Atelier d'écriture

L’atelier d’écriture est l’occasion de jouer avec les mots, de faire entendre sa voix, d’écouter celle des autres, de se découvrir. C’est avant tout une expérience ludique, le plaisir de réaliser quelque chose et de le partager. À chaque séance l’animatrice propose de nouvelles consignes, qui servent de point de départ à l’écriture. Cette règle du jeu, par son aspect contraignant, permet de libérer l’imagination. On n’est plus devant une inquiétante page blanche, mais devant une proposition d’écriture, qu’on pourra à son gré suivre de près ou subvertir discrètement. C’est ce qui fait tout le sel de la lecture des textes : on se rend compte que chaque participant a traité la consigne de façon personnelle, provoquant la surprise, le rire ou l’émotion. Les échanges, qui se font dans un esprit curieux et bienveillant, permettent à chacun de prendre du recul sur son propre texte.

Quelques textes du 2e mercredi


Cadavres exquis 


Les fleurs d’ail commençaient à flétrir avec la canicule
canicule dont le bilan fut horrible en cet horrible été
été c’était son nom, elle avait les cheveux blonds
blonds et ronds, ils sont revolver
revolver, ah les yeux revolver, le regard qui tue
tue le moustique qui a gâché ta nuit 
nuit avec ses ténèbres emplies de fantômes grimaçants
grimaçants d’angoisse à l’idée que la grognasse puisse séduire son mari.

*

Les infusions d’hibiscus sont réellement exquises
exquises, c’était bien le mot
mot qui s’écrit sur un cube 
cube lumineux tournant sur lui-même en haut du building new-yorkais
new-yorkais qui était arrivé par avion
avion, j’ai mis mon portable en mode avion et j’ai raté son coup de fil
fil de soie qui se brisait sans cesse sur le métier de
de Taillac, ça y est, elle se rappelait enfin du nom de son voisin.

*

La maison d’Albert était envahie par les souris
souris saute de sa cage
cage en jonc ou cage en fer, ne croyez pas que la seconde soit plus douce
douce France, cher pays de mon enfance
enfance, un âge compliqué mais heureusement de courte durée
durée du trajet variant de 2 à 7 ans si par TGV ou TER
TER n°3467 va entrer en gare, éloignez-vous de la bordure du quai
quai des Orfèvres, Maxime planchait sur son enquête.

Logo rallye 


vraisemblable ; glouton ; ravager ; avancer ; gâter ; Tartuffe ; jambon ; sycomore ; roulade ; pied

Les récriminations d'Igor semblaient vraisemblables. Elena savait son fils glouton, mais pas au point de ravager le garde-manger. Elle s'avança dans la pièce pour constater les dégâts. Curieusement, le malfaiteur semblait avoir goûté une à une les denrées rangées sur les étagères. Tout était éventré. Seules les pommes gâtées, oubliées depuis trop longtemps derrière le paquet de cornflakes, semblaient épargnées par le gouteur compulsif. Même le bocal de tartufflette de papy, pourtant peu ragoûtant, avait été honoré. Du jambon fumé au bois de sycomore, il ne restait que l'os. Un oignon croqué tomba d'une étagère et vint en roulade se cogner contre le pied d'Elena. Mais qui ou quoi avait bien pu faire cela ?

Laurine

Jean-Pierre descendait la rue Taine l’air hagard - certains diraient même les yeux un peu fous - et se fiait à son seul instinct pour rentrer chez lui. Il était vraisemblable que la terrible nouvelle l’attendait bien tranquillement tapie dans la boîte aux lettres, au fond d’une enveloppe à fenêtre. Sur son chemin, tout semblait flou, presque irréel. C’est à peine s’il aperçut, attablé à la boulangerie, un tout petit enfant, sorte de glouton miniature, en train de ravager ce qui avait été un magnifique Saint-Honoré. Il continuait d’avancer, sans réfléchir davantage à ce qu’avait été sa vie jusque-là. Il avait été pourtant largement gâté par celle-ci mais ne s’en rendait finalement compte qu’à cet instant. Instant tragique où tout bascule, où en une seconde vous avez l’impression que vous êtes au bord d’un gouffre et que, si un Tartuffe vous intimait l’ordre de sauter au nom d’une quelconque foi, vous le feriez. Jean-Pierre en était là, cheveux hirsutes et cravate desserrée, n’éprouvant aucun désir, aucune envie, pas même pour le délicieux jambon persillé du boucher auquel d’habitude il ne pouvait résister. Soudain, il se mit à penser à l’immense sycomore qui trônait au fond du jardin de la maison de son enfance, et aux roulades qu’il faisait dans l’herbe. Sa mère le grondait systématiquement car il rentrait chez lui les vêtements maculés de taches de terre et d’herbe. Une larme se mit à couler sur sa joue. Il avait mal aux pieds. 

Hélène


Journal de bord


04h02. Oups ! Ça y est, je viens de jaillir de son esprit. Tiens, il est un peu plus tard que d’habitude, des copines m’ont raconté que, pour leur part, elles émergeaient plutôt vers 3h – 3h30 du matin.

04h37. Ah la la, j’ai le mal de mer, je me sens mal… Voilà plus d’une demi-heure qu’elle me balade dans sa tête, de haut en bas, de droite à gauche…. Stop ! J’veux sortir de là, qu’on m’expulse, qu’on m’accouche !

04h56. Ah, enfin, elle se décide à se lever. Je crois que c’est l’effet psychologique de l’heure pile approchant qui la pousse à s’extirper de son lit. De toute façon, TU NE DORMIRAS PLUS ! JE T’EN EMPECHERAI ! HA HA HA ! 

05h03. Après un rapide passage aux toilettes, elle se dirige vers son bureau. Je sens que mon heure approche… 

05h04. Elle a pris un stylo, sort une feuille de papier d’un tiroir et… attention… oui, voilà ! Je suis enfin couchée sur le papier. Quelle exquise délivrance ! 

05h05. Bon, et bien, je n’ai plus qu’à attendre… 

05h30. …. 

07h30. …. 

09h00. J’ai bien cru qu’elle m’avait oubliée, mais non. Juste avant de partir au travail, elle a plié ma feuille hôte en quatre et l’a glissée dans son sac. 

09h44. C’est ici qu’elle travaille ? Drôlement beau ce bureau. Tiens, ce ne sont pas des petits couinements de souris que j’entends s’échapper de ce tiroir ? Elle ne va quand même pas m’y ranger !! 

09h57. Heureusement, elle m’a offert une place d’honneur au milieu des dossiers qui envahissent son bureau. Une fois encore, je dois me résoudre à attendre. 

10h22. Un homme est entré dans le bureau il y a quelques instants. A peine assis en face d’elle, il s’est emparé brusquement de la feuille de papier où je m’étais plus ou moins assoupie. Un peu de douceur quand même ! 

10h24. Mais que m’arrive-t-il ? Voilà que je décolle de la feuille et me dirige vers sa tête à lui !

10h32. Je monte maintenant des escaliers. Majestueux eux aussi. Finalement, j’aurais pu connaître pire destin… 

10h35. Mon nouvel hôte s’installe dans un superbe fauteuil dans ce que je devine être un hémicycle. Mais, que fait-il ?? 

10h36. Je suis comme aspirée, la sensation est horrible, je passe par les méandres de son cerveau pour me retrouver, je ne sais par quel miracle, au bord de ses lèvres. 

10H37. Je comprends tout ! Ah le lâche ! Ah le traître ! Il va m’utiliser pour se faire valoir, alors que je ne suis pas née dans son cerveau étriqué ! Imposteur !! 

10h38. Je m’accroche tant bien que mal à une couronne posée sur une prémolaire, mais je sais que je ne tiendrai pas longtemps. 

10h39. Il sort l’arme ultime : la toux. Après quelques hoquets, il réussit enfin à m’expulser.

10h40. Je me sens partir. Dans un dernier souffle, je perçois les applaudissements de ses pairs, toutefois quelque peu étonnés que cet homme ait eu une si brillante idée… 

Hélène
*


1er septembre 2018 : Je ne peux pas rester ici, avec ses nouveaux humains. Trop de passage. Trop d'odeurs et de bruits. Le petit me torture. Je dois fuir. Où aller? 
2 septembre 2018 : J'ai fait le tour du pâté de maison tapis sous les voitures. J'avais pas senti les chiens depuis la maison. La rue est leur domaine. Je vais devoir explorer plus loin les quartiers sans me faire repérer des humains. Plusieurs petits ont tenté de m'attraper aujourd'hui. Bien que j'ai fait attention, l'un d'eux m'a tiré la queue. 
3 septembre 2018 : Je suis partie toute la journée. je suis exténuée. À quatre secteurs vers le soleil levant, les maisons sont plus anciennes et plus imposantes. Elles fourmillent de cachettes sécurisées et de trous de souris. Les jardins sont plus vastes et arborés. J'y ai repéré des nichés d'oiseaux aussi. 
9 septembre 2018 : J'ai quadrillé et planqué le quartier envisagé pour repérer les éventuels ennemis. A part deux teckels âgés, il y a peu de présence féline. J'ai répertorié seulement deux congénères. Des mâles. L'un est obèse et limite ses déplacements au jardin de sa résidence. Le second est athlétique et chasseur mais il zone essentiellement à l'est. Il serait en mesure de me pister si je me fixe à l'ouest du secteur, mais l'abondance de jasmins odorants pourra masquer mes traces et mes chaleurs quand elles reviendront. J'ai aussi repéré une vieille humaine à l'ouest qui passe de long moments au jardin chaque jour. Sa maison est ouverte en permanence et il ne paraît pas y vivre d'enfants. Est-elle apprivoisable ? 
12 septembre 2018 : La vieille humaine m'a remarquée. Elle m'a offert du lait et laissé explorer la maison. Celle-ci ne semble pas avoir été habitée par des quadrupèdes. J'ai senti des mulots au grenier. Je vais pouvoir me rendre utile à l'humaine. Mais je vais attendre un peu avant de la laisser me flatter le col. Le temps pour elle d'apprécier ma présence. 
27 septembre 2018 : Je crains de ne pas avoir choisi un secteur assez loin. Mes humains actuels pourraient me chercher et me trouver si je pars définitivement. Mais je n'ai plus le temps d'attendre.  À plus forte raison, que mes découchages de plus en plus fréquents ont été remarqués. L'humain femelle commence à m'enfermer. Je dois partir définitivement. À la prochaine occasion. 
3 octobre 2018 : Plusieurs humains sont venus me voir chez la vieille humaine. Ils paraissaient plutôt accueillir ma présence ici. Ils se déplacent lentement et me dérangent peu. Je dors de plus en plus. Parfois sur les genoux de la vieille humaine. J'ai quand même peur d'être renvoyée chez les précédents humains. Plus que quelques jours et j'aviserai ensuite. 
17 octobre 2018 : Ils sont nés il y a deux nuits. La vieille dame et un humain qui sentait le blanc m'ont aidé. J'ai cru qu'il prendrait mes petits. Mais ma vieille humaine a adopté mes petits. Elle prend soin de nous et je peux compter sur elle pour les garder en mon absence. Il faudra que je lui rapporte un cadeau. J'ai l'impression qu'elle aime les mésanges. Finalement le félin obèse est sympa. Il s'est mis a quadriller le périmètre pour assurer ma tranquillité. Je peux dormir sur mes deux oreilles. Enfin.

Laurine