Atelier d'écriture

L’atelier d’écriture est l’occasion de jouer avec les mots, de faire entendre sa voix, d’écouter celle des autres, de se découvrir. C’est avant tout une expérience ludique, le plaisir de réaliser quelque chose et de le partager. À chaque séance l’animatrice propose de nouvelles consignes, qui servent de point de départ à l’écriture. Cette règle du jeu, par son aspect contraignant, permet de libérer l’imagination. On n’est plus devant une inquiétante page blanche, mais devant une proposition d’écriture, qu’on pourra à son gré suivre de près ou subvertir discrètement. C’est ce qui fait tout le sel de la lecture des textes : on se rend compte que chaque participant a traité la consigne de façon personnelle, provoquant la surprise, le rire ou l’émotion. Les échanges, qui se font dans un esprit curieux et bienveillant, permettent à chacun de prendre du recul sur son propre texte.

Quelques textes du 1er mercredi


Cadavre exquis


Un nuage bleuté entérine des insultes graves envers les patrons à 19h30. 
Le voisin chantait une autruche multicolore aveugle avec outrecuidance. 
La ville endormie déménageait ce livre interminable en face de la gare.
Noémie a décoré son beau bureau hier soir dans le métro. 
Le petit bonhomme en mousse avale une petite bouteille dans la marmite. 
Une orchidée blanche et rose contemple avec délectation un éventail chinois avec affection. 
La grosse souris de Mémé espère deux jaunes d'oeufs tout crus du cul de la poule. 
Le chapeau à plume a cassé l'ordinateur tout en conservant son humour.

Une annonce inattendue 


Chère Maman, cher Papa,

Voici bientôt dix ans que j’ai commencé mes études de médecine : dix longues années durant lesquelles vous m’avez soutenu financièrement, encouragé dans mes moments de doute, et alors que j’étais prêt à abandonner, consolé quand Sylviane m’a quitté car je travaillais trop. Vous avez tout pardonné : mes colères, mes passages en coup de vent, mes « non, désolé, je ne dîne pas ici ce soir » au moment de passer à table, mes blouses d’interne tachées de sang, les coups de téléphone des camarades à trois heures du matin. Vous vous êtes même sacrifiés pour pouvoir financer ces interminables années d’études, que ce soit en renonçant aux deux mois de vacances annuels au Maroc dont vous rêviez une fois à la retraite, ou encore en revendant les parts de l’entreprise d’oncle Maurice alors que celle-ci était en plein essor économique. Même le buffet de Mamie Georgette -que pourtant tu aimais tant Maman- n’a pas fait le poids devant ma dernière année d’internat. Eh bien, aujourd’hui, mes chers parents, je peux vous annoncer que tous ces sacrifices n’ont pas été vains : je suis en passe de devenir un brillant chirurgien, reçu à ma thèse de doctorat avec les félicitations du jury, déjà courtisé par les plus éminents chirurgiens en vue de m’associer avec eux. Pourtant, l’avenir appartient-il à celui qui charcute des foies alcoolisés, des poumons intoxiqués, des cœurs essoufflés, des reins calculés, ou encore des intestins emmêlés ? Non bien sûr, et avant de commettre l’erreur de m’engager dans la voie du soin à l’hôpital public, j’ai pris le temps de la réflexion…

Vous êtes ainsi les premiers à qui j’annonce la grande nouvelle : je pars à l’étranger. Oui, je sais, c’est dur, mais ce n’est que là-bas, en Bulgarie plus précisément, que je pourrai mettre mon talent au service de détaillants d’organes officiant dans des cliniques privées. Non seulement les organes prélevés seront sains, mais en plus ils seront destinés à des patients qui en auront vraiment besoin ! Quelle satisfaction !

Sans compter qu’avec les bénéfices tirés de cette activité, je pourrai vous rembourser au centuple les dépenses que vous avez engagées pour moi. J’imagine déjà les sourires poindre sur votre visage et je ne doute pas que vous partagerez ma joie.

Je vous aime,

François (Hélène) 



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Françaises, Français, 
Beaucoup d’entre vous se demandent la raison de cette soudaine allocution télévisée. 
Rassurez-vous, il n’est pas question de durcir l’état d’urgence, la seule urgence étant l’état de nos finances, qui, si on y réfléchit un tant soit peu, est à l’origine de tous nos problèmes. 
Que mes potentiels adversaires aux prochaines élections ne prennent pas leurs airs les plus outragés, non, je ne mobilise pas la télévision publique à des fins personnelles, non, vous n’aurez pas à décompter cette intervention de mon temps de parole et je vais vous expliquer pourquoi. 
Moi, président, comme tout homme ordinaire, je veux dire par là, normal, si toutefois il existe une quelconque normalité dans notre foutu monde politique actuel, et bien, disais-je, comme tout homme normal, il m’arrive de me poser des questions. 
Et, ce matin, donc, comme tout à chacun, en me rasant, j’ai fait le bilan de ces quelques années passées ensembles, afin de savoir si j’allais me représenter à la prochaine présidentielle. 
Oh là là !!!... 
Déjà, il me faut bien le reconnaitre, je n’ai pas l’impression que vous m’appréciez beaucoup. Quelques soient les efforts que je fasse, les sondages me créditent de moins en moins d’avis favorables. Je devrais dire me discréditent, tant mon impopularité est croissante. 
Ensuite, lorsque je me tourne vers les gens de mon parti, j’en surprends quelques-uns, et ils sont nombreux, fins prêts à me planter un couteau dans le dos, voire à me passer sur le corps. 
Que dire de tous ces ténors de l’opposition qui tirent sur moi, par un feu nourri, en regrettant toutefois que ça ne soit pas à balles réelles. 
Mais, me direz-vous, nous connaissons tout ça, ce n’est pas une nouveauté, où veut il en venir ??? 
Eh bien à ceci… 
Je suis lassé de toutes ces critiques pleines de fiel d’où qu’elles viennent, de droite, de gauche, des cadres, des ouvriers, des gens d’ici, des gens d’ailleurs et j’en passe. 
J’en ai ras le bol de m’éreinter à essayer de contenter des veaux tels que vous, ça ce n’est pas moi qui l’ai inventé, veaux, qui de toute façon ne seront jamais contents. 
En plus, j’en ai par-dessus le casque d’être obligé de me déguiser en motard pour aller voir ma Chérie, et comme je ne veux pas avoir les mêmes problèmes qu’avec la précédente, voilà ce que j’ai décidé. 
Vous allez tous, à droite comme à gauche, faire vos primaires fissa-fissa. 
Vous allez avancer la date des présidentielles au plus vite. 
Non, je ne suis pas candidat aux primaires ! 
Non, je ne suis pas candidat à la présidentielle ! 
Non, je ne participerai pas à cette nouvelle foire d’empoigne qui, vu le nombre croissants de gladiateurs, va probablement se finir dans l’arène, qu’elle soit médiatique ou pas. 
Moi, je fous le camp, me mettre les doigts de pieds en éventail sur des plages paradisiaques et ceci, pas plus tard que ce soir. 
Alors, Julie, prépare les valises, l’avion décolle dans une heure et, que le meilleur gagne. 

Pierre 



À partir d’un inducteur 


 « L’ascenseur est en panne, comme d’habitude. » 

L’ascenseur est en panne, comme d’hab. !!!... 
Allez hop, crapahute de six étages… 
Quel crétin ce dépanneur, je vais encore cracher mes clopes… 
Quand je pense qu’avant, quand je bossais, je te les montais en deux temps, trois mouvements les six étages… 
Toujours pressé, quelle belle excuse pour éviter la papote avec les voisins : 
- La Mémé au toutou du premier 
- La grande famille du second 
- le bègue du troisième 
- Le sportif du quatrième et bien sûr, 
- Le connard du cinquième. 
Non mais, quelle promiscuité !!!... Alors, les escaliers quatre à quatre et j’évitais tout ça… 
Ah, aujourd’hui, c’est un peu différent, je m’arrête à chaque étage, avec un petit mot pour chacun et une longue halte au troisième, le temps qu’il finisse sa phrase... 
Il semblerait que je devienne bien plus social avec l’âge… 
Pierre



L’ascenseur est en panne, comme d’habitude. J’avais entendu des pas sur le palier du 6ème. Je criai un peu plus fort : « L’ascenseur est en panne, comme d’habitude !! » Et c’est alors que mon stupide voisin entonna la stupide chanson de cet imbécile de Claude François et se mit à hurler sur le palier « Comme d’habituuuuuuuuuuuudeuuuuu ! ». 
Je n’avais vraiment pas de chance, le seul qui m’avait entendu alors que j’étais coincé depuis 10 minutes entre deux étages était Stéphane Lemarchand, un gars ordinaire mais totalement bipolaire, et qui manifestement traversait en ce moment-même une période d’exaltation intense. Avait-il saisi la gravité de la situation ? Apparemment non, car il continuait à chanter à tue-tête sur le palier. Mais pourquoi, me direz-vous, n’appuyé-je pas sur le fameux bouton d’alarme présent dans tous les ascenseurs du monde et destiné à être pressé précisément dans ce genre de situation ? Eh bien, je l’ai fait, mais le technicien de maintenance a dû se tromper en programmant le numéro de téléphone, car c’est avec effroi que j’ai entendu, après avoir justement enfoncé le bouton prétendument salvateur : « Vous souhaitez converser avec Olga, tapez 1 ; avec Sabrina, tapez 2… ». Et quand je pense que mon option numéro 3 s’appelle Stéphane Lemarchand, siphonné bipolaire… La journée commence bien… 

Hélène