Atelier d'écriture

L’atelier d’écriture est l’occasion de jouer avec les mots, de faire entendre sa voix, d’écouter celle des autres, de se découvrir. C’est avant tout une expérience ludique, le plaisir de réaliser quelque chose et de le partager. À chaque séance l’animatrice propose de nouvelles consignes, qui servent de point de départ à l’écriture. Cette règle du jeu, par son aspect contraignant, permet de libérer l’imagination. On n’est plus devant une inquiétante page blanche, mais devant une proposition d’écriture, qu’on pourra à son gré suivre de près ou subvertir discrètement. C’est ce qui fait tout le sel de la lecture des textes : on se rend compte que chaque participant a traité la consigne de façon personnelle, provoquant la surprise, le rire ou l’émotion. Les échanges, qui se font dans un esprit curieux et bienveillant, permettent à chacun de prendre du recul sur son propre texte.

Atelier n°5


Proposition 1 : Petites annonces 

Chacun écrit une ou deux petite annonce où figure l’un des mots habituels : « cherche », « à vendre », « rencontrerait », donne », « achète ».


Proposition 2 : Évoquer un lieu avec un secret 

À partir d’une photo de maison ou paysage, imaginer que ce lieu a un secret : il s’y est passé quelque chose, il a une destination secrète, on y trouve a un fantôme, un cadavre caché, un trésor… 

Proposition 3 : À partir d’un inducteur 

 « Si j’avais su… »

Quelques textes du 5e atelier


Petites annonces


Échange : Grand rêveur, j’échangerais bien mon appartement deux pièces, sombres et délabrées, dans quartier sordide, contre un six pièces avec terrasse dans quartier résidentiel. Si acceptation, profiterais volontiers de votre état, pour vous refourguer ma vieille Twingo en échange d’un roadster Mercedes flambant neuf.

Après un succès lors de l’Epiphanie 2016, roi récemment couronné cherche reine pour partager son royaume et éventuellement accueillir au château petits princes et princesses. Belles au bois dormant s’abstenir. À vendre : 72 cassettes VHS contenant l'intégrale des émissions "Le Club Dorothée" (enregistrements maison sur support de qualité). À l'unité : 2 €. Le lot complet : 140 €, avec lecteur VHS offert.

Échange hamster de 6 mois, belle robe, robuste mais dépressif, contre tout rongeur joyeux (souris, rat, furet) même vieux ou moche.


Un lieu où plane un secret





Simone et François tentaient vainement de se réchauffer avec une tasse de café brûlant à bord de la péniche amarrée au pied de la Bibliothèque nationale de France. Le soleil brillait sur Paris mais l’air était glacial.
— Bon, récapitulons, proposa Simone, encore emmitouflée dans sa parka rouge écarlate. L’appel a été donné à 7h46 ce matin. Le gardien de la BNF qui a décroché est sûr de l’horaire car il prend son service tous les matins à 7h45 et a regardé l’horloge murale au moment d’entrer dans son bureau. L’homme qui était au bout du fil avait une voix plutôt rauque — peut-être celle d’un gros fumeur — et son ton était menaçant. Nous pouvons supposer qu’il ne s’agit pas d’un petit jeune s’amusant à faire des farces téléphoniques. 
François, qui était resté silencieux jusque-là, partageait l’opinion de Simone. Toutefois, il s’inquiétait de la tournure qu’allaient prendre les événements. Les revendications de l’individu étaient délirantes mais ses menaces étaient à prendre au sérieux. Et, connaissant Simone et son caractère enflammé dès qu’il s’agissait d’appréhender des cinglés, il savait qu’il n’obtiendrait pas de repos tant que l’affaire ne serait pas résolue.
— Tu ne crois pas, quand même, que cet homme est tout simplement un farfelu ? se risqua-t-il, certain toutefois de la réponse que lui apporterait Simone. Confions l’affaire à Pastoureau, il m’a avoué qu’il s’ennuyait ces derniers temps. Il faut dire qu’enquêter sur un trafic de fers à friser pour chiens…
— Jamais ! s’exclama Simone. Je refuse de passer la main sur mon enquête, et encore moins à Pastoureau. Essaie plutôt de te concentrer sur les faits, bon sang ! 
Les indices en leur possession étaient maigres. À part l’heure matinale et la voix rocailleuse qui indiquaient toutes deux qu’ils avaient affaire plutôt à un retraité fumeur et dépressif car en manque d’occupation qu’à un cadre dynamique mais stressé par des objectifs inatteignables, ils ne disposaient que d’un seul élément concret : le message de l’homme mystérieux dicté au gardien, qui n’en croyait pas ses oreilles tandis qu’il écrivait les revendications. La menace était claire : un livre de Marguerite Yourcenar, Paul Valéry, Edmond Rostand, George Sand, Emile Zola, Madame de la Fayette, Albert Camus, Marguerite Duras et Honoré de Balzac, entreposés dans les rayonnages de la Bibliothèque Nationale de France, explosera dans cet ordre toutes les dix minutes si Marc Lévy n’intègre pas l’Académie Française ce jour. « Un écrivain aussi illustre doit être érigé au rang d’immortel », a ainsi conclu l’auteur des menaces. 
François regarda Simone, qui à son tour, interrogea son équipier du regard.
— Bon, on commence par qui ? demanda-t-elle, en avalant la dernière goutte de son café. 

Hélène




Fait Divers 

Tant de fenêtres. Tant de balcons. Tant de regards vides et aveugles. Combien étaient présents derrière ces vitres closes, épiant la cour puis détournant les regards ? Fermant aussi leurs oreilles aux cris venus d’en bas..

Combien de temps cela a-t-il duré ?  Comment ont-ils pu supporter cela ? Et maintenant il faut vivre avec dans l’oubli ou le déni. Vivre avec leur lâcheté ou leur indifférence, regarder de nouveau dehors, mettre le linge à sécher sur les balcons, surveiller les enfants qui jouent en bas. Se croiser dans les escaliers comme si de rien était, sûrs de leur bon droit de n’avoir rien qui fait qui les aurait engagés dans l’inconnu ou le danger, mais honteux quand même de cette mémoire collective. 
Véronique 





Héritage, héritage, bien sûr qu’Amélie avait accepté l’héritage de son grand-père, mais vraiment, récupérer la maison de cet homme que tout le monde considérait comme un collabo notoire, c’était, même au prix de cette magnifique bâtisse qui avait hébergé des officiers de la Wehrmacht, un peu dur à avaler. C’est ainsi, qu’à peine en procession des lieux, elle fit venir un architecte afin qu’il redéfinisse l’espace de fond en comble pour qu’il ne lui rappelle en rien l’existence de son aïeul.

Mais, le chantier juste commencé, l’architecte l’appela tout excité pour lui révéler une chose étonnante. Dans un recoin de la maison, masqué par des murs en trompe-l’œil, le chef de chantier avait découvert un minuscule bureau à l’abandon depuis une éternité. Il y avait là, recouvert de poussière, un pistolet, un vieux poste émetteur et une grande quantité de document qu’Amélie se mit à parcourir la peur au ventre. Le souvenir de ‘’Music Box’’ de Costa-Gavras lui faisait craindre le pire : Que son grand-père, déjà collabo, soit de surcroit un criminel nazi, un monstre abject, un abominable salaud. Tant pis se dit-elle, même si dure que soit la vérité, je veux savoir ! Et, chargée de tous les documents, elle se rendit aux autorités militaire afin d’élucider ce mystère. 

Quelques jours plus tard, une personne du ministère des armées vint la trouver et ses révélations furent pour le moins inattendues. Mademoiselle, lui dit-il, vous êtes la petite fille d’un héros et, grâce à vous, nous allons pouvoir, dans une toute petite mesure, réparer une grande injustice. En fait, votre grand-père, abattu au moment de l’épuration, par des résistants de la dernière heure, était un malgré-nous enrôlé de force dans l’armée allemande. Comme sa maison était réquisitionnée, les forces d’occupation l’avait obligé à servir d’homme à tout faire aux officiers qui logeaient chez lui et c’est ainsi, qu’à l’écoute de tout ce qui se disait dans cette maison, il a pu donner une multitude d’informations à la résistance, qui elle, les transmettait à Londres. 

Amélie resta sans voix. Le pauvre homme, victime des apparences et condamné par tous, à commencer par sa propre famille qu’il n’avait pas informée de peur des représailles, était un martyre. Sur l’heure, elle décida de son combat: Elle allait réhabiliter son grand-père, se faisait forte d’obtenir une légion d’honneur à titre posthume et, pour commencer, elle demanda à l’architecte d’aménager un grand espace dans lequel trônerait le portrait de son Valeureux Grand-Père. 

Pierre 

Texte inspiré de Music Box de Costa-Gavras.


À partir d'un inducteur : "Si j'avais su..."



Si j’avais su qu’il y avait un maitre, pensait l’écolier… 
Si j’avais su qu’il y avait un adjudant, pensait le bidasse… 
Si j’avais su qu’il y avait un cadre, pensait l’employé… 
Si j’avais su qu’il y avait une belle-mère, pensait le jeune marié… 
Si j’avais su… 
Si j’avais su que la vie était si belle, pensait le mourant… 
Dis Papa, c’est quoi le paradis ???... 
Pierre


Si j’avais su, se dit Diana, j’aurais pris le métro au lieu de ma voiture avec chauffeur. Au moins, je ne me serais pas retrouvée coincée pour l’éternité aux côtés de ce rabat-joie de Jean-Paul II — il a été placé sur la chaise voisine de la mienne dès son arrivée — qui me casse les oreilles à longueur de journée avec ses discours moralisateurs sur le préservatifs et l’abstinence. Est-ce que je sais ce que c’est, moi, l’abstinence ? J’ai beau lui répéter que j’ai pris un aller simple pour l’au-delà en compagnie de mon amant, que nous vivions non seulement dans le péché mais de surcroît dans la luxure et que ça m’a plu, rien n’y fait ! Il me poursuit inlassablement avec sa crosse en hurlant « Toi aussi tu connaîtras la pureté, infâme pécheresse ! ».
Hélène