Atelier d'écriture

L’atelier d’écriture est l’occasion de jouer avec les mots, de faire entendre sa voix, d’écouter celle des autres, de se découvrir. C’est avant tout une expérience ludique, le plaisir de réaliser quelque chose et de le partager. À chaque séance l’animatrice propose de nouvelles consignes, qui servent de point de départ à l’écriture. Cette règle du jeu, par son aspect contraignant, permet de libérer l’imagination. On n’est plus devant une inquiétante page blanche, mais devant une proposition d’écriture, qu’on pourra à son gré suivre de près ou subvertir discrètement. C’est ce qui fait tout le sel de la lecture des textes : on se rend compte que chaque participant a traité la consigne de façon personnelle, provoquant la surprise, le rire ou l’émotion. Les échanges, qui se font dans un esprit curieux et bienveillant, permettent à chacun de prendre du recul sur son propre texte.

Quelques textes du 3e lundi


Petites annonces


Gilet jaune déçu échangerait ce gilet contre un autre de n’importe quelle couleur afin de ne pas être confondu avec un beauf en cas de vraie panne sur l’autoroute.
Plaisantin s’abstenir SVP.
Patrice


Voudrais rencontrer chamelier pour échanger sur dressage dromadaires. Ecrire à Bertrand Duchêne, 2, Place de la Liberté, 34150 Saint-Guilhem-le-Désert.

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Muriel


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Vanessa

Nécrologie d’un personnage imaginaire 


Dimanche 18 novembre 2018 

Nous venons d’apprendre la mort du poète Abel El Habet à la suite d’une longue maladie. 
Né en 1938 à Paris d’un père libanais et d’une mère bretonne. Ses deux parents étaient professeurs de littérature à la Sorbonne. 
Abel grandit donc dans une famille très férue de littérature française et étrangère et eut donc rapidement la possibilité de fréquenter des célébrités comme Jean Cocteau, William Faulkner ou même Rafael Alberti. 
Ses proches purent remarquer que, dès l’âge de trois ans, Abel avait déjà une facilité à jouer avec les mots, alors qu’il était encore dans l’apprentissage de sa langue maternelle. 
Ses parents n’étant marqués ni sur le plan politique ni sur le plan ethno-racial, sa famille n’eut pas à souffrir de la deuxième guerre mondiale et put vivre sans trop de difficultés ni de souffrance. 
La grande chance d’Abel, pour le développement de ses capacités poétiques et littéraires en général fut d’avoir pour parrain Jean Cocteau avec lequel, dès son plus jeune âge, il put exercer ses dons en échangeant des lettres. Ainsi, dès l’âge de sept ans, peu de temps après la libération de Paris, il écrivit un sublime poème sur la noirceur de la guerre qui le mit déjà sur une sorte de piédestal. 
Elève surdoué, il fit son entrée en sixième à neuf ans et fut reçu au baccalauréat à quinze ans avec la mention Très Bien. Il entra en classe préparatoire au lycée Louis Le Grand. Sa production littéraire commença alors à devenir importante en quantité et en qualité. 
Il intégra Normal Sup et obtint l’agrégation à vingt ans. Malgré ses études brillantes, il ne put jamais se résoudre à enseigner, même à l’université. 
Sa vie était la poésie et il s’y accrocha avec une volonté indestructible. Il ne devint jamais riche mais fut reconnu dans le monde comme un des grands poètes du vingtième siècle. 
Cocteau utilisa son nom pour le titre d’une de ses œuvres majeures. 
Œuvres principales : Poèmes d’enfance, le Monde des Monstres, Poèmes Epicuriens.

Patrice 

À partir d'une première phrase 


Angélique 

Je marchais tranquillement dans la rue quand une voix me dit : «Salut! Tu me reconnais ? Je dévisageai l'adolescent boutonneux qui se tenait devant moi. Ces cheveux bouclés, ce nez et cette bouche fines, ces traits réguliers... Un autre visage se superposa soudain sur celui-ci, plus enfantin, aux joues de pêche. Je le vis donner un coup de coude au jeune type à ses côtés. Pas de doute, le même sourire narquois ! Instantanément leurs noms me revinrent. Jean-Marie et Paul-Marie les-inséparables ! Les anges blonds de l'école Saint-Joseph à Issoudun. 
Salut, dis-je, en esquissant un pseudo-sourire pour masquer la peur qui remontait de mes dix ans à mes genoux. Un an d'humiliations que ces deux pervers, idolâtrés de tous les adultes de l'institution avec leur gueules d'angelots raphaëliques, m'avaient fait subir, en gardant toujours leur sourire de nazillons en herbe. Celui-là même qu'ils arboraient à présent sous un duvet de moustache naissante. Je respirai profondément. 
Des années passées à ressasser que je tendrais la joue gauche quand on me frapperait sur la droite comme notre Seigneur. 
Je m'élançai. 
À terre gisaient deux anges blonds terrassés par deux coups de boule foudroyants. 

Muriel Pill

*

Cela fait 36 heures que je n’ai pas mis le nez dehors. 
Mes membres sont ankylosés. 
Je ne veux rester une minute de plus sur mon canapé.
Je vais faire une balade dans le quartier. 
Je descends sans prendre l’ascenseur et décide de partir à gauche dans ma rue généralement presque déserte. 
Je marche tranquillement mais quand même d’un pas alerte en regardant le sol quand j’entends : « Salut, tu me reconnais? » 
Je lève la tête et je vois un vieux mec barbu, les cheveux coiffés en queue de cheval, la bedaine proéminente, un grand sourire aux lèvres. 
Je le fixe, cherchant dans ma mémoire à une vitesse supersonique mais rien ne me vient. 
Je réponds alors : « Ecoutez, à priori je ne vois pas qui vous êtes. » Je me rends compte alors que je n’ai pas joué le jeu. Il m’a tutoyé et moi je le vouvoie. 
« Quoi ? me dit-il alors, tu ne me reconnais pas ? Je suis François ! » Et moi : « François qui ? » « Mais François Pottier ! » me lâche-t-il, l’air un peu déçu. 
« Non, ce n’est pas vrai, ce n’est pas possible, je ne te reconnais pas » dis-je. C’est alors que je perçois quelque chose qui me met sur la voie : son œil droit est à moitié fermé. Le François Pottier que je n’avais pas vu depuis presque 40 ans avait perdu un œil dans un accident sur l’autoroute.
Et là, je crie : « Non, François, pas possible ! Je te cherche partout depuis des décennies et je te trouve, par hasard dans ma rue déserte ! Je vais croire en dieu si ça continue. » 
« Mais moi je t’avais trouvé » me dit-il. « Je venais justement chez toi… » 
La suite au prochain numéro. 
Patrice