Atelier d'écriture

L’atelier d’écriture est l’occasion de jouer avec les mots, de faire entendre sa voix, d’écouter celle des autres, de se découvrir. C’est avant tout une expérience ludique, le plaisir de réaliser quelque chose et de le partager. À chaque séance l’animatrice propose de nouvelles consignes, qui servent de point de départ à l’écriture. Cette règle du jeu, par son aspect contraignant, permet de libérer l’imagination. On n’est plus devant une inquiétante page blanche, mais devant une proposition d’écriture, qu’on pourra à son gré suivre de près ou subvertir discrètement. C’est ce qui fait tout le sel de la lecture des textes : on se rend compte que chaque participant a traité la consigne de façon personnelle, provoquant la surprise, le rire ou l’émotion. Les échanges, qui se font dans un esprit curieux et bienveillant, permettent à chacun de prendre du recul sur son propre texte.

Quelques textes du 9e atelier


Mini-logorallye

carafe ; couverture ; grille ; cochon ; ampoule ; tableau 

Posée sur une veille commode une carafe poussiéreuse rêvait à son destin,
Elle parlait à son amie la couverture, allongée sur le coin du canapé,
Toute deux regardaient à travers la grille de la fenêtre du rez-de chaussée.
Elles se promirent de s'évader ensemble un jour : "cochon qui s'en dédit !"
L'ampoule du vieux lustre leur assura qu'elle éclaireraient leur chemin si elles s'évadaient le nuit.
Le tableau du mur d'en face leur adressa le visage désapprobateur d'un de ses personnages. 
Pascal 

La carafe était posée sur la table. La vielle dame la dévisageait, assise, une couverture posée sur ses genoux. Trois jours déjà qu’elle était sur la même grille de mots croisés… son fils avait essayé de l’aider, mais il écrivait comme un cochon … impossible de le relire. Et puis il faisait tellement sombre dans cette pièce ! Quand allait-il changer cette vieille ampoule et en mettre une plus forte ? C’était pourtant écrit depuis longtemps sur le tableau de la cuisine. 
Raphaele

Il avait une silhouette en forme de carafe. Son épais manteau tombait sur ses épaules comme une couverture en boule sur un lit. Il portait des lunettes aussi élégantes qu'une grille de métal au pied d'un arbre. Bref, il était séduisant comme un cochon en tutu. Quand il enlevait ses chaussures, on découvrait qu'il avait des ampoules sous les pieds. Pour toutes ces raisons, je ne l'ai pas choisi comme modèle pour mon tableau. 
Vanessa


L’interphone, ou : que se passe-t-il chez les gens ?



Lucia  ALVAREZ et Jean-Jacques DELBOURG

Lucia Alvarez et Jean-Jacques Delbourg étaient ensemble depuis trois ans déjà. Lucia habitait au deuxième étage, première porte à droite, Jean-Jacques habitait juste au dessus, au troisième. Trois ans à monter et descendre les escaliers qui séparaient leur deux étages, à décider de dîner au deuxième mais de dormir au troisième, de descendre chercher du sucre ou monter récupérer un bouquin, d’hésiter parfois, arrivés au premier étage en se demandant si « on va chez toi ou on va chez moi ? »…
Enfin ça y est : Lucia avait finalement accepté de monter toutes ses affaires chez Jean-Jacques dont l’appartement était un tout petit peu plus grand et plus lumineux. Mais dont les murs, selon Lucia, étaient peints d’une couleur douteuse, les rideaux trop épais … Il y a encore beaucoup de choses à changer, se disait Lucia en regardant pensivement l’étiquette avec leurs deux noms accolés sur l’interphone. Elle avait cédé sur le tableau des grands parents de Jean-Jacques amoureusement enlacés, accroché presque en face de leur lit, elle ne cèderait pas sur la table basse en rotin qui allait devoir prendre le chemin de la cave. Avait-elle pris la bonne décision ? se demandait-elle, regrettant déjà la chaleur de son propre appartement à elle. 
A cet instant un jeune homme entra dans l’immeuble. Lucia le dévisagea pendant qu’il cherchait ses clés. 
- Etes-vous T. Michaud ? Le nouveau locataire de l’appartement du deuxième, première porte à droite ?
- Oui, c’est moi, répondit-il en souriant, j’emménage demain. 

« Intéressant » se dit-elle… 
Raphaele


Alphonse PERRIN, ophtalmologue 

Alphonse PERRIN, ophtalmologue, 1er étage gauche, n'était pas un homme méchant mais, étrangement, il était fâché avec tous ses voisins. 
Le couple du premier, Lucia et Jean-Jacques, refusaient de lui adresser la parole depuis qu'il s'était plaint du bruit de leurs querelles permanentes, querelles qui n'avaient en outre aucun intérêt. C'était la même rengaine à chaque fois : 
Lui : "je rentre exténué le soir et toi, tu n'as pas repassé mes chemises. Tu n'est qu'une feignasse !" 
Elle : "tu crois que je n'ai que ça à faire. Tu n'as qu'à les repasser toi-même !" 
Alphonse se disait qu'il suffirait à Jean-Jacques de ne plus porter ses chemises hawaïennes ridicules et tout rentrerait dans l'ordre. 
La mère Michaud qui habitait en face de chez Lucia et Jean-Jacques était fâchée avec tout le monde. C'était une vieille acariâtre. Elle ne faisait donc pas d'exception pour Alphonse qui le lui rendait bien.
Leïla, sa voisine d'en face, lui avait fait du charme depuis son arrivée il y a deux ans, mais Alphonse n'aimait que les femmes très minces et Leïla pesait au moins 10 anorexiques. Il avait essayé de lui faire comprendre gentiment qu'il ne répondrait pas a ses avances mais elle avait continué de le harceler. Il avait fini par devoir mettre les points sur les i. Leïla n'avait pas trop apprécié d'apprendre qu'il trouvait sa graisse révulsante. 
À l'étage du dessus, c'était une communauté de jeunes hommes qui semblaient être tous au chômage. L'odeur qui flottait sur leur pallier laissait supposer que ce n'était pas de l'encens qu'ils brûlaient pour se décontracter. Alphonse avait un jour appelé la police et depuis, les relations avec ces jeunes étaient plutôt acrimonieuses. 
Au 3ème gauche, il y avait Sophie Dupont, qui avec son association "les petits goûters" animaient tous les après-midi des fêtes pour des d'enfants dont le un vacarme était insupportable. Ça le dérangeait pour ses consultations. Il avait un jour explosé et était monté faire taire tous ces sales mômes, mais ça n'avait vraiment pas plu à Mlle Dupont qui lui en gardait rancune. 
Au quatrième étage vivaient le vieux Paulin Trivert et en face sur le palliet l'antique Mme Delmart. Tous deux participaient activement aux assemblées des copropriétaires. Trop activement : ils étaient toujours à pinailler sur tout. Alphonse, qui avait un temps assumé les fonctions de président du syndic, s'était fait un malin plaisir, lors d'une assemblée, de les remettre à leur place en soulignant qu'il n'avait pas le temps de traiter les problèmes de sénilité. Depuis, il etait persona non grata au quatrième étage.
Alphonse PERRIN, ophtalmologue, n'était pas un homme méchant, c'était juste que plus personne ne le supportait, hormis le gardien à qui il offrait des consultations d'ophtalmologie gratuites. 
Pascal 

Madame DELMART

Madame Véronique Delmart à l'appareil. Delmart, D.E.L.M.A.R.T., Madame. J'y tiens. Véronique, née Giraud, épouse Delmart. Ce n'est pas parce qu'on est veuve qu'on redevient demoiselle. Je souhaite parler au dirigeant du syndic de copropriété du 25 rue de la Lune. Merci. 
Monsieur Chenet ? C'est madame Véronique Delmart. Je souhaite signaler des nuisances sonores incessantes, qui viennent de l'appartement de monsieur Grison, au 3B. Je sais bien qu'il n'y vit pas, le problème ce sont ses locataires. Quatre jeunes très mal habillés, pas du tout le standing de notre immeuble, mais j'ai bien conscience qu'on ne peut pas régler tous les problèmes de la société. Quand je les croise dans l'ascenseur, avec leurs jeans troués et leurs baskets, je ne dis rien. Ils sont mal élevés, ce n'est pas de leur faute. Les parents n'ont pas un rôle facile. Mais ce n'est pas pour ça que je vous appelle. Ce qui me dérange, c'est le bruit. Ils vivent à quatre dans ce petit appartement, les uns sur les autres, et tous les soirs ils boivent des bières et ils discutent jusqu'à pas d'heure, ils fument et bien sûr ils ouvrent la fenêtre. Et moi j'entends leurs voix qui résonnent dans la cour, c'est insupportable. Parfois ils emploient un vocabulaire tout à fait indigne. Il y en a un qui étudie soi-disant la philosophie, il doit suivre des cours dans une poissonnerie. Si mon mari était encore de ce monde, il leur apprendrait le respect. Je sais qu'on a le droit de parler, mais enfin, on a aussi le droit de ne pas tout entendre ! Et l'autre, le blondinet, s'est trouvé une petite amie depuis peu. Je ne peux pas vous décrire les nouvelles nuisances sonores que je dois endurer. Il va falloir faire quelque chose, monsieur Chenet. Monsieur Chenet ? Allô ? Le saligaud, il a raccroché. 
Vanessa


Écrire à partir d’une amorce 

Si j'avais su que ça serait si compliqué de sortir, tête la première, le cul coincé, devant tous ces gens masqués qui me crient d'avancer, si j'avais su que j'aurais les poumons remplis d'air, les yeux éblouis, les oreilles assourdies, et sur ma peau ces sensations de froid et de chaud, et de morceaux de tissus, si j'avais su que je ne serais plus soutenu de toutes parts mais passé de main en main, au risque de chuter dans le vide à tout moment, si j'avais su que je serais régulièrement soulevé, déplacé, langé, scruté, nourri, lavé, si j'avais su que j'avais déjà deux frères et qu'on me nommerait Frédéric, si j'avais su que les choses ne feraient que se compliquer par la suite, si j'avais su tout cela, je serais resté bien tranquille dans ma bulle de liquide. 
Si j'avais su, je ne serais pas né. 
Vanessa 

"Je ne dois pas m'adonner à la litanie des regrets! 
La pensée contrefactuelle ne m'est d'aucun secours. 
Le passé est un fait: il me faut l'accepter! 
Je suis un être du présent en mouvement permanent vers l'avenir. " 

Oui, c'est bien joli tout ça, mais moi je ne suis pas amnésique ! 
Je tente de construire ma vie sur les ruines de mon passé 
Et je me dis: "si c'était à refaire, si j'avais su, si je pouvais retourner en arrière, si je devais tout recommencer..." 
Et, contrairement à Piaf, moi, j'ai des regrets ! 
Oui, tout de tout, moi je regrette tout. 

Ma vie est une succession d'erreurs de jugement, 
De décisions hâtives, d'élans émotionnels désastreux, 
D'échecs cuisants, de blessures et d'humiliations. 
Comment ne pas souhaiter que les choses se soient passées différemment ? 

Si j'avais su... 
Mais, su quoi au juste ? 
Si j'avais su quelles allaient être les conséquences de ces actes, 
Peut-être aurais-je pris d'autres décisions encore plus catastrophiques. 
Je ne sais toujours pas à ce jour ce que j'aurais dû savoir. 

Mais si j'avais su, je serais peut-être plus heureux aujourd'hui. 
Qui sait? 
Pascal