Atelier d'écriture

L’atelier d’écriture est l’occasion de jouer avec les mots, de faire entendre sa voix, d’écouter celle des autres, de se découvrir. C’est avant tout une expérience ludique, le plaisir de réaliser quelque chose et de le partager. À chaque séance l’animatrice propose de nouvelles consignes, qui servent de point de départ à l’écriture. Cette règle du jeu, par son aspect contraignant, permet de libérer l’imagination. On n’est plus devant une inquiétante page blanche, mais devant une proposition d’écriture, qu’on pourra à son gré suivre de près ou subvertir discrètement. C’est ce qui fait tout le sel de la lecture des textes : on se rend compte que chaque participant a traité la consigne de façon personnelle, provoquant la surprise, le rire ou l’émotion. Les échanges, qui se font dans un esprit curieux et bienveillant, permettent à chacun de prendre du recul sur son propre texte.

Atelier n°7


Proposition n°1 : Inventaire


Mes petits plaisirs quotidiens


Proposition n°2 : Exercices de style 


Comme dans le livre éponyme de Raymond Queneau, on part d'un texte court et factuel, et on le réécrit dans des styles variés.


 Proposition n°3 : Sur un thème


« Demain j’arrête… »

Quelques textes du 7e lundi

Exercices de style


Texte de départ


Un homme en pyjama ouvre la porte au facteur qui lui tend un colis. Il l’ouvre, en sort une paire de chaussures et constate qu’elles ne sont pas à sa taille. Un peu plus tard il prend une douche, s’habille, et se rend à la poste pour renvoyer son colis. Il ne l’a pas bien fermé, alors la postière lui tend un rouleau de scotch. L’homme répare son paquet et raconte l’erreur de livraison. La postière répond qu’elle n’a jamais eu ce genre de problème, peut-être parce qu’elle est du métier. L’homme profite de son passage à la poste pour acheter un carnet de timbres.


Joyeux


Charles-Hubert vêtu d’un magnifique pyjama rose accueille le facteur d’un large sourire. Celui-ci, charmant, lui remet un joli colis. Il l’en remercie vivement. Il essaie avec entrain les chaussures du colis. Tiens, se dit-il, je n’ai pas pu commander ces élégantes chaussures d’enfant. Bon, qu’à cela ne tienne, je vais les rapporter à la Poste, cela me promènera. Au bureau de poste, la délicieuse préposée l’aide à bien refermer le colis. Elle dit que son métier est formidable parce que voilà un incident qui ne lui est jamais arrivé et que cela rompt la routine. Sur le côté de son guichet sont proposés à la vente de très beaux timbres sur les régions de France. Charles-Hubert en achète deux planches.

Jacques-André

Déprimé


Que la vie est triste... Regardez ce pauvre homme condamné à livrer lettres et paquets jours après jour... Et cet autre homme, tiré de son lit à pas d'heure, les yeux cerclés de noir, pour recevoir quelque inutile colis. Et ne parlons pas de la poste, avec ses agents harassés et ses clients qui font la queue comme à l'entrée des enfers, poste où nous retrouvons le même homme aux yeux cernés avec son paquet, son rouleau de scotch, et ses déprimantes considérations sur notre société de consommation. Même la dame du guichet, qui se vante de ne jamais renvoyer un paquet, ne fait que souligner par ces mots la vacuité de sa vie et l'absurdité de celle de son client. Oh! que la vie des humains est triste!

Vanessa


Subjectif : le facteur


Paul est facteur depuis vingt ans. Ce métier commence vraiment à l’ennuyer.
Il en a assez de n’avoir comme interlocuteurs que les innombrables boites aux lettres. Il a donc demandé à ses supérieurs hiérarchiques s’il y avait une possibilité de rencontrer des êtres humains. On lui a donc proposé de livrer des colis, proposition qu’il a acceptée avec enthousiasme. Le premier jour de son nouveau boulot, il se rend dans un immeuble sans ascenseur et monte le colis au 6ème étage. Il sonne à la porte indiquée. Un vieux monsieur en pyjama lui ouvre et prend le paquet sans le remercier.
Il redescend à vive allure et continue son travail jusqu’à 14h, heure à laquelle se termine son service. Il mange rapidement un sandwich pour le déjeuner et retourne rapidement à la poste pour aller voir Eléonore qui travaille à la réception des clients. Paul en est amoureux. Platonique certes mais amoureux quand même. Il bavarde un peu avec elle, profitant de l’absence de clients. Soudain il voit arriver le monsieur qui était en pyjama ce matin avec le colis qu’il lui avait livré.
Ce monsieur veut renvoyer le colis car, dit-il, les chaussures qui lui ont été livrées aujourd’hui ne sont pas à sa taille. Il remet le paquet à Eléonore qui lui dit alors : « Monsieur, vous avez mal refermé le paquet» en lui tendant un rouleau de scotch. Elle parait très étonnée de cet incident qui ne lui est jamais arrivé.
Le monsieur du 6ème, porteur de pyjama, refait alors le paquet avec maladresse mais finit quand même par réussir. Paul et Eléonore le regardent avec étonnement.
Après avoir remis me paquet, M. Pyjama demande un carnet de timbres. Paul pousse alors un soupir de soulagement. Il va pouvoir enfin continuer à bavarder avec Eléonore.

Patrice


Roman noir


Quelqu’un frappe à la porte. Joe saisit son Mauser armé et, après un instant, ouvre violemment la porte.
— Qu’est-ce que c’est?
— Votre colis, Monsieur, répond le préposé.
— Ouais. Salut !
Il pose son revolver et ouvre précautionneusement le paquet. Encore un colis piégé ? se demande Joe. Non, des chaussures! De ville ! Moi qui ne porte que des Santiags. J’vais leur rendre ça fissa.
— Madame, faites pas suer, vous refermez votre colis vous-même ou sinon - et il fait mine de lui tirer dessus avec son index et son majeur pointés vers elle. Elle ravale ses réflexions et sa salive.
En partant, il chourave des planches de timbres, posées sur le côté du guichet et s’arrache vite fait.

Jacques-André


Quatrième de couverture


L'homme aux chaussures trop grandes (roman) par Leslie Pompadour
Éditions Mercure de France

Ce premier roman commence par un bouleversement dans la vie du personnage principal, qui n'est jamais nommé, lorsqu'il reçoit une parie de chaussures en taille 45 alors qu'il fait du 42. À partir de cet événement inattendu, les péripéties s'enchaînent, dans un style sobre qui contraste avec la profondeur du sujet, jusqu'à un dénouement bouleversant.
"Un chef-d'oeuvre d'observation" (le Monde des livres).
Ce roman a reçu le prix "envoyé par la Poste".

Vanessa

Tanka


Un facteur avec des chaussures
Un rouleau de scotch
C’est le métier
Un carnet de timbres.
Erreur.

Jacques-André

Romantique


Julien, tiré de son sommeil par le carillon délicat de la sonnette, ouvre la porte et se trouve face à une véritable apparition: un jeune homme au sourire enjôleur, qui lui tend un paquet comme on offre un cadeau. Encore sous le coup de cette rencontre, Julien ouvre son paquet et constate que sa commande n'est pas la bonne. Il en conçoit une joie profonde: il va avoir l'occasion de revoir Jessica la postière, et enfin, peut-être, de lui parler.
Julien est un grand romantique. Pour garder le souvenir de cette deuxième rencontre de la journée, il s'offre un carnet de timbres. Il les gardera toute sa vie dans son portefeuille.

Vanessa


Interrogatoire


— Papa, pourquoi n’as-tu pas mis tes nouvelles chaussures ? 
— Ils m’ont livré une paire qui n’était pas à ma taille ! 
— Avais-tu indiqué la bonne taille en commandant sur internet ? — Ben oui, j’avais bien indiqué la taille 48 ! 
— Mais papa, es-tu sûr que ta taille est bien le 48 ?
— En fait je ne sais plus quelle est ma vraie taille.
— Et alors, qu’as-tu fait ?
— J’ai rapporté le paquet à la poste !
— Et quelle taille as-tu commandé ?
— Ben, le 49… !
— Comment veux-tu pouvoir commander des chaussures sur internet si tu ne connais même pas ta vraie taille ? Papa, là, je trouve que tu exagères quand même ! Tu ferais mieux d’aller chez un vrai marchand de chaussures ! Là au moins, tu pourrais vérifier quelle est ta vraie taille. À mon avis, il vaudrait mieux que tu abandonnes les commandes sur internet, ou au moins pour les vêtements et les chaussures !
— Ouais, t’as p’têt raison ma fille.

Patrice

Rêve


Peut-être étais-je en pyjama, il me semble que oui. Un facteur me livre un pli recommandé. Ah non un colis, oui c’est bien un colis. Des chaussures de luxe à l’intérieur. Mais pas à ma taille.
Plus tard oui c’est ça je me retrouve à la Poste pour rendre ce paquet qui ne m’était pas destiné. Après je ne sais plus et je passe dans un autre milieu mais je ne me souviens plus bien. Entretemps je crois m’être réveillé, la queue du chat m’a chatouillé.

Jacques-André


Lettre officielle


Pour faire valoir ce que de droit

Monsieur,
Je souhaite porter à votre attention les événements suivants qui se sont déroulés de jour, lundi 13 mars, à 8h12 du matin. Un dénommé Julien S, résidant de notre immeuble depuis peu, a reçu un colis livré par la poste. Détail non négligeable, il a ouvert la porte vêtu d'un simple pyjama. Une heure plus tard environ, le susdit a de nouveau ouvert la porte, parfaitement habillé cette fois, le même colis sous le bras. Par souci de précision je me suis permis de le suivre, et je peux attester qu'il s'est rendu au bureau de poste de la rue du Rendez-Vous. Là je l'ai vu réparer son paquet avec du scotch et discuter avec l'employée. Je peux également attester qu'il a acheté un carnet de timbres.
Je me tiens à votre dispositions pour répondre à vos questions et vous prie d'agréer, Monsieur, l'expression de mes salutations distinguées.

Signé: Monsieur X (Vanessa)


Glamour


Délicatement je me détourne du corps alangui d’Amanda pour aller ouvrir. La factrice me regarde de la tête aux pieds. Je m’aperçois avoir omis de me vêtir! 
— Oh, excusez-moi. 
— Non, non, tout le plaisir est… voici un colis pour vous.
Et elle tourne les talons après un regard langoureux. C’était une erreur. Dommage. J’aurais voulu que ces escarpins léopard fussent de la taille des pieds d’Amanda. Ah, les pieds d’Amanda 
J’enfile rapidement quelque chose et vais rapporter le colis au bureau de Poste. La postière, un parfum d’ambre musqué dans les cheveux, m’aide à refaire le paquet… Nos doigts s’emmêlent quelque peu, ce qui la fait rosir un brin.
— À la prochaine erreur de colis, me glisse-t-elle.

Jacques-André



Thème : "Demain j'arrête..."


Je suis tueur professionnel. Je pratique ce métier depuis 40 ans sans jamais avoir été inquiété. J’ai assassiné 500 personnes en France et à l’étranger.
Afin de ne pas éveiller les soupçons de la police, mon activité quotidienne est la mendicité.
Vous allez me demander : « Mais comment faites-vous pour obtenir vos missions ? »
En fait, en un endroit précis de Paris que je ne peux dévoiler et que je visite tous les jours, je reçois régulièrement un petit papier sur lequel figurent le nom et l’adresse de la personne à abattre dans un délai maximal d’une semaine.
Je ne connais pas la raison de ces meurtres à commettre. Simplement, j’ai besoin d’une semaine pour localiser et identifier la personne concernée, choisir le moment et le lieu pour faire disparaitre la personne désignée.
Pour réaliser ces actions je peux me servir d’une arme blanche, d’un poison, d’un véhicule mais jamais d’une arme à feu.
Quand j’utilise un véhicule que je vole au préalable, il m’est nécessaire de commettre mon meurtre la nuit dans un lieu désert pour ne pas risquer d’être vu par un témoin. Ensuite il me revient de nettoyer le véhicule à l’intérieur et à l’extérieur pour effacer toute trace de mon acte. Ensuite je l’abandonne dans un lieu éloigné de l’exécution.
Pour le poison, il suffit d’être dans un restaurant au même moment que la cible et profiter de la seconde où elle s’absente pour agir, tout ça, bien sûr sans être vu par le personnel du restaurant. Hier, j’ai failli me faire surprendre par le serveur au moment où je jetais la pilule empoisonnée dans le verre de vin de la future victime.
Heureusement j’ai réussi à m’éclipser discrètement, ayant déjà payé mon repas depuis quelques minutes.
Ah oui, j’oubliais : je suis payé en liquide avant chaque assassinat. Je n’ai pas de compte en banque et mes millions sont planqués dans un pays étranger dans un lieu que je suis le seul à connaitre.
Étant riche, très riche, demain j’arrête.

Patrice



Atelier n°6


Proposition n°1 : Texte à trous 


Un court texte avec des mots manquant, à remplir avec une contrainte: tous les mots doivent commencer par une lettre imposée.


Proposition n°2 : Critique de film


Chacun choisit une photo montrant un ou des personnages en action, en imaginant que c’est une photo de tournage ou tirée d’un film. Chacun rédige la critique de ce film fictif : son titre, son sujet, ce qu’on pense de la réalisation, de acteurs, du scénario...


Proposition n°3 : L’avis d’un spectateur 


En réponse au texte d’un autre participant, un spectateur qui a vu le film donne son point de vue : article de blog, courrier des lecteurs, intervention au Masque et la Plume…


Bonus: Écrire à toute vitesse


Une personne lance un mot, et tout le monde écrit une phrase incluant ce mot. Puis une autre lance un 2e mot et chacun écrit la suite du texte en incluant ce mot. Etc.

Quelques texte du 6e atelier


Critique d'un film fictif et réponse d'un spectateur






« Le vieux et le chien », joué par Jean Darmanin qui met en scène le film


Jean Darmanin joue avec le chien Hannibal, ils ont été très complices pendant ce tournage. Jean Darmanin joue très bien et dirige très mal les autres acteurs.
L’histoire : un vieil homme et son chien. Le vieil homme est parti de sa maison de retraite pour rejoindre son chien Hannibal. Hannibal était dans un chenil où son maître Gaspard est venu le chercher. Gaspard a donné rendez-vous à ses copains qu’il a prévenus qu’il faisait une fugue.
Et tout le film se passe au bord de la mer. Une équipe de choix a tourné le film avec les plus grands acteurs de leur génération.
Hannibal accompagne son maitre avec tous ses copains en Normandie. C’est une journée d’hiver où il fait très beau. Jean Darmanin joue très bien, mais il aurait pu s’abstenir de faire la mise en scène. La photographie est géniale, avec les paysages formidables de la Normandie. La musique est formidable, mais elle ne va pas avec le sujet.
On est passionnés par les aventures de Hannibal qui joue à merveille son rôle de chien.

Sylvie

***

Bonjour,
Je tiens à réagir à la critique du film « Le vieux et le chien » parue la semaine dernière dans votre journal. Je vous trouve sévères envers les acteurs, à mon avis ils se débrouillent très bien malgré le scénario indigent et la mise en scène prétentieuse.
Je suis d’accord avec vous sur le fait que Jean Darmanin est un mauvais metteur en scène. Mais comme acteur il est encore pire ! Dans le rôle du vieux sympa et touchant qu’il s’est attribué, il en fait des caisses. Il grimace comme un acteur du cinéma muet, chaque émotion est surjouée et encore soulignée pas une musique larmoyante, c’est insupportable. Je suis partie avant la fin, j’ai sans doute manqué un grand moment de tension dramatique (non, je plaisante !).
Le seul point sur lequel je vous rejoins est la qualité de jeu du chien ; de plus il est très beau et donne envie de courir avec lui au Parc de Sceau au lieu de perdre son temps dans une salle obscure à éplucher un navet.

Kelly Graphie (Vanessa),
Bourg-la-Reine 







Panique chez les aristos


On s’attendait au pire en recevant le dossier de presse de « Nos chères têtes blondes », la dernière comédie de Kévin Durillon.
Il nous avait affligés avec son buddy movie scatologique « Prout et Pétard », et ne s’était pas rattrapé avec sa comédie romantique « Quand Bichon rencontre Triton ». Son dernier film est donc une belle surprise. Le sujet n’est pas nouveau, mais il est traité avec une certaine finesse.
Une famille d’aristocrates voit son quotidien bouleversé par l’arrivée d’un nouvel enfant. Le bébé, blanc et blond comme ses sœurs à la naissance, devient de pus en plus basané au fil des jours. Les premiers cheveux tombent et sont remplacés par une chevelure brune et frisée. Les parents horrifiés voient leur enfant développer des traits typiquement maghrébins.
Évidemment le père soupçonne la mère, jouée de façon magistrale par Isabelle Huppert. L’aristocrate parfaite, maîtresse de maison accomplie et mère dévouée, a-t-elle trompé son mari ? Ou bien un gène plus ancien, entré illégalement dans la famille, est-il en train de ressurgir ? Le mélange de suspense et de comédie nous accompagne agréablement pendant une heure quarante, jusqu’au retournement final.
Pour la première fois je recommande un film de Kévin Durillon, qui semble avoir enfin dépassé les provocations adolescentes pour entrer dans l’âge adulte. « Nos chères têtes blondes » vaut le déplacement, dans le désert artistique de nos salles de cinéma en période de vacances scolaires.

Jean-Charles Mérinos (Vanessa), L’Obs







Rencontre au bout du monde


En voyant ce couple tenant, semble-t-il un bar, qui pourrait imaginer leurs histoires respectives de ces dix dernières années ?
Lui, Alfred était SDF à Paris depuis une dizaine d’années et passait son temps à mendier, assis en permanence devant une banque en buvant des bières à longueur de journée. Il interpellait les passants en leur racontant des histoires à dormir debout. La plupart des passants passaient devant lui sans lui adresser la parole ni même le regarder et à fortiori lui donner la moindre obole. 
C’était à se demander comment il parvenait à se payer les nombreuses bières qu’il consommait. Mystère…
Un jour pourtant, une dame généreuse lui remit un billet de 50 euros. Il se confondit en remerciements en des termes inhabituels et même un peu poétiques.
Sitôt la brave dame partie, il se leva d’un bond et courut au café-tabac du coin pour s’offrir un whisky et se payer un Cash. Lorsqu’il gratta le Cash, il n’en crut pas ses yeux : il venait de gagner 500 000 euros ! Une folle joie l’envahit. Dès qu’il eût perçu sa petite fortune, il décida de prendre un billet d’avion pour le pays de ses rêves, l’Australie
Dès son arrivée à Sydney il alla boire un verre dans un pub. Il vit une jeune femme assise seule à une table. Il lui demanda poliment en français s’il pouvait s’asseoir à sa table. Elle lui répondit dans la même langue : « mais avec grand plaisir cher monsieur ». Il fut surpris et enchanté. Ils entamèrent une longue discussion. En fait, elle était française, se nommait Alice et était seule dans la vie depuis qu’elle s’était installée en Australie.
Ils tombèrent très vite amoureux et décidèrent de retourner en France une semaine après leur rencontre. Ils ouvrirent un bar à Paris.
Voici donc Alice et Alfred au Sydney Club.

Patrice

***


J'ai vu Rencontre au bout du monde après y avoir été incité par la critique très exhaustive de Jules Cafard dans Le Provençal.
Je n'ai pas été déçu même si je ne crois pas avoir vu le même film que le critique. Au lieu d'un conte à l'eau de rose, j'y ai vu , moi, une analyse anthropologique du petit peuple.
L'addiction à l'alcool d'Alfred renvoie au désespoir éprouvé par les victimes de la mondialisation. Les illusions entretenues par un billet de loterie ne doivent pas faire oublier leur condition. 
Le tableau n'est pas aussi noir qu'il y paraît, et tend d'ailleurs vers le rose comme l'eau du même tonneau. Alfred et Alice ouvrent un bar, le Sydney Club, et servent beaucoup de petits canons, alors même qu'Alfred a décidé de n'en plus boire un seul.
C'est là une sortie par le haut de ces destins parfois tragiques, interprétés ici par deux acteurs totalement inconnus mais tellement vrais.

Jacques-André








"Le Réverbère", critique du film

Alexis Galuchon nous avait habitués à des films intimistes se passant à la campagne. Son dernier film, "Le Réverbère", change d'angle de vue pour nous projeter dans un univers urbain. Le choix du noir et blanc sied particulièrement bien à l'histoire.
Son titre ne laisse d'étonner étant donné que ledit Réverbère – pourtant présent sur l'affiche du film – n'apparaît que sur un seul plan. L'on aurait pu s'attendre à ce que l'objet en question nous éclaire d'une façon ou d'une autre sur l'action du film. Il n'en est rien.
Au contraire, Alexis Galuchon s'évertue à brouiller les pistes, à l'image de l'affiche où l'arrière-plan est nimbé de brouillard. L'action se situe au milieu des années 50 dans un pays jamais nommé mais que le spectateur reconnaîtra aisément.
Passées les premières images dénuées de toute action sinon la chute de neige continuelle, deux individus en grande conversation deviennent centraux au point que le plan se rapproche au plus près de chacun d'eux. C'est l'occasion de voir Hippolyte Girardot dans le rôle d'un espion de l'Est de haut vol. Son protagoniste, interprété par Bruno Podalydès, nous surprend tant par son jeu décalé que par ses prises de position proprement inscrites dans la ligne du Parti.
Ainsi donc, "le Réverbère" serait un film politique en écho à certains Costa Gavras ? Pas le moins du monde, car Alexis Galuchon saute entretemps d'une époque à l'autre, d'un destin à l'autre. Le spectateur, perdu en chemin, est récupéré in extremis vers la fin du film dont la chute ne peut être déflorée, car elle demeure tout l'intérêt du film que nous recommandons vivement.

Jacques-André





Réponse à la critique du film


Manifestement ce film qui met en scène des animaux en laine tricotée est, à mon humble avis un peu gnangnan.
Vision édulcorée d’un monde qui voudrait nous décrire une cohabitation pacifiée entre de nombreux animaux. Les êtres humains en sont absents.
Et, de plus, de manière étonnante et presque choquante, on trouve, accrochées au mur à gauche et à droite, deux têtes de cerf empaillées. Ces cerfs ont-ils été chassés par un ou plusieurs des animaux présents ou par l’homme ? Le doute existe en tout cas, semble-t-il.
La question : ce film est-il destiné aux enfants ? Pour ce qui me concerne, je n’amènerais jamais un de mes petits-enfants voir un tel film.

Patrice



Écrire à toute vitesse


Mots choisis par le groupe : lumière, chien, bouchon, lierre, dispute, disque, ile déserte


Et la lumière fut. Le chien de la maison, habitué à vivre dans l’obscurité, se mit à aboyer comme un fou. C’est sûrement un hasard mais le bouchon de la bouteille de champagne ne résista pas à ce bruit et explosa. Devant ces évènements le pot de lierre se fractura et la terre se répandit sur la moquette. Du coup, le couple qui vivait dans cet appartement entama une dispute violente sans raison apparente. Pour calmer tout ce petit monde, l’épouse mit le disque de Lucia Di Lammermoor et l’air de la folie calma l’atmosphère. De ce fait, l’intention de chacun d’aller s’isoler sur une ile déserte pour fuir cette dispute disparut comme par enchantement.

Patrice


Malgré son prénom, Stella n'était pas une lumière. Son chien bouledogue croisé chihuahua était beaucoup plus éveillé qu'elle. Il se nommait Bouchon, et c'est lui qui triait le courrier, répondait au téléphone et faisait la cuisine. Il avait aussi planté du lierre pour décorer la salle de bains et faisait pousser des plantes aromatiques dans la cuisine. Il n'y avait jamais de dispute entre Bouchon et Stella, grâce à une bonne répartition des tâches. La jeune femme était chargée de passer les disques lors des soirées, pendant que Bouchon réalisait les cocktails. Ils étaient tellement bien ensemble qu'ils auraient pu vivre tous les deux sur une île déserte.

Vanessa

Atelier n°5


Proposition n°1 : Les acronymes


Détourner les acronymes en leur donnant un sens nouveau.
OVNI ; CAPES ; SNCF ; PME ; VTT; RTT

Proposition n°2 : À partir de 4 mots


On prépare 4 tas de papiers où chacun pioche : 
- Une couleur 
- Un lieu  
- Un objet
- Une émotion


Proposition n°3 : À partir d’une dernière phrase


« Heureusement on arrivait dans la station, elle prit Eva par la main pour l’obliger à descendre. »
(Leslie KAPLAN, Le Psychanalyste)

Quelques textes du 5e lundi

Acronymes


OVNI : ouverture vers notre ineptie
SNCF : sachez nous chasser félons
CAPES : chamboulement après plusieurs essais simulés
PME : petite maman étonnée
VTT : votre téléphone tactile
RTT : réponse théocratique terrible
Patrice

À partir de 4 mots


vert, toilettes, surprise, vélo

Très peu de véhicules empruntent cette route bordée de peupliers. Il lui est donc loisible d'occuper toute la largeur de la route, de faire des zigzags voire du rodéo sur la roue arrière : aucun danger. Son vélo vert s'assimile si bien à la nature environnante qu'il disparaît dans le décor. 
Il se retrouve alors promeneur et prend un chemin de traverse. Le bruissements des insectes dans la chaleur de l'été, l'exhalaison des fleurs sauvages, le chant du ruisseau l'emmènent dans un espace poétique. La saison fait sa toilette. Les fées ne sont pas loin. 
Il trouve un point d'appui ombragé sous un haut châtaignier abritant un mégalithe moussu. Il rêve. 
Il rêve – surprise ! - d'une fourmi géante qui le regarde paisiblement. Il se hisse sur le dos de l'insecte qui parcourt le paysage à pas de géant. 
Voilà bientôt un bord de mer sous un ciel sans nuage. La fourmi géante a pris le chemin du retour. 
Il entre dans l'eau limpide et nage loin. 
Soudain... ses pieds reposent sur... un banc de sable ? Non... un sous-marin qui émerge. 
Il est invité à y pénétrer. Il n'a rien d'un engin militaire. Au contraire ! Les cloisons de couleur rose sont partout présentes. Les sous-mariniers sont revêtus de costumes Jean-Paul Gaultier en harmonie avec leur maquillage. Nulle tubulure, nul couloir interminable mais un agencement en bois d'acajou et une succession de petits salons d'agrément et alcôves. 
L'ambiance y est gaie, la musique de Pink Floyd en harmonie avec l'ensemble. Il découvre d'ailleurs un groupe de musiciens interprétant lui-même cette musique. Un concert dans un sous-marin ! Ce sera son meilleur souvenir.

Jacques-André 

*****

orange, boutique, jalousie, mitraillette

Ce matin d’hiver, la température était enfin devenue de saison. Ou presque…
J’arrivai comme de coutume avec une demi-heure d’avance. Après avoir bu mon café mensuel dans le troquet du coin, je décidai d’aller inspecter les environs.
Je vis un attroupement devant une boutique. Par curiosité je m’approchai rapidement du magasin en question. Il s’agissait d’une agence Orange. Il y avait une bonne centaine de personnes autour du local.
Tendant l’oreille, je réussis à entendre qu’une heure auparavant un individu était entré dans l’agence et avait massacré tout le personnel avec une mitraillette. 
Sa motivation ? La jalousie. Il avait entendu des rumeurs rapportant que son épouse, employée de l’agence, avait une relation avec son directeur. Le mari prétendument trompé avait fait d’une pierre deux coups : assassiné son épouse et son amant ainsi que les six autres employés présents. 
Eh ben dis donc, l’atelier d’écriture de ce lundi allait commencer dans une situation tragique. J’allais pouvoir faire fonctionner mon imagination sur la base de faits réels… mais aurai-je la solidité morale pour faire comme si de rien n’était ?

Patrice

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intranquillité, panthéon, violet, pince à cheveux

Après des années de concertations dans les plus hauts cercles de l'État, la décision a été prise: on va faire entrer au Panthéon une grande femme parmi les grands hommes, la célèbre philosophe Suzanne de la Minardine. "La nation reconnait la puissance et la pérennité de son oeuvre", a déclaré le chef de l'État. En effet, l'autrice de grands classiques comme L'Intranquillité de l'humanité, La Sécheresse du savoir ou encore L'Étonnement sans retour, est encore étudiée dans tous les lycées et universités de France.
Son corps a été acheminé à Paris depuis le cimetière provençal où il reposait. Il accomplit aujourd'hui son lent parcours vers le Panthéon, entre des rangées de curieux, de politiciens et de journalistes.
Le cercueil marque un arrêt à l'entrée du l'édifice, et le silence se fait. La ministre de la culture, qui a revêtu pour l'occasion un élégant tailleur-pantalon violet, monte les marches du Panthéon, se tourne vers la foule et prononce une allocution.
Les journalistes écoutent, à l'affut de la petite phrase à retenir, peut-être même de la grosse erreur qui fera gloser dans les rédactions. Mais la ministre tient son cap. Fait exceptionnel, elle a réellement lu les livres de la nouvelle panthéonisée, et elle exprime une admiration sincère. Déçus, les journalistes concentreront leurs articles sur la description de son tailleur Saint-Laurent et de ses cheveux retenus par une pince incrustées de brillants.
— Ça n'est pas Malraux, commente l'un d'eux.
— D'un autre côté, répond un autre, Suzanne de la Minardine, ce n'est pas Jean Moulin.
— Sans blague, dit un troisième.
La cérémonie s'achève sur ces considérations, et le cercueil de la philosophe rejoint enfin le sérail des grands humains auxquels la patrie voue une éternelle reconnaissance.

Vanessa



À partir d’une dernière phrase



Ce jour-là l'affluence au musée était tolérable. L'on pouvait lire les cartels au pied de chaque toile exposée et se permettre de s'asseoir si le cœur vous en disait.
La station assise était d'ailleurs parfois la plus appropriée devant des œuvres de 4 mètres sur 3. L'éclairage subtil plongeait dans les stries noires qui s'irisaient, modifiant la perception d'ensemble du tableau. À douze ans, Eva semblait hypnotisée et sa mère revenait sur ses pas afin de forcer l'allure. Les toiles de la première période plaisaient mieux à Brigitte cependant que les plus récentes la déprimaient quelque peu. Au contraire sa fille trouvait cet univers noir irisé d'un attrait irrésistible.
Toutes deux firent une halte avec la vue sur l'extérieur du musée. La ville se déployait, silencieuse, dans une lumière orangée. Eva n'en pouvait déjà plus de cette vision calme de la ville. Elle pensait qu'il s'agissait d'un gigantesque trompe-l'oeil et ne tarda pas à poursuivre la visite de l'exposition.
C'était une révélation que cette lumière obtenue à partir du noir qui la tourneboulait. L'imagination fit son chemin dans la tête d'Eva. Elle se représentait un environnement tout de noir vêtu, les visiteurs dans des costumes, des robes, sombres où scintillaient ici des boutons, là une broche ou une fibule. Leurs visages noirs éclairés par des iris dorés. Jusqu'aux murs de la salle d'exposition qui faisaient une fête à-la-Rimbaud. 
Brigitte observait sa fille qui lui déclara : Mère, que vous êtes belle, ainsi tout en noir ! - Que racontes-tu, pauvre folle ? Allons cela suffit, partons.
Elles sortirent rapidement du musée pour rejoindre le métro qui les ramènerait à la station Sèvres-Babylone. Pendant tout ce temps, Eva répétait : Noir, c'est noir, tout est noir. Noir c'est noir, tout est noir... Brigitte était horrifiée.
Heureusement on arrivait dans la station, elle prit Eva par la main pour l'obliger à descendre. 

Jacques-André

*****

— Les mains en l'air, personne ne bouge!
Les passagers du Paris Saint-Étienne levèrent la tête, sans hâte, avec le regard désabusé des employés en route pour le boulot. D'autres n'entendirent même pas et restèrent hypnotisés par leurs écrans et leurs oreillettes. La voix reprit, plus fort, nerveuse: 
— J'ai dit, les mains en l'air! On va passer parmi vous ramasser vos cartes bleues et vos téléphones.
— C'est une animation de la SNCF? demanda une dame. 
— Je ne crois pas, répondit son mari, on dirait plutôt un canular. Regarde si elles sont en train de filmer.
Car les assaillantes étaient deux femmes, une jeune qui brandissait un pistolet, et une plus âgée munie d'un grand sac en toile pour le futur butin. Elles s'approchèrent des passagers du haut du wagon et la plus jeune agita son arme d'un air menaçant. Un homme, craignant qu'elle ne tire au hasard, lui tendit son iphone. Mais les autres refusèrent de s'exécuter. Ce n'était pas un vent de révolte, plutôt une mauvaise humeur collective. "Déjà qu'on s'embête à prendre le train matin et soir pour gagner des cacahuètes, on ne va pas en plus se faire braquer.
La voleuse la plus calme, qui se nommait Odile, se tourna vers la plus jeune et chuchota:
— Ça ne marche pas Eva, on devrait lâcher l'affaire, on trouvera autre chose.
— Hors de question! cria Eva. Bande de radins, lâchez vos téléphones et vos carte bleues, sinon je tire!
Devant l'apathie du wagon, elle leva son arme et tira en direction du plafond. Un coffrage en plastique se détacha et tomba sur la tête d'un jeune cadre dynamique. Les gens commencèrent enfin à réagir, mais pas de la façon espérée. Une autre cadre, tout aussi dynamique, se leva et s'adresse à la prénommée Eva:
— Vous allez arrêter ça tout de suite! Personne ne vous donnera rien, on a tous nos soucis, alors laissez-nous tranquilles. 
Elle ne se laissa pas démonter devant le pistolet, et son calme encouragea les autres passagers. Celui qui avait donné son iphone tenta de le reprendre, mais Eva lui donna une tape sur la main. Tant pis, de toutes façons il pourrait le bloquer à distance.
Bientôt les deux assaillantes furent repoussées devant la porte du train. Pendant ce temps, certains appelaient la police, d'autres ronchonnaient sur le service déplorable de la SNCF. Odile sentait le danger monter. Heureusement on arrivait dans la station, elle prit Eva par la main pour l'obliger à descendre.

Vanessa

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Eva est une gamine de 12 ans. Elle est en cinquième. Elle avait une rédaction à faire dont le sujet était : « racontez votre dernière semaine de vacances l’été dernier ».
Quand le professeur de français leur avait donné ce sujet, tout de suite son esprit s’était bloqué avec plein de pensées négatives. 
En effet, l’été dernier, en juin plus précisément, ses parents s’étaient séparés brutalement et Eva, fille unique, s’était retrouvée au milieu d’un conflit violent où ses parents l’avaient complètement oubliée. Heureusement, sa grand-mère était venue la chercher et l’avait emmenée avec elle dans sa grande maison de Normandie. Elle avait passé deux mois à Trouville, à 100 mètres de la plage où elle allait tous les jours avec ses deux grands-parents.
Plus de nouvelles de ses parents qui continuaient semble-t-il à se déchirer, et avaient purement et simplement oublié leur fille.
On imagine facilement qu’elle ne profita pas vraiment de ses vacances, obnubilée par sa souffrance d’enfant abandonnée et n’ayant ni l’énergie ni l’envie d’essayer de lier connaissance avec des enfants de son âge.
La période de vacances terminée, les deux grands-parents retournèrent avec elle à Paris et décidèrent de la prendre avec eux dans leur appartement en attendant que la situation soit résolue. 
La dernière semaine avant la rentrée les grands-parents inscrivirent Eva dans le collège de leur quartier. Ils expliquèrent au principal que leur petite-fille quitterait le collège dans une ou deux semaines.
Le jour de la rentrée, Eva n’avait toujours pas eu de nouvelles de ses parents. Elle ne pensait qu’à ça bien sûr. Pas d’appel de leur part. Le corps enseignant fut informé de cette situation par le principal du collège.
De plus les grands-parents avaient tenté plusieurs fois d’appeler leur fille, sans succès. Malgré les nombreux messages qu’ils avaient laissés, aucun rappel. Après une semaine de collège l’esprit d’Eva commençait lentement à s’habituer au quotidien.
Lorsque le sujet de la rédaction fut donné aux élèves, elle fit une fixation et eut beaucoup de mal à finir son devoir. Elle passa la nuit précédant le jour J où elle devait remettre son travail à essayer d’écrire. Une vraie tragédie.
Le jour tant craint arrivé, sa grand-mère l’accompagna en tramway à son collège. Pendant le trajet, Eva se mit à pleurer. Elle semblait ne pas vouloir sortir du tramway. La grand-mère enlaça sa petite fille avec émotion. Heureusement on arrivait dans la station, elle prit Eva par la main pour l’obliger à descendre

Patrice