Atelier d'écriture

L’atelier d’écriture est l’occasion de jouer avec les mots, de faire entendre sa voix, d’écouter celle des autres, de se découvrir. C’est avant tout une expérience ludique, le plaisir de réaliser quelque chose et de le partager. À chaque séance l’animatrice propose de nouvelles consignes, qui servent de point de départ à l’écriture. Cette règle du jeu, par son aspect contraignant, permet de libérer l’imagination. On n’est plus devant une inquiétante page blanche, mais devant une proposition d’écriture, qu’on pourra à son gré suivre de près ou subvertir discrètement. C’est ce qui fait tout le sel de la lecture des textes : on se rend compte que chaque participant a traité la consigne de façon personnelle, provoquant la surprise, le rire ou l’émotion. Les échanges, qui se font dans un esprit curieux et bienveillant, permettent à chacun de prendre du recul sur son propre texte.

Quelques textes du 5e mercredi


Cadavre exquis 


Se gratter l'oreille 
c'est courir à tort et à travers 
c'est aussi passer à côté de sa vie 
c'est enfin se moucher avec des bas. 

Voyager sans cesse 
c'est boire une infusion à la camomille 
c'est aussi perdre la vue sans raison 
c'est enfin un plaisir bien féminin. 

Chercher de l'or 
c'est s'assurer la tranquillité 
c'est aussi pleurer comme une madeleine 
c'est enfin boire un petit calva. 

Se moucher bruyamment 
c'est se rouler dans la neige 
c'est aussi s'extasier devant un tableau de Chagall 
c'est enfin lire les nécrologies dans le carnet du Monde.  

Vivre caché 
c'est reculer pour mieux sauter 
c'est aussi péter dans la soie 
c'est enfin plus facile que de se gratter le dos.

Ouvrir le robinet 
c'est un grand soulagement 
c'est aussi rire sous cape 
c'est enfin pleurer de joie. 

Se nouer les cheveux 
c'est réveiller son conjoint 
c'est aussi jouer à la marelle 
c'est enfin s'enrouler dans une couverture en mohair. 

Parler le chinois 
c'est changer de métier 
c'est aussi dépenser sans compter 
c'est enfin parier sur le mauvais cheval. 

Essayer des chaussures neuves 
c'est se regarder le nombril 
c'est aussi une façon de commencer une histoire 
c'est enfin arriver fatigué au boulot. 


Réponse à une annonce "copain d'hier" 



Cher Paul, 

Déjà en écrivant ce "cher Paul" je suis en train de mentir, mais il faut bien commencer. Et puis, comme tu l'écris si joliment dans ton annonce, j'étais ton "ami de jeunesse" et tu étais le mien. Nous étions inséparables, on nous appelait les jumeaux, Montaigne et La Boétie, Castor et Pollux. 
Et oui, cher Paul, nous avons pratiqué bien des activités artistiques et physiques. Je garde un bon souvenir de cette époque à Casablanca, baignée de soleil et de camaraderie ; je n'emploierai pas un autre mot pour épargner ta pudeur. Un bon souvenir, donc, mais aucune nostalgie. 
Car lorsque je t'ai revu en 1972 tu m'as présenté ta femme, fièrement, comme si tu avais réussi je ne sais quel rite de passage, et même, si mes souvenirs sont exacts, trois charmants lardons que vous aviez eus ensemble. J'ai fait bonne figure, je serais moins poli aujourd'hui si je te revoyais. 
Pour ma part ça n'a pas été facile tous les jours, mais je n'ai jamais renié ma nature. Je vis depuis vingt ans avec Albert, mon compagnon que j'ai rencontré à un cours de peinture, et qui, lui, ne m'a pas quitté pour une femme. 
Voilà, je n'ai rien d'autre à te dire. Je vois que tu habites dans un bled appelé "Bonsecours", ça te va bien, ça fleure bon l'eau bénite et les cachotteries. 
Adieu, 

René (Vanessa)


À partir d'une image 





Non mais ça n’est pas vrai ! Non mais je rêve !! Non mais quel con !!! 
Et ça fait quarante ans que ça dure, quarante ans que c’est notre pote, quarante ans que l’on trimballe ce boulet. Déjà en primaire, chaque fois qu’il faisait une connerie, on trinquait tous les quatre. Après il y a eu la colo, loin de sa maman, il fallait consoler Monsieur petit lapin en sucre et qui s’en chargeait ? les trois autres. Je ne te parle pas de la honte qu’il nous a collée lorsqu’il a commencé à draguer. Après, une fois que l’on a réussi à le caser, il fallait convaincre sans cesse sa petite femme de rester avec celui qu’elle appelait son abruti de mari. Je ne te parle pas des dépannages financiers à chaque fois que Monsieur l’incapable se faisait virer comme un malpropre de son entreprise. 
Alors, aujourd’hui, je vous le dis très clairement, si ce crétin ne retrouve pas très vite les clefs du camion et que l’on est obligé de rentrer à pieds, je le tue, je le flingue, je l’explose, je le disperse ici même, éparpillé dans la forêt le Paulo, façon puzzle, comme dirait Tonton. 
Oui Monsieur !!!... 

Pierre