Atelier d'écriture

L’atelier d’écriture est l’occasion de jouer avec les mots, de faire entendre sa voix, d’écouter celle des autres, de se découvrir. C’est avant tout une expérience ludique, le plaisir de réaliser quelque chose et de le partager. À chaque séance l’animatrice propose de nouvelles consignes, qui servent de point de départ à l’écriture. Cette règle du jeu, par son aspect contraignant, permet de libérer l’imagination. On n’est plus devant une inquiétante page blanche, mais devant une proposition d’écriture, qu’on pourra à son gré suivre de près ou subvertir discrètement. C’est ce qui fait tout le sel de la lecture des textes : on se rend compte que chaque participant a traité la consigne de façon personnelle, provoquant la surprise, le rire ou l’émotion. Les échanges, qui se font dans un esprit curieux et bienveillant, permettent à chacun de prendre du recul sur son propre texte.

Quelques textes du 9e atelier


La liste de mes envies


- Que voudrais-je avoir ?
Une mémoire phénoménale
- Que voudrais-je faire ?
Un désencombrement intelligent
- Que voudrais-je être ?
Moi-même avec 10 cm en plus et 8kgs en moins

Nicole H.

Je voudrais avoir la tête vide
Je voudrais avoir les pieds sur terre
Je voudrais toujours avoir un livre à portée de main
Je voudrais avoir une vue sur le grand étang

Je voudrais faire une seule chose par jour 
Je voudrais faire un poème par jour
Je voudrais faire de la musique
Je voudrais faire un bon plat régulièrement

Je voudrais être avec Muriel dans la nature
Je voudrais être nu souvent
Je voudrais être en phase avec mes idées

Jacques -André (à distance)


Le sujet est difficile car y répondre signifierait que l’on n’est pas satisfait de sa situation actuelle, de ses possessions, de ses actes ou de sa manière de voir la vie. On va essayer quand même…
Avoir : j’aimerais avoir toujours raison quel que soit le sujet
Faire : j’adorerais écrire un roman
Être : J’aimerais être pianiste

Patrice

À partir d'un objet


Au bord d'un étang
Deux yeux globuleux me fixent
La grenouille médite

Marie-Claudine


Aujourd’hui, vivant en ville, il ne nous est plus donné de rencontrer des batraciens autour de nous, sauf bien sûr quand nous quittons pour quelque temps notre chère ville de Paris. C’est pourquoi, pour évoquer ce sujet, je vais faire appel à de vieux souvenirs de mon enfance à Bizerte, dans le nord de la Tunisie, une ville au bord de la mer.
Avec les copains nous allions souvent nous isoler loin des adultes pour faire des choses interdites : fumer des cigarettes par exemple mais pas seulement… Il ne fallait surtout pas qu’un adulte puisse nous voir car dans cette petite ville, tout le monde se connaissait et on pouvait être trahi auprès de ses parents.
En traversant le canal de Bizerte avec un des deux bacs, nous arrivions à Zarzouna, un lieu où se trouvait un marais. Les batraciens y étaient innombrables.
Nos jeux stupides consistaient à les poursuivre pour les voir sauter loin de nous.
La grenouille que nous avons sur la table aujourd’hui est colorée alors que nos grenouilles étaient grises. En tout cas c’est ainsi que je les voyais.
En les poursuivant, il nous arrivait de tomber dans la boue. Nous revenions du marais couverts de boue et il était difficile de mentir à nos parents au sujet du lieu où nous étions allés… car ils avaient probablement fait les mêmes bêtises lorsqu’ils étaient jeunes… surtout les garçons car les filles ne vadrouillaient pas comme nous.
Voilà les pensées qui m’ont été inspirées par la gentille grenouille verte.

Patrice


Il était une fois un marchand de couleurs. La boutique était un vrai capharnaüm. L'on y trouvait tout ce que l'imagination n'avait même pas pu concevoir. Il y avait des clous de tapissier, des clous de charpentier, des rideaux coulissants, des rideaux rouge sang. Il y avait des escabeaux de toutes les hauteurs, il y avait des escargots de toutes les grosseurs. Il y avait des livres anciens dont il fallait couper les pages. Il y avait des pulls à tricoter, il y avait des mules à restaurer, il y avait un chat angora en grosse laine. Il y avait une grenouille bleue et verte.

La grenouille s'est mise à jouer à cache-cache avec le chat angora.
Le chat s'est caché derrière les livres anciens.
La grenouille a fini par le trouver dans le dernier chapitre.
C'était au chat de compter.
La grenouille verte et bleue s'est dissimulée dans le motif bleu et vert de rideaux.
Elle a été découverte par le chat qui a refusé de continuer.

La grenouille verte et bleue a repris sa place d'origine.
Le chat angora a remis son museau entre ses pattes.

Monsieur Lambert, le marchand de couleurs, a pénétré tout essoufflé dans sa boutique.

Jacques -André (à distance)


Tout le quartier connaît « Le coffre aux trésors », une charmante boutique toute biscornue, encombrée de bibelots et d’objets de décoration, tenue par la non moins charmante Odette. Cette petite femme aux cheveux blancs relevés en chignon, au fragile corps de vieille dame et au sourire enjôleur, vous accueille avec tant d’amabilité que vous ne pouvez repartir sans lui acheter un chaton en porcelaine ou un mini sac en crochet.
Mais ce qui fait vraiment la renommée de la boutique, ce sont des objets qu’on ne trouve nulle part ailleurs : des animaux en tissu coloré cousus à la main, remplis de petites billes, très agréables à l’œil et au toucher. Odette réalise elle-même chacune de ces créatures, toutes différentes ; elle en propose une nouvelle par semaine. Aujourd’hui elle dépose sur le comptoir une petite grenouille verte, bleue et jaune avec deux boutons noirs pour figurer les yeux.
— Oh, qu’elle est mignonne ! s’écrie une cliente. Je peux la prendre ?
— Elle est réservée, répond Odette.
En effet un jeune homme aux muscles saillants décorés de tatouages, qu’on n’aurait pas imaginé s’intéresser à ce genre de poupée, vient d’entrer, salue Odette et repart avec la grenouille. C’est son troisième achat. Il en est très satisfait, comme toujours. De retour chez lui il découpe soigneusement le ventre de la grenouille, et extrait d’entre les billes une bague en or massif. Il n’aura plus qu’à la revendre sur le marché parallèle. Puis il recoud la grenouille, et la dépose sur la cheminée aux côtés d’une tortue et d’un agneau en tissu. Décidément, c’est un plaisir de travailler avec la charmante, mignonne, innocente Odette.

Vanessa


Petite grenouille verte et bleue, de tissu recouvert, le ventre lourd de grenaille, que fais-tu au milieu de la table ?
- Es-tu là pour nous dire quelque chose ?
- Voudrais-tu t’adresser à chacune, à chacun d’entre nous ? ou bien percer tous nos secrets ?
- Es-tu à la recherche de la mare qui peuple chacun de tes rêves ?
Le chat, aussi noir que tes prunelles cassis, t’a repérée. Il saute près de toi, te renifle, avance une patte arrondie pour te faire sauter. Il se lasse bientôt et d’un bond rejoint son canapé.
Toi, tu gardes ton énigme.

Nicole H.


À partir de quelques éléments


Victor est parti aux aurores. D’ailleurs, il n’a pas dormi ! Son sac à dos, pourtant prêt depuis la veille, est aussi lourd que celui qu’il emporte pour son camp d’été. Il y a entassé une couverture écossaise histoire de rendre fou un éventuel caméléon, un thermos de thé de Ceylan, un autre rempli de café d’Ethiopie. Les assiettes sont en carton, les gobelets en argent, quant aux couverts il a sélectionné les mieux astiqués.
Il porte sa chemise de lin beige, son short aux grandes poches à soufflets et ses Pataugas tout terrain. Il ne peut être ridicule, il a le mollet rond et doré.
Pour la dixième fois au moins, il vérifie d’une main preste la présence de la petite boîte au fond de sa poche droite et part enfin le cœur léger sur le chemin de hallage.
Il a été convenu que chacun ferait la moitié du trajet partant d’un point opposé. Plus il avance, plus il lui semble que la silhouette de Céline se dessine dans l’air tremblant de chaleur.
Il est proche du point de leur rencontre. C’est ce chêne immense au tour de tronc rassurant et qui proposera son ombre et sa fraîcheur pour leurs agapes.
Victor s’est délesté de son sac. Il attend. Il imagine tant de belles choses.
À présent, Victor a cessé de se relever au rythme de son impatience pour scruter le bout du chemin. Il reste assis au pied de l’arbre, la tête enfouie dans ses bras croisés. Deux bonnes heures se sont écoulées charriant le pire. Il met fébrilement la main dans sa poche et caresse la petite boîte douce et bombée renfermant la merveilleuse bague. Céline ne viendra pas, elle ne viendra plus.

Nicole H.


Le long de la falaise qui surplombe la plage, le soleil couchant plonge progressivement dans une mer déchaînée. Des nuages menaçants plombent un ciel tourmenté annonçant la grande marée. De puissants jets d’écume éclaboussent les falaises. En cette fin de journée agitée, des groupes de promeneurs s’attardent sur le sentier des douaniers. Le spectacle est grandiose, la nature reprend ses droits et impose sa loi. Parmi eux, un jeune couple semble particulièrement fasciné par ce paysage très inhabituel pour eux. Ils viennent tout juste d’arriver de la grande ville. Ils ont profité d’un long weekend pour s’évader et prendre l’air du large. À peine descendus du train, ils ont décidé d’aller directement se promener en bord de mer pour ne pas perdre une seconde de ce temps si précieux. Le jeune homme est particulièrement enthousiaste et partage toutes ses impressions avec son amie qui l’écoute très attentivement. À un moment où ils se retrouvent seuls, un peu loin du groupe, le jeune homme lui propose de s’asseoir sur un banc pour admirer ce spectacle inoubliable de la terre qui rejoint la mer dans une symphonie de couleurs fascinantes. Tout ému, avec une grande délicatesse, il lui offre alors un joli petit écrin. Surprise, elle le regarde longuement avant d’ouvrir la boite avec précaution. Dans la nuit tourmentée qui les enveloppe délicatement comme pour mieux les protéger, l’éclat du solitaire fait briller ses yeux et illumine son visage d’un bonheur inattendu.

Marie-Claudine


Arnold avait vu trop de comédies romantiques. Quand il tomba amoureux d’Ophélie, il lui fit livrer des brassées de roses rouges et l’invita à dîner en haut de la tour Eiffel. Et quand, peu de temps après, il voulut la demander en mariage, il lui fallut se montrer original et délicat à la fois, comme tout héros qui se respecte.
Il organisa donc un parcours ente les différents lieux de leur histoire : la fontaine du premier baiser, le café des premières confidences, les berges de la Seine où ils avaient fait leur première ballade. Et pour finir, la chasse au trésor les mènerait sur un sentier du bois de Vincennes, sur la petite île de Bercy habitée par des paons aux magnifiques couleurs ; et là, à l’aide de quelques indices habilement disséminés, Ophélie découvrirait dans le creux d’un tronc d’arbre une fine bague sertie d’un diamant, symbole de leur amour et prélude à leur union.
Le début du parcours fut un peu refroidi par la pluie et le vent ; contrairement aux mois de mai hollywoodiens, ce mois de mai à Paris n’avait rien de printanier. Entre deux éternuements Ophélie suggéra qu’ils se réfugient dans une crêperie et en profitent pour se restaurer. Arnold ne voulut pas en entendre parler. Une crêpe ! Après tous ses efforts, se rabattre sur une crêpe ! Et puis le plus important restait à venir.
Il traina donc Ophélie jusqu’au bois de Vincennes, où, les pieds dans la boue, ils finirent par atteindre l’île. Ophélie avait perdu le sourire. Elle avait froid, elle avait faim, les indices l’ennuyaient ; et quand Arnold poussa un cri devant l’arbre qui avait abrité la bague, et qui ne contenait plus qu’un emballage de chocolat, elle fit demi-tour et reprit le métro.
Arnold resta figé devant l’arbre. Il ne comprenait pas Dans son esprit, l’amour triomphait toujours à la fin. Décidément, les comédies romantiques ne lui réussissaient pas.

Vanessa


Basile et Eléonore s’aiment depuis leur enfance. Ils s’étaient rencontrés en CM2, à 10 ans donc.
Aujourd’hui ils ont 24 ans et ont décidé de se marier. Le jour du mariage a été fixé. Basile s’est chargé de l’achat des alliances qu’il a cachées jusqu’au jour du mariage civil.
Une demi-heure avant la cérémonie, il a remis à Eléonore la bague qu’elle lui passerait au doigt. Pour l’alliance réservée à cette dernière, il avait choisi une bague avec un diamant, ayant l’intention de gâter sa future épouse avec un joyau unique en son genre.
Au moment de lui passer la bague au doigt, il se rendit compte qu’elle était trop large pour la fine main d’Eléonore. Il décida qu’après la noce, il rapporterait la bague au bijoutier pour la rétrécir.
En attendant Eléonore la maintint avec son pouce.
Après la cérémonie et la fête qui eut lieu le soir, ils décidèrent le lendemain d’aller faire une promenade amoureuse dans la belle forêt voisine. Ils prirent le chemin qui y menait. Eléonore oublia de maintenir l’alliance avec son pouce. Et que fit la bague ? Elle tomba de sa main et roula jusqu’à un buisson.
Affolés, ils se mirent à chercher cette magnifique bague que Basile avait payée 3000 euros. Ils ne la retrouvèrent que deux heures plus tard, enfin rassurés. Cette fois Eléonore n’oublia plus de se servir de son pouce pour bloquer l’alliance et profiter de cette promenade d’amour.
Le lendemain ils se rendirent chez le bijoutier qui put rapidement résoudre le problème.
Leur bonheur pouvait enfin s’exprimer avec sérénité et amour.

Patrice


Pirluru, chapeau pointu, se promène sur le Sentier des Monts. Il dit souvent, en se trompant, le Sentier de Mots. Ce n'est pas sot.
Pirluru parle aux oiseaux. Il aime entendre le merle, la fauvette, le coucou et le pivert.
Il vient les écouter en toutes saisons.
Ce sont les seuls amis qu'il rencontre.

Sauf qu'un jour, un mercredi, Pirluru, arrivant au Sentier des Monts, tombe nez-à-nez avec un elfe vêtu de vert et d'orange vif, une plume sur son chapeau.
Bonjour je suis Pirluru, et toi, comment t'appelles-tu ?
Je ne m'appelle pas. Je me nomme Goah-le-Malicieux, dit-il en bombant sa plume.
Ha ha, malicieux, hein ? Et en quoi es-tu malicieux ?
Eh bien, par exemple, je vous offre une belle bague sertie de pierres précieuses, ô combien précieuses !
Ah ah je voudrais bien voir cela !
Eh bien voilà, regardez votre annulaire droit.
Oh ventredieu ! C'est incroyable, c'est magique. Alors … me voici riche avec cette bague. Je vais...
Tsss Tsss Tsss ne partez pas si vite ou alors...
Ou alors quoi ? s'enquiert Pirluru, en se tournant, car il avait commencé à s'éloigner.
Regardez votre main, maintenant.
Au secours, ma bague, où est ma bague. Au voleur, à l'assassin, ma bague ! Tu me l'as volée.

Jacques -André (à distance)