Atelier d'écriture

L’atelier d’écriture est l’occasion de jouer avec les mots, de faire entendre sa voix, d’écouter celle des autres, de se découvrir. C’est avant tout une expérience ludique, le plaisir de réaliser quelque chose et de le partager. À chaque séance l’animatrice propose de nouvelles consignes, qui servent de point de départ à l’écriture. Cette règle du jeu, par son aspect contraignant, permet de libérer l’imagination. On n’est plus devant une inquiétante page blanche, mais devant une proposition d’écriture, qu’on pourra à son gré suivre de près ou subvertir discrètement. C’est ce qui fait tout le sel de la lecture des textes : on se rend compte que chaque participant a traité la consigne de façon personnelle, provoquant la surprise, le rire ou l’émotion. Les échanges, qui se font dans un esprit curieux et bienveillant, permettent à chacun de prendre du recul sur son propre texte.

Atelier n°6


Proposition n°1 : Définitions de mots inconnus


Mots présents dans le dictionnaire Littré, mais inusités aujourd’hui.
Inventer une définition selon la sonorité, l’impression… 3 mots au choix parmi 6 proposés :
mipoux ; teucriette ; alios ; mulcter ; rupicole ; quintoyer.

Proposition n°2 : Le lieu du mystère


À partir d’une photo de maison ou de paysage. Ce lieu a un secret. Écrire un texte pour l’évoquer ou le révéler.

Proposition n°3 : Une phrase à partir d'un mot


Mot pioché au hasard d'un livre: le tablier.

Quelques textes du 6e lundi


Définition de mots inconnus


Mipoux
Nom masculin, idem au pluriel. Se dit d’un pou qui a perdu une partie de son anatomie, le plus souvent la tête – (ce qui est un comble pour une bestiole qui élit domicile sur les nôtres).
Teucriette
Nom féminin, pluriel des teucriettes. Petit instrument de cuisine en métal utilisé par les pâtissiers pour découper ou décorer la pâte.
Mulcter
Verbe du premier groupe. Effectuer un mouvement rapide des lèvres, s’apparentant à un tic ou encore se mordre nerveusement l’intérieur des joues.
Rupicole
Adjectif, pluriel rupicoles. Qualifie les insectes recueillant le nectar des fleurs.
Quintoyer
Verbe du premier groupe. Tousser de façon saccadée par quinte.
Nicole H.


Mipoux 
Quelqu’un qui m’est complètement pourri et me maltraite moi, uniquement.
Teucriette
Je te crie « etté » c'est-à-dire que je t’engueule entre juin et septembre.
Alios
Alios Aligos : façon de quitter définitivement des personnes qui furent mes amis.
Mulcter
Transférer quelqu’un dans une autre boicte.
Rupicole Une personne qui boit plein d’alcool en dehors de chez lui mais uniquement à l’extérieur, pas chez des amis ou dans un troquet.
Quintoyer
Dire tu à 5 personnes en même temps.
Patrice

Mipoux
N.M. Moitié de pou, forme altérée du mot demi-punaise. Insulte. Synonymes: demi-portion, personne minable.
Teucriette
N.F. Familier. forme affectueuse du mot sucrier. "Passez-moi la teucriette, dit le baron" (Balzac, Le Père Goriot).
Alios
N/M. Étymologie: halios, soleil ; et ali, ami. Ami de coeur, âme soeur.
Mulcter
Verbe intransitif. Se transformer, changer de nature. "Tel Jésus, le serveur mulcta l'eau en vin" (Aragon, Aurélien).
Rupicole
Adj. De couleur rouge vif, voire bordeau. Un teint rupicole de bon vivant.
Quintoyer
Verbe intransitif. 1: Faire la fête. 2: trinquer. On a quintoyé toute la nuit.
Vanessa


Le lieu du mystère





Nous sommes tous réunis ? Très bien. Voilà, nous sommes arrivés à la fameuse demeure, Mesdames et Messieurs. Cette bâtisse est du 17ème siècle, bien dans le style régional du Lubéron.
Le Comte de Laudret l'avait fait édifier sur ce promontoire pour deux raisons. Elle domine toute la plaine alentour et accueille une confrérie à laquelle le Comte avait donné abri pour lui permettre de s'isoler du monde.

La famille Laudret faisait exploiter les champs pour la culture céréalière mais également les plantes médicinales sans oublier la … La ? Lavande, merci Monsieur.

Les rapports entretenus avec la Confrérie Saint Jacques sont peu connus. Sans être astreints au silence, les frères ne paraissaient guère enclins à se mêler au monde séculier. Cela renforce bien entendu les interrogations sur le mystère qui nous a guidés jusqu'ici.
Il semblerait toutefois que la promiscuité ne posait guère de problèmes. Les frères avaient reçu des terrains et leurs récoltes fruitières leur ont toujours permis de confectionner moult confitures : airelles, figues et mûres en particulier. Ils se sont révélés également d'excellents apiculteurs. Vous recevrez, Mesdames et Messieurs, un petit pot de miel en fin de visite.

Toutefois l'ambiance paisible fut troublée par un événement tragique. Eudes, un frère mineur, fut retrouvé le crâne défoncé par une solide pierre de granite. Le rapport établi par les autorités d'Apt fut classé sans suite, faute d'éléments probants.

Ce n'est qu'en 2010 que le nouveau propriétaire a trouvé dans le mur Nord de la chambre principale, un journal intime. En feuilletant précautionneusement le document, M. Pranly fut stupéfait de lire les faits relatés en 1788 de la main du Comte de Laudret.
Celui-ci se flagellait de mots en exprimant ses doutes quant à la fidélité de son épouse. Il s'était mis à l'épier de façon obsessionnelle. Quelques lignes plus loin, il éprouvait un remords plus fort que la mort tant Marie-Joliette lui paraissait incapable de toute vilénie. Et... Et ? Le 7 septembre 1788, le Comte de Laudret n'y alla pas par quatre chemins. Après avoir surpris en cachette Marie-Joliette dans les bras de frère Eudes, étendus sur le lit de la chambre réservée aux amis, il attendit la fin des ébats, laissa sortir Eudes et...Et ? Lui asséna par-derrière un coup mortel sur le crâne, à l'aide d'une pierre du mur d'enceinte.
Le journal, Mesdames et Messieurs, s'arrête sur cet assassinat, laissé mystérieux jusqu'en... 2010. Je vous laisse faire le tour de la propriété et vous donne rendez-vous à l'autocar dans vingt minutes.

Jacques-André





Quand je revois cette photo, je ne peux m’empêcher de me remémorer un moment unique dans ma vie.
J’étais chez des amis dans la région des Alpes de Haute Provence. Le couple m’avait informé que le lendemain ils devaient se rendre à Digne les Bains où avait lieu un atelier d’écriture qui devait durer toute la journée afin de terminer un roman commun auquel avaient participé 15 personnes. N’ayant pas prévu de me déplacer en voiture pour visiter la région, je décidai d’aller explorer les environs de leur domicile qui se trouve à proximité d’un col.
J’eus bien sûr à monter et descendre en sautant de rocher en rocher en prenant garde de ne pas tomber dans un précipice. Après maints efforts qui mirent ma respiration à rude épreuve, j’arrivai à cet endroit montré sur la photo : un arbre aux branches complètement tordues.
Ayant beaucoup marché pour arriver à cet endroit, je décidai de me reposer en m’asseyant quelques minutes au pied de l’arbre à l’ombre car le soleil tapait fort en ce mois d’août. Après quelques minutes, je vis quelque chose briller sous un des rochers. Me servant de mon Laguiole, j’essayai de déterrer l’objet brillant et quelle ne fut pas ma surprise de découvrir un lingot d’or. Ouaaaaah !!!!!! Un trésor ?
Avec une joie aussi intense qu’incrédule, je cachai le lingot dans mon sac à dos et le soir venu, quand mes amis revinrent de leur atelier d’écriture, je leur montrai mon lingot en leur narrant sa découverte. Nous décidâmes d’y retourner le lendemain en nous équipant de pioches et de pelles. Nous trouvâmes une vingtaine de lingots que nous partageâmes.
Depuis cette somptueuse découverte nous sommes devenus riches… discrètement car nous ne voulions pas faire de ce lieu isolé un site de recherches de lingots d’or.
Quant à savoir comment cet or s’est retrouvé là, nous n’avons même pas essayé de trouver la réponse. Quand on devient riche vite, il faut rester discret.

Patrice






Pour découvrir Chicago, quoi de mieux qu'un trajet en bateau-mouche, ou blateau-du-fleuve comme ils disent?
Notre petit groupe s'est donc inscrit pour la traversée de 14h, et nous voilà sur le pont du bateau glissant sur l'eau presque verte, étonnamment pure, entre les gratte-ciels, pendant que notre guide nous raconte l'histoire de la ville au micro. Le temps est magnifique. Les vitres des immeubles étincellent au soleil; nous passons sous un pont-levis au son des "oh!" et des "ah!" des passagers.
— Sur votre droite, annonce le guide, vous voyez la Willis Tower, anciennement nommée Sears Tower. Et sur votre gauche, la récente Trump Tower, inaugurée en 2009.
Les Français poussent de "Bouh!", les autres admirent poliment.
— Et sur l'eau, qu'est-ce que c'est? demande quelqu'un.
— Quoi donc?
— Ce reflet, ou je ne sais pas, comme s'il y avait quelque chose qui fait une tache sombre... Un vieux vélo peut-être, comme dans la Seine?
Le guide laisse passer un silence, soit qu'il hésite à répondre, soir qu'il veuille accroitre le suspense. Enfin il reprend la parole.
— Non, ce que vous voyez là n'est pas solide. On en a déjà passé plusieurs. Regardez sur votre droite, il y en a un autre.
— Mais qu'est-ce que c'est? — Ce sont les fantômes des architectes qui ont reconstruit la ville après l'incendie de 1871. Ils ont dessiné les premiers gratte-ciels qui forment la ligne d'horizon de Chicago, la skyline. Ils en sont tellement fiers qu'il ne veulent pas partir; ils gardent un oeil sur leur création. Alors ils flottent autour du fleuve.
Les quelques Américains présents hochent la tête. Les Français échangent des regards sceptiques. Pourtant c'est dans notre petit groupe que se produit la première manifestation de peur. Notre ami Alfred est pris de sueurs et de frissons, et déclare qu'il a été traversé par un fantôme. 
— Ne vous inquiétez pas, dit le guide. Ils n'ont aucun pouvoir. Ils sont là, c'est tout, on fait avec. À Chicago, tout le monde les connaît.
Peut-être, mais aucun de nous n'osera en parler à qui que ce soit. Nous aurions trop peur de passer pour des fous, ou, pire encore, des naïfs. Car il n'est pas exclu que ce guide s'amuse à terroriser les touristes. Nous terminons la traversée en silence, observant de temps en temps une de ces ombres sur l'eau claire. Ensuite, pour nous remettre de nos émotions, nous allons boire un chocolat chaud chez Girardelli.

Vanessa





Dans la rue Danton, tout au milieu du vieux port de pêche, Jean, docker au Havre, mène une vie paisible entouré de sa petite famille. Chaque jour il se lève très tôt et rentre à la nuit tombée après une longue journée de travail bien fatiguant. Mathilde, sa jeune femme, élève leurs trois enfants tout en s’occupant de l’entretien  de leur modeste maison rose. C'est un des quartiers populaires du Havre, la plupart des habitants font partie de la classe moyenne. Tout le monde se connaît et l’ambiance y est très conviviale. 

Récemment une nouvelle voisine est arrivée. Elle s’est installée dans la maison orange, pas loin de celle de Jean. Elle a une belle voiture le plus souvent garée devant chez elle. On l’aperçoit régulièrement sortir en fin de journée, toujours élégante et très bien habillée. Elle n’est pas de la région, sa voiture est immatriculée dans les Bouches du Rhône. Mathilde a eu l’occasion d’échanger quelques mots avec elle et a remarqué son fort accent sud-américain.  Elle s’exprime vraiment difficilement en français mais malgré tout elle arrive bien à se faire comprendre.

Mathilde en a discuté avec Jean et a suggéré de l’inviter à prendre un café chez eux un weekend. Ils pourraient faire plus ample connaissance, ça faciliterait certainement son intégration dans le quartier.  Étrangement Jean n’a manifesté aucun enthousiasme à cette proposition alors qu’il est d’un naturel très accueillant, qu’il aime beaucoup sympathiser avec ses voisins et qu'il est toujours le premier à vouloir rendre service aux autres.

Mathilde a quand même  pris l’initiative de contacter leur voisine pour en parler avec elle. Elles pourraient peut-être même devenir  amies.  À sa grande surprise,  celle-ci a paru  vraiment gênée et dans un français très approximatif lui a répondu que ce n’était pas possible car elle n’était pas sûre de rester très longtemps dans le quartier et qu'elle serait sans doute obligée de déménager d'ici quelques semaines.

Marie-Claudine






Assise en tailleur devant l’immense coffre ouvert, je remontai le temps, celui de mon enfance. Je restai un long moment la tête renversée, les yeux occupés à suivre la danse de la poussière.
Une cohorte vint à moi, les aïeux d’abord à la marche incertaine dans des habits de théâtre. A ma hauteur, ils inclinèrent leur haut de forme, ajustèrent leur redingote, puis les femmes les plus jeunes saisirent le bas de leur robe me laissant voir la mousse de leurs multiples jupons, des bambins en culottes courtes et chapeaux à rubans, précédés de grands cerceaux, fermaient la marche.
Mes revenants s’évanouirent les uns après les autres dans la boîte géante. Je fermai les yeux pour m’aider à reconquérir la réalité. Le moment que j’avais retardé s’imposa.
Je repérai parmi tout un fatras de poupées parfois sans tête, d’oursons parfois sans yeux, de livres grands et minces comme des registres, la boîte en noyer clair. À l’ouverture, elle dégagea une odeur que je tenais pour particulière et désagréable, celle d’un velours vieilli et d’un petit amas de photos dentelées. Parmi elles, une dépassait, elle était retournée contrairement aux autres. Je la saisis et la scrutai pour la énième fois.
Lentement, le malaise s’infiltra, empoisonnant mes muscles et mon cerveau. Le déclic s’opéra et je pénétrai dans le salon moelleux, encore embelli par le gros bouquet d’hortensias mauves, les livres reliés, les tableaux de petits formats. Tout n’était que douceur et propice aux chuchotements, à la confidence, au murmure des sentiments amoureux.
Et pourtant, et pourtant, c’est dans ce salon que le colonel Moutarde, armé d’un chandelier avait assommé la délicieuse baronne, son épouse.
Nicole H.


À partir d'un mot: le tablier


D'une ancienne liaison avec un chef-cuisinier, j'ai conservé un tablier blanc orné de deux cuillères brodées sur la poche à l'avant. Cela me donne de la classe quand je me fais cuire des pâtes.
Vanessa

Ce grand créateur de modèles luxuriants aux étoffes mordorées, avait à jamais fixé dans la rétine, le camaïeu bleu délavé du tablier mille fois reprisé d’une humble paysanne.

Nicole H.
 
— Mince, j’ai oublié mon tablier gris ! La dirlo du collège va m’engueuler.
— Tablier tes chaussures ? C’est pour ça que tu es pieds nus ?
Patrice