Atelier d'écriture

L’atelier d’écriture est l’occasion de jouer avec les mots, de faire entendre sa voix, d’écouter celle des autres, de se découvrir. C’est avant tout une expérience ludique, le plaisir de réaliser quelque chose et de le partager. À chaque séance l’animatrice propose de nouvelles consignes, qui servent de point de départ à l’écriture. Cette règle du jeu, par son aspect contraignant, permet de libérer l’imagination. On n’est plus devant une inquiétante page blanche, mais devant une proposition d’écriture, qu’on pourra à son gré suivre de près ou subvertir discrètement. C’est ce qui fait tout le sel de la lecture des textes : on se rend compte que chaque participant a traité la consigne de façon personnelle, provoquant la surprise, le rire ou l’émotion. Les échanges, qui se font dans un esprit curieux et bienveillant, permettent à chacun de prendre du recul sur son propre texte.

Quelques textes du 4e atelier



Mes résolutions pour 2012


- Cette année, je ne prends aucune résolution.
- En 2012, j'arrête de fumer. (Vu que je ne fume pas, je suis certain d'y arriver.)
- Cette année, je ne serai pas négatif.
- En 2012, je me tournerai résolument vers l'avenir comme je l'ai fait en 2005, en 2007 et en 2009.
- Cette année, je me lance dans l'écriture d'un roman, d'une nouvelle, d'une liste de bonnes résolutions
Pascal

- En 2012, je n'achèterai plus n'importe quoi par correspondance pour recevoir un cadeau surprise.
- Je ferai les soles deux fois dans l'année, avec mesure et rationalité.
- En 2012 je cesserai de jouer à "plantes contre zombies" sur mon ordinateur.
- Un jour de 2012 j'aurai une épiphanie.
- Je chercherai dans le dictionnaire la définition du mot "épiphanie".
- Si la fin du monde se produit en 2012, je ne paniquerai pas.
- Si finalement ce n'est pas la fin du monde, je cesserai de m'inquiéter pour des détails.
- En 2012, j'aurai la sérénité du Dalaï-Lama et la sagesse de Dumbledore.
Vanessa

Description « dans l’encadrement d’une fenêtre »

Il y a une femme de taille moyenne, aux cheveux blonds, longs et frisés. Vêtue d’un peignoir, elle se tient debout face à une armoire dont elle vient d’ouvrir les deux portes. Très droite, les mains sur les hanches, immobile. J’imagine ses yeux allant de gauche à droite et de droite à gauche, scrutant chacun des vêtements accrochés à la tringle. Puis elle avance les bras devant elle et cherche lentement un vêtement qu’elle ne voit pas en les écartant chacun légèrement l’un de l’autre. Elle en retire une robe rouge, longue, à bretelles. Elle ôte son peignoir et enfile la robe. A petits pas elle va se placer devant un miroir. Elle reprend sa pose. Très droite, les mains sur les hanches, immobile. Elle se retourne pour se placer dos au miroir. Mais, à peine a-t-elle tourné la tête par-dessus son épaule, elle enlève la robe, la jette sur le lit et cherche à nouveau dans l’armoire. Cette fois elle en retire une robe verte, courte, à manches longues. Elle la met, se place à nouveau devant le miroir de face, de dos, de face. Alors elle hausse les épaules, soupire et s’asseoit sur le lit, semblant dépitée. Le visage dans les mains, elle pleure. Puis elle se lève, fait quelques pas, disparaît et revient en tenant un mouchoir en papier avec lequel elle essuie ses larmes. Elle enlève la robe et, sans hésitation, sort de l’armoire une robe noire, courte, qu’elle enfile rapidement. Puis elle se baisse et retire du bas de l’armoire une paire de chaussures noires à hauts talons. Sur la chaise, elle prend un petit sac à main. Elle semble enfin prête à sortir. Elle passe devant le miroir, s’arrête et se regarde quelques minutes, immobile. Soudain, elle jette le sac à travers la pièce, enlève nerveusement robe et chaussures, se couche et éteint la lumière.
Sabine


C'était une belle soirée d'été et la nuit venait de tomber. Nous avions des invités à la maison et le champagne coulait à flots. Où avais-je bien pu laisser ma flûte de champagne ? Elle devait être resté sur la petite table du balcon.
Ce n'était pas immense chez moi mais j'avais toujours tendance à passer d'une pièce à l'autre en y oubliant un petit quelque chose, un verre, un livre, un chapeau, un peu comme s'il me fallait absolument laisser partout une trace de mon passage. Peut-être était-ce là ma manière quasi-animale de marquer mon territoire .
Je retournai donc sur le balcon pour récupérer ma flûte. Quand je me retournai pour rentrer par la porte fenêtre je découvris dans l'encadrement de la fenêtre ma salle de séjour. En me tenant ainsi à l'extérieur, j'eus l'impression étrange de découvrir mon appartement pour la première fois, d'y être un étranger qui découvre le lieu avec des yeux neufs.
Comme elle avait l'air cosy, cette salle. L'éclairage indirecte conférait indéniablement au lieu une convivialité particulièrement chaleureuse . D'ailleurs, les invités semblaient s'y plaire. Chacun était confortablement installé dans un fauteuil ou sur l'un des canapés, et le sourire aux lèvres, s'entretenait en parfaite harmonie avec son interlocuteur, tandis que quelques notes de jazz venaient compléter le tableau sonore.
Cela me donna l'envie de me joindre à ces personnes. Je retournai donc à l'intérieur, je réintégrai ma vie, je retrouvai mes invités, après ce moment passé comme suspendu hors du temps.
C'était bien chez moi. Elle était belle, ma vie.
Pascal

Sur le thème de quelqu'un d'autre


Nuit et brouillard

Je roulais depuis bientôt cinq heures. Il faisait nuit. Une route droite qui traversait la forêt pendant près de cent kilomètres. De nombreux panneaux plantés sur le côté nous mettaient en garde contre les animaux qui pouvaient traverser la route. Les arbres défilaient dans la lumière des phares. J’avançais en ayant hâte que tout ceci se termine. J’étais seule. Personne devant, personne derrière, personne dans l’autre sens. La radio ne diffusait plus de programmes mais de la musique lancinante que je n’avais jamais entendue ailleurs. Je l’éteignais. A part la route devant moi, je n’avais rien à regarder. Rien à écouter, rien à regarder. « Bientôt je vais avoir peur » me disais-je. Il était hors de question que je m’arrête. Je pensais à la maison dans laquelle je devais me rendre. Un chalet au pied de la montagne. Je ne savais pas ce que j’y ferais. La cuisine et le ménage probablement. Il n’y avait pas d’enfants à garder. Un couple de personnes âgées qui vit là, loin de tout. « Attention, ce n’est pas gai. » m’avait dit l’agence. Enfin la forêt se terminait. Les arbres s’espaçaient. Il fallait que je continue encore pendant trente kilomètres me disait le plan. Le brouillard commençait à se lever. Un épais brouillard blanc, arrivé de nulle part. « C’est bien ma veine ! » me dis-je. La route était toujours aussi droite. Soudain le panneau attendu apparut. Il fallait que je tourne à droite puis que je continue jusqu’à la maison. « Il n’y en a qu’une. Vous ne pouvez pas vous tromper. » m’avait-on encore dit à l’agence. C’était bien un chalet, immense, qui surgit devant moi au milieu des sapins. J’arrêtai la voiture et frappai à la porte. « Nuit et brouillard » me dit l’homme qui vint m’ouvrir, « Vous n’avez pas de chance. Vous pouvez aller vous coucher. Votre chambre est tout là-haut. On parlera demain. »
Sabine


La lumière tourne et me donne mal au cœur

- Excusez-moi ! Excusez-moi !
Des centaines d'êtres blafards, mi-humains, mi-fantômes, se pressent tous dans le même sens, sourds à mes appels. Une brume tiède rend la scène floue. Il me devient difficile de savoir où je me trouve, d'où je viens. Je me sens seul, apeuré.

- Excusez-moi ! Où allez-vous tous comme ça ?
Personne ne daigne me répondre. Ils pressent le pas. Je les suis. Il me faut courir pour rester à leur hauteur. Ils doivent être des milliers. Une sorte de spot gigantesque éclaire la scène au travers de la brume qui s'épaissit. Je me sens claustrophobe.

- Excusez-moi ! Quel est ce pays ? Où suis-je ?
Ces créatures étranges ne parlent sans doute pas ma langue. Je me demande si elles sont douées de parole. Je ne distingue même pas de bouche sur leurs visages. La lumière semble vaciller et un grognement se fait entendre qui semble sortir des entrailles de la Terre. Je cours à perdre haleine. Je me sens exténué.

- Excusez-moi ! Je veux rentrer chez moi.
Ils vont trop vite. Je n'arrive plus à les suivre. Je suis dans un brouillard épais et je m'y perds. La lumière tourne, tourne, tourne et me donne mal au cœur. Je suis nauséeux. Je veux que ça cesse ! Je me sens vidé.

Silence - Obscurité - Lumière
- Vous avez appelé ? me demande l'infirmière, en m'adressant un large sourire rassurant.
Pascal

S'en aller vers l'horizon

J'ai rangé mes vêtements dans des valises et mes livres dans des cartons, j'ai enveloppé mes objets dans du papier-bulle, du papier de soie, du papier journal; j'ai embarqué tout ça dans un camion de location et j'ai tout déposé au garde-meubles. J'ai laissé un mot pour Gilles sur la table de nuit, j'ai barré mon nom au-dessus de la sonnette et je l'ai décollé de la boîtes aux lettres; je suis passée à la Poste pour envoyer mes résiliations de bail, d'EDF, d'internet, de téléphone, d'assurance-habitation, de passe Navigo. Puis je suis allée à la gare de Lyon, j'ai consulté les horaires et les destinations, j'ai acheté un billet pour une ville du sud que je ne connaissais pas, et je suis montée dans le train. Pendant le trajet je suis allée au wagon-bar m'acheter un sandwich et un journal. A mon arrivée, j'ai pris une chambre dans le premier hôtel que j'ai trouvé; le lendemain matin après le petit-déjeuner j'ai réglé ma note, et je suis partie droit devant moi, avec mon petit sac sur le dos pour tout bagage. La brume du petit matin était en train de s'évaporer; l'horizon se dégageait, le ciel était bleu. J'étais libre.
Vanessa