Atelier d'écriture

L’atelier d’écriture est l’occasion de jouer avec les mots, de faire entendre sa voix, d’écouter celle des autres, de se découvrir. C’est avant tout une expérience ludique, le plaisir de réaliser quelque chose et de le partager. À chaque séance l’animatrice propose de nouvelles consignes, qui servent de point de départ à l’écriture. Cette règle du jeu, par son aspect contraignant, permet de libérer l’imagination. On n’est plus devant une inquiétante page blanche, mais devant une proposition d’écriture, qu’on pourra à son gré suivre de près ou subvertir discrètement. C’est ce qui fait tout le sel de la lecture des textes : on se rend compte que chaque participant a traité la consigne de façon personnelle, provoquant la surprise, le rire ou l’émotion. Les échanges, qui se font dans un esprit curieux et bienveillant, permettent à chacun de prendre du recul sur son propre texte.

Quelques textes du 9e atelier


Traductions antonymiques 


« Qu'importe le flacon, pourvu qu'on ait l'ivresse ? » (Alfred de Musset) 
- Qu'importe la boisson, pourvu qu'on ait la sobriété. 
- C’est la rose l’important, tant pis pour la raison.

« L'idéal du calme est un chat assis. » (Jules Renard) 
- Le cauchemar infernal est une croquette aérienne.
- La réalité de l'énervement est une souris couchée. 

« Le coeur a ses raisons que la raison ne connaît point. » (Blaise Pascal) 
- Le rein a ses calculs que le calcul connaît si bien.
- Le rein a ses caprices que la folie n'ignore point. 

« Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement, 
Et les mots pour le dire arrivent aisément. » (Nicolas Boileau)
- Ce que l'on ignore mal s'écrit obscurément 
Et les silences pour le taire s'en vont difficilement. 
- J’suis si bête que j’pige même pas quand j’cause,
et d’ma bouche sort que des âneries.

« Là, tout n'est qu'ordre et beauté, 
 Luxe, calme et volupté. » (Charles Baudelaire) 
- Ici, tout est désordre et laideur,
Misère, colère et abstinence. 
- Nulle part ailleurs, rien n’est anarchie et laideur,
Ascèse, tintamarre et raideur.


Critiques de films fictifs 


« Les losers Magnifiques », du réalisateur Gus Van Doren : 
une critique sensible et poétique de la société néerlandaise. 
Par Anatole Fronce, pour Aujourd’hui en Suisse


L’histoire ressemble à s’y méprendre à un film déjà vu mille fois sur des adolescents boutonneux destinés à d’autres adolescents boutonneux. Pourtant, le talent du désormais célèbre réalisateur néerlandais métamorphose ce qui s’annonçait comme un vulgaire navet en un chef d’œuvre de ce cinéma que l’on peut aisément aujourd’hui qualifier de « social », grâce à son analyse incisive et émouvante de la psychologie de jeunes en quête d’identité et au choix de ses acteurs, surprenants de sincérité et de générosité. 

Les premières images sont troublantes. Alors que l’année scolaire vient de s’achever, Hieronymus et trois de ses amis, apparemment éreintés par l’oisiveté imposée, sont affalés dans des fauteuils aux dimensions disproportionnées et peinent à en sortir, ne serait-ce que pour prendre un soda dans le réfrigérateur. La télé est allumée et des clips, entrecoupés de publicités abrutissantes, tournent en boucle sur l’écran géant. La scène, filmée en plan fixe durant 45 minutes, prend soudainement une tout autre dimension quand les quatre adolescents se trouvent comme saisis par une idée fantastique : se rendre à la piscine afin de se rafraîchir. Mus par une énergie jusqu’ici insoupçonnable, ils s’emparent des quelques affaires indispensables pour une telle expédition : maillots et serviettes de bain, lunettes de piscine et même brassards… « Ben ouais quoi, j’sais pas nager » se justifie dans un émouvant néerlandais Johann, brave garçon qui se révèle – ce qui se confirmera d’ailleurs au terme des 3 h 48 que dure le film – être un jeune homme en proie à des doutes existentiels et – l’allégorie est ici poignante – que ses brassards rassurent et apaisent. La scène de la piscine marque l’apogée du film : dans l’eau ondoyante tout se joue et se dénoue, les mèches se font rebelles et les maillots de bain trempés collent aux cuisses de ces quatre adolescents que tout uni mais qu’un rien isole. Les Losers Magnifiques réunit tous les éléments du chef-d’œuvre cinématographique, au spectateur désormais d’en apprécier toute la force et l’intelligence. 
Hélène



Le dernier Robert Dupuis : une catastrophe à la française 


Le Paris-Marseille de l'enfer, sorti en salles cette semaine, est le dernier exemple en date de ces films français "à l'américaine" qui envahissent les écrans depuis le succès public des Titans de la Beauce

Le réalisateur Robert Dupuis utilise le mélange d'action, de suspense et d'effets spéciaux auquel nous ont habitués les grosses productions hollywoodiennes, en les adaptant à notre culture locale. C'est donc un film catastrophe en miniature, avec un avion qui part de Paris, subit une panne en survolant l'Auvergne, et finit pas sombrer dans la mer juste après le port de Marseille. Comme toujours dans ce genre de film, une idylle se noue entre une jeune femme courageuse (jouée par l'omniprésente Léontine Doucet, et le copilote (incarné sans conviction par Gaspard Nuca). 

Les ingrédients sont là, mais rien ne prend. La musique est sirupeuse, les effets spéciaux minimalistes. Les figurants trop peu nombreux passent et repassent devant la caméra. Le pompon est la scène finale, quand les pêcheurs marseillais embarquent sur leurs petits bateaux pour sauver les passagers de l'avion. Au lieu d'être émus, on est pris d'un fou-rire. Bref, ce film est une catastrophe de bout en bout. L'enfer (du Paris-Marseille) est pavé de bonnes intentions. 
Vanessa 


Écriture sans réfléchir 

avec les mots: pistache, rouge à lèvres, souple, étoile, pression, famille, bulle. 

- Les pistaches sont salées, je répète, les pistaches sont salées.
- Mais non, tu t’es trompé dans le code radio, c’était rouge à lèvres l’information à transmettre !
- Peut-être, mais tu sais, moi, j’suis tout sauf souple : on m’a dit de transmettre « pistache », je transmets « pistache », point final.
- Toi, t’es pas une flèche, doit plus y avoir une seule étoile qui brille dans ta caboche…
- Ben voilà, j’ai la pression maintenant ! Tu m’embrouilles et je risque de me tromper dans mes transmissions !
- Allons Raymond, ne nous fâchons pas, c’est pour libérer la France et nos familles que nous faisons ce boulot, faut penser à ça et à rien d’autre.
- T’as raison Roger, une fois la guerre finie, j’irai coincer la bulle sur une île déserte avec ma mignonne, et tout ça sera loin.
Hélène 

Il se régala de sa glace à la pistache. Elle était parfaite, meilleure encore que le sorbet au citron de ce matin. Le seul problème est que son rouge à lèvres disparut sur la cuillère, au fur et à mesure du festin. Heureusement, les canons actuels de la beauté sont plus souples qu'avant. Avec ou sans rouge à lèvres, il brillait comme une étoile dans un ciel hivernal. Sa glace terminée, il ôta son gilet à pressions et s'allongea pour faire une sieste. Dans sa famille, la sieste était une coutume sacrée, à ne négliger sous aucun prétexte. Il passa l'heure qui suivit dans sa bulle de rêve et de digestion. 
Vanessa