Atelier d'écriture

L’atelier d’écriture est l’occasion de jouer avec les mots, de faire entendre sa voix, d’écouter celle des autres, de se découvrir. C’est avant tout une expérience ludique, le plaisir de réaliser quelque chose et de le partager. À chaque séance l’animatrice propose de nouvelles consignes, qui servent de point de départ à l’écriture. Cette règle du jeu, par son aspect contraignant, permet de libérer l’imagination. On n’est plus devant une inquiétante page blanche, mais devant une proposition d’écriture, qu’on pourra à son gré suivre de près ou subvertir discrètement. C’est ce qui fait tout le sel de la lecture des textes : on se rend compte que chaque participant a traité la consigne de façon personnelle, provoquant la surprise, le rire ou l’émotion. Les échanges, qui se font dans un esprit curieux et bienveillant, permettent à chacun de prendre du recul sur son propre texte.

Quelques textes du 10e atelier


Panique au salon de coiffure 


Il était à peine 8h00 du matin lorsque Chloé ouvrit la porte du salon de coiffure « brush’n go » de la rue St Guillaume dans le 7e. Un salon de coiffure de luxe, fréquenté par tout le gratin parisien, starlettes de télé, politiciens en vogue … José, le patron, avait noué des liens avec toutes les personnalités du moment et se pliait en quatre pour réinventer perpétuellement les coiffures de ces habitués des plateaux télés. Son talent ainsi que ses qualités d’écoute et d’empathie faisaient de lui une personne appréciée et respectée. 

Chloé travaillait depuis à peine deux mois comme shampouineuse dans le salon de José. Elle était immédiatement tombée sous le charme de ce latino sensible et plein d’humour qui tutoyait les stars mais restait si complice de son personnel. On ne lui connaissait pas de femme et Chloé désespérait de lui tenir compagnie la nuit… Depuis des semaines elle tentait de se rapprocher de lui, José semblait amusé de cette cours discrète mais ne cédait pas, au grand désespoir de Chloé. Ce matin là, elle entra dans le salon avec la volonté des femmes qui n’ont pas dit leur dernier mot, décidée à la provoquer une dernière fois. Après avoir réajusté son décolleté et pincé ses joues pour les rosir, elle poussa la porte du bureau de José, s’attendant à le trouver là, assis sur sa chaise, lisant les nouvelles du matin. Le bureau était pourtant dans le noir, José ne devait pas être arrivé et Chloé chercha l’interrupteur pour allumer la lumière. Elle le vit au premier coup d’œil, avachi, la tête posée sur son bureau, un stylo à la main et un pistolet dans l’autre. Chloé s’approcha du bureau et put voir, sous le stylo, une feuille de papier sur laquelle un timide « pardon » était écrit. Elle referma la porte en catastrophe. José était mort, visiblement, sa tête baignait dans une marre de sang … il s’était tué, vraisemblablement … 

Dans quelques minutes tous les employés du salon allaient arriver, il faudrait appeler la police, faire des déclarations. Le suicide allait très certainement être reconnu. José était un homme très seul. Chloé savait qu’il dormait souvent au salon, incapable de rentrer chez lui et de se confronter à sa propre solitude. Et pourtant … quelque chose tournait dans la tête de Chloé et s’installait dans son esprit pour y prendre progressivement toute la place. Pourquoi la lumière était-elle éteinte ? C’était un détail, certes, mais pourquoi avoir éteint la lumière avant d’écrire le mot et saisi le pistolet ? Chloé n’arrivait pas à répondre à cette question. Plus les minutes passaient et plus Chloé en était certaine : José avait été assassiné. Le coupable, par réflexe, avait machinalement éteint la lumière du bureau avant de s’enfuir et masquer son crime. Mais qui ? Qui aurait pu vouloir du mal à José, cet être si délicieux et si aimable ? Des jaloux il y en avait tant, des amoureuses déçues comme Chloé aussi … mais rien qui mériterait un pareil sort. Et pourtant, elle le savait, elle le sentait, José avait été assassiné. Une fois sur les lieux la police écouta à peine sa déposition et refusa de la suivre dans ses « élucubrations ». José s’était suicidé, tout concordait. Choquée, Chloé masqua sa colère et se jura de mener elle-même son enquête. 

L’empressement de la police à clore l’enquête n’avait fait que renforcer ses intuitions. Il y avait quelque chose de louche dans cette histoire. Rentrée chez elle, elle alluma la télé pour distraire un peu son esprit et tenter de dissiper l’angoisse qu’avait créée la vision de la scène. Pierre-Yves Gallois, le fils du sénateur Jacques-Yves Gallois, lançait comme chaque soir le journal de 20h00. Chloé le connaissait bien, il fréquentait régulièrement le salon de José. Décidément tout me ramène à lui, pensa Chloé. Tout le monde savait que Pierre-Yves avait également un faible pour José. Etait-il au courant de l’affaire ? Probablement pas … pensa Chloé. Et pourtant, à bien le regarder, elle lui trouva un air étrange, vaguement perturbé, franchement effaré, même … Et plus elle le regardait, plus elle lisait dans ses yeux un petit quelque chose qui relevait de la panique, de la culpabilité… C’était lui ! Elle le sentait, elle le voyait, c’était lui. Il fallait qu’elle le prouve. 

A cet instant quelqu’un frappa à sa porte. Chloé se redressa vivement. Elle savait, ils savaient … ses déclarations à la police n’étaient pas passé inaperçues. Le père de Pierre-Yves avait été un temps ministre chargé auprès du ministre de l’intérieur, il avait sûrement gardé des contacts. Alors que les coups redoublaient Chloé se jeta sur son téléphone et tapa rapidement un message qu’elle envoya à tout son carnet d’adresse : « Pierre-Yves G. a tué José et son père l’a protégé ». Dans la minute qui suivit, la porte s’ouvrit brutalement et deux hommes armés pénétrèrent dans l’appartement. Elle regarda droit dans les yeux pendant qu’ils tiraient sur elle et qu'elle appuyait sur la touche « envoyer ». Les Gallois ne s’en sortiraient pas comme ça … 
Raphaele


Le crime du Franprix, rayon boucherie 


José faisait sa tournée habituelle avenue Mathurin Moreau. Il travaillait à la Poste depuis quinze ans et circulait à bord de sa bicyclette dans ce quartier depuis presque autant de temps. 

Il aimait discuter avec les commerçants et les gardiens d’immeuble, il connaissait les habitudes de chacun. C’est pourquoi, en ce lundi matin, lorsqu’il vit le petit attroupement devant le Franprix, il sut que quelque chose d’inhabituel s’était produit. 

Il alpaguat un caissier à l’air hagard, posté à l’entrée du magasin. 

- Que se passe-t-il, Roger ? 
- On a trouvé un macchabée au rayon boucherie. Il y a du sang partout Il a été éventré, c’est horrible, j’ai bien failli tomber sur lui en remettant des steaks hachés Charal. J’m’en vais de suite appeler le syndicat. J’aurai peut-être une prime de risque… 

José acquiesça. C’est vrai que ça avait du lui faire un choc au vieux, s'il pouvait en tirer un peu d’argent… 

José se dirigea vers le rayon en question. Il vit un corps étendu. Non seulement il avait été tué de manière horrible, mais il avait été charcuté. Il remarqua la plaie béante, et comme il avait des notions d’anatomie, ayant fait deux année d’école de médecine avant de se décider pour une carrière plus ambitieuse à la poste, il comprit : on avait retiré les reins du pauvre homme post mortem. 

Il entendit les sirènes de police, et se glissa hors du supermarché, pour continuer sa tournée. 

Le lendemain, il retourna sur les lieux, poser quelques questions sur le meurtre. Tout le monde ne parlait que de ça, la rue était en ébullition. 

Il aperçut le gérant du Franprix, et engagea la conversation, mais dès qu’il aborda le sujet des reins manquants, celui-ci l’arrêta : 

- Pas si fort, j’ai déjà réussi à ce que ces détails ne paraissent pas dans la presse. Tu imagines, si les gens apprenaient qu’il y a des vols d’organes au rayon boucherie du Franprix ! Mais je peux te dire qu’en effet, il avait deux reins quand il est rentré faire ses courses, et plus aucun lorsqu’il est ressorti sur un brancard. 

Le facteur parcourut l’article qui s’étalait en une du Parisien que le gérant avait laissé à l’entrée du supermarché. J’ai l’impression de connaître ce type, pensa-t-il, tombant sur la photo de la victime. 

Il remonta sur son vélo, et décida d’interroger tous les commerçants de la rue. Ils étaient tous bien disposés à discuter du fait divers sordide, et chacun avait sa petite idée concernant le mobile ou l’assassin, mais aucun n’avait de véritable information à lui fournir. Il eut de la chance, au bout d’une heure, avec l’employée du laboratoire d’analyses médicales. 

- Oui, je me souviens de lui. Il a fait des analyses la semaine dernière. Je crois qu’il habitait dans le quartier, un homme fort sympathique, quelle tragédie ! 

José eut une soudaine illumination : il ne savait pas encore qui avait tué ce pauvre homme, mais il devait y avoir un rapport avec le laboratoire d’analyse. Une personne avait lu les résultats et avait vu qu’il pouvait transplanter les reins du pauvre bougre à un proche, un membre de sa famille qui se mourait probablement. 

Il allait devoir parler à toutes les personnes susceptibles d’avoir eu accès au dossier de la victime. Il en était là dans ses réflexions, quand il aperçut un autre employé, qui tenait plusieurs éprouvettes. Il avait un air chafouin, et regardait constamment par dessus son épaule. 

- C’est toi, espèce de saligaud, le tueur du rayon boucherie de Franprix ! 

Il se précipita vers lui, l’employé réussit à s’enfuir mais, faisant tomber les fioles, il glissa sur du sang qui s’était répandu sur le sol. 

Les policiers le cueillirent là et le menottèrent, eux aussi avaient mené l’enquête, mais un peu moins rapidement que notre facteur, qui s’en alla continuer sa tournée, avec du courrier à distribuer, et la satisfaction du travail bien fait. 
Mathilde


La chute


"Allo, la police ? Venez vite. Il y a un cadavre dans mon escalier."

Quand l'inspecteur Fontanel arriva sur les lieux, il se sentait un peu fébrile. Âgé de tout juste 24 ans, il était à ses fonctions depuis quelques mois et manquait encore d'assurance. En outre, c'était son premier cadavre. La concierge lui expliqua que ce matin à six heures trente, elle avait trouvé étalé sur le pallier du 2ème étage M. Duchamps, le directeur de l'agence CréaMod, une agence de conseil dans le secteur de la mode, installée au troisième étage. Croyant qu'ils s'agissait d'un simple malaise, la concierge avait mis à M. Deschamps quelques claques pour tenter de le ranimer mais en vain. Comprenant qu'il était sûrement mort, elle avait bien sûr immédiatement appelé la police. "Entre vous et moi, il a dû se faire zigouiller, ajouta-t-elle en chuchotant ; c'était un homme exécrable que personne ne supportait. Je n'ai pas l'âme meurtrière mais franchement, il y a des jours, vu comment il me parlait, disons que je ne lui voulais pas que du bien, si vous voyez ce que je veux dire."

L'inspecteur Fontanel remercia la concierge pour son témoignage. Ce devait être une concierge très portée sur le ménage ; l'escalier fleurait bon le cirage.

Fontanel avait des doutes. Peut-être était-ce tout simplement un accident mais on ne pouvait pas encore écarter l'hypothèse du meurtre. Il fallait donc mener l'enquête. Mais par quel bout commencer ? Le jeune inspecteur se renseigna sur la victime. 51 ans, marié, deux enfants majeurs, dont un avait connu des problèmes d'addiction à la cocaïne. Mais les deux enfants résidaient désormais aux États-Unis. On pouvait donc les éliminer de l'équation. La femme, Beatrice Duchamps, était séparée de son mari et ils étaient en instance de divorce, un divorce houleux. Mme Duchamps allait hériter de toute la fortune de son mari. N'était-ce pas là une raison pour se débarrasser de son conjoint?

Fontanel rendit visite à Mme Beatrice Duchamps, une grande femme froide et hautaine, qui ne s'efforça même pas de feindre une quelconque tristesse. "Mon mari était un salaud, un pervers narcissique, comme on les appelle. Il jouissait de la souffrance des autres. Sa disparition ne m'occasionne aucune peine. Mais je ne l'ai pas tué pour autant, d'autant que je ne suis rentré sur Paris que ce matin. Pour tout vous avouer, monsieur l'inspecteur, j'ai passé la nuit chez mon amant. Il pourra confirmer mes dires."
Fontanel eut rapidement confirmation de l'alibi de Mme Duchamps.

Étape suivante de l'enquête : la visite de l'entreprise! Fontanel devait interroger tout le personnel. Il fut accueilli par la directrice de la mode, Céline Rosenstein, une belle femme rousse d'une quarantaine d'année, spécialiste de la mode et des chaussures. On ne pouvait pas s'y tromper ; son bureau regorgeait de chaussures et de produits d'entretien. "Je suis bouleversée. Je travaille pour l'agence depuis sa création il y a dix ans. Fabrice Duchamps a fait un travail formidable. Certes, il est impitoyable dans le travail mais quand on voit ce qu'il a fait de l'agence, cela force l'admiration. Je suis très inquiète pour notre avenir."

La directrice de la mode présenta les équipes à l'inspecteur qui s'entretint avec chacun. Tous étaient choqués de ce qui venait de se passer mais personne ne cachait ses sentiments à son égard : Fabrice Duchamps était un être exécrable et sa réussite ne justifiait en rien son comportement. Il avait toujours eu tendance à se montrer cinglant et humiliant durant les réunions. Tout le monde en avait fait les frais, du stagiaire jusqu'à la directrice de la mode.

L'inspecteur Fontanel était perplexe. N'importe lequel des salariés de CréaMod aurait pu vouloir tuer Fabrice Duchamps.

Alors qu'il quittait l'agence, plongé dans sa réflexion, l'inspecteur rencontra la concierge en train de nettoyer l'escalier. "Alors, monsieur l'inspecteur, vous avez trouvé le coupable ?" Fontanel fit non de la tête. "Il semble que ce soit un accident. En tout cas, votre escalier est impeccable, et il sent bon le cirage ! " "Oui, je sais, répondis la concierge, et pourtant ce n'est pas moi qui ai ciré le sol." Je me demande bien qui a pu trouvé divertissant de cirer l'escalier l'autre nuit !"

Soudain tout revint à l'esprit de l'inspecteur : les semelles de cuir des chaussures que portaient Fabrice Duchamps quand il avait été retrouvé mort, les boîtes de cirage dans le bureau de Céline Rosenstein !
Une fois interrogée au poste, Céline Rosenstein ne mit pas longtemps à avouer qu'elle ne supportait plus les humiliations quotidiennes que lui avait fait subir son patron et qu'elle avait voulu se venger. Elle savait qu'il portait des semelles de cuir très glissantes et elle avait voulu le mettre en incapacité de travailler pendant quelques temps, juste pour qu'elle ait le temps de se reposer. Elle n'avait jamais eu l'intention de le tuer ! Cécile Rosenstein était une femme à bout de nerfs, pas une meurtrière froide et calculatrice.

Cette première affaire de meurtre avait été rondement menée par le jeune inspecteur Fontanel qui fut complimenté par sa hiérarchie. "Commissaire Fontanel, ça sonne bien", pensa-t-il en serrant la main de son supérieur hiérarchique qui allait bientôt prendre sa retraite.

Pascal

Double meurtre à l'ambassade


L'ambassade de France à Rome était joyeusement illuminée. La fête battait son plein, sous la direction d'une sublime créature en fourreau Paco Rabane. C'était la femme de l'ambassadeur, la délicieuse Madame Durand. Sur un signe de sa main, deux serveurs posèrent sur la table un énorme plateau recouvert d'une pyramide de rochers au chocolat. 
- Vous prendrez bien une mignardise? dit-elle au consul de Tunisie. 
Celui-ci s'inclina et répondit : 
- Vous nous avez gâtés, ce soir. 
Il décrocha un rocher de la pyramide et l'approcha de ses lèvres. Il croqua le chocolat, eut un sourire aussitôt suivi d'une grimace, et tomba de tout son long. L'ambassadrice poussa un cri. Un deuxième cri lui répondit. 
- Madame Durand ! hurlait le serveur. Votre mari, là ! 
- Ce n'est pas mon mari, répondit-elle d'une voix faible ; c'est le consul de Tunisie. 
- Mais non, l'autre, là, derrière les Ferreiro ! 
La pauvre femme jeta un regard sur le corps écroulé derrière la pyramide de chocolats ; elle eut un gémissement, et tomba à son tour, dans un cliquetis de métal.

L'inspecteur Golse arriva cinq minutes plus tard. Il trouva l'ambassadrice assise dans un fauteuil, très pâle, ses invités immobiles autour d'elle. À terre gisaient les deux cadavres, de chaque côté de la pyramide. L'inspecteur prit un chocolat, ôta le papier brillant, et le respira. 
- Rien, dit-il. Celui-ci est sain. Et il l'avala. Tout le monde l'observait ; mais il ne mourut pas. 
- Il n'y avait qu'un seul chocolat empoisonné, déclara-t-il. Qui ici était susceptible de manger le premier chocolat, celui tout en haut de la pyramide ? 
- Mon mari, répondit l'ambassadrice d'une voix tremblante. Il était fou de Ferreiro. C'est pour ça qu'il a voulu devenir ambassadeur. Il me le disait déjà quand nous étions à Sciences Po. Mais le pauvre a été tué avant, il a été poignardé. 
- Poignardé, dites-vous. Mais avec quelle arme?

L'inspecteur Golse examina le corps. La chemise blanche était percée et tachée de sang au niveau du coeur. Le visage de l'ambassadeur portait une expression de surprise. 
- Mon pauvre Gilbert, sanglota sa femme. 
- C'est un coup des Chinois, dit une voix. 
L'inspecteur se tourna vivement. 
- Quel Chinois? 
- Les Chinois, répéta l'ambassadeur du Japon. Ils veulent se venger de votre gouvernement qui a mis un embargo sur leurs panneaux solaires. Regardez cet homme au regard fourbe, c'est l'homme de mains du Parti Communiste chinois.

L'inspecteur décida de l'interroger en premier. il se révéla très fourbe en effet, et porteur d'un flacon vide portant des traces de poison, mais aucune arme blanche. D'ailleurs il était petit et fluet ; comment aurait-il eu le dessus sur l'ambassadeur de France qui mesurait un mètre quatre-vingts et pratiquait la boxe thaï ? Et pourquoi aurait-il empoisonné le consul de Tunisie, pays pratiquement inconnu en Chine?

L'inspecteur recueillit les témoignages de tous les invités. À chacun il demanda s'il avait remarqué quelque chose concernant l'ambassadeur au cours de la soirée. À la fin, il les réunit et leur dit qu'il était arrivé à une conclusion. 
- Vous m'avez tous dit que l'ambassadeur Durand avait son col de chemise relevé du côté gauche. Il avait l'habitude de s'habiller au dernier moment, et n'ajustait pas toujours son col. Or, que constatons-nous ? Sur son cadavre, le col et parfaitement en place. Quelqu'un l'a ajusté. Est-il raisonnable d'imaginer le tueur chinois ajuster le col de sa victime après l'avoir tué ? Non, ça n'a pas de sens. Ce geste est celui d'un proche, pas d'un tueur à gages. De plus, Monsieur Ming est spécialiste des poisons, pas des armes blanches. 
- Mais monsieur l'inspecteur, interrompit une femme, quelle est cette arme blanche dont vous parlez ? 
- Ha ha, fit l'inspecteur, c'est bien la question ; y répondre, c'est donner le nom de l'assassin. L'arme du crime, voyez-vous, c'est ce disque de métal détaché dune robe Paco Rabane, et jeté négligemment dans un cendrier. Oui Messieurs-dames, la robe de l'ambassadrice. Elle a tué son mari juste après l'arrivée de la pyramide de chocolats, puis, par une vieille habitude, elle a rajusté le col de sa chemise. 
- Mais pourquoi ? demanda quelqu'un. Pourquoi ce meurtre ? 
- Elle a toujours été en rivalité avec son mari, dès leurs études à Sciences Po. Elle a mis sa propre carrière de côté ; mais elle en avait assez de jouer les potiches.

Madame Durand prit son visage dans ses mains. 
- Je n'en pouvais plus des Ferreiro, murmura-t-elle. Si tout s'était passé comme prévu, j'aurais remplacé Gilbert au pied levé au poste d'ambassadeur, et j'aurais fait servir des nougats et des pâtes de fruits. 
- Mais alors, demanda un autre convive, qui en voulait au consul de Tunisie ? 
- Personne, répondit l'inspecteur. Il est une victime collatérale. Monsieur Ming, l'homme de mains chinois, avait bien prévu d'empoisonner l'ambassadeur. Connaissant sa gourmandise légendaire, il a placé son piège au sommet de la pyramide, où sa victime l'aurait immanquablement mangé. Seulement l'ambassadeur était déjà mort, et c'est un invité innocent qui s'est trouvé empoisonné. 
- Quelle soirée tragique, soupira l'ambassadeur du Japon. Espérons qu'il n'y ait pas une troisième tentative de meurtre contre Monsieur Durand ce soir.
Et il se servit un chocolat.
Vanessa