Atelier d'écriture

L’atelier d’écriture est l’occasion de jouer avec les mots, de faire entendre sa voix, d’écouter celle des autres, de se découvrir. C’est avant tout une expérience ludique, le plaisir de réaliser quelque chose et de le partager. À chaque séance l’animatrice propose de nouvelles consignes, qui servent de point de départ à l’écriture. Cette règle du jeu, par son aspect contraignant, permet de libérer l’imagination. On n’est plus devant une inquiétante page blanche, mais devant une proposition d’écriture, qu’on pourra à son gré suivre de près ou subvertir discrètement. C’est ce qui fait tout le sel de la lecture des textes : on se rend compte que chaque participant a traité la consigne de façon personnelle, provoquant la surprise, le rire ou l’émotion. Les échanges, qui se font dans un esprit curieux et bienveillant, permettent à chacun de prendre du recul sur son propre texte.

Atelier n°8


Proposition n°1 : Errance à la MDA

Nous cherchons vainement notre salle, ce qui oxygène les cerveau et fait courir l'imagination.


Proposition n°2 : Une vie d'objet 

Un objet du quotidien se raconte.


Proposition n°3 : logo-rallye 

Le groupe constitue une liste de mots, puis chacun écrit un texte incluant tous ces mots dans l'ordre.

Quelques textes du 8e atelier


Une vie d'objet


Le coussin

Ah, voici enfin venue l’heure pour elle d’aller se coucher…
La soirée a été, une nouvelle fois, bien difficile pour moi, pauvre coussin de mon état. Son choix s’est encore porté sur un énième remake d’un obscur film d’épouvante. Deux heures et demie à me serrer, m’écraser, me tordre, me presser contre elle pour, au final, m’abandonner tout déformé au milieu du canapé. Aucun intérêt.
Alors que quand son espèce de copain archi bodybuildé débarque à l’improviste, quelle action, quel rythme ! Paf, il me saisit vigoureusement et me transforme en punching ball ! Hop, il me jette dans la corbeille à papier en hurlant « Trois points ! ». Vlan, il m’écrabouille au sol en simulant une prise de judo ! Là, je me sens vivre, mes particules cotonnières tourbillonnent, mes fibres vibrent, s’affolent ! Et quand arrive le final, c’est l’apothéose. Car tous ces exercices physiques semblent libérer une énergie sexuelle incontrôlable chez ce maniaque de la gonflette au cerveau inversement proportionnel au volume de ses biceps. Ici, les convenances m’obligent à taire la suite. Cependant, sans entrer dans le détail, je peux quand même affirmer que je ne suis pas qu’un simple spectateur…
Je suis même le plus souvent au cœur de l’action, n’hésitant jamais à faire don de ma personne pour garantir un résultat toujours plus surprenant sur la donzelle…
Hélas, ce soir, j’ai dû me contenter de cet abrutissant film d’épouvante. Et, non contente de m’avoir abandonné sur le canapé, elle oublie de me rapprocher de ma douce couverture, elle aussi négligemment délaissée, ce qui m’attriste encore davantage. Car moi aussi je vis une histoire d’amour intense avec cette tendre amie. Ah, que j’aime quand elle s’enroule voluptueusement autour de moi et que je sens son mohair effleurer mon coton… Rien que d’y penser, j’en frissonne !
Mais ce soir, à mon grand désespoir, je n’aurai pour compagne que ma seule imagination…

Hélène



*****

Le fer à repasser 

Ça y est, on passe à l’heure d’été. C’est le printemps, donc… 
Il va falloir bosser !!!... 
L’hiver c’est plutôt calme. Les chemises sont sous les pulls, donc, pas repassées. 
Un col par-ci par-là, et les quelques robes de Madame qui ne vont pas chez le teinturier. 
Mais là, c’est parti pour la saison. Ils vont bien me faire suer et c’est rien de le dire. Et que je t’envoie des jets de vapeur, et que je te remets de l’eau, et que je t’envoie des jets de vapeur. 
Dans le temps on pouvait se poser un peu, pas de jets vapeur, fallait remouiller la pattemouille. 

En général, ça commence le matin, quand l’autre là, il se décide à repasser tout un lot de chemises. Pour être tranquille soit disant. Tu parles ! Des heures que ça dure avec ce maniaque. Pas de faux plis, pas de marques sur les manches. Et rien que du coton ! Vous imaginez la température !!!...
Enfin, vers midi il me lâche. Je peux récupérer un peu avant le soir… 
Parce que le soir, c’est Madame qui s’y colle !!!... 
Tiens, demain, je vais mettre le petit chemisier jaune… Oh ! Tout compte fait, la robe bleue ira mieux. Et voilà, que recommence la valse-hésitation. 
Ah, ils sont contents ces deux-là. Ils font des commentaires sur leurs tenues respectives et, bien sûr, ils changent d’avis comme de chemise. 
Et pendant ce temps là… Qui c’est qui transpire ? Hein !!! Qui c’est qui transpire ??? 
Alors pour la tranquillité… Il faudra repasser !!!... 

Cela dit, il ne faut pas trop se plaindre. Ici on ne fait pas le gros linge. 
J’ai un oncle qui fait le même boulot, chez une ménagère de plus de cinquante ans. 
Chez elle, tout y passe : les mouchoirs, les torchons, les serviettes, et même les draps. 
Pauvre Tonton.
Ah, ce n’est pas comme son fils, mon petit cousin. Fer de voyage qu’il est. 
Mais pas fer de voyage chez un représentant de commerce. 
Non ! Fer de voyage chez des sédentaires, des gens qui ne bougent jamais, qu’on se demande pourquoi ils ont un fer de voyage. 
Il est là, tranquille, dans son carton d’origine au fond du placard. Peinard !!!... 
Et vous croyez qu’il a fait des études pour ça ? Rien du tout, pas même un BTS tourisme. 
Non, juste : ‘’Je postule pour un poste et je l’ai…’’ Le bol quoi ! Une honte, une chance pareille. Je crois même que c’est pour lui qu’on a fait la chanson… 
                                                           
Dans la vie, faut pas s’en fer …

Pierre
*****

Quel est l'objet qui a le plus changé la vie de nos contemporains ? Ecoutons-le en parler ... 

Dring, dring, c'est moi le messager du bonheur. Je suis arrivé il y a six mois dans la vie de Dorothée. Dorothée, vous savez, la petite de la comptabilité ! Elle a vu ma photo sur un magazine féminin. Elle a été enthousiasmée par mon côté carré, ma mémoire, mon éclat, mes courbes et mon côté rose très féminin. Je ne lui ai pas parlé de mes puces ni de ma consommation, ça aurait fait mauvais genre. Pour me faire venir chez elle, vous savez comment elle a fait ? Elle a appelé pardi ! Et paf, j'ai été emballé et expédié directement chez elle. Notre grande histoire d'amour fusionnel allait pouvoir commencer. 

Bon, les premières désillusions sont vite arrivées. Dorothée a été déçue. Elle m'a acheté nu. Elle trouve que j'ai trop de boutons. Dis-donc, Dorothée, je n'ai rien dit, moi, quand tu t'es trompée de d'emplacement et m'a branché le chargeur dans la carte SIM. J'aurais pu fumer, eh bien, j'ai supporté sans rien dire. « Réseau indisponible », c'est tout ce que j'ai lâché. Et pourtant, j'avais mal au cœur. 
Je ne dis rien non plus sur l'étui. J'ai de la chance, j'ai échappé à la chaussette orpheline qui traîne dans le placard. Je m'attendais à un bel étui en cuir, élégant et racé, qui m'aurait fait ressortir comme l'objet de luxe, le fashion toy que je suis. Au lieu de ça, je dois me cacher au fond d'un étui « Hello kiki », tout blanc avec des paillettes. C'est d'un goût ! 
Dorothée, tu m'avais choisi pour mes capacités exceptionnelles. Je sais retrouver mon chemin en voiture, consulter un compte en banque, éclairer la nuit, calculer ton bio-rythme. Et toi, Dorothée, tu ne m'utilise que pour téléphoner. 

Dorothée, une femme dans la finance internationale de ta trempe (c'est à dire comptable, je flatte à peine), eh bien, ça ne devrait pas tenir des conversations plan-plan comme les tiennes. Franchement, si les services secrets des Ricains (ou des autres) nous écoutent, ils doivent bien rigoler : 
Tes histoires de cœur sont trop simples. Moi, la coqueluche des podiums, j'ai été pris en photo avec des stars. Crois-moi que si je racontais tout ce qu’on m'a confié, les magazines people s'arracheraient mon numéro. 
Mais là Dorothée, un seul homme dans ta vie, c'est d'un banal. Tu l'appelles tous les jours. Tu me postillonnes dans le micro « Mon petit André, je raccroche … oui je t'aime … raccroche en premier … toi d'abord ». Et tu rajoutes toujours des poutous-poutous que je suis sensé passer au « petit André », Beurk, c'est révoltant. 

J'endure tout ça, Dorothée parce que tu m'as fait tien. Mais je trouve que tu te lasses vite. Oh, j'ai bien vu le regard que tu me lançais quand tu tombais sur une page de pub dans ton magazine féminin. Je te connais ; tu veux déjà changer de génération. Tu en cherches un plus mince et moins lourd. Je t'ai entendu te plaindre de moi à ta collègue Josiane de la comptabilité. Même quand je suis au fond de ton sac, je tends l'oreille. Vous voulez savoir ? Dorothée trouve que je commence à manquer d’endurance. Elle a eu des mots désobligeants sur mon « texte à pile » . Il paraîtrait que je ne tiens plus la charge. Voire que j'en perds le réseau. 

Dorothée, tu sais quoi ? Je crois que je vais raccrocher !
Manuel

Logo-rallye 


salamandre ; hélicoptère ; nénuphar ; escargot ; éléphant ; pirate 


Le pavillon noir à la salamandre rouge flottait fièrement sur le navire. Salamander Jack était sur le pont de son cotre et dardait sa longue-vue sur sa proie, un gras navire hollandais de commerce, une flûte, qu'il avait pris en chasse depuis le début de l'après-midi. Salamander Jack s'adressa à son bosco, sans cesser de scruter le Hollandais. 
« Il me semble distinguer son nom, John-John. C'est « l'hélicoptère » d'Amsterdam. » 
Ledit John-John déplia sa propre longue vue. L'instrument en cuir était moins précieux que celui de son capitaine. Mais le bosco comprenait un peu de hollandais, lui. 
« Vous avez raison, mon capitaine. C'est bien « l'héliotrope ». Je regarde de suite sur le registre de la Compagnie des Indes que nous avons récupéré. » 
Le bosco dévala l'échelle et alla présenter le registre au seul homme qui savait lire et qui faisait fonction de médecin sur le navire. Celui-ci était abîmé dans sa cabine, les yeux dans le vague. L'air était empuanti d'une fumée âcre. Le bosco fut accueilli par une phrase énigmatique dont le Doc avait le secret. 
« De même qu'Ulysse et ses compagnons mangeaient des lotus, je fume des nénuphars. » 
Le bosco ne releva pas et lui expliqua ce que le capitaine Salamander Jack attendait de lui. Doc feuilleta le registre et lâcha « Porcelaine de Chine » avant de retomber dans son apathie. Le bosco couru annoncer la nouvelle à son capitaine. Celui-ci grommela : « Le batave a sorti toute sa voile. Il avance quand même comme un escargot. Nous allons le rejoindre. »
Quelques heures plus tard, serrant sous le vent, le cotre approcha bord à bord du navire de commerce. Il se colla contre lui, comme un éléphanteau contre son parent éléphant. Le capitaine hollandais, stupéfait par la manœuvre et les grappins qui tombaient sur son navire, avait l'air défait. Avant que l'abordage ne commence, il eut juste le temps de crier « Pirate ! »

Manuel


Il était une fois une petite salamandre qui avait décidé de se lancer dans la grande aventure de la télé-réalité et de participer à un jeu se déroulant dans un lointain pays. Se souvenant qu’un grave accident d’hélicoptère était survenu sur le tournage d’une émission similaire, elle décida de ne prendre aucun risque et, si la production exigeait d’elle de traverser un immense lac, elle le ferait en flottant sur une feuille de nénuphar. « Autant te déplacer à dos d’escargot ! » railla un vieil éléphant qui, passant par là, la surprit en train de négocier avec une grenouille roublarde la location éventuelle d’une feuille géante de cette belle plante aquatique. « Eh bien puisque tu es si malin, rétorqua la petite salamandre, tu n’as qu’à sortir de ton chapeau, je ne sais pas moi, une barque ou, plus fou encore, un bateau de pirates pour mon épreuve de survie ! ». « Tu es bien susceptible, pour une petite salamandre », répondit l’éléphant mécontent, qui tourna les talons et reprit lentement le chemin de la forêt.

Hélène


Salamandre, salamandre, c’est quoi déjà ça ? Un animal royal, je crois, le coup du père François ? Un peu comme l’aigle et l’abeille, le coup de Sainte-Hélène ? 
Mais Non ! C’est bon là ! Pas le coussin d’Hélène ! Le coup de Sainte-Hélène !!!... 
On m’aurait dit hélicoptère, ça je savais mieux. Le truc qui vole, qui décolle de n’importe où et qui se pose n’importe où, même sur les nénuphars, comme une libellule. 
En général on l’utilise en cas d’urgence, quand il faut aller vite. Ah ! Ce n’est pas un escargot, le machin en question ! Il parait qu’il y en a, aussi, de très gros, certes moins rapides, mais capables de soulever des éléphants. Comme moi, je soulève des montagnes… 
Ah ah ah ! Comment que je m’en suis sorti de la liste arbitraire, sur laquelle il te faut écrire un texte alors que tu es sec comme un coup de trique et que tu te regardes les autres écrire des lignes et des lignes avant même que tu aies eu la moindre idée. 
Non, mais ce n’est pas vrai. Ils fument des substances illicites, ils boivent des potions magiques, ils fréquentent un gourou, ils ont une patte de lapin, un fer à cheval, un trèfle à quatre feuilles ? 
Ou pire, Vanessa leur donne les thèmes avant de venir !!!... 
L’horreur !!!... Pierrot, prête-moi ta plume !!!... 
Mais là ! Comment que je m’en suis sorti, comment que je te l’ai sabordé le sujet ! 
Non, vraiment, ce n’est pas pour me vanter… Mais je crois quand même, être un sacré pirate… 

Et la prochaine fois… Sûr! Je pique un sachet de thé à Manuel ! Ça a l’air bougrement efficace !!!...

Pierre

*

Quelle est donc cette Maison Des Associations ? C’est Chambord ?
Pourtant il ne me semble pas y avoir aperçu la moindre salamandre.
Léonard aurait-il pu y entrer plus facilement? Certainement! Mais lui, c’était un génie.
Tiens, pour vous en convaincre, passez donc à Amboise pour y découvrir le premier hélicoptère, inventé par le Monsieur.
Pour autant, il y eut bien d’autres grands talents.
 Un détour par Giverny vous fera regretter de ne pas être né grenouille, tant les nénuphars sont magnifiques et la lecture de la tirade des nez pourrait bien vous faire renoncer à écrire le moindre mot.
Mais enfin !
Certes, nous n’avons pas la prétention d’être des génies de la littérature, mais de là à nous fermer les portes, à nous empêcher d’écrire, à laisser nos feuilles mortes, à l’enterrement desquelles deux escargots s’en vont.
Certes, nous construisons nos phrases et nos textes avec délicatesse, avec des mots de porcelaine.
Est-ce une raison pour qu’on nous regarde en chien de faïence et qu’on nous limoge ?
Eh oui, que voulez-vous, il fallait bien qu’il soit là, notre éléphant. Et de notre porcelaine, il n’a fait qu’un petit tas, qu’il a consciencieusement jeté dehors.
Pauvres de nous ! Peut-être que sous nos apparences de personnes biens propres sur elles, de gens bien policés et politiquement correct, notre éléphant, bas de plafond, s’est-il imaginé des personnages beaucoup plus ambigus : Une Vanessa la Flibuste, une Hélène Reine des Vikings, un Éric le Boucanier, un Loïc Barbe Noire, un Manuel de la Truande ou un Pierrot le Fou ???...
Toujours est-il, que dans le doute, il ne lui restait plus qu’à appliquer le règlement, son sacro-saint règlement, le plan qui préserve de tout et de tous : Le Plan Vigipirate.
Heureusement, Loïc était là pour nous sauver la soirée. Il nous fit l’Enlèvement au Sérail.
Bien sûr, vu la renommée de notre hôte, le harem me sembla quelque peu déserté.
Bien sûr, que je n’ai pu déguster le tagine qu’il m’avait semblé pouvoir espérer.
Mais l’inspiration que cet endroit donna à Hélène, ne me fera plus jamais regarder un coussin de la même manière.
Et pour ça, Loïc, je t’adresse tous mes remerciements, tu as été l’Amadeus de la soirée.
Pierre (dans l'après-coup)