Atelier d'écriture

L’atelier d’écriture est l’occasion de jouer avec les mots, de faire entendre sa voix, d’écouter celle des autres, de se découvrir. C’est avant tout une expérience ludique, le plaisir de réaliser quelque chose et de le partager. À chaque séance l’animatrice propose de nouvelles consignes, qui servent de point de départ à l’écriture. Cette règle du jeu, par son aspect contraignant, permet de libérer l’imagination. On n’est plus devant une inquiétante page blanche, mais devant une proposition d’écriture, qu’on pourra à son gré suivre de près ou subvertir discrètement. C’est ce qui fait tout le sel de la lecture des textes : on se rend compte que chaque participant a traité la consigne de façon personnelle, provoquant la surprise, le rire ou l’émotion. Les échanges, qui se font dans un esprit curieux et bienveillant, permettent à chacun de prendre du recul sur son propre texte.

Quelques textes du 2e lundi


Cadavre exquis


Défense de mentir sur moi sous peine d'envoi aux Galeries Lafayette.
Défense d'enlever ses lunettes sur la table sous peine de délirer. 
Défense de penser sur sa vie privée sous peine d'expulsion. 
Défense de cuisiner sur le gazon sous peine d'atrophie des orteils. 
Défense d'uriner sur le toit-terrasse sous peine de finir sans argent.
Défense de chanter sur mes plates-bandes sous peine de devoir écouter en boucle la playlist de France Inter.
Défense de se disputer sur le 12e arrondissement sous peine d'indigestion.


Un personnage célèbre 





Je tenais à vous raconter l’histoire d’un personnage complètement inattendu. Vous allez voir, vous serez étonné car c’est un cas unique dans le domaine de l’art.
Parlons tout d’abord de la raison de sa nouvelle célébrité. C’est un peintre….. Pas un peintre en bâtiment mais une sorte de peintre impression….nant.
En effet, il décore des chaussures de couleurs inhabituelles et plus particulièrement des chaussures noires masculines qui deviennent multicolores après son intervention : bleues, rouges, orange, violettes, jaunes, etc. 
Ainsi on peut voir une vraie influence de Renoir sur le cuir au préalable. Des soleils, des prairies, des fleuves, des portraits, des matins pluvieux, des crépuscules grisâtres ou multicolores... sauf quand ce peintre se mêle de la vie privée de ses proches et dessine des scènes érotiques sur les semelles des chaussures choisies. 
Cela a au moins l’avantage de ne pas être immédiatement visible puisque caché sous les pas des personnes qui les portent et qui, surtout, ont les moyens de s’offrir de telles œuvres d’art. 
D’après les informations qui circulent, une paire de chaussures décorée par cet artiste couterait environ 5000 euros…
Très vite il a connu un succès fulgurant et a pu vendre des centaines d’œuvres. De ce fait il est devenu extrêmement riche et au bout de quelques mois a pu s’offrir un hôtel particulier… rue de la… Pompe.
Ce descendant d’un grand linguiste suisse très connu se nomme… Jérémie MAPER de SAUSSURE.

Patrice





Dès l'âge de dix ans, Marie-Hélène Lézennec s'est senti une âme de scientifique. Elle ignorait bien sûr que ses prédispositions l'amèneraient à remporter un prix Nobel ! 
Née dans les confins de Nord-Bretagne, en face de l'île de Batz, elle a toujours été attirée par les métamorphoses. Celles du paysage marin, bien sûr, avec le jeu des marées dont elle apprit vite l'influence lunaire. Métamorphoses du littoral érodé par la montée des eaux. Métamorphoses aussi des liquides sur lesquelles nous reviendrons.
Ses études menées à Rennes en chimie pure l'avaient confirmée dans certaines de ses intuitions. Elle avait rencontré son futur époux non sur les bancs de la faculté mais au Garage d'Ouessant. Ce nom l'avait intriguée du fait que tout véhicule automobile reste interdit sur l'île. Paul avait expliqué que rien ne l'empêchait d'appeler ainsi son garage sur le continent. Cela lui plut. Ils firent plus ample connaissance.
Marie-Hélène s'est dirigée vers la recherche pure, et c'est ainsi qu'elle s'est orientée vers la métamorphose et la transformation de l'eau de mer en vin ! S'appuyant sur la désalinisation de l'eau de mer, elle s'est ainsi rapprochée de ses origines et par là, de la consommation ancienne de vin en Haute et Basse-Bretagne. D'autant que les cours mondiaux du vin ont porté le prix de la bouteille à des niveaux tels que les Bretons avaient de plus en plus de mal à assouvir leurs besoins. C'est donc par esprit civique que Marie-Hélène a porté l'objet de son étude jusqu'à son aboutissement.
Le processus, selon elle, n'est pas si compliqué qu'il en a l'air. La désalinisation étant acquise, Marie-Hélène s'est concentrée sur le passage en vin grâce à l'adjonction « d'esprit de vin » comme elle appelle cela malicieusement pour ne pas déflorer le secret de sa découverte.
La photographie exposée au public montre un moment très particulier, celui où, à l'eau désalinisée, est adjoint un substrat de raisin jeune, encore vert, avant, phase ultime, l'adjonction de moût de raisin ancien. Il n'est pas montré le résultat final que Marie-Hélène avait réservé aux plus hautes autorités scientifiques.
Celles-ci, ayant apprécié le processus, mesuré le goût et validé l'expérience à grande échelle, l'ont proposée au Prix Nobel de chimie. Ainsi, le 4 juillet 2029, Marie-Hélène Lézennec est-elle devenue Prix Nobel, distinction qu'elle a reçue de sobre façon.
Deux grands groupes de vins et spiritueux se disputent actuellement auprès de la lauréate afin d'obtenir la commercialisation du vin nouveau au niveau mondial.

Jacques-André





Anastasia M. est modiste. Depuis son enfance, elle a la passion du couvre-chef. D’où cela lui vient-il ? Sans doute de sa Mère-grand qui ne sortait jamais sans chapeau, ni gants. Il faut dire que les coiffures de Grand Maman faisaient tourner les têtes. Elles étaient parfois larges de bord déployant toute une végétation, quand ce n’était pas une profusion d’ailes ou de plumets. Il y avait aussi les toques brillantes qu’elle portait en hiver, faites de doux animaux. Ses petits calots printaniers en velours, bordés d’une voilette avaient, eux aussi, leur succès.
Après des études où elle s’ennuya fort, tout en restant sage et excellant malgré tout dans les parties manuelles et cours de dessin, sa mère eut l’intuition d’un talent naissant et l’envoya dans une école de couture. Anastasia put s’y délayer les doigts et se familiariser avec les étoffes les plus belles. 
Elle eut son diplôme et la chance fit le reste. Elle entra, non pas dans une maison de couture, mais chez une modiste renommée. C’était ça ! Les capelines de Grand Maman revenaient en force. En quelques années, elle devint seconde, puis Madame C. C. prit sa retraite et lui confia les clés de la boutique. 
La vitrine changea et l’audace des modèles exposés fit que le Tout-Paris qui se veut en avance, vint bientôt faire la queue ou dut montrer grande patience pour obtenir un rendez-vous. 
Après le tourbillon de quelques années fastes, Anastasia fut gagnée par l’ennui, plus exactement, elle souhaita que tous les chapeaux qui sortiraient désormais de ses mains fussent encore plus excentriques, plus extra-ordinaires ! Elle repensa alors aux fourrures douces des toques, aux ailes d’oiseaux de son aïeule et soudain, l’idée lui vint d’exhiber sur la tête de ces dames des spécimens dans leur entier. Mais quelles bestioles pourraient bien se prêter à cette folie ? Elle pensa lézard, elle pensa crapaud, elle pensa iguane, bien sûr, n’en avait-elle pas domestiqué un après la lecture d’une nouvelle de son cher Tennessee. 
Dans les vitrines - elle s’était agrandie - on vit alors parmi les chapeaux délirants, un ou deux modèles plus délirants encore, telle cette coiffe de soie rouge ornée d’un caméléon beau comme un bijou. 
Elle fit la Une des couvertures les plus en vogue, et bien sûr celle de Vogue. Puis un jour, le secrétariat d’Alexander Mac Queen la contacta et débuta alors une collaboration des plus précieuses. 
Le bestiaire sur tête défila dans monde entier et Anastasia M. vint désormais saluer le public aux côtés du génial créateur.

Nicole H.





Dès sa plus tendre enfance, Guy Duchapau s'était passionné pour les champignons. Il était le seul enfant de sa classe à savoir les distinguer, grâce à son encyclopédie Tutti Fungui. Il apprit aussi très tôt à les cuisiner, il aidait sa mère à gratter les champis sans les noyer, à les faire sauter avec de l'ail, à composer des omelettes. Après le bac il intégra la célèbre Mushroom Global Science Academy à Cambridge, il écrivit une thèse sur un spécimen très rare des hauts plateaux, et il devint rapidement un spécialiste reconnu dans le milieu très fermé du fungus. Il rencontra sa future femme à l'université. Elle étudiait les orchidées, il lui cuisina une omelette à la truffe; ce fut le coup de foudre.
Malgré sa renommée parmi ses pairs, on ne peut pas dire que Guy Duchapeau était célèbre. La majorité des gens ne s'intéressent pas aux chercheurs, à moins d'une découverte spectaculaire; et il y en a peu dans le domaine du champignon. Non, ce qui rendit le nom de Guy Duchapeau connu de la France entière, ce fut un incident qui survint un dimanche en forêt de Fontainebleau. Guy et sa femme se promenaient sur un sentier quand ils sentirent une bonne odeur de viande grillée. En approchant, ils virent une petite famille réunie autour d'un barbecue. Ils dirent bonjour et commençaient à reprendre leur promenade, quand Guy s'arrêta soudain. Son nez entraîné venait de reconnaître une odeur très spécifique derrière celle du boeuf. Il demanda: 
— Vous avez mis des champignons sur vos grillades?
— Oui répondit un jeune homme, on les a cueillis ce matin, des énormes cèpes!
— Arrêtez tout! cria Guy. Ce sont des « faux-cépis-de-la-mort ». J'espère que personne n'en a encore mangé.
Mais quelqu'un était déjà à terre, tordu de douleur. Pendant que sa femme appelait le SAMU, Guy éteignit le barbecue, renversa la viande et les champis et les enterra rapidement. La victime fut sauvée in extremis, et Guy Duchapeau connut son moment de gloire. Il fut interviewé par plusieurs magazines et journaux, eut sa photo en couverture de Science et Vie, et pour finir on lui offrit une rubrique sur France 3 « Les champignons, amis ou ennemis? » le samedi matin à 4h55.
Merci à Guy Duchapeau qui a tant fait pour nous éclairer sur ces petites créatures!

Vanessa



À partir d'une première phrase



Quand ils apprirent la nouvelle, ils sortirent des restaurants, des cafés et des hôtels et regardèrent le ciel. Rien n'avait filtré dans les journaux ni les revues scientifiques. Le phénomène n'avait jamais été observé jusque là, nous apprirent pompeusement certains experts auto-désignés. 
Les gens n'en croyaient pas leurs yeux, expression d'autant plus appropriée que nombre d'eux, il faut bien le dire, étaient passablement avinés. 
Le ciel, dans l'ensemble de son hémisphère Nord, ont précisé les chaînes info, arborait un fond d'une couleur rosée comme une fin de coucher de soleil. Mais l'heure n'était pas crépusculaire. En soi cela n'avait rien d'extraordinaire sur le moment, excepté la fragmentation du fond d'où semblait se former un enchevêtrement proprement incroyable. Il semblait que, du fin fond de l'Univers, une fracture s'était opérée pour faire naître diverses formes qu'un enfant aurait pu prendre pour un jeu de construction géant.
Au septentrion, une matière de nuages bleue avait pris la forme d'un cheval de légendes, se cabrant. Les yeux écarquillés, les gens furent médusés de constater la transformation lente de l'animal en un écheveau de tresses stratosphériques. Le bleu initial avait pris un entrelacs de couleurs inconnues, se rapprochant du mauve et du marron. Gigantesque fresque d'aspect laineux où tout un chacun s'était mis à rêver de s'y projeter.
Mal leur en aurait pris car la tresse est devenue langues de feu liquides de couleur plutôt grise et rouge.
Les précipitations surnaturelles ont fait se précipiter les gens vers des abris de fortune, cafés et restaurants ayant d'ores et déjà fermé leurs portes.
Le phénomène a disparu comme il était arrivé.

Jacques-André


Quand ils apprirent la nouvelle, ils sortirent des restaurants, des cafés et des hôtels et regardèrent le ciel… et les parapluies commencèrent à s’ouvrir. 
Il pleuvait des étoiles fines, légères qui venaient mourir sur l’asphalte avec la douceur de la neige. Les enfants se baissaient pour les ramasser, mais aussitôt, elles s’évanouissaient entre leurs petits doigts. 
On sentit un souffle d’air, on ferma les boutons des manteaux, les cols furent remontés. Le ciel magnifique scintillait de plus en plus. Ce fut soudain presque un aveuglement. Les étoiles faisaient à présent un petit bruit très doux en retombant sur les corolles des parapluies. Elles avaient gagné en poids, en taille aussi, et les enfants pouvaient désormais les garder dans leurs mains et même les loger dans leurs poches pour en saisir d’autres. On vit des adultes en faire tout autant, puis les boutiquiers et les boutiquières en remplirent des sacs. 
Le merveilleux phénomène dura près d’une heure. Timidement, le bleu du ciel se fraya un chemin parmi les nuages. Le monde se dispersa non sans avoir échangé avec ses semblables, force yeux écarquillés et grands gestes qui leur faisaient monter les bras au ciel. 
Le reste de la journée se déroula malgré tout dans le calme. 
Le lendemain, nous étions le 24 décembre, on put admirer les plus belles vitrines qui soient. Dans les maisons, les sapins chargés d’étoiles étaient resplendissants. 
Le Père Noël pouvait venir, la petite ville et tous ses foyers étaient prêts pour l’accueillir.

Nicole H.


Quand ils apprirent la nouvelle, ils sortirent des restaurants, des cafés et des hôtels et regardèrent le ciel. Tous les téléphones portables avaient vibré simultanément, propageant l'avertissement: « Attention, notre fusée Ariane, lancée ce matin depuis la Guyane, a pris son indépendance. Elle ne suit pas le trajet prévu vers l'espace mais est partie à l'horizontale, elle semble avoir décidé d'explorer la terre. Elle survole en ce moment l'hexagone. Gardez votre calme. Ne tentez pas de l'intercepter, et si elle s'approche du sol, prenez vos distances. Les autorités compétentes s'occuperont de réceptionner la fusée. »
Et c'est ainsi que toute la rue avait le cou tordu et le visage tourné vers le ciel, pour observer une fusée horizontale. Elle semblait en fin de course, car elle avançait lentement. 
— Regardez! dit quelqu'un. Elle commence à pointer vers le bas. 
— Elle va tomber! dit quelqu'une. 
À ce moment surgirent du coin de la rue, sirènes hurlantes, six camions de gendarmerie. Les hommes en bleu qui en sortirent transportaient d'énormes sacs, un par camion, qui, une fois dépliés, se révélèrent être des filets métalliques. On les vit courir sous la fusée en tenant les filets, comme pour recueillir quelqu'un qui sauterait d'un immeuble, mais en beaucoup plus gros.
La fusée descendait toujours plus, les hommes courraient; un filet resta accroché à un réverbère et un autre s'entortilla dans les laisses d'un promeneur de chiens, il en restait quatre; le suspense était à son comble. Enfin, la fusée acheva sa chute dans l'un des filets d'acier. Tout le monde ressentit un mélange de soulagement et de déception discrète, car personne n'avait été écrabouillé. Un message fit vibrer les téléphones, l'incident était clos.
— Ce n'était pas notre plus glorieuse aventure spatiale, conclut sobrement le président de la République le soir au journal télévisé.

Vanessa


Quand ils apprirent la nouvelle, ils sortirent des restaurants, des cafés et des hôtels et regardèrent le ciel.
Un groupe de touristes français retraités se retrouvèrent dans deux cars pour aller visiter Berlin, la célèbre capitale de l’Allemagne. C’était encore l’époque avant la chute du mur. 
Ils eurent tout d’abord l’occasion d’aller visiter Berlin Est et furent étonnés de découvrir, sitôt la frontière franchie, une ville immense avec de grandes et larges avenues et des monuments très célèbres dont la majorité des retraités ne connaissaient pas l’existence. 
Dans le premier restaurant où ils allèrent déjeuner, ils purent constater avec étonnement les prix extrêmement bas de la nourriture. 
Ils se ruèrent dans les magasins de musique où les disques de musique classique étaient vendus à des prix défiant toute concurrence, et dans les librairies où les grandes œuvres littéraires et artistiques atteignaient des très bas prix. 
Pour mieux faire connaissance avec Berlin Est, les organisateurs du voyage avaient prévu d’y passer 24 heures et réservé plusieurs hôtels dans le centre de la ville. Étant très nombreux, ils ne pouvaient loger tous dans les mêmes hôtels ni même déjeuner dans les mêmes restaurants. 
Le soir même de leur arrivée ils apprirent qu’un homme avait décidé de sauter d’un avion et de se poser sur le toit de la Porte de Brandenburg. « Quand ils apprirent la nouvelle, ils sortirent des restaurants, des cafés et des hôtels et regardèrent le ciel… » Ils virent alors cette personne en parachute se poser sur le Brandenburger Tor.

Patrice