Atelier d'écriture

L’atelier d’écriture est l’occasion de jouer avec les mots, de faire entendre sa voix, d’écouter celle des autres, de se découvrir. C’est avant tout une expérience ludique, le plaisir de réaliser quelque chose et de le partager. À chaque séance l’animatrice propose de nouvelles consignes, qui servent de point de départ à l’écriture. Cette règle du jeu, par son aspect contraignant, permet de libérer l’imagination. On n’est plus devant une inquiétante page blanche, mais devant une proposition d’écriture, qu’on pourra à son gré suivre de près ou subvertir discrètement. C’est ce qui fait tout le sel de la lecture des textes : on se rend compte que chaque participant a traité la consigne de façon personnelle, provoquant la surprise, le rire ou l’émotion. Les échanges, qui se font dans un esprit curieux et bienveillant, permettent à chacun de prendre du recul sur son propre texte.

Quelques textes du 1er mercredi


Lipogramme 


Sans aucune idée amusante, il puisait sans cesse dans sa tête vide, un semblant de blague salace, un semblant de gag bêta, qu’il contait à ses amis ébahis de si peu de finesse.... 
Pierre 


Logo-rallye 


réunion ; ardoise ; toboggan ; armoire ; loi ; mur ; feuille ; sanglier 

Une réunion est programmée entre les associés au sujet de l’ardoise laissée par le précédent mandataire. Pour éviter un effet toboggan des dettes et d’avoir à dépenser prochainement l’équivalent d’une armoire normande remplie de billets de cinq-cents euros, il faut utiliser les ressources offertes par la dernière loi bancaire afin de construire un mur entre le patrimoine de chaque associé et les dettes de l’entreprise si étanche que même une feuille ne pourrait se glisser entre ses briques, et si solide que même un sanglier qui le percuterait au plus fort de sa course ne pourrait l’ébranler.

Christophe


Afin de continuer à assister aux réunions des anciens du club de bilboquet, il avait du régler son ardoise au patron du troquet, qui menaçait de l’éjecter façon toboggan s’il ne payait pas son dû illico-presto.
Vu le monument, bien obligé, il s’était exécuté devant cette armoire à glace menaçante. Comme disait Michel Audiard : “Quand les types de 130 kilos disent certaines choses, les types de 60 kilos les écoutent’’… Telle est la loi… 
José n’était pas un obstiné, toute sa vie il avait su, vu son gabarit, contourner les obstacles et éviter les murs. Mais ceci ne l’empêchait pas de penser, en récupérant sa note, chiffres bien alignés sur la feuille que lui tendait méchamment le primate, que, tout petit, lui aussi aurait bien aimé tomber dans la marmite de potion magique. Il aurait pu, alors, distribuer quelques baffes à loisir et, accessoirement ,se gaver de sangliers aux frais d’un bistrotier. 

Pierre

Échange de lettres 


Cher Clark! 

Je vous écris pour vous dire combien j'aime vos articles dans le journal le "Daily Planet" auquel je suis abonnée depuis si longtemps. Je guette chaque jour l'arrivée du facteur, je me pose tranquillement dans mon fauteuil, avec une bonne tasse de chocolat chaud et je vous lis.

Mais aussi j'ai une demande très spéciale à vous faire, je sais qu'avec votre collègue Loïs vous entretenez des rapports privilégiés avec Superman que tous les habitants de la ville voient passer plusieurs fois par jour au-dessus de leur tête! Je suis âgée maintenant et ma vie bien tranquille fait que je n'aurai sans doute jamais besoin des services de ce grand héros. Mais avant de quitter cette vie, je serais tellement ravie si vous veniez me rendre visite avec lui, oh, pas longtemps bien sûr, je sais que tous les trois vous avez beaucoup de choses tellement plus importantes à faire que de venir tenir compagnie à une vieille dame comme moi, mais juste le temps de prendre un chocolat ou un thé ou un café, et aussi de poser pour une petite photo de nous quatre que je pourrais laisser à mes petits neveux qui sont si loin.

J'espère que ma demande ne vous paraitra pas trop audacieuse, mais je sais aussi que vous avez du cœur et que vous trouverez un peu de temps pour me répondre.

MISS MARPLE (Odile) 

PS: Même si vous ne venez que tous les deux, Loïs et vous, vous serez les bienvenus.

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Dear Miss Marple,

Je suis très touché par votre lettre pleine de sincérité et si bienveillante. Il est toujours réconfortant pour les journalistes que nous sommes, Loïs et moi, de savoir que des lecteurs prennent plaisir à lire nos articles et partagent avec nous un peu de leur intimité. Cette complicité à distance, c’est au fond notre récompense pour les longues heures de solitude passées à peaufiner nos formules et à polir notre style.
Je suis également très flatté de votre admiration pour Superman. Je lui en ai fait part, comme de votre aimable invitation à boire un thé ou un chocolat dans le confort douillet de votre salon.
Cependant, notre héros ne pourra s’y rendre. Les tâches si nombreuses auxquelles il doit faire face ne lui autorisent malheureusement pas ces instants de relâchement. L’humanité pourrait en souffrir ! Cette servitude est la contrepartie de sa grandeur et je ne doute pas que vous le comprendrez. Néanmoins, parce qu’il a effectivement du cœur, Superman a dédicacé à votre intention une photo de lui que j’aurai le plaisir de vous remettre avec Loïs chez vous autour d’un bon chocolat. Dans l’attente de vous rencontrer,

Sincerely Yours, 
Clark (Christophe)



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Ma chère sorcière bien-aimée,

Demain, je dois organiser une fête pour le mariage de ma fille Angeline. Pfffff, cela va être difficile car ma belle-fille n'a pas assez travaillé pour que la maison soit "clean". Il y a encore pleins de poussière à la cave, au RDC .... ; tu l'auras bien compris, dans toutes les pièces du château !
Son père ne lui dit jamais rien, il faut toujours que je sévisse. Malgré que je l'ai obligée à travailler la nuit, rien n'y fait, elle est lente, bête et frivole à chanter à tue-tête avec les oiseaux du grenier.
Oui, donc, demain nous recevons 150 personnes de la plus haute sphère et même le repas gargantuesque est en train de devenir un repas de lapin où feuilles de salade, carottes, olives et je ne sais quoi d'autres, au fil des heures dans les cuisines.
Tu comprendras que je suis dans le pétrin !
Pourrais-tu venir faire trémousser ton nez, si efficace, pour remettre de l'ordre dans cet infini "bordel".
Avec plein d'espoir, je t'ai fait préparer la chambre bleue, ta préférée !!!!

La belle mère de Cendrillon (Carine)


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Dieu,

J’ai beau aller chaque semaine à la messe, prier assidument tous les jours, tenter de faire le bien autour de moi et j’ai l’impression que rien ne vient en retour.

Je commence à douter de ton existence. Depuis Jésus, plus aucun signe de toi !
Il n’y a qu’à voir l’actualité pour se demander ce que tu branles ?
Pourquoi cette tempête ? Pourquoi ces guerres ? Pourquoi la famine ? Et je ne parle pas des autres religions ! Pourquoi il en existe plusieurs ? Je ne comprends pas. Je suis perdue.

Je t’en prie, fais-moi un signe. J’ai joué au loto pour vendredi. 153 millions à gagner.
Si tu me fais gagner, je te promets de faire le bien autour de moi et de te construire une église !

Amen.
Ophélie WINTER (Laurine)

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Ophélie, ma fille,

Je prends ma plume, c’est très rare comme tu le soulignes. Mea culpa.
En préambule, ne me parle pas de mon Fils, tu as vu comme Il a fini, celui-là !
En revanche, toi, je te regarde d’en haut, chaque dimanche quand tu viens me voir à la messe.
Un vrai plaisir.
J’avoue que j’admire toujours tes décolletés…ça me change de ces vieilles bigotes endimanchées.
Tu vois, je crois que même Eve, je l’ai bien moins réussie que toi à l’époque de la Genèse. Oui, Eve était un brouillon à comparer de tes charmes.
Alors, ne me reproche pas les guerres, ni la famine, ni les tempêtes. Si je ne stoppe pas ces fléaux, c’est que mon regard est trop souvent accaparé par ta personne.
Pendant ce temps, le diable s’en donne à cœur joie. Tu sais ce que c’est, dès que tu as le dos tourné, le Malin en profite !
Quant à la question du loto, je suis au regret de t’informer que je ne vais pas interférer. Non pour te décevoir, mais pour ton bien.
Car ma fille, je connais ta vanité et je sais que tu gaspilleras tes 153 millions d’euros en opérations chirurgicales dispendieuses. Or, tu sais que ce genre d’interventions présente des risques. Parles-en à Emmanuelle Béart pour t’en convaincre.
Je suis conscient qu’avec une telle réponse, tu ne chanteras plus jamais « Dieu m’a donné la foi », ton unique tube.
Le public t’oubliera donc définitivement. Tu ne seras enfin plus qu’à moi quand tu viendras à ma rencontre le dimanche.
Allez, sans rancune.

Dieu (Eric) 

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Monsieur le Comte, 
Ou devrais-je vous appeler Edmond ???... 

Je viens, par la présente, vous exprimer mon plus profond mépris. La fortune vous serait-elle montée à la tête, que, sous prétexte d’une vague trahison, vous vous permettiez de régler vos comptes avec vos anciens amis, allant même jusqu’à convoiter la Mercédès de l’un d’eux. 
Il semblerait que vous soyez devenu quelque peu austère, voir rancunier. Vous faites penser à un homme un tantinet frustré en amour. À votre place, je consulterais. Cela vous permettrait de voir les choses sous un angle différent et, qui sait, peut-être un jour, de remercier ceux qui vous ont permis de faire un si long séjour dans un relais-château en pleine mer. 
Rappelez-vous, Edmond, dans nos longues discussions, je pensais vous avoir enseigné que le pardon est la meilleure des choses sous peine de devenir aussi méprisable que ceux que vous avez condamnés… 

Abbé Faria (Pierre)
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Cher Abbé Faria 

Permettez-moi de revenir sur vos propos et d’y répondre. En effet, votre lettre m’a profondément désolé… pour vous.
Tout d’abord, vous me dites ressentir à mon égard un mépris dont je ne comprends pas l’origine. 
Si vous me conseillez d’expérimenter le pardon, je peux imaginer que vous en êtes empli, que vous le revendiquez comme une qualité supérieure. 
D’où vient alors ce mépris ? 
Ne devriez-vous pas plutôt me comprendre et m’absoudre ? 
D’autre part, je ne partage pas votre vision des choses. 
Pourquoi serait-il mieux de pardonner que d’exprimer une saine agressivité à l’égard de ceux qui m’ont tant malmené ? 
Je me sens beaucoup mieux à présent, et nettement moins frustré sur un plan sexuel depuis que je partage la couche de celle qui m’avait été volée. 
Je n’apprécie pas votre humour. J’ai appris à explorer mon ressenti sans le banaliser, ni le sous-estimer. Votre bon mot sur le relais château ne me fait pas rire. J’y ai été si malheureux. Seule la haine m’a aidé à tenir. Une belle défense. 
Je vous conseillerai donc à mon tour de consulter. Un stage de développement personnel vous ferait le plus grand bien. Vous auriez l’occasion de vivre dans l’ici et maintenant et d’aller expérimenter d’autres réactions, peut-être plus compatibles avec ce que vous ressentez réellement. 
Croyez-moi, cher Abbé, vous me remercierez. 
Quoiqu’il en soit je vous pardonne. 

Votre comte de Monte Cristo (Ines)

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Cher Client,

Tout d'abord merci pour votre fidélité sans faille et pour la belle confiance que vous accordez à tous nos produits. Je vous félicite pour cette connaissance et cette description si fine et si détaillée que vous en avez et qui récompense largement tous les soins que nous apportons à satisfaire notre clientèle.

Depuis de nombreuses années nous cherchons à aller de l'avant pour répondre aux nouvelles exigences d'une société qui, vous le savez, a besoin d'aller toujours plus loin, plus vite, et demande à la fois de se laisser surprendre et à être accompagné au mieux dans la réussite des projets de chacun.

Quant à votre demande sur l'arrêt de la fabrication des I phones jaunes, elle est légitime et doit être examinée avec tout le soin nécessaire.

C'est pourquoi je transmets votre requête à mon équipe d'ingénieurs qui séjourne en ce moment dans un stage de développement personnel au Népal. Dès leur retour je suis sûr qu'ils auront à cœur de mettre cette question des I phones jaunes à l'ordre du jour dès que leur programme très chargé le leur permettra.
Avec toute ma reconnaissance pour votre fidélité et la pertinence de vos remarques.

Tim Cook (Odile)  
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Dieu,
Je sais bien que tu n’existes pas. Je ne me fais aucune illusion.
Ce n’est même pas l’histoire du pari de Pascal, au cas où…non !
C’est comme une catharsis.
Ça va peut-être me faire du bien de l’écrire.
Quand je pense à toutes ces horreurs commises en ton nom, je rage, j’enrage.
Il parait que c’est profondément humain, la foi.
Nous aurions tous, tapi au fond du cerveau, une zone du mysticisme qui nous pousserait à croire.
Les contraintes existentielles (angoisse de la mort, absurdité de la vie, liberté difficile à gérer, engendrant lourde responsabilité) font le reste.
Le problème c’est que cette zone n’a pas été activée lors de ma conception. Et j’en viens à le regretter.
Si j’ai grandi à une époque ou il était de bon ton de se moquer gentiment de toi et de tes fidèles, tu es beaucoup mieux protégé aujourd’hui.
Je commence à avoir peur de donner mon avis sur toi de peur de déclencher des réactions hostiles. Tu prends trop de place.
Et j’ai beau comprendre les mécanismes qui expliquent ton invention, je souffre de voir tant de personnes agir en ton nom.
J’ai relu dernièrement le pamphlet de Bertrand Russel à ton propos.
J’ai passé un bon moment. Je suis d’accord avec lui :
Si tu existais vraiment, tu devrais avoir le cran de démissionner, de t’effacer, de disparaitre.
Je ne te remercie pas.
Je ne suis pas cordiale.

Ines 
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Chère Inès,  

Merci pour ta franchise ! Elle me blesse malgré tout ! Et oui ! tu viens frotter tes lignes sur mon coeur déjà en sang !!! 
Est-ce une question de période ? Cela fait longtemps que je me pose la question !!! Est-ce que cette belle création qu'est la vie, a connu une erreur d'aiguillage sur les cellules dites "neurones" !! 
Je ne sais toujours point !!! J'ai essayé de me montrer à vous tous, sous différentes formes mais, à chaque fois, j'ai été l'objet du rejet ! 
Et pourtant, les fidèles parlent en mon nom, ils savent tout ou rien, peu importe, du moment que cela leur serve !! 
Ne regrette pas, ma chère Inès, de ne pas avoir la zone de la croyance en Dieu activée car le principal est que tu crois en toi : cela est ma plus grande joie !!! 
Et c'est pour cela, malgré mes grands moments de désespoir face à la violence faite en mon nom sans ma permission, que je ne démissionnerai pas, car oui, chaque moment où tu crois en toi est une bataille de paix et d'amour gagnée qui envahit tous les êtres à l'infini. 

A bientôt,

Dieu infiniment petit (Carine)


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Jeanne de "Jeanne et Serge" répond à une lettre de fan

Ma Chère Caroline,

Je ne pense pas avoir des idées rétrogrades et en ce qui concerne le mariage, cette institution me semblant tellement désuète, je puis t’affirmer que je ne suis ni pour ni contre celui que l’on dit ‘’Pour Tous’’… J’ajouterais même, que je m’en fous et contrefous. Chacun fait ce qu’il veut avec sa vie et, quel que soit son orientation, a le droit de se rassurer comme il peut… 
Cela dit, si j’avais eu un peu plus de respect pour nos institutions, j’aurais quand même dit non à ta gentille proposition et ceci pour deux autres raisons. La première, c’est que je vis aujourd’hui avec Georges, un libertaire qui me rend parfaitement heureuse. La seconde, c’est que je pense qu’il faut être doté d’un certain courage pour vivre avec une personne aussi fantasque que Toi. 
Vraiment désolée. Avec tous mes regrets. 
Tendrement 

Jeanne (Pierre)