Atelier d'écriture

L’atelier d’écriture est l’occasion de jouer avec les mots, de faire entendre sa voix, d’écouter celle des autres, de se découvrir. C’est avant tout une expérience ludique, le plaisir de réaliser quelque chose et de le partager. À chaque séance l’animatrice propose de nouvelles consignes, qui servent de point de départ à l’écriture. Cette règle du jeu, par son aspect contraignant, permet de libérer l’imagination. On n’est plus devant une inquiétante page blanche, mais devant une proposition d’écriture, qu’on pourra à son gré suivre de près ou subvertir discrètement. C’est ce qui fait tout le sel de la lecture des textes : on se rend compte que chaque participant a traité la consigne de façon personnelle, provoquant la surprise, le rire ou l’émotion. Les échanges, qui se font dans un esprit curieux et bienveillant, permettent à chacun de prendre du recul sur son propre texte.

Quelques textes du 3e atelier


Cadavre exquis semi-caché


J'ai toujours pensé qu'il fallait se méfier des crétins alpins ou pyrénéens, débilous en tous genres, demeurés, bas de plafond, bébés bercés trop près du mur, dont les fils se touchent et qui n'ont pas la lumière à tous les étages. En effet, l'ascenseur est en panne depuis que le gosse du deuxième a arraché les boutons d'or qui parsèment les champs à brouter paisiblement des vaches alanguies. Elles étaient tombées sous son charme auquel il n'était pas insensible, malgré les yeux de travers.

C'était l'automne, sombre et pluvieux, qui lui pesait sur le ciboulot, ciboulot déjà bien vide par temps de grands vents violents, les vagues se hissent et se fracassent sur la jetée. Longtemps il avait rêvé au moment où il se retrouverait seul, au port d'Etel, face à l'océan. Les soirs de pleine lune il était déchaîné. Si bien que les lumières de la jetée se mettaient dangereusement à clignoter, comme les yeux de enfants devant l'arbre de Noël. 

J'ai horreur des framboises. J'étais ravie de les voir pousser cette année car elles sont dans un endroit trop ensoleillé du jardin et elles ont tendance à cramer. C'est quand on a les pieds dans la braise que l'on sait comment ça brûle, comme le feu sous la glace - Ouille ! ouille ! ouille ! J'ai une cloque au bout du doigt, doigt que je me suis coincé dans le pressoir où le raisin accomplira sa première transformation avant son apogée vers un cru inoubliable. 

Ce soir il fait un temps trop doux pour un mois de novembre. Et en plus j'ai oublié mon bonnet ! Avec ce froid ! Il déteste les bonnets, mais depuis qu'il est chauve il n'a plus le choix. Mais le choix, l'a-t-on toujours? Amour toujours, j'ai toujours été poète, amateur de rimes simples et riches en émotions et fort en chocolat ! 

Je suis le pont entre la victime et la justice que le roi Salomon rendait si bien, beau comme un camion, la grâce incarnée. En parlant d'incarné, je mangerais bien une bonne bavette à l'échalote grillée dans la poêle, quel bonheur, les papilles se régalent à l'avance. Merde, plus d'essence. 

Mon coiffeur m'a coupé l'oreille. L'oreille se bouche quand le TGV prend de la vitesse. Ce n'est pas vraiment ma faute, je me suis calée sur le rythme de la musique, on ne peut pas rouler lentement sur du death metal. L'épée jetait des reflets violets et bleus. Elle était joliment ciselée de motifs de dragons chinois. Un chinois qui chinoise, qui vous cherche des poux dans la tête. Tête de noeud ! hurle le cycliste au scooter qui a failli le renverser.


Phrase finale imposée 


J'ai senti en me réveillant un matin que quelque chose me gênait. Je n'étais pas bien dans ma peau, je me sentais à l'étroit ; mon corps n'avait plus sa souplesse habituelle. À dire vrai je ressentais cette gêne depuis plusieurs jours déjà, mais ce matin-là j'ai commencé à craquer. Littéralement. Ma peau se fendillait, je ressentais une étrange compulsion à m'en départir. Je n'avais jamais vécu une expérience aussi bouleversante ; mais instinctivement j'ai su que cela devait se faire. Ma peau a continué à craquer, et soudain mon corps a comme explosé ses limites. Je suis sorti de ma peau, et je me suis senti prendre enfin tout mon espace, car sous ma vieille peau j'avais beaucoup grossi. J'ai laissé derrière moi mon ancienne parure, et j'ai attendu que ma nouvelle peau durcisse avant de ramper vers de nouvelles aventures. 
Je venais de vivre ma première mue. Depuis, je ne suis plus tout à fait le même. 

Vanessa