Atelier d'écriture

L’atelier d’écriture est l’occasion de jouer avec les mots, de faire entendre sa voix, d’écouter celle des autres, de se découvrir. C’est avant tout une expérience ludique, le plaisir de réaliser quelque chose et de le partager. À chaque séance l’animatrice propose de nouvelles consignes, qui servent de point de départ à l’écriture. Cette règle du jeu, par son aspect contraignant, permet de libérer l’imagination. On n’est plus devant une inquiétante page blanche, mais devant une proposition d’écriture, qu’on pourra à son gré suivre de près ou subvertir discrètement. C’est ce qui fait tout le sel de la lecture des textes : on se rend compte que chaque participant a traité la consigne de façon personnelle, provoquant la surprise, le rire ou l’émotion. Les échanges, qui se font dans un esprit curieux et bienveillant, permettent à chacun de prendre du recul sur son propre texte.

Quelques textes du 5e lundi

Acronymes


OVNI : ouverture vers notre ineptie
SNCF : sachez nous chasser félons
CAPES : chamboulement après plusieurs essais simulés
PME : petite maman étonnée
VTT : votre téléphone tactile
RTT : réponse théocratique terrible
Patrice

À partir de 4 mots


vert, toilettes, surprise, vélo

Très peu de véhicules empruntent cette route bordée de peupliers. Il lui est donc loisible d'occuper toute la largeur de la route, de faire des zigzags voire du rodéo sur la roue arrière : aucun danger. Son vélo vert s'assimile si bien à la nature environnante qu'il disparaît dans le décor. 
Il se retrouve alors promeneur et prend un chemin de traverse. Le bruissements des insectes dans la chaleur de l'été, l'exhalaison des fleurs sauvages, le chant du ruisseau l'emmènent dans un espace poétique. La saison fait sa toilette. Les fées ne sont pas loin. 
Il trouve un point d'appui ombragé sous un haut châtaignier abritant un mégalithe moussu. Il rêve. 
Il rêve – surprise ! - d'une fourmi géante qui le regarde paisiblement. Il se hisse sur le dos de l'insecte qui parcourt le paysage à pas de géant. 
Voilà bientôt un bord de mer sous un ciel sans nuage. La fourmi géante a pris le chemin du retour. 
Il entre dans l'eau limpide et nage loin. 
Soudain... ses pieds reposent sur... un banc de sable ? Non... un sous-marin qui émerge. 
Il est invité à y pénétrer. Il n'a rien d'un engin militaire. Au contraire ! Les cloisons de couleur rose sont partout présentes. Les sous-mariniers sont revêtus de costumes Jean-Paul Gaultier en harmonie avec leur maquillage. Nulle tubulure, nul couloir interminable mais un agencement en bois d'acajou et une succession de petits salons d'agrément et alcôves. 
L'ambiance y est gaie, la musique de Pink Floyd en harmonie avec l'ensemble. Il découvre d'ailleurs un groupe de musiciens interprétant lui-même cette musique. Un concert dans un sous-marin ! Ce sera son meilleur souvenir.

Jacques-André 

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orange, boutique, jalousie, mitraillette

Ce matin d’hiver, la température était enfin devenue de saison. Ou presque…
J’arrivai comme de coutume avec une demi-heure d’avance. Après avoir bu mon café mensuel dans le troquet du coin, je décidai d’aller inspecter les environs.
Je vis un attroupement devant une boutique. Par curiosité je m’approchai rapidement du magasin en question. Il s’agissait d’une agence Orange. Il y avait une bonne centaine de personnes autour du local.
Tendant l’oreille, je réussis à entendre qu’une heure auparavant un individu était entré dans l’agence et avait massacré tout le personnel avec une mitraillette. 
Sa motivation ? La jalousie. Il avait entendu des rumeurs rapportant que son épouse, employée de l’agence, avait une relation avec son directeur. Le mari prétendument trompé avait fait d’une pierre deux coups : assassiné son épouse et son amant ainsi que les six autres employés présents. 
Eh ben dis donc, l’atelier d’écriture de ce lundi allait commencer dans une situation tragique. J’allais pouvoir faire fonctionner mon imagination sur la base de faits réels… mais aurai-je la solidité morale pour faire comme si de rien n’était ?

Patrice

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intranquillité, panthéon, violet, pince à cheveux

Après des années de concertations dans les plus hauts cercles de l'État, la décision a été prise: on va faire entrer au Panthéon une grande femme parmi les grands hommes, la célèbre philosophe Suzanne de la Minardine. "La nation reconnait la puissance et la pérennité de son oeuvre", a déclaré le chef de l'État. En effet, l'autrice de grands classiques comme L'Intranquillité de l'humanité, La Sécheresse du savoir ou encore L'Étonnement sans retour, est encore étudiée dans tous les lycées et universités de France.
Son corps a été acheminé à Paris depuis le cimetière provençal où il reposait. Il accomplit aujourd'hui son lent parcours vers le Panthéon, entre des rangées de curieux, de politiciens et de journalistes.
Le cercueil marque un arrêt à l'entrée du l'édifice, et le silence se fait. La ministre de la culture, qui a revêtu pour l'occasion un élégant tailleur-pantalon violet, monte les marches du Panthéon, se tourne vers la foule et prononce une allocution.
Les journalistes écoutent, à l'affut de la petite phrase à retenir, peut-être même de la grosse erreur qui fera gloser dans les rédactions. Mais la ministre tient son cap. Fait exceptionnel, elle a réellement lu les livres de la nouvelle panthéonisée, et elle exprime une admiration sincère. Déçus, les journalistes concentreront leurs articles sur la description de son tailleur Saint-Laurent et de ses cheveux retenus par une pince incrustées de brillants.
— Ça n'est pas Malraux, commente l'un d'eux.
— D'un autre côté, répond un autre, Suzanne de la Minardine, ce n'est pas Jean Moulin.
— Sans blague, dit un troisième.
La cérémonie s'achève sur ces considérations, et le cercueil de la philosophe rejoint enfin le sérail des grands humains auxquels la patrie voue une éternelle reconnaissance.

Vanessa



À partir d’une dernière phrase



Ce jour-là l'affluence au musée était tolérable. L'on pouvait lire les cartels au pied de chaque toile exposée et se permettre de s'asseoir si le cœur vous en disait.
La station assise était d'ailleurs parfois la plus appropriée devant des œuvres de 4 mètres sur 3. L'éclairage subtil plongeait dans les stries noires qui s'irisaient, modifiant la perception d'ensemble du tableau. À douze ans, Eva semblait hypnotisée et sa mère revenait sur ses pas afin de forcer l'allure. Les toiles de la première période plaisaient mieux à Brigitte cependant que les plus récentes la déprimaient quelque peu. Au contraire sa fille trouvait cet univers noir irisé d'un attrait irrésistible.
Toutes deux firent une halte avec la vue sur l'extérieur du musée. La ville se déployait, silencieuse, dans une lumière orangée. Eva n'en pouvait déjà plus de cette vision calme de la ville. Elle pensait qu'il s'agissait d'un gigantesque trompe-l'oeil et ne tarda pas à poursuivre la visite de l'exposition.
C'était une révélation que cette lumière obtenue à partir du noir qui la tourneboulait. L'imagination fit son chemin dans la tête d'Eva. Elle se représentait un environnement tout de noir vêtu, les visiteurs dans des costumes, des robes, sombres où scintillaient ici des boutons, là une broche ou une fibule. Leurs visages noirs éclairés par des iris dorés. Jusqu'aux murs de la salle d'exposition qui faisaient une fête à-la-Rimbaud. 
Brigitte observait sa fille qui lui déclara : Mère, que vous êtes belle, ainsi tout en noir ! - Que racontes-tu, pauvre folle ? Allons cela suffit, partons.
Elles sortirent rapidement du musée pour rejoindre le métro qui les ramènerait à la station Sèvres-Babylone. Pendant tout ce temps, Eva répétait : Noir, c'est noir, tout est noir. Noir c'est noir, tout est noir... Brigitte était horrifiée.
Heureusement on arrivait dans la station, elle prit Eva par la main pour l'obliger à descendre. 

Jacques-André

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— Les mains en l'air, personne ne bouge!
Les passagers du Paris Saint-Étienne levèrent la tête, sans hâte, avec le regard désabusé des employés en route pour le boulot. D'autres n'entendirent même pas et restèrent hypnotisés par leurs écrans et leurs oreillettes. La voix reprit, plus fort, nerveuse: 
— J'ai dit, les mains en l'air! On va passer parmi vous ramasser vos cartes bleues et vos téléphones.
— C'est une animation de la SNCF? demanda une dame. 
— Je ne crois pas, répondit son mari, on dirait plutôt un canular. Regarde si elles sont en train de filmer.
Car les assaillantes étaient deux femmes, une jeune qui brandissait un pistolet, et une plus âgée munie d'un grand sac en toile pour le futur butin. Elles s'approchèrent des passagers du haut du wagon et la plus jeune agita son arme d'un air menaçant. Un homme, craignant qu'elle ne tire au hasard, lui tendit son iphone. Mais les autres refusèrent de s'exécuter. Ce n'était pas un vent de révolte, plutôt une mauvaise humeur collective. "Déjà qu'on s'embête à prendre le train matin et soir pour gagner des cacahuètes, on ne va pas en plus se faire braquer.
La voleuse la plus calme, qui se nommait Odile, se tourna vers la plus jeune et chuchota:
— Ça ne marche pas Eva, on devrait lâcher l'affaire, on trouvera autre chose.
— Hors de question! cria Eva. Bande de radins, lâchez vos téléphones et vos carte bleues, sinon je tire!
Devant l'apathie du wagon, elle leva son arme et tira en direction du plafond. Un coffrage en plastique se détacha et tomba sur la tête d'un jeune cadre dynamique. Les gens commencèrent enfin à réagir, mais pas de la façon espérée. Une autre cadre, tout aussi dynamique, se leva et s'adresse à la prénommée Eva:
— Vous allez arrêter ça tout de suite! Personne ne vous donnera rien, on a tous nos soucis, alors laissez-nous tranquilles. 
Elle ne se laissa pas démonter devant le pistolet, et son calme encouragea les autres passagers. Celui qui avait donné son iphone tenta de le reprendre, mais Eva lui donna une tape sur la main. Tant pis, de toutes façons il pourrait le bloquer à distance.
Bientôt les deux assaillantes furent repoussées devant la porte du train. Pendant ce temps, certains appelaient la police, d'autres ronchonnaient sur le service déplorable de la SNCF. Odile sentait le danger monter. Heureusement on arrivait dans la station, elle prit Eva par la main pour l'obliger à descendre.

Vanessa

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Eva est une gamine de 12 ans. Elle est en cinquième. Elle avait une rédaction à faire dont le sujet était : « racontez votre dernière semaine de vacances l’été dernier ».
Quand le professeur de français leur avait donné ce sujet, tout de suite son esprit s’était bloqué avec plein de pensées négatives. 
En effet, l’été dernier, en juin plus précisément, ses parents s’étaient séparés brutalement et Eva, fille unique, s’était retrouvée au milieu d’un conflit violent où ses parents l’avaient complètement oubliée. Heureusement, sa grand-mère était venue la chercher et l’avait emmenée avec elle dans sa grande maison de Normandie. Elle avait passé deux mois à Trouville, à 100 mètres de la plage où elle allait tous les jours avec ses deux grands-parents.
Plus de nouvelles de ses parents qui continuaient semble-t-il à se déchirer, et avaient purement et simplement oublié leur fille.
On imagine facilement qu’elle ne profita pas vraiment de ses vacances, obnubilée par sa souffrance d’enfant abandonnée et n’ayant ni l’énergie ni l’envie d’essayer de lier connaissance avec des enfants de son âge.
La période de vacances terminée, les deux grands-parents retournèrent avec elle à Paris et décidèrent de la prendre avec eux dans leur appartement en attendant que la situation soit résolue. 
La dernière semaine avant la rentrée les grands-parents inscrivirent Eva dans le collège de leur quartier. Ils expliquèrent au principal que leur petite-fille quitterait le collège dans une ou deux semaines.
Le jour de la rentrée, Eva n’avait toujours pas eu de nouvelles de ses parents. Elle ne pensait qu’à ça bien sûr. Pas d’appel de leur part. Le corps enseignant fut informé de cette situation par le principal du collège.
De plus les grands-parents avaient tenté plusieurs fois d’appeler leur fille, sans succès. Malgré les nombreux messages qu’ils avaient laissés, aucun rappel. Après une semaine de collège l’esprit d’Eva commençait lentement à s’habituer au quotidien.
Lorsque le sujet de la rédaction fut donné aux élèves, elle fit une fixation et eut beaucoup de mal à finir son devoir. Elle passa la nuit précédant le jour J où elle devait remettre son travail à essayer d’écrire. Une vraie tragédie.
Le jour tant craint arrivé, sa grand-mère l’accompagna en tramway à son collège. Pendant le trajet, Eva se mit à pleurer. Elle semblait ne pas vouloir sortir du tramway. La grand-mère enlaça sa petite fille avec émotion. Heureusement on arrivait dans la station, elle prit Eva par la main pour l’obliger à descendre

Patrice