Atelier d'écriture

L’atelier d’écriture est l’occasion de jouer avec les mots, de faire entendre sa voix, d’écouter celle des autres, de se découvrir. C’est avant tout une expérience ludique, le plaisir de réaliser quelque chose et de le partager. À chaque séance l’animatrice propose de nouvelles consignes, qui servent de point de départ à l’écriture. Cette règle du jeu, par son aspect contraignant, permet de libérer l’imagination. On n’est plus devant une inquiétante page blanche, mais devant une proposition d’écriture, qu’on pourra à son gré suivre de près ou subvertir discrètement. C’est ce qui fait tout le sel de la lecture des textes : on se rend compte que chaque participant a traité la consigne de façon personnelle, provoquant la surprise, le rire ou l’émotion. Les échanges, qui se font dans un esprit curieux et bienveillant, permettent à chacun de prendre du recul sur son propre texte.

Atelier n°7


Proposition n°1 : Inventaire


« Choses qui font peur »

Proposition n°2 : Quatrième de couverture d’un livre fictif


Chacun invente un livre et rédige sa 4e de couverture, comprenant un titre, un éditeur, une présentation du contenu, de l'auteur, éventuellement une citation critique...

Proposition n°3 : À partir de 3 phrases imposées


Phrase de début:
« L’été fut troublé par un événement inattendu. » (Romain Gary, La Promesse de l’aube)
Phrase intermédiaire:
« C’était la fin de l’après-midi, et Beaumanoir ne contenait plus une goutte de vin. » (Gu Long, Les Quatre brigands du Huabei)
Phrase de fin:
« Elle se leva, passa la porte médiévale et s’éloigna pour grimper dans la montagne. » (Clara Dupont-Monod, S’adapter)

Quelques textes du 7e lundi


Inventaire : choses qui font peur


- Les serials killers
- Les kilos
- Les pas derrière moi
- Les bruits de rue que je n’identifie pas
- Les rires très aigus
- Rater mon train
- Ne pas retrouver mon chemin 
- Les Vosges, de manière générales les forêts par mauvais temps
- Les insectes

Nicole H.

Quatrième de couverture d'un livre fictif


Le cri de la chouette, de Luc de la Bonnière – Éditions Coeur menthe à l'eau

Le dernier opus de Luc de la Bonnière nous emmène dans la vie nocturne et champêtre des monts d'Arrée. L'on y retrouve la fée Morgane et ses pouvoirs magiques, teintés ici d'un érotisme délicat. Le lecteur est invité à découvrir les péripéties multiples et parfois cocasses que déclenche l'espièglerie de Morgane.
Car la fée n'est pas exactement celle de la légende mais plutôt une aventurière moderne qui n'hésite pas à enfourcher sa grosse cylindrée pour parcourir la lande bretonne.
Cette lande réserve elle aussi des surprises, abritant des lieux de perdition pour marins au rencard. Si ceux-ci célèbrent leurs aventures passées avec force rasades de chouchen, Morgane se mue à leur égard en gardienne de leur humanité. Car au fond, les durs à cuire de la mer restent souvent des enfants qu'il faut consoler... parfois avec une application qui n'a plus rien de maternelle.
Le lecteur trouve ici matière à rire mais aussi à réflexion sur la destinée de l'Homme qui ne décevra pas les lecteurs des précédents ouvrages souvent plus légers de l'auteur.

Luc de la Bonnière a récemment reçu le prix Gala 2022 pour son roman Les sucettes à l'anis.

Jacques-André
 
*****


« L’âme de fond » et autres nouvelles
Albert Desfontaines
Ed. La Belle Etoile – 2020

Eléone s’est réveillée la tête lourde d’une question essentielle : Qui est-elle ? Bien d’autres s’en suivront…

Par le biais du questionnement, Albert Desfontaines nous entraîne de façon très subtile dans une vertigineuse introspection.
« L’âme de fond » est la première nouvelle de ce recueil qui en compte sept. Énigmatiques, drôles ou terrifiantes, chacune d’elles confirme l’art de l’auteur en la matière.

ÉcrIvain, poète, dramaturge, Albert Desfontaines ne cesse de se renouveler.

Nicole H.
*****


Le souriceau dans le bac à douche
Contes et légende du 12e arrondissement de Paris
par Ornella Dumoutier et. al.
Éditions "Les mystères du quotidien", 2024.

Cet ouvrage érudit, au style enchanteur, recense les légendes qui circulent dans le 12e arrondissement depuis des siècles. Les auteurs ont rencontré de nombreux conteurs et conteuses, dont la célèbre chamane Fleur de Ficus, âgée de cent-un ans, pour collecter leurs récits.
Parmi les plus célèbres, on retrouve bien sûr l’espiègle souriceau du bac à douche, mais aussi le fantôme des canalisations, la fée cannibale du Bois de Vincennes, ou encore le Prince des Puces de Picpus. Chaque conte est précédé d’un court rappel historique et géographique. Et c’est tout le 12e arrondissement qui déploie devant nous son mystère, sa magie blanche et noire, ses contes transmis de générations en génération, pour le plus grand plaisir du lecteur.
« Ces contes et légendes du 12e nous ont transportés » (Magazine bi-annuel du métro Avron).

L’équipe de la professeure Dumoutier, de l’université Paris 12bis, est très réputée dans le domaine du conte ultra-local. Son ouvrage précédent, Sorcellerie sans complexe dans le 11e arrondissement de Paris, a été adapté sur scène avec succès, au Théâtre 11 bien entendu.

Vanessa


À partir de trois phrases imposées


« L’été fut troublé par un événement inattendu ». La campagne était resplendissante telle une belle femme blonde. Les paysans, en sueur sous leur feutre couleur terre, s’acharnaient à recueillir l’or des semailles, à édifier d’imposantes meules aussi parfaites que des mottes de beurre.
Soudain, un cri phénoménal, monstrueux comme celui d’une bête, déchira l’air tremblant. Il se prolongea longtemps, se répéta. Les regards des hommes, tétanisés dans leur geste, avaient lentement convergé vers le château et s’étaient élevés jusqu’au donjon. Car de là, venait la plainte inhumaine.
Le silence s’installa et les hommes, toujours dans la surprise de ce qu’ils venaient d’entendre, reprirent leur tâche. L’air de nouveau fut troublé, par des gémissements cette fois, s’y mêlaient de faibles cris.
Dame Fénégonde venait avec douleur de donner la vie à celui qu’on nommerait sans tarder Galéon.
La grossesse, fruit d’un adultère, avait été tenue secrète et la Dame mise au plus sûr de la forteresse. On sut plus tard que l’époux légitime, maître des lieux, fut saisi, à la vue de ce petit mâle rouge et grimaçant, d’un bonheur irrépressible dans lequel la fierté n’était pas étrangère. 
Le mari, dès qu’il prit conscience de l’arrondi du ventre de sa belle, avait pris soin de questionner icelle avec fureur, car impuissant il ne pouvait, hélas, prétendre à la procréation.
L’auteur des faits, à la faveur de quelques indiscrétions royalement récompensées, fut promptement dénoncé, mis au cachot et le temps pour lui d’avouer, écartelé sans autre informé.
Fénéconde pardonnée, fut descendue de sa geôle et retrouva le moelleux de la couche conjugale, Galéon à son sein.
Le suzerain convia à un généreux banquet qui débuta bien avant le soir, tout ce que son fief comptait de manants. On but plus que de raison et bientôt il fallut renouveler les breuvages. Hélas les barriques avaient écoulé tout leur sang. « C’était la fin de l’après-midi et Beaumanoir ne contenait plus une goutte de vin. » On envoya alors deux ou trois sires point trop vacillants et pourvus d’écus, menant deux mules chacun en quérir au domaine voisin. Ils s’en revinrent chantant à tue-tête, traînant derrière eux les pauvres bêtes harassées sous la charge. On put reprendre les ripailles qui durèrent jusqu’à l’aurore du jour suivant.
Fénégonde ayant retrouvé toutes grâces voulut en remercier le ciel. « Elle se leva, passa la porte médiévale et s’éloigna pour grimper dans la montagne. » 

Nicole H.


*****


L’été fut troublé par un événement inattendu. Un samedi matin, notre paisible village de Saint Bignoul du Gard vit débouler sur la grand-place un car de tourisme d’où descendirent une vingtaine de grands gaillards en short, chaussettes dans les claquettes et bob sur la tête. Celui qui semblait être leur chef (car il avait un plus gros sac à dos et un bob de couleur rouge) regarda autour de lui, repéra immédiatement Beaumanoir, notre café-restaurant principal, et y entraîna sa troupe.
— Et qu’est-ce qu’on boit dans ce charmant estaminet? demanda le chef avec bonhommie.
Lucette, la patronne, ne se laissa pas impressionner.
— On boit ce qu’on vous sert.
Et elle leur monta de la cave cinq bouteilles de rouge local.
Égayés par l’alcool, les hommes lui racontèrent qu’is visitaient les plus beaux villages de France entre hommes, pour se changer les idées. Saint Bignoul du Gard est très joli en effet, avec ses vestiges du Moyen Âge et les chemins de randonnées qui l’entourent. Mais le groupe ne paraissait pas pressé de le visiter. Sans rien dire, Lucette apporta deux caisses de vin rouge, une eau-de-vie qu’elle avait concoctée dans sa baignoire, ainsi que des planches de charcuterie et de fromage.
Le temps passait. C’était la fin de l'après-midi, et Beaumanoir ne contenait plus une goutte de vin. Le chef proposa alors à ses hommes de prendre quelques photos pour montrer à leurs femmes qu’ils avaient bien visité Saint Bignoul. Tous se levèrent pesamment. Il leur fallut un bon quart d’heure pour réunir leurs affaires, remercier la patronne et sortir sur la place, où ils prirent une photo de groupe sous de clocher.
Lucette ramassa les verres et les bouteilles vides. Elle avait fait une bonne journée, mais le tintamarre des voix masculines éméchées l’avaient fatiguée. Elle avait besoin de respirer. Elle se leva, passa la porte médiévale et s’éloigna pour grimper dans la montagne. 

Vanessa