Atelier d'écriture

L’atelier d’écriture est l’occasion de jouer avec les mots, de faire entendre sa voix, d’écouter celle des autres, de se découvrir. C’est avant tout une expérience ludique, le plaisir de réaliser quelque chose et de le partager. À chaque séance l’animatrice propose de nouvelles consignes, qui servent de point de départ à l’écriture. Cette règle du jeu, par son aspect contraignant, permet de libérer l’imagination. On n’est plus devant une inquiétante page blanche, mais devant une proposition d’écriture, qu’on pourra à son gré suivre de près ou subvertir discrètement. C’est ce qui fait tout le sel de la lecture des textes : on se rend compte que chaque participant a traité la consigne de façon personnelle, provoquant la surprise, le rire ou l’émotion. Les échanges, qui se font dans un esprit curieux et bienveillant, permettent à chacun de prendre du recul sur son propre texte.

Atelier n°7


Proposition n°1 : Cadavre exquis comparatif

- Sujet (groupe nominal) 
- ce n’est pas comme… 
- c’est plutôt comme… 
- ou comme… 
- et même comme… 


Proposition n°2 : Comparaison et métaphore 

Écrire un texte truffé de comparaisons et métaphores, racontant par exemple la journée-type du personnage.


Proposition n°3 : Inclure trois phrases imposées

Phrase de début : « Au changement à Réaumur, comme quoi le monde est petit, je suis tombé sur un gars qui me devait de l’argent, pas grand-chose, huit cents francs. » (Vincent RAVALEC, Cantique de la racaille)

Phrase intermédiaire : « Simon me faisait rire, pas toujours exprès. » (Leslie KAPLAN, Le Pychanalyste)

Phrase de fin : « Après avoir enfilé des vêtements, je suis donc monté dans ma Renault Clio vert pomme. » (Tristan GARCIA, Faber)

Quelques textes du 7e atelier


Cadavre exquis comparatif 

La maison jaune
ce n'est pas comme un éléphant dans une boutique de porcelaine
c'est plutôt comme un ventriloque désabusé
ou comme les girafes du Sri Lanka
ou même comme cette belle baguette de pain encore chaude.

Une petite fleur
ce n'est pas comme la montagne magique
c'est plutôt comme les abricots bleus en hiver
ou comme un plan de Paris froissé
ou même comme une stylite inspirée.

Un beau point rouge
ce n'est pas comme le chat qui bondit
c'est plutôt comme un martini blanc
ou comme un camembert sans goût
ou même comme les iguanes des Bermudes.

Les escargots bourguignons
ce n'est pas comme un funambule
c'est plutôt comme le café quand il fume
ou comme une belle journée d'été
ou même comme un oranger du Mexique.

Un pigeon débile
ce n'est pas comme l'illusion
 c'est plutôt comme une couturière émérite
ou comme moi quand je m'énerve
ou même comme un immeuble rose.

Le léopard rouge
ce n'est pas comme un écran panoramique
c'est plutôt comme un enfant ayant peur d'un clown
ou comme une 4L rose
ou même comme une grenouille sans princesse.

La pizzeria vénitienne
ce n'est pas comme un tableau blanc
c'est plutôt comme une fleur fanée
ou comme un serpentin de carnaval
ou même comme cette pluie fine.


Comparaisons et métaphores


Gilou avait glissé dans les brase de Morphée dès neuf heures du soir, sans fermer les volets. 
À l'aube il fut éveillé par la caresse du soleil sur son visage. Il s'éveilla d'un coup, comme un pantin animé par un marionnettiste habile. C'était le grand jour. Il allait passer son examen de passage dans le monde adulte, son permis d'indépendance ; bref, son premier entretien d'embauche. 
Il passa dans la salle de bains d'où il ressortit propre comme un sou neuf ; puis il enfila son plus beau plumage. Le miroir de l'entrée lui renvoya l'image d'un champion prêt à battre son propre record. Tout guilleret, il se prépara des munitions pour tenir le coup : café, tartines de beurre, yaourt. 
Mais le drame n'est jamais loin. Une cuillère de confiture de fraise vint s'écraser sur sa chemise blanche telle une flaque de sang dans la neige. Gilou baissa la tête. Il ne se sentait plsu si sûr de lui ; le soufflé était retombé. Il n'eut que le temps de changer de pelure avant de partir, tout penaud, vers son destin. 
Vanessa


Ce paquet de chewing-gum contraste de son bleu azur étincelant, tel le point noir du Yang dans le Ying, sur cette table basse à la couleur blafarde de défenses pachydermiques. 
Ce minuscule paquet glacial étincelle de mille feus sur l’âpre couleur de bois laqué, telle la face inversée d’un iceberg pris en contre-plongée. 
Il a pour seul compère un ami bien moins sévère. Un stylo dont l’ancêtre ne put être qu’orange à chapeau bleu, se retrouvant stylisé par ses contemporain en stylo de course dont l’éclat et la couleur passion sanguine n’avait d ‘égal que les chromes de son carénage fuselé. 

Lise souleva d’un geste sec le suaire déposé il y a des années sur la face du fauteuil fétiche de son vieux pépé. Bloquant le souffle de son regard sur la dague de lumière émanant des persiennes, elle contemplait la loi de Newton s’opérer et savourait, tel l’acceptation du deuil, le trépas de chaque grain poussiéreux retournant à l’ombre nourricière qui l’avait vu naitre. 

Le temps courrait tel un lynx à l’arrêt, guettant de son œil félin la proie paniquée qui tournoyait dans sa tête, se frappant sans cesse contre cette voute d’acier où la tristesse restait enfermée. 

Puis la dague fût limpide et vierge de grain. Sa pureté heurta le cœur de Lise de son amicale chaleur, lui rappelant tous ses bonheurs et libérant son chagrin afin que son lynx se rassasie et revienne jouer, tressautant gaiement dans sa tête. 
Loïc 



Inclure trois phrases imposées 

Au changement à Réaumur, comme quoi le monde est petit, je suis tombé sur un gars qui me devait de l’argent, pas grand-chose, 800 francs. 
Enfin 800 francs CFA hein… oui parce que de nos jours, les francs, ça ne s’écoule plus bien. A l’époque de Lulu la Nantaise, ha ça… même en Indochine on écoulait nos Pascal, mais maintenant c’est fini tout ça ! Nous sommes passés à l’euro, la mondialisation et tout le tintouin ! Non mais tu te rends compte ? J’ai même entendu dire au café ce matin que l’on allait intégrer l’Ukraine avec nous… non mais l’Ukraine quoi ! 

Simon me faisait rire, pas toujours exprès. Comme chaque matin, ses cafés avaient dû être bien arrosés, sa paupière gauche commençait à éteindre la lumière alimentant ses hémisphères provoquant de stridents sauts de puces perturbateurs de son œil droit. 

Tu comprends, ce matin, au changement Réaumur je vois le gars… 800 francs CFA, tu sais combien ça fait, petit ? 
8 francs, soit 1€2O environ ? 
Exact ! Même pas de quoi me payer le calvas ! M’enfin il est sympa René, il m’a renfloué en inscrivant dans la postérité du marbre de son ardoise l’échelle des centilitres qui alimentent mes veines de leur feu.
Ha… je l’aime ce liquide tu sais ?… 
Oui, je sais, Simon. 
Mais je disais, ce matin à Réaumur, comme quoi le monde est petit, je suis tombé sur ce type qui me devait de l’argent. 
Tu me l’as déjà dit Simon. 
Et là, alors que je suis sans sous, à faire couler l’encre de ce pauvre René, je te vois, toi, en face ! 
Eh oui ! 
Comme quoi le monde est petit… 
Eh oui ! 
 Et puis il y a des jours comme ça, on dirait qu’il te dit quelque chose le monde tu vois, parce que toi aussi tu m’en dois des sous ! 
Ah… oui ?! 
Oui, tu m’en dois ! 
C’est vrai, mais là je n’en ai pas assez sur moi. Tiens, prends tout ce que j’ai, ça sera en moins sur ma dette… 
Que nenni ! J’ai une envie fracassante de redresser la France aujourd’hui, je vais faire marcher les affaires de notre bon vieux René ! 
Mais je n’ai pas plus que ces 50€, Simon… 
Il y a un fripier à l’angle de cette rue, et nous y allons de ce pas ! me dit-il en me fixant par l’intermittence du tressautement frénétique de son œil droit. 

J’en sorti dépouillé, en caleçon et chaussettes, les joues toutes humidifiées des chaleureuses bises de notre apôtre aviné. 
Heureusement que la veille j’avais découché et que des changes se trouvaient dans mon coffre. Après avoir enfilé des vêtements, je suis donc monté dans ma Renault clio vert pomme.
Loïc 


Au changement à Réaumur, comme quoi le monde est petit, je suis tombé sur un gars qui me devait de l’argent, pas grand-chose, huit cents francs. C'est pas les six mille que je devais à mon frère, ou les huit mille que Lucille venait de me prêter ; mais bon, huit cent francs c'est huit cent francs, et c'était justement la somme que Simon me réclamait depuis des mois. 
À la place du gars, j'aurais fait semblant de pas me reconnaître et je me serais jeté dans n'importe quel métro en prenant l'air concentré. Mais là, il faut croire que j'avais prêté des sous au seul gars honnête de la place de Paris. Il est venu me parler tout de suite, il n'a pas fait semblant d'avoir oublié ; il a même insisté pour qu'on règle ça tout de suite. On est passés à la banque, et je me suis retrouvé un peu hébété avec huit cents francs en poche, moi qui n'ai jamais rien et qui passe mon temps à taper les copains.
J'aurais pu faire une avance à Lucille ou à mon frère, mais ils auraient râlé que c'était trop peu. J'ai décidé d'aller voir Simon. Autant faire un heureux. Il m'a accueilli comme d'habitude, en me demandant combien d'années il allait encore attendre ses huit cents francs. J'ai sorti les billets de ma poche sans rien dire, et j'ai vu ses yeux et sa bouche s'arrondir, on aurait dit un poisson. Simon me faisait rire, pas toujours exprès. Je crois qu'il n'a jamais été aussi surpris de sa vie. Ce type ne me fait pas confiance, je me demande bien pourquoi. Quand il est revenu de sa surprise, il a pris l'argent et il m'a tapé sur l'épaule. 
- Merci Paulo, t'es réglo. Si t'as besoin de quoi que ce soit, n'hésite pas. 
J'ai failli lui redemander de l'argent, mais je me suis dit qu'on allait encore se brouiller si je ne le remboursais pas. Alors je lui ai dit que je cherchais du boulot. Son visage s'est éclairé. 
- Justement, m'a dit Simon, je viens de monter une nouvelle affaire, un service de taxis non officiels. 
- C'est légal, ça? 
- C'est pas des taxis officiels, ce sont de petites voitures ordinaires, personne ne peut deviner qu'on transporte un client. D'ailleurs, on le met à l'avant sur le siège passager. 
- Et vous êtes nombreux ? 
- J'ai deux voitures, une verte et une rouge. Et pour les chauffeurs, il y a moi, ma femme, et toi si tu veux t'associer. 
Un bon plan comme ça, ça ne se refuse pas. J'ai tout de suite signé ; pas signé au sens propre, bien sûr ; on a scellé l'accord autour d'un verre de vin, à l'amiable. Puis le téléphone de Simon a sonné. Je l'ai entendu qui disait : 
- 5 rue de la Vigne, OK, dans dix minutes. 
Il s'est tourné vers moi et m'a dit : 
- Ta première course ! 
Et il a été me chercher l'uniforme officieux de sa nouvelle entreprise : un jogging vert, assorti à la voiture. Après avoir enfilé des vêtements, je suis donc monté dans ma Renault Clio vert pomme.
Vanessa