Atelier d'écriture

L’atelier d’écriture est l’occasion de jouer avec les mots, de faire entendre sa voix, d’écouter celle des autres, de se découvrir. C’est avant tout une expérience ludique, le plaisir de réaliser quelque chose et de le partager. À chaque séance l’animatrice propose de nouvelles consignes, qui servent de point de départ à l’écriture. Cette règle du jeu, par son aspect contraignant, permet de libérer l’imagination. On n’est plus devant une inquiétante page blanche, mais devant une proposition d’écriture, qu’on pourra à son gré suivre de près ou subvertir discrètement. C’est ce qui fait tout le sel de la lecture des textes : on se rend compte que chaque participant a traité la consigne de façon personnelle, provoquant la surprise, le rire ou l’émotion. Les échanges, qui se font dans un esprit curieux et bienveillant, permettent à chacun de prendre du recul sur son propre texte.

Quelques textes du 6e jeudi


Description d'un sac, puis du personnage auquel il appartient 


Oomani Alima

La porte de l’ascenseur s’est ouverte au 5e étage d’où je l’avais appelé : un sac était posé à l’intérieur mais pas de trace de sa propriétaire. Car c’était à mon sentiment un sac de femme : assez gros, un peu mou, dans une de ces matières modernes qui ressemblent à du cuir, de couleur mauve décoré de petites tresses jaunes. Deux solides poignées et un fermoir à l’air rebutant. 
Malgré le battement de cœur que m’a provoqué cette découverte insolite, je suis entré dans l’ascenseur et j’ai appuyé sur le bouton Rdch. Insensible à cela, l’ascenseur a continué sa course ascendante jusqu’au 21e étage. La porte s’ouvre et inexplicablement je m’attends à voir apparaitre sur le palier la propriétaire du sac, ce qui aurait remis les choses en ordre, pensais-je. Quoique un autre pan de mon cerveau me susurrait au même moment que c’était curieux et imprudent de faire voyager un tel sac tout seul dans l’ascenseur d’un immeuble de grande hauteur. 
Mais personne sur le palier et l’ascenseur en profite pour repartir à toute allure vers le rez-de-chaussée.
Ma curiosité aiguillonnée, j’essaie d’ouvrir ce fichu sac pendant la descente, avec toutefois un brin d’appréhension. Quid si la propriétaire faisait subitement irruption dans cet ascenseur ? Pour me rassurer ou me justifier, j’imagine que j’y trouverai un papier donnant le nom de cette propriétaire : il me suffira de vérifier sur l’interphone pour trouver son étage et je pourrai lui rapporter son bien. 
Le fermoir est plus sympathique qu’il n’y paraissait et il s’ouvre dès ma première sollicitation. Le sac est rempli de packs de lait d’amande : j’en compte six litres. Tout au fond, un petit portefeuille porte-monnaie. Je l’ouvre avidement, fais tomber sur le sol une pluie de petite monnaie et j’y déniche une sorte de carte de crédit, ou de carte de fidélité car le nom de l’organisme ne ressemble à aucun nom de banque. 
Au moment où je déchiffre le nom de la titulaire, OOMANI ALIMA, l’ascenseur s’arrête subitement à un étage intermédiaire. 

Jean-Marie 

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La réponse de l’américain 

Cher(e) inconnu(e),

Je remercie vous d’avoir mon sac ramené aux Lost and Found de Paris, surtout pour la petite clé. Je sommes William Burger, de l’Etat du Colorado aux States, et je suis venu étudiant à Paris un an d’ici. Ah Paris, la ville la plus romantique du monde ! Et bien sûr je suis tombé raide en amour d’une jeune femme brune qui disait s’appeler Jeanne. Nous avons rencontrés au Luxembourg Jardin et comme elle venait de se fâcher avec sa famille elle venue tout de suite habiter avec moi dans le petit loft que je loua boulevard Saint Germain. 
Mais comme dans vos chansons d’Edith Piaf, la belle s’est envolée d’un coup, un matin avant le breakfast. Elle a emporté quelques affaires qu’elle avait amenées et un peu d‘argent à moi, mais cela n’a pas d’importance que son départ. En fouillant sous le lit j’ai retrouvé l’ours en peluche et la bougie à la vanille qu’elle avait amenée chez moi le 2e jour. J’ai cherché à l’adresse de ses parents que j’avais notée mais le numéro n’existe pas dans cette rue. 
Alors j’ai ouvert le livre de poésie de Verlaine que mon professeur de français me fait étudier et j’ai relu celui qui commence par « Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant ». J’ai pris la clé du cadenas d’amour que nous avions locké sur le Pont des Arts pour aller retirer et jeter lui dans la Seine : il parait que cela fait partir la douleur. 
Mais juste avant j’ai voulu revenir au Luxembourg Jardin une dernière fois voir le banc où nous rencontrâmes. J’ai pas faire attention qu’un méchant homme me suit dans le soir et me frappe violemment pour prendre sac à moi. Je suis réveillé à l’hôpital, Urgences vous dites. Grâce à vous je retrouve ce sac et maintenant je peux enfin partir pour jeter ce bloody cadenas dans la Seine. Ensuite je passerai chez mon pote Johnny pour ramener tableau et balance de cuisine qu’il m’avait prêtés. Vous savez tout.

Merci toujours.

Jean-Marie