Atelier d'écriture

L’atelier d’écriture est l’occasion de jouer avec les mots, de faire entendre sa voix, d’écouter celle des autres, de se découvrir. C’est avant tout une expérience ludique, le plaisir de réaliser quelque chose et de le partager. À chaque séance l’animatrice propose de nouvelles consignes, qui servent de point de départ à l’écriture. Cette règle du jeu, par son aspect contraignant, permet de libérer l’imagination. On n’est plus devant une inquiétante page blanche, mais devant une proposition d’écriture, qu’on pourra à son gré suivre de près ou subvertir discrètement. C’est ce qui fait tout le sel de la lecture des textes : on se rend compte que chaque participant a traité la consigne de façon personnelle, provoquant la surprise, le rire ou l’émotion. Les échanges, qui se font dans un esprit curieux et bienveillant, permettent à chacun de prendre du recul sur son propre texte.

Quelques textes du 3e atelier


Le mot d'excuse 

Madame Dubreuille, 
je vous prie d’excuser mon Matthieu pour la dernière semaine de février, notre budget étant serré nous avons préféré économiser sur le chalet.

Monsieur le président de la ligue, je m’insurge ! Mon fils a été disqualifié pour avoir mordu l’oreille de son adversaire. Mais enfin, c’est gagner qui compte ! Espérant votre sportive coopération.

Madame la directrice, 
ma fille sur décision de ses professeurs est invitée à redoubler sa seconde. Je me permet de contester cette décision, le programme est beaucoup trop dur, il me rappelle celui de ma terminale. Aussi je pense qu’elle peut aisément passer l’an prochain en première de son choix. 
Loïc 

Monsieur,
Veuillez excuser mon fils pour son absence hier à votre cours de maths. Il avait oublié son lire et son cahier chez sa grand-mère ce week-end, et il n'a pas osé venir sans ses affaires. Nous sommes très polis dans la famille. En comptant sur votre compréhension, je vous prie d'agréer mes salutations distinguées.

Madame,
Vous dîtes que ma Julie a triché à son contrôle de français. Or, qui vous dit que c'est elle qui a copié? C'et peut-être sa voisine. En toute justice, vous devriez lui laisser le bénéfice du doute. Je compte sur vous pour être un Salomon.

Madame,
Mon petit Lucien a pleuré hier en me montrant le 5/20 qu'i a eu en biologie. Quand j'ai lu les questions que vous avez posées en contrôle, j'ai été outrée. Comment voulez-vous qu'ils retiennent tout ça, avec tout ce qu'ils ont déjà dans la tête, en pleine adolescence? Les pauvres enfants ont déjà bien assez à faire avec leurs hormones. Ne pourriez-vous pas les laisser respirer un peu?
Vanessa

À partir d’une photo: deux descriptions subjectives 

1/ advertising 

« L’hôtel du Dôme » 

A quatre heures de Paris, dans un village paisible de la côte atlantique, venez vous ressourcer du bruit des flots. 

Toutes les chambres de notre hôtel donnent sur l’océan et sont équipées de bains à remous et d’air conditionné. Aux sous sol se trouve notre salle de remise en forme où Michael, notre coach, vous préparera un training spécialement adapté. 

Vous gouterez au bonheur de notre petit déjeuner continental servit les pieds dans le sable sur l’extension de notre terrasse. Vous adorerez le charme romantique des soirées paisibles au clair de lune de nos restaurants sur quai. Prolongé par une nuit torride au « twist turning » où se déroule des soirées inoubliables, fameuse dans la contrée. 

N’attendez plus, venez vite vous ressourcer dans la quiétude d’Ipalon les galets, un havre de paix que vous n’oublierez jamais. 

2/ après expérience 


À la rédaction en chef du Figaro, Paris le 21/11/12. 

Messieurs, 

Je vous écris suite à la parution dans votre hebdomadaire du 15/07 dernier, concernant la promotion de l’hôtel du Dôme situé à Ipalon les galets. 
Je suis d’habitude très satisfait de votre choix d’annonce et reviens à chaque fois enchanté de mes séjours prodiguant leurs bienfaits escomptés. Mais l’hôtel du Dôme à Ipalon les galets je n’y remettrai plus les pieds ! 
De toute façon, il ne m’y sera plus possible puisqu’il va être détruit. Le saviez-vous ça messieurs ? 
À la grue et la pelle grappin que nous étions réveillés tous les matins ! Sans compter les secousses dues aux vibrations induites par les destructions mitoyennes… 

Le petit déjeuner les pieds dans le sable : oui. Mais entourés des supporters de foot de l’équipe locale, croquant des croissants sablés par les ricochets de sable de joueurs incompétents et les rixes des manants nous entourant. 

Michael est bien gentil et se plie en quatre pour nous faire oublier le plâtre qui coule du plafond à chaque coup de démolition sous une musique à tue tête.

Pour clore le tout, en rebondissant sur la musique, parlons du fameux et départementalement renommé torride « twist turning ». Parler vous anglais messieurs ?... Parce que le twist turning porte bien son nom… Twist, turning, répétez tout haut s’il vous plait. Nous y avons croisé Michael d’ailleurs dans une tentative infructueuse d'échange de nos épouses, notez que sur ce point c’est la sienne qui a refusé. 

Pour votre gouverne Ipalon les galets va être rasé et cela messieurs ne peut être que du meilleur effet pour un plus beau littoral français. 
Loïc

À partir d’une première phrase

En plein mois d’août, un beau jour, il advint qu’un homme s’évanouit sans laisser de traces. Les hommes sont coutumiers de ces disparitions.

Au début ils sont là.
On les croque et on les craque,
On les rit et on les pleure,
On les marie, on les divorce,
On leur plie leurs chemises, on déchire leurs lettres,
On partage une bouteille, on la jette contre un mur,
On les écoute, on les console, on les agace, on les énerve,
On se met en ménage, le ménage n'est pas fait,
On les harcèle, on les menace, on les oublie,
On les amuse, on les éblouit, on leur fait pitié, On les aime, on les méprise, on les déteste.

Au début, ils sont là, les hommes, et eux aussi
Ils nous croquent et nous craquent,
Ils nous rient et nous pleurent,
Ils nous marient et nous divorcent,
Ils nous plient une chemise, ils déchirent nos lettres,
Ils partagent une bouteille et la jettent contre un mur,
Ils nous écoutent, nous consolent, nous agacent, nous énervent,
Ils se mettent en ménage, le ménage n'est pas fait,
Ils nous harcèlent, nous menacent, nous oublient,
Ils nous amusent, nous éblouissent, nous font pitié,
Ils nous aiment, nous méprisent, nous détestent.
Et puis, lassés, ils disparaissent.

Et c'est ainsi qu'en plein mois d'août, un beau jour, il advint qu'un homme s'évanouit sans laisser de traces.
Vanessa


En plein mois d’août, un beau jour, il advint qu’un homme s’évanouit sans laisser de trace. 

Une odeur oui, de trace point. C’est une trace olfactive précisa l’inspecteur Rissey fraichement débarqué dans la contrée en remplacement de Jack Riton, maintenant paisible retraité mais n’ayant pu s’empêcher de suivre et apporter ses lumières à la résolution de cette affaire. 

Pas de trace de cet homme pressé, mais qui était-il ? Un homme de la ville, ajouta l’employée de l’hôtel, un homme d’affaire qui passait toujours quelques jours d’été dans ce coin reculé. Il y avait de la famille jadis, on dit qu’il y serait né, mais il ne reste personne de vivant pour l’affirmer. Un fort bel homme enchérit la mégère, pas une ressemblance avec nos ivrognes de chez nous. Un gentleman au physique élégant. Tous les matins il courrait, ne buvait que très peu et entre un flirt ou deux lisait face à la mer oscillant dans son rock-in-chair. 

Pas de trace, pas de trace, l’affaire de l’inspecteur Rissey s’enlisait. De plus cet homme devait être réputé en ville. Il aurait bientôt la presse nationale sur le dos et cela il préférait l’éviter. Déjà que le quotidien local l’avait bien embarrassé avec son titre à succès « la mise à l’épreuve de Rissey » en insistant bien sur le vide du dossier et ressortant noir sur blanc les seules paroles qu’il s’était autorisé « En plein mois d’août, un beau jour, il advint qu’un homme s’évanouit sans laisser de trace ». 

Pas de trace, pas de trace se répétait-il en humant son café… il me faut des traces et plus que des traces olfactives d’âcres fumées ! 

« Récapitulons : 
- il ne boit pas 
- est maigre et courtois 
- court tous les matins 
- et il n’a pas de chien ! 

Pas de chien ? 
Oui, il n’en a pas. 
Non.
Oui mais pourquoi ?... » 

Cet homme maigre et courtois n’a pas de chien et court tous les matins… il n’a pas de chien, il n’a pas de chien et cours tous les matins… 

Sous la chaleur de l’été, l’odeur âcre du brûlé se répand par dessus le café… Rissey se sent paumé… cet homme n’a pas de chien et il advint qu’il disparaît sans laisser de traces un matin d’été… le regard hagard de Jack lui renvoie sa propre image de paumé. 

Puis il songe et à haute voix : «le coup le plus rusé que le diable n’ai jamais réalisé à été de faire croire à tout le monde qu’il n’existait pas. »
« Kaiser Sose, dans Usual Suspects » dit-il en souriant à Jack effondré. 
« ou alors le gars s’est enflammé en auto-combustion instantané, il ne boit pas lors d’une course en été… » renchérit-il élargissant son sourire. 

Voilà comment est née la légende de Paradise city, où le diable s’est enflammé sans laisser de trace un jour d ‘été. 
Loïc