Atelier d'écriture

L’atelier d’écriture est l’occasion de jouer avec les mots, de faire entendre sa voix, d’écouter celle des autres, de se découvrir. C’est avant tout une expérience ludique, le plaisir de réaliser quelque chose et de le partager. À chaque séance l’animatrice propose de nouvelles consignes, qui servent de point de départ à l’écriture. Cette règle du jeu, par son aspect contraignant, permet de libérer l’imagination. On n’est plus devant une inquiétante page blanche, mais devant une proposition d’écriture, qu’on pourra à son gré suivre de près ou subvertir discrètement. C’est ce qui fait tout le sel de la lecture des textes : on se rend compte que chaque participant a traité la consigne de façon personnelle, provoquant la surprise, le rire ou l’émotion. Les échanges, qui se font dans un esprit curieux et bienveillant, permettent à chacun de prendre du recul sur son propre texte.

Quelques textes du 2e lundi


Lettre de réclamation

Mail à :    société DERBY
                www.derby@fire.fr

Objet : Réclamation / Livraison 084922T75

Messieurs,

Le 10 octobre dernier, vos installateurs ont posé un meuble de rangement dans ma cuisine. Le travail a été rapide, les ouvriers sympathiques et ma satisfaction exprimée sur la feuille de réception des travaux.
Toutefois, ce 12 octobre, soit deux jours après la pose, le meuble a montré un signe de faiblesse et son décèlement lui a donné un air bancal. Voulant le remettre en place, le meuble m'est resté dans les mains, en position inclinée. De ce fait les assiettes qui y étaient rangées sont tombées sur la plaque vitro-céramique qui a volé en éclats.
Par manque de chance supplémentaire, le meuble, que je ne pouvais plus tenir, s'est disloqué et une barre de renfort en fer a sectionné le tuyau d'eau de la machine à laver, qui fonctionnait.
Je vous écris ce message, réfugié à l'opposé de la cuisine, envahie par les eaux. Je n'ai pu prévenir qui que ce soit, mon téléphone ayant pris l'eau.
Je vous demande d'envoyer immédiatement un réparateur en vous priant d'avertir les pompiers car la situation devient ingérable.

Recevez, Messieurs, mes sentiments courroucés.

Charles Paluk (Jacques-André)

*

Monsieur Paluk,

Tout d’abord, je tiens à vous remercier d’avoir choisi nos produits et utilisé notre service « Installation ». Vos commentaires élogieux ont d’ailleurs été retranscrits par notre Service Clients et postés sur notre site web. 
Nous avons pris note du petit souci que vous nous avez signalé.
Notre société étant réputée pour la qualité de ses produits et services, je vous invite à contacter notre service après-vente* afin de prendre un rendez-vous au moment qui vous conviendra le mieux.
Par ailleurs, n’ayant que peu d’éléments concernant votre situation actuelle, je vous encourage à appeler le 18 pour une meilleure prise en charge.

Kevina Demeule, Responsable Service Clients (Jean-Pierre)

* 32666 numéro surtaxé (15 € la minute)


*****

Cher Dieu, 

À la suite de notre bannissement du Jardin d’Eden, je tenais à vous signifier, Ô Seigneur Tout-Puissant, mon mécontentement.
En effet, depuis notre départ, nous avons subi maladies, insectes, orages et tempêtes. Ne trouvez- vous pas la punition un peu excessive ?
Nous avons nos torts ; nous ne nions pas notre désobéissance, mais néanmoins, nous vous trouvons cruel.
Étant omniscient, vous saviez que cela allait se produire, et malgré tout vous nous avez puni.
Ne pourriez-vous pas revenir sur votre décision ?

Adam et Eve (Jean-Pierre)

*

Mon cher fils et ma chère fille,

Je trouve que vous méritiez cette punition pour vous apprendre l’obéissance.
La punition ayant été comprise, je reviendrais volontiers sur la fin de votre punition.
Chers Adam et Eve,
Je suis heureux que vous ayez compris la leçon et c’est là l’essentiel.
Dès demain vous pourrez réintégrer le Jardin d’Eden. J’ai été sévère avec vous, croyez-moi, ce n’était pas de bon cœur. J’ai tendance à être plus sévère avec mes meilleurs enfants.
Je sais que la leçon a été rude, mais méritée. Mon but était de vous faire réfléchir.

Dieu (Sylvie) 


*****


Voilà deux mois que je n'ai plus de téléphone, télévision, internet. Vous me dîtes à chaque fois que vous allez me dépanner. Déjà deux mois ont passé, et le problème n'est toujours pas réglé. Voilà douze ans que je suis fidèle à Orange, et je pense que je mérite votre considération. Je pense à changer d'opérateur, le problème ne se réglant pas.
Vous me dites à chaque fois que cela dépend d'un autre opérateur. Serait-ce mieux si je prenais ce nouvel opérateur dont dépend le problème? Je vous prie de bien vouloir me dépanner au plus vite.

Veuillez accepter ma considération.

Sylvie

*

Chère Madame,

Chez Orange, la satisfaction de notre clientèle est au centre de nos priorités les plus essentielles. Nous mettons tout en oeuvre pour vous apporter le meilleur service du marché, tant en téléphonie fixe et mobile qu'en accès aux Internet, ainsi qu'un bouquet quasiment infini de chaines de télévision. Orange est plus qu'une marque. C'est un nom qui fait résonner la qualité, la dextérité, le dévouement, et tout le poids de la longue histoire de France Telecom entrelacée avec l'Histoire de France.
Nous sommes à l'écoute de votre problème technique, et nous souhaitons de toutes nos forces le régler au plus vite.
Pour ce faire, nous vous invitons à contacter notre concurrent l'opérateur SFR de sinistre réputation, afin qu'il veuille bien débrancher ses cables posés dans un cadre à la limite de la légalité à proximité de notre réseau Orange dans votre cave. Soyez assurée, chère Madame, que l'ensemble des collaborateurs d'Orange se tient à vos côtés, pour vous aider à conserver nos fabuleux services de téléphonie mobile et fixe, accès aux Internet de tous pays, et bouquet exponentiel de chaînes de télévision.

En vous remerciant pour votre fidélité, je vous prie d'agrée, Madame, l'expression de mon plus profond respect.

Steve Kateb
Service client Orange (Vanessa)

*****

Réponse à la lettre d'Annie

Société NETTOINET        à     Madame Ralouse 
Paris                                         Paris 

Madame,

Ayant bien reçu votre lettre de réclamation, nous y répondons sans délai comme vous le constaterez.
Tout d'abord, sachez que notre agent incriminé est un homme appliqué, travailleur et éduqué. S'il a utilisé la locution « pas un journal de merde » - pour vous citer, ce n'est pas faute d'éducation mais d'énervement face à votre attitude et à votre peu d'égards à l'endroit du Bien public, honorable publication. Sans parler du contexte propre de l'incident.
Cela étant dit, les raisons exposées relatives au mal-être de votre canidé, ont retenu toute notre attention et appellent deux recommandations.
La première est de vous donner, en annexe, une liste de vétérinaires susceptibles d'apporter un remède définitif aux problèmes gastriques de votre « toutounet malade », pour vous citer encore.
La seconde recommandation concerne l'inconséquence de votre part de promener votre chien comme s'il était épargné de tous les maux. Aussi, nous vous recommandons, en annexe 2, des équipements adaptés à la situation. Vous constaterez que les solutions ne manquent pas, depuis la combinaison ouatée et matelassée jusqu'au scaphandre de peu de poids.

Espérant avoir répondu à vos attentes, nous vous présentons, Madame, nos salutations cordiales.

Maxime Lechat
responsable Contentieux et divers (Jacques-André)



À partir d'une photo



Sabine WEISS



Qu'il fait froid, que le monde reste oppressant, pourquoi faut-il que les couleurs de la vie aient disparu ?
Les murs semblent des enceintes de prison, l'absence de toute vie est insupportable.
Je presse le pas, d'étranges oiseaux ont des des vols rasants dangereux, les racines d'arbres représentent autant de pièges dans lesquels je tombe ; parfois une pierre cachée constitue encore une agression. 
Je presse le pas et... semble ne plus pouvoir avancer, une force adverse m'oppresse, me repousse, m'exténue.
Je presse le pas à rebours, loin loin de tout.

Et soudain, une lueur paraît entre les branches de chênes, grossit, envahit, annihile l'obscurité.
Je presse le pas et progresse à nouveau, tout d'abord lentement, puis plus fermement, mes pas deviennent assurés sur un sol de pavés réguliers.
Je presse le pas au point de constater que je cours vers la lumière belle.
Ce n'est pas un rêve, sinon le négatif d'une réalité vraie, photosynthèse surnaturelle.
Je vole.

Jacques-André



Sylvaine avait passé une mauvaise nuit. C’était toujours pareil à la veille d’un départ. Elle craignait d’être en retard ou de ne pas avoir pris des vêtements adaptés à sa destination. Ce stress était épuisant, tellement épuisant que cette fois, s’étant endormie à six heures du matin, elle n’avait pas entendu le réveil.
Ce ne fut que quelques dizaines de minutes plus tard qu’elle s’éveilla, gênée par la lumière du soleil. Elle ouvrit un œil vague puis grimaça lorsque le soleil vint exploser au fond de sa rétine.
C’est alors qu’elle réalisa qu’elle était en retard. Il était trop tard pour petit-déjeuner, elle prendra un encas dans le train et se débarbouillera avec une lingette dans les toilettes de celui-ci.
Elle s’habilla, mis sa chaussette puis sa chaussure, verrouilla son appartement et partit en courant, ou sautillant devrais-je dire.

Jean-Pierre