Atelier d'écriture

L’atelier d’écriture est l’occasion de jouer avec les mots, de faire entendre sa voix, d’écouter celle des autres, de se découvrir. C’est avant tout une expérience ludique, le plaisir de réaliser quelque chose et de le partager. À chaque séance l’animatrice propose de nouvelles consignes, qui servent de point de départ à l’écriture. Cette règle du jeu, par son aspect contraignant, permet de libérer l’imagination. On n’est plus devant une inquiétante page blanche, mais devant une proposition d’écriture, qu’on pourra à son gré suivre de près ou subvertir discrètement. C’est ce qui fait tout le sel de la lecture des textes : on se rend compte que chaque participant a traité la consigne de façon personnelle, provoquant la surprise, le rire ou l’émotion. Les échanges, qui se font dans un esprit curieux et bienveillant, permettent à chacun de prendre du recul sur son propre texte.

Quelques textes du 8e mercredi


Jeu du verbe à l'infinitif 


Risquer sa vie 
c'est justifier un geste déplacé 
c'est aussi faire de la balançoire 
c'est encore se donner en spectacle 
c'est enfin râler sans cesse. 

Creuser la terre 
c'est emprunter des chemins tortueux 
c'est aussi déléguer un pouvoir 
c'est encore faire chauffer l'eau pour les pâtes 
c'est enfin boire son thé trop chaud. 

Trouver un trésor 
c'est offrir un diamant 
c'est aussi vivre avec passion 
c'est encore mieux la deuxième fois 
c'est enfin déplier une carte routière. 

Picoler en silence 
c'est pisser dans un violon 
c'est aussi devenir riche 
c'est encore partager un bon repas 
c'est enfin rêver de tarte tatin. 

Râper une carotte verte 
c'est réfléchir en se grattant la tête 
c'est aussi voyager dans l'espace 
c'est encore briller dans le noir 
c'est enfin être heureux.

Casser les pieds
c'est avoir de la chance
c'est aussi refuser l'oubli
c'est encore rire avec ses amis
c'est enfin la conclusion de ce discours bien ennuyeux.

Bouts rimés


fleur/beurre ; moisissure/éclaboussure ; picole/caracole ; pétale/dédale ; prunelle/sentinelle ; chocolat/falbala ; délicieux/malicieux. 

La robe de Rose ornée de falbala, 
Est toute tachée de chocolat, 
Elle est recouverte d’éclaboussures, 
Mais aussi de maintes moisissures. 

Car Rose, elle s’y connait en picole, 
Ah ! pour le pinard, là elle caracole, 
Elle trouve tous les vins délicieux. 
Quand avinée, on contemple ses prunelles, 
Son regard n’a plus rien de malicieux, 
Et son gros nez rouge sert de sentinelle.

Même si Rose porte un prénom de fleur, 
Son haleine rance et chargée sent le beurre, 
On préfèrerait même se perdre dans un dédale, 
Plutôt que de caresser ses pétales. 
Eric 

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Nuit de garde avec Shéhérazade 

Il faut, si l’on est sentinelle 
Bien utiliser ses prunelles 
Se retrouver dans ce dédale 
De tours en forme de pétales

Pas être adepte de la picole 
Tel un poivrot qui caracole 
Qui nuit de ses éclaboussures 
Qui finiront en moisissure 

Et puis, à l’heure de la relève 
Comme Sinbad partir en rêve 
Accompagné d’une jolie fleur 
Un peu typée comme une beur 

En lui offrant des chocolats 
Bijoux et autres falbalas 
Espérer instants délicieux 
Le coquin pense malicieux 
Pierre 

Inducteur : "comme un ballon flottant dans le ciel" 


Comme un ballon flottant dans le ciel,
Il se sentait léger et enfin libre, 
Il venait de claquer la porte avec fracas, 
De belle-maman prostrée sur son sofa. 
Il avait enfin osé lui dire, 
Qu’elle pouvait reprendre sa fille, 
Qu’en échange, il reprenait sa liberté, 
Après tant d’années, il l’avait bien mérité. 
Elle l’avait poussé à bout, 
Lui avait piqué tous ses sous, 
Avait jeté sa collection de hiboux, 
Et mis son cœur sans dessus-dessous. 
Il avait aujourd’hui la certitude, 
Qu’ils n’étaient restés ensemble que pas habitude, 
Qu’il n’aurait pas dû perdre sa jeunesse, 
A s’entêter de vivre avec cette bougresse. 
La notion de couple ne l’intéressait plus, 
Il comparait une promise à de la glu, 
Et quitte à subir un pot de colle godiche, 
Il préféra adopter un caniche. 
Je le croise désormais tous les matins, 
En train de promener son chien, 
Qu’il pleuve, qu’il neige, qu’il grelotte, 
Au bout de sa main, son sac de crottes, 
C’est sa nouvelle vie, rien de démentiel, 
Juste un ballon flottant dans le ciel. 
Eric 

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Motivation 

José n’avait jamais vraiment eu de chance depuis sa naissance. Son enfance ne fut ni heureuse ni malheureuse et sa scolarité, quelque peu médiocre, ne lui permit pas de trouver un emploi stable et intéressant. D’un tempérament plutôt lymphatique, il vivait seul et sans ambitions, à la merci du chômage et de la précarité, à la merci des aléas de l’existence, des courants de la vie, comme un ballon flottant dans le ciel. 

Un mardi, lors d’une période sans emploi, il fit une promenade au parc Montsouris. Il aimait flâner dans cet endroit où, gamin, il venait jouer. Vu le jour de la semaine, les allées étaient quasiment désertes. Là-bas, un vieil homme à chapeau, sur un banc, lisait son journal et, plus loin, une femme sans âge donnait des morceaux de vieux pain à quelques canards. José allait d’un pas tranquille dans les premières chaleurs du printemps, l’esprit vagabond, insouciant comme à son habitude, lorsque, au détour du plan d’eau, il la vit. Elle était là, admirant la grâce d’un cygne glissant sur le lac, immobile dans ce halo de lumière que les arbres en fleurs laissaient passer. Elle lui sembla si belle qu’il en resta figé. C’était comme un rêve d’enfant, comme un ballon flottant dans le ciel. 

Désormais il n’eut plus qu’un seul but : Réussir ! Oui, Réussir !!!... Oh, pas comme quelques médiocres qui veulent briller et satisfaire leur égo, mais dans un but beaucoup plus noble : Conquérir sa Belle et lui donner une jolie vie. Une vie calme, harmonieuse et souriante. Et puis… Et puis avoir de beaux enfants, les promener au parc Montsouris, leur acheter des ballons, pour, comme dans une chanson de son enfance*, leur apprendre à casser leurs ficelles. José au bras de sa compagne, pourra alors savourer le regard éblouis de leurs bambins, admirant, là-haut, les ballons flottant dans le ciel.

*Hommage à Michel Legrand https://www.youtube.com/watch?v=pWq4J_5PhA0&list=RDpWq4J_5PhA0 

Pierre


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Les gens, quand ils voient un ballon qui vole tout seul au-dessus d'eux, avec sa ficelle qui pendouille, ils disent toujours : "Oh, un enfant a perdu son ballon, le pauvre..." Ou alors ils disent : "C'est un lâcher de ballons, pour un mariage, ou pour fêter quelque chose..." Ou alors ils disent juste : "Oh, un ballon". Et c'est tout. Parce qu'ils ne savent pas. Moi, je sais. Je connais la vérité. Les ballons qui flottent tout seuls, ce sont les âmes des gens qui sont morts. 
Ils flottent, ils essaient de monter, mais c'est pas facile, il y en a qui s'éclatent contre un mur, qui roulent sous une voiture, ou qui se dégonflent bêtement et qui deviennent un petit tas de caoutchouc avec un noeud. Ceux-là, ils n'ont pas trop d'espoir. Et puis il y en a qui montent, qui montent, et qui disparaissent au loin ; ceux-là, peut-être, ils sont sauvés. Moi, ceux qui me font pitié, ce sont les sacs en plastique qui volent et qui s'accrochent aux branches des arbres. Qu'est-ce qu'ils ont dû mener comme vie, ceux-là, pour avoir une âme en forme de sac plastique ! 
C'est pour ça que moi, quand je vois passer un ballon ou un sac en plastique dans le ciel, je lui fais toujours un petit signe de la main, pour lui dire: "Courage, petite âme ! Je te soutiens." Un jour, moi aussi je flotterai dans les airs. J'espère juste que je ne serai pas un sac en plastique. Plutôt crever.

Vanessa