Atelier d'écriture

L’atelier d’écriture est l’occasion de jouer avec les mots, de faire entendre sa voix, d’écouter celle des autres, de se découvrir. C’est avant tout une expérience ludique, le plaisir de réaliser quelque chose et de le partager. À chaque séance l’animatrice propose de nouvelles consignes, qui servent de point de départ à l’écriture. Cette règle du jeu, par son aspect contraignant, permet de libérer l’imagination. On n’est plus devant une inquiétante page blanche, mais devant une proposition d’écriture, qu’on pourra à son gré suivre de près ou subvertir discrètement. C’est ce qui fait tout le sel de la lecture des textes : on se rend compte que chaque participant a traité la consigne de façon personnelle, provoquant la surprise, le rire ou l’émotion. Les échanges, qui se font dans un esprit curieux et bienveillant, permettent à chacun de prendre du recul sur son propre texte.

Quelques textes du 10e mercredi


Écrire à plusieurs 


Il était assis à la table de la cuisine, dos à la fenêtre, quand elle est rentrée. 
Une fois qu’elle eut déposé ses clés dans le vide-poche, pendu son manteau et déposé son sac, elle sursauta en entendant la voix d’Alain lui lancer laconiquement : « vient t’asseoir ». 
« Bonjour » dit-elle en entrant dans la cuisine. « Je ne te savais pas à la maison aujourd’hui. Tu vas bien ? » 
Une théière fumante et une tasse étaient posées devant lui. Il avait l’air grave. Elle s’assit face à lui et redemanda : « Tu vas bien ? » 
Il prit la théière et se versa du thé, lentement et bruyamment comme au Maroc…

Laurine


Alain prit une profonde inspiration, expira lentement comme on lui avait appris dans son groupe de méditation, la regarda, sentit les larmes arriver et couler sur ses joues dans des pleurs silencieux. 
Il porta à ses lèvres sa tasse à l’effigie du PSG, huma l’odeur mentholée du thé, en but une gorgée, reposa posément sa tasse, et enfin regarda Julie dans les yeux, dans la mesure où ses larmes le lui permettaient, d’un air tendu ému et triste. 
Il répondit simplement : « Non »… 

Solène

C’est avec cette scène insipide que se termine « Alain et Julie », le premier long métrage que Godard tourna en super 8 en 1952. 
Bien entendu, aucun producteur de cinéma ne voulut financer à l’époque un tel film dont la banalité du scénario aurait mécontenté quelconque spectateur qui aurait décidé de fréquenter la salle de cinéma, uniquement pour profiter de la climatisation par temps de canicule. 
Cet essai, relégué pendant trente ans dans les cartons d’un brocanteur puis remisé pendant vingt-cinq ans au fond du grenier d’un amateur anonyme de cinéma, vient d’être acquis par la cinémathèque française. 
Une version restaurée et colorisée devrait sortir pour la rentrée. 
Le Journal du Cinéma du 19 juin 2019.

Eric

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Jean-Noah, un jeune homme de dix-neuf ans, décida de partir de la maison de ses parents qui résident au Mesnil Amelot. Il ne se souciait plus de son avenir, même pas de s'il obtiendrait son baccalauréat. Il marche jusqu'à la limite entre le Val d'Oise et l'Aisne et trouve un vélo à hydrogène. A ce moment-là il abandonne tout document et papier officiel ainsi que les cartes magnétiques et son blackberry. Il ne conserve que des espèces et commence son périple sur ce vélo.

Tristan

Jean-Noah n'avait jamais parcouru de très longues distances à vélo. Il en avait eu un quand il était petit, bien sûr, mais n'aimait pas les ballades que lui imposaient ses parents tous les dimanches en forêt de Compiègne. Adolescent, il avait donc superbement ignoré ce moyen de transport. Mais aujourd'hui, c'était différent. Il voyait en ce vélo le signe d'une liberté qu'il n'avait jamais eue. Il l'enfourcha donc et prit la direction du Nord. Cependant, arrivé à Amiens il se dit que ce serait dommage de ne pas voir la mer, et prit la direction de la baie de Somme. Ce vélo exerçait décidément un étrange pouvoir sur lui... 

Hélène 

Il allait falloir dompter la bête. La route de la mer était encore longue. Mais quel était ce bruit curieux? Fladage fladaga... D'où cela venait-il? Jean-Noah s'arrête et examine sa monture. Un papier était coincé dans une roue. Il le retira délicatement. Un prospectus pour Lidl. Aucun intérêt. Il se remit en selle, en silence roula quelques kilomètres et à nouveau un bruit: pff... Puis le vélo devint tout mou; en fait, surtout la roue arrière qui venait de crever. Il ne se découragea pas. Il fit la réparation tant bien que mal. La mer était encore loin et il fallait rouler. Du jarret, jeune cycliste, s'encourageait-il! Et bing, une ornière de trop, et c'est le déraillage de chaîne. Ce vélo était maudit. Et il faisait presque nuit. Il répara, les mains pleines de cambouis, et se remit en route. La forêt était sombre, bruissait de sons étranges.... 
La peur le prit, il tomba... et se réveilla dans son lit. Quel cauchemar!

Laurence

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Décembre 1987 
Prague est triste les nuits d'hiver. Les nuits commencent tôt. Les rues sont sombres et vides. C'est pourquoi Frantz avait choisi d'y passer les fêtes de fin d'année. Rien de tel qu'un lieu sinistre pour digérer un chagrin d'amour new-yorkais. Si ses pensées restaient accrochées à Manhattan, son corps le ramenait ici. Il finirait bien par l'emporter sur les souvenirs douloureux. Une façon de se laisser couler dans l'instant présent. Impossible de profiter de quoi que ce soit. Mais cet avenir inimaginable allait s'imposer à lui.

Roselyne

24 décembre 
Il faisait nuit déjà et Frantz errait seul sur le Pont Charles, un peu éméché mais lucide, quand il entendit des sanglots derrière lui. Dans la pénombre il distinguait une silhouette assise sur le rebord du pont, un peu trop penchée vers la Vltava. Ne sachant que faire il bredouilla quelques mots en tchèque. Pas de réaction.

Elisa 


Toute cette histoire rend Frantz encore plus sédentaire. Il ne voulait ni rentrer chez lui ni faire beaucoup plus de pas. Il s'allonge sur les bords de la Vltava. Soudain des sirènes retentissent. Ce sont les services de police. Il est réveillé à l'instant où ils le saisissent et leur donne des coups de poing et de pied. Il se met à s'assoupir dans le car de police. Il échange son blouson avec celui d'une policière. Celle-ce se réveillera à l'aube et la seule dans cette intervention à être vivante. Elle l'accompagne au commissariat où il passera une nuit puis toute sa vie. Ce lieu, il y demeurera toute sa vie. Malgré le manque de preuves sur le fait que Frantz ait abattu quatre gardiens de la paix, il décide d'y rester tellement il s'y sent bien. Breye, la policière qui l'a emmené et interrogé, lui rend visite chaque jour à 7h41. Ils apprennent à se connaître et il reprend goût à la vie. Ils demandent à touts les Tchèques de financer un nouveau commissariat dans lequel tout le personnel déménagera. Le commissariat actuel deviendra une auberge rien que pour Breye et Frantz. Ils y passent tout leur temps libre à faire de l'escalade, du billard, jouer du piano... et ils seront plus heureux que jamais. 

Tristan


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Denise et Mireille se donnent rendez-vous toues les après-midis à la pâtisserie Gourmandine pour prendre le thé et manger un petit gâteau. Elles sont gourmandes et adorent colporter tous les potins du quartier et commenter tout événement, même insignifiant, à condition qu'il soit l'occasion de critiquer. Et cela tombe bien, parce que ce jour-là Denise annonce une grande nouvelle à son amie Mireille...

Eric


"Devine qui j'ai vu hier soir en rentrant de mon atelier 'Epanouissement personnel'? La fille du pâtissier Tom Petitbeurre dans les bras du boucher Léon Côtelette!" Mireille en frémit, tout le monde sait au village que les Petitbeurre et les Côtelette se haïssent suite à une indivision d'héritage non réglée depuis quatre-vingt-six ans. Les deux amies sont ravies. Ça promet, Roméo et Juliette à BonAppétit sur Sauldre. Le rêve!

Laurence


Tout à coup, la porte de la pâtisserie s'ouvre et Josette, le troisième larron, arrive. Vite, vite, Mireille lui fait signe de venir s'asseoir avec elle, toute excitée de partager le drame shakespearien de Bon Appétit sur Sauldre. "Josette, tu sais quoi? Léa et Ryan, Denis les a vus s'embrasser, c'est incroyable, non?" Et la Josette de s'exclamer: "Mais enfin, mes bichettes, tout le monde le sait, leurs parents sont furieux, mais les deux amoureux s'en fichent, il paraît même que la petite a un rôti au four!" Ah ah ah, et les trois amies de rire en coeur!

Solène

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Pierre n'aimait pas le jus d'orange. Ça lui donnait des aigreurs d'estomac épouvantables qui ne passaient qu'avec l'aide d'un médicament. Or Pierre voulait être en forme - et en appétit - pour ce soir. Il avait rendez-vous avec une délicieuse jeune femme, Céline, de vingt ans sa cadette, mais l'âge est-il réellement si important? Ils devaient dîner dans un petit restaurant italien, rue des Fossés-Saint-Jacques, et Pierre espérait fortement que la soirée ne prendrait pas fin avec le verre de limoncello que le patron avait l'habitude d'offrir à ses clients les plus fidèles. Ah oui, il faut vous dire que Pierre a pour habitude d'inviter toutes ses conquêtes dans ce restaurant... 

Hélène

La douleur étant plus atroce que jamais, Pierre prend deux cachets. Une heure plus tard son abdomen va mieux mais il souffre du mal du siècle. L'urgence de la situation le rend tellement fou qu'il entre dans un hôpital en forçant toutes les portes et les systèmes de sécurité. Il fait Heian Sandan à toute personne qui voudrait lui mettre des sangles ou des psychotropes. Il entre dans le bureau d'un ostéopathe qui résout tous ses problèmes médico-psychiques en une heure. Il a juste le temps de se rendre au restaurant italien. Il arrive après Céline. Une fois installés à une table proche d'un aquarium, ils commandent des pâtes bolognaises pour Pierre et une regina pour Céline. 

Tristan

Pierre se sent incroyablement détendu. Un effet de la manipulation, sans aucun doute. Il est heureux. Quelle sensation délicieuse, jusqu'alors inconnue! Le bonheur rend beau. Céline est séduite, même si elle le trouve peu attentionné, un peu absent. Elle le découvre différent de sa première rencontre. Moins bavard, plus rassurant physiquement. À la fin du repas, elle lui propose de venir boire un jus d'orange chez elle. Il s'empresse d'accepter.

Roselyne