Atelier d'écriture

L’atelier d’écriture est l’occasion de jouer avec les mots, de faire entendre sa voix, d’écouter celle des autres, de se découvrir. C’est avant tout une expérience ludique, le plaisir de réaliser quelque chose et de le partager. À chaque séance l’animatrice propose de nouvelles consignes, qui servent de point de départ à l’écriture. Cette règle du jeu, par son aspect contraignant, permet de libérer l’imagination. On n’est plus devant une inquiétante page blanche, mais devant une proposition d’écriture, qu’on pourra à son gré suivre de près ou subvertir discrètement. C’est ce qui fait tout le sel de la lecture des textes : on se rend compte que chaque participant a traité la consigne de façon personnelle, provoquant la surprise, le rire ou l’émotion. Les échanges, qui se font dans un esprit curieux et bienveillant, permettent à chacun de prendre du recul sur son propre texte.

Quelques textes du premier lundi


Inventaire : mes petites manies 


1) Au réveil, le matin : allumer la radio avant ou après la machine à café ? 
2) Souvent, lorsqu’on me parle, j’essaie de trouver le calembour que je pourrais faire (jeu de mots ou contrepèterie) 
3) Arriver à l’heure à un rendez-vous. Si j’arrive avant, j’attends l’heure exacte pour me présenter. Je n’arrive jamais en retard. 
Patrice 


Courrier en réponse à une petite annonce 


J’ai effectué mon service militaire de 1959 à 1962 à Trèves (RFA) au 11e RCC Berlin, puis au 2ème dragon 5e peloton à Besseriani-Rmilane (Algérie). Je souhaiterais reprendre contact avec Roger Durand, Jean-Pierre Suire, Etienne Verneau, ainsi que ceux dont j’ai oublié le nom.
Maurice Pouillon

Oh, salut Maurice ! Tu ne peux pas savoir combien je suis heureux d’avoir lu ton annonce. 
J’ai moi-même essayé de te retrouver dès 1963, un an après que nous nous sommes quittés à la fin du service militaire. 
Ce que je peux constater d’emblée, c’est que tu es fidèle à la Bretagne et en particulier à ton département tant aimé du Morbihan. En revanche, je vois que tu n’es plus à Lorient qui est, si je me souviens bien ta ville de naissance. Après les mois difficiles que nous avons vécus en 1962 en Algérie, malheureusement nous n’avons pas été démobilisés en même temps et du coup, nous n’avons pas pu organiser nos retrouvailles dans des conditions sereines. 
Que deviens-tu ? Es-tu marié ? As-tu des enfants ? As-tu finalement continué dans la boucherie ? Si mes souvenirs ne me trompent pas, ton père, boucher voulait faire de toi son successeur. 
J’attends de tes nouvelles avec impatience. Voici d’ailleurs mon numéro de téléphone : 00 49 22 32 73 98 69. 
Si tu as bien lu ce numéro, tu constateras donc que je ne suis pas en France mais en Allemagne, du côté de Cologne. 
Quand nous étions à Trèves, j’ai rencontré une fille, Beate. Je ne t’en avais pas parlé car j’avais peur qu’avec ton charme dévastateur elle tombe amoureuse de toi. Je sais, je suis un petit salopard.
Toujours est-il que pendant des années et surtout pendant la période de la guerre d’Algérie, je l’avais perdue de vue. Heureusement, après mon retour à Strasbourg chez mes parents, j’ai pu la retrouver.
Après deux ans de vie commune à Strasbourg, nous avons quitté la France et nous sommes installés à Brühl, près de Cologne où je travaille chez Renault Allemagne comme ingénieur commercial. Beate, elle, est avocate. 
Si tu peux, appelle-moi cette semaine. Je serais tellement heureux non seulement de te parler mais aussi de te revoir au plus vite.
A bientôt mon poteau ! 

Roger Durand (Patrice)

PS : Ah oui, j’ai deux enfants, Mathias et Frédéric de 15 et 12 ans 


*

Salut Roger,

Je suis content d'avoir de tes nouvelles.
Tu as bien mené ta barque avec la petite Beate ; mais tu sais, j'avais bien remarqué vos regards et vos sourires quand on la croisait dans le bar, votre relation n'était pas vraiment un secret. Quoi qu'il en soit, tu as une belle vie de famille aujourd'hui, c'est le principal.
De mon côté, j'ai beaucoup évolué depuis l'époque du service militaire ; ou plutôt, j'assume qui je suis vraiment. Je n'ai pas repris la boucherie de Papa, j'ai toujours détesté la viande ; je suis devenu acteur de théâtre, et je me suis installé avec mon compagnon Jean-Noël. Mon père a eu du mal à s'y faire, mais je ne voulais plus faire semblant. Ce n'est pas simple d'être homosexuel dans le milieu des petits commerçants ; et encore moins à l'armée, c'est pour ça que je faisais semblant de draguer les filles à l'époque du régiment. Mais tu vois, tu n'avais rien à craindre, je ne t'aurais pas piqué Beate. Je préférais son frère Helmut.
Si tu repasses en France, tu pourras me voir sur scène dans une de nos petites villes de Bretagne, je joue avec une compagnie itinérante, en ce moment nous montons La Puce à l'oreille de Feydeau.
Je te téléphonerai dès que possible, mais comme j'habite dans une "zone blanche" je dois attendre d'aller à Lorient pour cela. C'est pourquoi je te réponds par écrit, comme au bon vieux temps !

Ton poteau, Maurice Pouillon (Vanessa)


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Réponse à Christophe 

Christophe,

Peux-tu imaginer une seconde combien ta lettre m’a comblé de joie ?
Tu es d’ailleurs le premier à me répondre.
Oui, bien sûr, je me souviens de Brigitte mais je ne savais pas que tu en étais amoureux. Certes, comme tu l’écris, elle nous avait tourné la tête par sa beauté et son charme, mais en revanche, je n’avais pas le souvenir qu’elle avait choisi Jean-Pierre.
Que cela t’ait conduit à demander à tes parents de t’envoyer en pension à Caen me laisse pantois. Je veux croire que le choix de Brigitte n’était pas ta seule motivation pour quitter l’Immaculée Conception.
Il est vrai que l’ambiance de ce bahut était quand même spéciale.
J’y suis resté quant à moi jusqu’en terminale, avec, bien sûr des hauts et des bas. La prof de français dont tu parles dans ta lettre, je l’ai eue en seconde et en première. Au bout du compte, même avec sa voix nasillarde, je trouve qu’elle était une très bonne pédagogue. D’ailleurs, grâce à son apport, j’ai eu 17 au bac de français en première. Je suis tombé à l’oral sur un texte de Montherlant que nous avions étudié sous toutes les coutures. Son analyse m’a permis de sortir des arguments qui ont passionné l’examinateur. Enfin, tout cela est, bien sûr subjectif.
Je me rends compte à quel point Brigitte a influencé et même conditionné ta perception de ta vie sentimentale. Tu n’avais que 15 ans à l’époque. Il eut fallu que tu libères ton esprit de cette quasi-frustration.
Pour ce qui me concerne, je me suis marié. Je ne voudrais pas que ce que je vais t’avouer puisse ternir nos rapports : j’ai épousé….. Brigitte, et nous avons quatre enfants.
Je n’ai ni chien ni chat et je voyage souvent puisque je représente une boîte suédoise en France, Belgique et Pays-Bas.
Je suis toujours dingue de rugby et toujours catholique. Pas pratiquant mais fidèle à mes croyances, mais au fond, je serais plutôt athée.
Bon, à bientôt. J’espère te revoir malgré mon aveu.

Patrice

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