Atelier d'écriture

L’atelier d’écriture est l’occasion de jouer avec les mots, de faire entendre sa voix, d’écouter celle des autres, de se découvrir. C’est avant tout une expérience ludique, le plaisir de réaliser quelque chose et de le partager. À chaque séance l’animatrice propose de nouvelles consignes, qui servent de point de départ à l’écriture. Cette règle du jeu, par son aspect contraignant, permet de libérer l’imagination. On n’est plus devant une inquiétante page blanche, mais devant une proposition d’écriture, qu’on pourra à son gré suivre de près ou subvertir discrètement. C’est ce qui fait tout le sel de la lecture des textes : on se rend compte que chaque participant a traité la consigne de façon personnelle, provoquant la surprise, le rire ou l’émotion. Les échanges, qui se font dans un esprit curieux et bienveillant, permettent à chacun de prendre du recul sur son propre texte.

Quelques textes du 8e atelier


Programmes politiques 

Votez pour les Pommes vertes :
- pour regarder la vie en rose,
- pour voir tomber les murs,
- pour mettre la campagne à la ville,
- pour voir le soleil tous les jours,
- pour vivre en paix.
 Vive les Pommes vertes !
Sabine
Programme du parti Tea-Time
- Moi présidente, j'instaurerai une pause-goûter dans les entreprises. 
- Moi présidente, j'abaisserai la TVA sur les théières et le thé en vrac à 3%. 
- Moi présidente, je créerai une prime pour ceux qui confectionnent les meilleurs gâteaux à la fête de l'école. 
- Moi présidente, j'interdirai l'huile de palme et les colorants dans les biscuits industriels. 
- Moi présidente, je favoriserai le "produire français" en, matière de chocolat, quitte à provoquer un incident diplomatique avec la Belgique. 
- Moi présidente, je relancerai la croissance par le mini-muffin et la tarte-tatin. 
VOTEZ POUR MOI ! 
Vanessa

Le jeu "ABA" 

Après l'élection du nouveau président, la foudre est tombée sur son avion, il a failli avoir un règne très court, le plus court de l'histoire de France et du monde. 
Ç'aurait été dommage, car il avait fait un régime et bien d'autres efforts pour en arriver là. 
Sa femme (future femme) a eu très peur. 
- Chéri, lui dit-elle quand il sortit vivant de la carlingue, la prochaine fois je te suggère de voyager en patin à roulettes. 
- Le parapente me tente beaucoup plus. 
- Fais attention, toit qui joues de malchance; rappelle-toi ce qui est arrivé à Pozzo di Borgo. 
Après le parapente il essaya le deltaplane, sans plus de succès. 
Une fois de plus il fut terrassé par les éléments déchaînés, et rentra piteusement à pied, tenant à la main les débris du deltaplane. 
Quand la foudre frappe il faut se méfier. 
                                                                        *

Ce matin, je prends mon vélo malgré la pluie. 
Mon casque est poussiéreux, il faut que je l'essuie. 
Mais où ai-je mis mes sacoches?
Il faut que les trouve rapidement sinon je vais être en retard. 
Heureusement que j'avais préparé mon sac la veille du départ. 
Je vérifie que j'ai tout pris: le dossier Pivert, ma calculatrice, mon feutre rouge, la baguette pour le tableau. 
Il me semble oublier quelque chose... 
Dehors il pleut à grosses gouttes, la clé de l'anti-vol glisse dans mes doigts et ça y est, je me souviens: Je dois écrire à Mathilde ce soir, c'est important! 

                                                                        *

Le coeur a ses raisons que la raison ne connait pas. 
Tais-toi mon coeur, fais comme s'il n'était pas là, cet homme. 
Pierre qui roule n'amasse pas mousse. 
Les pierres saillantes meurtrissent nos pieds. 
Ses proverbes l'ennuyaient à mourir. 
Il parlait seul en marchant, dans la rue les passants se retournaient sur lui. 
Mais il continuait, imperturbable: un tiens vaut mieux que deux tu l'auras. 
Taisez-vous donc, observez en silence la nature. 
Ne l'interrompez pas, de grâce. 
                                                                        *

Ce jour-là, il faisait horriblement chaud. 
Et il vint à René ce refrain: "Et il fait toujours aussi chaud dans les transports". 
Il appela Camille à qui il devait la chanson pour lui dire: "Je me pose la question: pourquoi sortir alors que mon lit est si douillet?" 
Elle, tout étonnée par cet appel, le déculpabilisa de suite et répondit: "Je me suis fait un plateau petit déjeuner, et suis retournée me coucher." 
Comme l'histoire se répétait, elle s'est souvenu : 
C'est ainsi que Gilbert trouva sa vocation.
                                                                        *


Elle regardait les larmes couler le long de ses joues. 
De tellement pleurer, elle avait les yeux tout rouges et le mouchoir trempé.
Le jour se lève, les effluves du café s'échappent de la cuisine, je sors la confiture et en recouvre complètement mes tartines. 
Prête à conquérir la journée, elle s'élança sur son vélo. 
Ses longs cheveux ondulaient dans le vent. Et elle se souvenait de ce temps lointain. 
Il neige ce matin, le chat ne veut pas sortir, il reste tout près de la cheminée. 
Elle aussi, comme le chat, aime se réchauffer près de la cheminée.
Elle recommençait, sans fin. 


Vies d'objets 

Je crois que cette fois il aura du mal à me retrouver. 
Quand il m'a déposé sur cette tablette, je ne sais pas où, je ne connais pas cette partie de l'appartement ; c'était pour répondre au téléphone. Comme j'étais trop loin je n'ai pas pu suivre la conversation. Dommage ! Il a été très attentif et je n'ai entendu que des : oui, oui, bien sûr... 
Elle a été très bavarde. Pourquoi je dis elle ? Parce que toute la matinée je l'ai senti préoccupé, pas attentif à ce qu'il faisait, et aussi parce qu'il m'a laissé tomber deux fois. Imaginez les dégâts! Encore heureux que je ne sois pas tombée sur les poils! Il m'a lâché et je suis tombé à plat tout en éclaboussant le sol. La première fois de vert, la deuxième de jaune...
Ah, je ne vous ai pas dit, je suis son pinceau préféré. Parfois il se sert de ma partie en bois pour se gratter la tête, ou il me tend à bout de bras en faisant glisser son pouce le long de mon manche, ferme un oeil, c'est pour prendre des repères paraît-il. Figurez vous qu'une fois il m'a même mis dans son oreille, j'ai pas aimé du tout... 
Mais je suis inquiet, je suis dans la cuisine. Je ne connais pas cette partie de l'appartement, c'est la première fois que j'y suis. C'est un drôle d'instrument qui m'a renseignée, il a comme moi un manche, mais à l'autre extrémité il se sépare en quatre parties plus fines, des dents! qui servent à le piquer dans des aliments pour les porter à la bouche, ça me dégoûte un peu, ce qu'il me raconte... Je crois que je préfère les oreilles. Il s'appelle fourchette! Il est très bavard, je n'ai pas vu passer le temps. 
Malgré cela je n'ai pas envie de rester là. Parce qu'il risque de m'oublier et je vais vite être remplacé s'il ne me retrouve pas rapidement. 
Christiane 

La palette de couleurs et le pinceau
Sans chercher à me montrer indispensable et présomptueux, je dois dire qu'il ne ferait pas grand chose sans moi. Lui, l'Artiste, malgré son inspiration débordante, si je n'étais pas là en suspens sur la table près du chevalet. Moi, avec mes belles couleurs vives : le bleu outremer, le vert émeraude, le noir profond, le blanc des neiges de Kilimandjaro - je ne sais pas où cela se trouve mais Lui, L'Artiste, en parle souvent de ma belle couleur blanche – Tout cela m'amène à vous dire ce que je pense de cet énergumène à poils roux et longs, toujours dans la main droite de Lui, l'Artiste. Ce malotru à poils se vautre tout humide dans les pastilles de mes couleurs sans précaution et vient ensuite dégoulinant se poser sur la toile blanche. Et toujours accroché à Lui, l'Artiste ; tenez l'autre jour, il était près de son oreille et il lui parlait à voix basse, je suis persuadée qu'il lui disait du mal de moi. 
Et à présent, il l'a suivi Lui l'Artiste dans la cuisine mais que va-t-il y faire, je vous le demande. Après tout, cela me fait du bien de ne plus le voir ce manche à poils hirsutes, Bon vent ! 
Gigi

                                                                        *

Je suis fait de feuilles de papier collées les unes aux autres et d’une couverture de carton. J’aime me répéter que je suis fragile, qu’il faut tourner mes pages délicatement pour ne pas les déchirer ni les froisser et me poser sur une surface douce pour ne pas rayer ma couverture.

C’est un inconnu que je n’ai vu que durant cinq minutes qui m’a acheté dans la librairie dans laquelle j’étais arrivé deux semaines auparavant. Il m’a pris entre ses mains, sans m’ouvrir, sans tourner mes pages, pour me donner à d’autres mains qui m’ont délicatement enveloppé dans du papier rouge. Le soir même, d’autres mains encore déchirèrent ce papier. On me retourna et j’entendis un « ah ! » d’exclamation. Quelques heures après ces mêmes mains tournèrent enfin mes premières pages puis me posèrent sur une petite table près d’un lit.

Depuis, chaque matin, on me transporte dans un cartable au milieu d’autres livres. Mais mes congénères ne sont ni gais ni aimables. Livres de mathématiques ou de physiques, ces scientifiques m’ignorent car je n’ai pour eux aucun intérêt. Ils préfèrent leurs signes, leurs chiffres, leurs dessins, à mes mots si divers et bavards. Peu de temps après notre départ, je sors du cartable pour atterrir dans un endroit bruyant sur les genoux de ma lectrice. Seules ses mains douces et son regard attentionné me rassurent. Elle ne me quitte pas des yeux. Environ trente minutes après elle me renferme dans le cartable et j’y passe la journée pour n’en ressortir que le soir dans les mêmes conditions.

Une fois à la maison elle m’oublie à nouveau. Bien entendu quand elle me délaisse je m’ennuie. Seul sur la petite table, je scrute les livres de la bibliothèque qui ne cessent de bavarder. Mais quand c’est l’heure du coucher, là c’est le moment que je préfère. Je retrouve ses mains et son regard. J’observe ses yeux qui s’écarquillent et ses lèvres qui ondulent quand elle lit à voix haute. Et surtout, elle n’hésite pas à sourire et à rire. Mais je finis par sentir la fatigue dans ses doigts et je passe la nuit sur la petite table près du lit.
Sabine
                                                                        *

Je suis une ampoule nouvelle génération, longue durée, écolo - en un mot (en un jeu de mots...) une ampoule branchée. Je suis en forme de tortillon et je coûte six fois plus cher qu'une ampoule à filament. C'est mon côté aristocratique. Dans les rayons des magasins, ils ne veulent plus que nous; le bas-peuple à filament a été banni du royaume. Je suis une des premières à avoir été présentée chez Castorama, en tête de gondole. Je n'étais pas peu fière! Bizarrement, les clients ne m'ont pas accueillie avec le respect que j'attendais. Ils passaient leur temps à ronchonner: 
- Où sont les bonnes vieilles ampoules? 
- C'est hors de prix! 
- On ne comprend rien, c'est lesquelles les 60 watts? 
- Qu'est-ce qu'elles sont moches! 
- En plus elles sont dangereuses, elles contiennent du mercure... 
Je commençais à chauffer; pour un peu j'aurais fait une combustion spontanée. Enfin le vendeur a mis fin aux remarques désobligeante en prononçant le mot magique: 
- Ce sont des ampoules écolo. Vous voulez sauver la planète, oui ou non? 
Du coup j'ai enfin trouvé preneur. La cliente qui m'a emportée chez elle ne m'a pas choisie avec enthousiasme; mais elle n'avait pas le choix: l'ampoule de sa suspension était grillée. Elle l'a dévissée et posée sur une étagère, et elle m'a vissée à sa place. Quand elle a allumé l'interrupteur, j'ai brillé pour la première fois. J'étais heureuse! D'un coup, le salon tristounet devenait un palais illuminé.
Malheureusement, chez elle aussi je suis incomprise. Ma nouvelle propriétaire déclara que je n'éclairais rien du tout, et que pour le prix elle aurait pu s'acheter une nouvelle lampe. Son mari ajouta: 
- On est revenus à l'éclairage au gaz. Tu parles d'un produit moderne... 
Je tente de garder la tête haute, comme une princesse dans la tourmente révolutionnaire. Mais vraiment, c'est dur d'être incomprise. 
Vanessa 

Tu parles d'une pimbèche celle là! Une usurpatrice... 
Je suis le tapis du salon et je ne suis pas le seul à râler. Nous allons créer une "assosse" avec moi comme président! Les autres ce sont la table basse, les plantes, la bibliothèque et ses livres, le divan... Bon, je vais pas énumérer tout ce que contient cette pièce, c'est pas un inventaire... Mais sachez que personne n'est content depuis que cette ampoule "basse consommation" a remplacé l'ancienne à filament. L'éclairage n'est plus le même, nous sommes blafards! 
Seul peut-être le chat est satisfait. Oui, je sais, le chat n'est pas un objet... Lui avec cette lumière en demi teinte, il peut dormir les yeux ouverts et ce fayot de ronronner sur les genoux de sa mémère!... 
Le vieux, lui aussi, est de notre avis. Oh, lui! C'est rien que pour contrer sa femme.Y'a dl'ambiance dans c'te taule... Dommage que cette bonne vieille ampoule à son filament qui l'a lâchée. Etre remplacée par une jeunette qui n'éclaire presque rien, et en plus quand son jour viendra de s'éteindre, elle va nous polluer avec son mercure. Ah! Il est beau le progrès... 
Enfin pour vous dire aussi, que nous nous faisons du souci. Quand notre tour viendra, usés par les ans ou que nous plairons plus, comment et où finirons-nous? Sur le trottoir, chez Emmaüs ou abandonnés, recouverts de poussière dans une brocante? Et remplacés sans état d'âme par du Ikéa... Malgré des années de bons et loyaux services dans cette famille depuis plusieurs générations. Nous qui les avons suivis au gré de leur fortune d'appartements en maisons et retour en appartement. Finir comme ça, c'est bien triste. Où va le monde! 
Christiane

                                                                        *

Au fond du tiroir de cuisine, je m'ennuie ; oh je ne peux pas dire que je suis à l'étroit dans ce logement, non, mais je me sens un peu seul. J'ai l'impression que mon corps se rouille un peu, je me sens un peu raide à l'articulation. Cela vient certainement du fait que l'on m'a laissé l'été dernier sur la table du jardin, oui, tout l'été ! Dans le grand panier à fruits, je me sentais cependant bien à l'aise au milieu des abricots, des pêches, des oranges et des grappes de raisin. Personne ne venait s'emparer de moi à tout instant, et je pouvais ainsi chauffer mon corps métallique au soleil. 
A l'automne, j'étais parfait prêt à servir et j'ai fait de mon mieux. Une noix par ci, une noix par là, allez la petite salade croquante d'endives ces quelques cerneaux de noix vont te sublimer. Les noix, c'est bon pour la santé, n'est-ce-pas ? 
Enfin l'hiver est arrivé, la pluie, le froid, pas bon tout çà pour moi. Puis je me suis assoupi. A mon réveil, je me suis retrouvé je ne sais comment dans ce tiroir sombre et mon corps tout rouillé. Malgré cela, je garde au plus profond de moi l'espoir de revoir bientôt ces charmantes petites noix qui, je crois craquaient pour moi l'an passé. 
Signé le Casse-Noix 
Gigi 

Il est un peu radoteur, ce casse-noix. Je le sais, parce que je vis dans le même tiroir sombre, celui du bas que personne n'ouvre jamais. Moi, je suis la roulette à pizza. On ne m'utilise plus sous prétexte que j'ai un morceau de pâte durcie qui me bloque le mécanisme; du coup je ne roule plus. C'est comme ça qu'un jour on m'a jetée négligemment dans ce tiroir, où j'ai pour seule compagnie ce vieux casse-noix rouillé. 
Il m'a à peine remarquée; il vit dans ses rêves. Il ressasse les épisodes de sa folle jeunesse, quand il cassait noix après noix sans souci du lendemain. Parfois j'aime bien l'entendre évoquer le jardin, les déjeuners au soleil, le barbecue. Ça me rappelle des souvenirs. Mais j'aimerais bien qu'il s'intéresse un peu à moi. Moi aussi j'ai participé à ces repas de vacances. J'en ai coupé, des pizzas! IL est vrai qu'on s'est peu croisés à cette époque. Lui était toujours dehors, alors que moi, on m'utilisait le plus souvent dans la cuisine avant de porter la tarte ou la pizza dans le jardin. Mais à présent que nous passons notre retraite ensemble, il pourrait parler avec moi, au lieu de soliloquer. 
Ce qu'il y a, c'est qu'il ne veut pas voir la réalité en face. Il attend qu'on vienne le chercher pour de nouvelles aventures. Mais je sais bien que c'est fini pour lui; j'ai vu le nouveau casse-noix arriver dans la cuisine, étincelant dans sa robe de métal, quelques temps avant qu'on me mette à mon tour dans le tiroir du bas. Je ne me fais pas d'illusions. On nous a oubliés tous les deux. C'est sans doute pour cela qu'il ne m'adresse pas la parole. Il ne veut pas savoir. Il préfère radoter doucement. Pauvre vieux casse-noix... 
Vanessa


                                                                        *


Moi, je suis une taie. Oui, une taie d’oreiller. Parfaite car carrée : soixante centimètres sur soixante centimètres, pas un de plus. Quand on me repasse et qu’on me plie en quatre pour me ranger dans le placard, j’aime que rien de dépasse. Bords à bords et coins sur coins. Et dans le placard, c’est moi qui dirige. Pas de chahut. On ne mélange pas les taies et les serviettes et surtout pas les taies et les torchons. Et, là non plus, dans les piles rien ne doit dépasser. Bords à bords et coins sur coins. Tôt ce matin, la porte s’est ouverte en grand. J’ai senti son regard parcourir la pile de haut en bas et remonter pour s’arrêter sur moi. C’était mon tour. Aussitôt elle m’a dépliée. Et, là, je l’ai vu. Lui, le douillet, le tout mou. Il joue les costauds sur le lit mais il n’a aucune résistance. Dès qu’on le touche il se déforme. Et moi, je deviens couverte de plis. En plus ce matin, qu’il sentait mauvais ! C’était pire que d’habitude ! Elle venait sans doute de le bourrer de lavande. Je le déteste ! Vivement la relève ! 
Sabine