dicter leur loi par la terreur. Et plus il les écoutait, plus il s’assombrissait. 
Moi, je ne voyais pas trop l’intérêt, qu’y avait-il de commun entre ces hommes violents et ténébreux, et mon tendre époux qui nous a toujours choyés. Choisir entre eux et le président, c’était choisir entre la peste et le choléra. Alors s’est ajoutée la crainte de la guerre. 
Et puis, on a réussi à partir, à quitter cet enfer, dans des conditions épouvantables, mais peu importe, on a réussi à partir, j’étais pleine d’espoir. Pensez donc, vivre dans un pays en paix, un pays de libertés où la peur ne rythmerait pas nos journées. Bien sûr, nous n’avions plus rien, les passeurs nous avaient pris le peu que nous avions, mais nous allions travailler dur et nous allions nous en sortir. Etre heureux, enfin !!!... 
Mais, une fois la mer traversée, ça ne s’est pas vraiment passé comme nous l’espérions. Des comme nous, il y en avait des milliers, parqués là, dans un camp entouré de barbelés, avec tout juste de quoi manger et à peine de quoi boire. 
Alors, aller plus loin, travailler, il ne fallait même pas y penser. 
C’est là, que mon Ali est devenu fou, ce jour où, pour on ne sait quelle raison, il n’y eu pas de distribution d’eau, il s’est mis à hurler, brailler, gesticuler et insulter les gardes en invoquant Dieu. C’est lorsqu’il s’est emparé d’une barre de fer qui trainait là, que les gardes, le prenant pour un extrémiste exalté, ont tiré. 
Lui, qui ne voulait que de l’eau pour ses enfants, lui qui voulait tant pour nous, il était là, étendu dans la boue, inerte, mort. Il ne pouvait plus rien pour nous 
J’ai tant crié, ce jour-là, que je n’ai plus de voix, que je n’ai plus de force. Pour sa mémoire, je m’efforce de rester digne, serrant contre moi ma petite dernière entourée de mes trois autres. Je n’ai plus que mon chagrin et ma douleur qui me tenaillent le ventre encore plus que la faim, et je me pose et me repose, encore et toujours, la même question : "Mais que va-t-on devenir ?" 
Et Dieu qui ne répond pas… 

Pierre





« Gare de l’Est, terminus ! ». Enfin nous arrivions. Ce voyage depuis le front m’avait paru interminable. Pas autant, certes, que les quatre années que je venais de passer dans ces tranchées de l’enfer. Mais ma fatigue, mêlée à la joie de retrouver les miens, avait eu raison de ma patience. Nous descendîmes du train, le regard un peu vide, comme si nous découvrions un lieu inconnu alors que mes compagnons de voyage et moi-même étions tous parisiens. Nous redécouvrions la gare de l’Est, sa rosace, puis son parvis. Des autobus, spécialement affrétés car nous étions des centaines, nous attendaient avant de nous conduire aux quatre coins de la capitale. L’odeur de Paris me saisit de plein fouet, moi qui n'avais plus en mémoire que l’odeur de la boue, du sang, des chairs en décomposition et des gaz asphyxiants. 
Mais déjà nous devions avancer vers les autobus. Chacun choisissait le sien en fonction des directions affichées sur leurs côtés. Je montai dans celui qui allait en direction du Trocadéro. J’habitais avenue de la Motte-Picquet, dans le 15ème arrondissement. J’espérais y retrouver ma famille, dont je n’avais plus de nouvelle depuis presque un an. Avec un peu de chance, l’autobus me déposerait à proximité.
Je dis au revoir à mes compagnons et je serrai dans mes bras Charles, avec qui j’avais partagé les six derniers mois de cet enfer. Il habitait le 12ème arrondissement et nous allions donc devoir nous séparer sur le parvis de la gare. 
Après nous être promis de correspondre, je suis monté dans mon autobus, apaisé et anxieux à la fois. Comment allais-je être accueilli ? 
Je craignais aussi bien d’être embrassé que d’être rejeté. Et puis, j’avais honte. Certes, je n’avais pas été grièvement blessé comme certains, mais il me manquait deux doigts à la main droite et j’appréhendais le regard de mon épouse et de mes enfants. Il me faudrait bien vivre avec ce souvenir indélébile de la guerre de toute façon. Et puis, Mathilde était une femme aimante et généreuse, elle m’accepterait comme j’étais, c’était certain. 
Perdu dans mes pensées, je n’avais même pas senti l’autobus démarrer, rouler dans les rues étrangement animées de Paris et me transporter inexorablement vers la vie. 

 Hélène





On apprend à les aimer, ces jardins parisiens, avec leur nature entièrement recréée, leurs allées sableuses, leurs marronniers disséminés de ci de là, leurs bosquets fleuris, leurs lacs artificiels, leurs faune de pigeons et de canards, leurs kiosques à musique, leurs chaises de métal vert, leurs buvettes et leurs fontaines, et puis toutes leurs attractions enfantines, des plus traditionnelles, comme les guignols ou les balançoires, aux plus absurdes, la calèche tirée par un minuscule poney qui chie partout, ou, pire encore, la carriole tirée par une autruche ; les enfants adorent, ce n'est pas tous les jours que les petits parisiens voient de près un animal aussi authentique. 
L'autruche, elle, avec son tout petit cerveau dans sa toute petite tête, ne pense qu'à une chose : manger la casquette de son guide. On a mis fin à l'attraction après que l'autruche a creusé un trou à coups de bec dans le crâne du pauvre homme. 

Vanessa