Atelier d'écriture

L’atelier d’écriture est l’occasion de jouer avec les mots, de faire entendre sa voix, d’écouter celle des autres, de se découvrir. C’est avant tout une expérience ludique, le plaisir de réaliser quelque chose et de le partager. À chaque séance l’animatrice propose de nouvelles consignes, qui servent de point de départ à l’écriture. Cette règle du jeu, par son aspect contraignant, permet de libérer l’imagination. On n’est plus devant une inquiétante page blanche, mais devant une proposition d’écriture, qu’on pourra à son gré suivre de près ou subvertir discrètement. C’est ce qui fait tout le sel de la lecture des textes : on se rend compte que chaque participant a traité la consigne de façon personnelle, provoquant la surprise, le rire ou l’émotion. Les échanges, qui se font dans un esprit curieux et bienveillant, permettent à chacun de prendre du recul sur son propre texte.

Quelques textes du 3e lundi


Inventaire: Je me souviens...



Je me souviens de ce jour où, très tendus, nous prîmes avec ma famille le bateau qui devait nous amener de Bizerte à Marseille pour un départ définitif de Tunisie en août 1961.
Je me souviens, étant debout sur une vedette amarrée le long d’un pont à Bizerte, en train de pêcher, d’avoir été poussé dans l’eau tout habillé par mon ami d’enfance Jeannot. Je ne savais pas encore nager en eau profonde… j’appris ce jour-là.
Je me souviens de la punition obtenue en 4ème au lycée de Nogent sur Marne, quelques semaines après mon arrivée en France en 1961 par mon professeur d’histoire/géo, M. Thomas qui m’avait dit : « vous me copierez 100 fois, je ne dois pas me servir de mon écharpe comme d’un burnous ».
Je me souviens de la naissance de Roxane, ma première petite fille le jour de mes 50 ans.

Patrice
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Je me souviens de m'être fait, non pas enchaîner, mais encorder avec un copain de classe – nous avions quatre ou cinq ans – accusés à tort d'avoir mis de l'eau dans tous les encriers de la classe
Je me souviens de mon émerveillement à la découverte de la poésie de Rimbaud
Je me souviens de ma première petite amie, Colette. J'avais cinq ans
Je me souviens du lac Servière sur la rive duquel j'ai passé la nuit avec des amis
Je me souviens du cable car de San Francisco.
Dans la descente vers le port, j'ai pensé que le câble pouvait céder
Je me souviens de m'être fait griffer très fort, juste sous l'oeil, par le chat de la maison qui me le rendait bien
Je me souviens d'être toujours pour Poulidor contre Anquetil, toujours pour les Indiens contre les cow boys
Je me souviens des marques Omo, Persil
Je me souviens de mes éclats de rire durant les films anciens où les acteurs se lançaient des tartes à la crème
Je me souviens de ma première veste habillée qui me faisait pencher en avant comme si cela devait accentuer l'importance que je lui portais. J'étais ridicule.

Jacques-André


Une première fois 



Je me souviens du jour où l'Homme a, pour la première fois, posé le pied sur la Lune. 

Cela m'a paru faux tant l'exploit était hors d'imagination, sinon de celle d'Hergé. 
 
Chez les voisins qui possédaient un téléviseur, j'ai vu les images. J'en conserve un souvenir très approximatif, même après d'autres images vues ultérieurement. 

Rétrospectivement – et peut-être était-ce vers la même époque, cela me faisait penser à la série Star Trek : images en noir et blanc (la colorisation de la série était pauvre), focus sur Johns et Collins comme sur Docteur Spok, leurs petits pas les faisant ressembler à des personnages conçus plus tard : les Lego, comme les protagonistes de la série qui évoluaient dans un studio de tournage à faible budget.

Pas de souvenir des commentaires des speakers sinon l'excitation et une théâtralité certaine. 

Dénué d'esprit scientifique, je me suis demandé pourquoi ? Pourquoi faire cela sinon au nom de la science. Mais plus précisément ? Je ne sais si je confonds, mais sans doute cela devait contribuer à a recherche de l'origine de l'Univers ? 

Une année auparavant, de mémoire, nous avions manifesté en faveur du Vietnam. Voilà du concret ! Plutôt que d'aller voir là-haut si j'y suis. 
Par ricochet, je m'étais dit que cela allait bénéficier aux militaires plutôt qu'à la recherche scientifique ; après tout, la photographie et son évolution n'avaient-elles pas été adaptées par les militaires pour les détourner de leur objet initial ? 

Gagarine avait été le premier homme envoyé dans l'espace accompagné de la chienne Laïka. C'était aussi un événement mais en rien comparable aux premiers pas de l'Homme sur la Lune, à 400 000 kilomètres de là. 

Ces premiers pas n'en constituent pas moins une date dans l'Histoire de l'Humanité. Il a créé des rêves nouveaux, fait naître des vocations et permis un Ailleurs possible. 

Jacques-André

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La première fois où je suis devenu professeur d’allemand au lycée Jean Macé à Vitry sur Seine en 1973, j’étais, bien sûr, très tendu. Je ne pensais qu’à cela depuis la réception de ma nomination. 

Le jour venu, j’arrivai une heure avant, me garai à proximité du lycée et attendis dans ma voiture en écoutant la Méditation de Thaïs de Massenet qui me détendit un peu.

Je parvins tant bien que mal à me calmer un peu et décidai de me lancer. Je sortis de ma voiture après avoir vérifié sur le rétroviseur intérieur que j’étais rasé et coiffé.

J’entrai alors dans le lycée et demandai à un pion qui contrôlait les entrées où se trouvait le bureau du proviseur.

Quand j’arrivai devant ce dernier, je fus un peu rassuré. Il avait l’air bienveillant et sympathique et dût un peu sentir ma tension. Il me salua chaleureusement : « bonjour monsieur, bienvenue à Jean Macé »

Très vite, il sortit un document et se mit à me lire mon emploi du temps. J’avais une dizaine d’heures à assurer car j’avais aussi une nomination dans un collège de Vitry. L’ensemble me parut bien réparti sur la semaine. Je fus donc rassuré, sauf que… quand le proviseur me remit la feuille, c’était l’emploi du temps du professeur de… portugais. En voyant ma tête, il avait dû penser que j’avais plus le physique d’un enseignant d’une langue du sud que de l’allemand.

Je lui dis alors, un léger sourire aux lèvres, retenant un vrai éclat de rire : « mais je suis enseignant en allemand ». Il s’excusa platement et cela rendit la suite notre entretien très détendue.

J’en rigole encore aujourd’hui quand j’y repense.

Patrice
 


À partir d'une première phrase



Sans le faire exprès, par pur hasard, en ouvrant la porte de chez lui avec sa clef, Luigi ne fit aucun bruit. Il en profita, pour le plaisir de faire une surprise, et avança doucement à pas de loup. Isabella lui tournait le dos. Debout, elle avait leur bébé dans les bras et le regard fixé sur l'écran de télévision. Quand elle prit conscience de sa présence elle sursauta; puis, quand elle se retourna, elle sursauta de nouveau, encore plus violemment, et faillit lâcher le bébé.
— Mais... Luigi! Tu es couvert de sang! Et qu'est-ce que c'est que ce couteau? 
— Ne t'inquiète pas, j'ai juste oublié de me changer après le travail. Le couteau c'est le nôtre, celui pour la viande. 
— Ah, je me demandais où il était passé. Mais Luigi, qu'est-ce que tu fais dans une compagnie d'assurance avec un couteau à viande? 
Luigi se dirigea vers la cuisine, posa le couteau dans l'évier, puis il ôta son pardessus et le plaça sur le panier à linge. Tout en s'activant il expliquait: 
— Isabella, ma chérie, je ne t'ai pas dit la vérité concernant mon travail, je suis désolé. J'ai été au chômage pendant des mois, je ne te l'ai pas dit pour ne pas t'inquiéter. J'ai passé des entretiens, rien ne marchait. Et finalement on m'a proposé un contrat de tueur. J'arrivais à la fin de mes droits chômage, je n'avais plus le choix. 
— Mais alors, cette compagnie d'assurance... 
— C'est le nom de la boîte qui me paie, mais elle n'existe pas vraiment. En tout cas elle ne vend pas d'assurances. Disons qu'elle fait transiter de l'argent par les îles Caïman, et puis.. Enfin, bref, je reçois un salais, je paie des impôts, et tout le monde est content.
Il était à présent en train de se laver les mains, en s'aidant d'une brosse à ongles car le sang séché, ça accroche. 
— Mais dis-moi, Luigi, tu as tué combien de personnes? 
— Deux, trois... 
— Dis-moi la vérité, cette fois. 
— D'accord. J'en ai tué sept depuis le début de l'année. Si tu calcules le rapport entre mon salaire et ma charge de travail, ce n'est pas si mal.
— C'est vrai... Et c'est tout? Tu ne me caches rien d'autre? 
— Rien d'autre, je te le jure. Tu sais tout. 
— Bon, alors ça va. Je vais préparer le dîner. Et met ta chemise à la machine, elle a des petites gouttes de sang sur les manchettes. 
— Ah oui, tu as raison. Tu es vraiment une femme formidble, Isabella. 
— Tu n'es pas mal non plus, mon Luigi!

Vanessa

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Sans le faire exprès, par pur hasard, en ouvrant la porte de chez lui avec sa clef, Luigi ne fit aucun bruit. Il en profita, pour le plaisir de faire une surprise, et avança doucement à pas de loup.

Un léger brouhaha parvenait de la pièce principale. L'ambiance lui parut plutôt festive. Quelques rires – brefs – se faisaient entendre, suivis d'un grand silence, interrompu par un soliloque qui lui parut long. Il n'osait bouger mais s'était rapproché – toujours aussi discrètement – de la porte du salon, en prenant le long couloir y menant. 

De fait, il était perplexe. Certes il partageait l'appartement avec un co-locataire depuis quelque temps, mais c'est à peine s'ils se croisaient du fait des horaires de nuit de son coturne ce qui lui laissait très souvent l'appartement pour lui seul. 

Aussi ce qui parut à Luigi un repas de fête l'étonnait beaucoup, tant cela tranchait avec le caractère réservé de Guido, son co-locataire. Luigi se risqua alors un peu plus avant et se mit à tourner insensiblement la poignée de la porte du salon, avant de s'arrêter aussitôt. Car un long soupir d'aise, lui sembla-t-il, se fit entendre. D'aise, voire même... non, il ne put concevoir autre chose.

Un « Oh ! » magnifique et multi-vocal s'en suivit avant des éclats de rire, des ricanements gênés, des soupirs bien réels, des gloussements enfin. 
Luigi décida alors d'ouvrir la porte en grand. Sa stupeur fut grande. 

Non seulement le salon était tendu d'étoffes rouge pourpre, des statues en stuc avaient été placées ça et là, mais surtout la dizaine d'individus présents – hommes et femmes – étaient entièrement dévêtus. Tous remarquèrent son entrée. Aussitôt Guido leur dit : « Le voilà !». 

Jacques-André

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Sans le faire exprès par pur hasard, en ouvrant la porte de chez lui avec sa clef, Luigi ne fit aucun bruit. Il en profita, pour le plaisir de faire une surprise, et avança doucement à pas de loup.

Dès que Luigi franchit le seuil, le chat roux de Caroline vint lui caresser les mollets en signe de bienvenue. Ouf, pensa-t-il, heureusement que Caro n’a pas pris un chien, sinon cela aurait réveillé toute la maison.

Il se dirigea tout de suite vers sa chambre à coucher, et quelle ne fut pas sa surprise de ne pas trouver Claudia dans le lit. Que se passe-t-il ? se demanda-t-il avec inquiétude. Il est 2h du matin et Claudia n’est pas là ?

Il se dirigea vers la salle de séjour en disant qu’elle avait dû se lever, elle qui souffrait si souvent d’insomnies.

Personne dans la salle de séjour. Très inquiet, il alla voir dans les chambres de ses 2 enfants Caroline et Gabriel. Personne ! L’angoisse commençait à monter très fort. Que se passait-il ? Lui qui revenait d’un voyage professionnel d’une semaine se retrouvait seul à 2h du matin ! Il n’allait quand même pas appeler son épouse à cette heure… Il retourna dans la salle de séjour, se laissa tomber sur le canapé, se releva d’un bond pour aller se servir un verre de whisky.

Il vit alors sur la table de la cuisine un bout de papier sur lequel était écrit le message suivant : "Luigi, mon chéri, cela fait trois jours que tu es parti. Nous avons reçu un appel d’Edith qui nous a invités en Normandie. Je suis donc partie avec les enfants. C’est Rachel la voisine qui s’occupe du chat. Nous rentrons dimanche. Appelle-moi quand tu seras revenu. Plein de bisous d’amour."
Clauclau

Patrice