Atelier d'écriture

L’atelier d’écriture est l’occasion de jouer avec les mots, de faire entendre sa voix, d’écouter celle des autres, de se découvrir. C’est avant tout une expérience ludique, le plaisir de réaliser quelque chose et de le partager. À chaque séance l’animatrice propose de nouvelles consignes, qui servent de point de départ à l’écriture. Cette règle du jeu, par son aspect contraignant, permet de libérer l’imagination. On n’est plus devant une inquiétante page blanche, mais devant une proposition d’écriture, qu’on pourra à son gré suivre de près ou subvertir discrètement. C’est ce qui fait tout le sel de la lecture des textes : on se rend compte que chaque participant a traité la consigne de façon personnelle, provoquant la surprise, le rire ou l’émotion. Les échanges, qui se font dans un esprit curieux et bienveillant, permettent à chacun de prendre du recul sur son propre texte.

Quelques textes du 5e lundi


Cadavres exquis 


Le marinier gris
a décidé d'épouser
des vers de terre
le jour du 14 juillet, durant le bal.

Le gréviste
s'est endormi
dans l'église, juste devant l'orgue.

Le grand chambellan
fait exploser
prématurément
le petit chaperon rouge.

Pourquoi la vie est-elle longue et courte à la fois?
Parce que le prix du pétrole augmente chaque jour un peu plus.

Pourquoi ma voisine pose-t-elle nue sur son balcon?
Ben, parce que j'ai mis un pull jaune citron.

Pourquoi les éléphants sont-ils gris?
Parce que le pigeon n'est pas futé.

Pourquoi la terre est ronde?
Parce que le chameau ne voit pas plus loin que son ombre.

Pourquoi le petits pois sont verts?
Parce qu'il y a quatre saisons chaque année.

Pourquoi avez-vous mis des chaussures organes?
Parce qu'il faut laisser infuser.

Pourquoi pleure-t-elle?
Parce que les singes en hiver tirent une drôle de gueule.

Pourquoi tant de haine?
Parce qu'il y a trop de voitures sur les pistes cyclables.


Le sac 


Que fait donc cette trousse de toilette sur le banc ? Il n'y a personne alentour. Voyons voir ce qu'elle contient. 
Une brosse à cheveux sans manche. Bôôô. 
Un peigne édenté aux trois quarts. Beurk.
Deux, oui deux préservatifs dans leur étui. Durex sed lex. 
Un étui de rouge à lèvres vert. Mais il est moisi ou quoi ? 
Une petite clef attachée à un nounours mâchouillé. Dégueu. 
Une mousse à raser intacte, 
Une savonnette parfumée à ... hum, à la violette. 
Un produit à épiler. 
Une cigarette flétrie. 
Un briquet rouge minuscule. 
(Pas de raton-laveur, je note!).
Et... du moisi, franchement moisi dans le fond de la trousse. Dèg'. 
Tiens, une carte de visite aussi. 

Jacques-André

*

Bonjour. Je me permets d’afficher ce papier sur le tronc de ce vieux platane à deux mètres à peine du banc sur lequel j’ai oublié ma trousse de toilette.
Je me présente : Cunégonde, femme à barbe au chômage. Après avoir perdu mon travail, n’étant plus rentable pour mon employeur, je n’ai jamais réussi à retrouver un emploi. Sans aucune ressource, je suis devenue SDF. En changeant de banc cette nuit à la suite d’une descente de police, j’ai égaré ma trousse de toilette.
J’exerce quelquefois le métier de prostituée. Dans cette trousse il y a deux types d’objets que je souhaiterais récupérer : deux préservatifs qui sont en quelque sorte des outils de travail, et une carte de visite qui appartient à un personnage connu dont je ne voudrais pas que le nom puisse être utilisé contre lui et qui est mon principal client.
Je prie donc la personne qui a trouvé cette trousse de la reposer sur le banc cette nuit à minuit pile et d’oublier son contenu.

Je remercie cette gentille personne chaleureusement.

Cunégonde la femme à barbe (Patrice)

*****

(À partir du texte de Sylvie)

Dès la sortie de la mairie, Priscilla avait regretté d'avoir dit oui. Mourad était beau gosse, leur histoire avait débuté dans un torrent passionnel, mais s'était assagie au fil du temps; pour son anniversaire, au lieu d'un bijou elle avait reçu un jeu de petits chevaux, en bois massif, certes, mais ça paraissait bien plan-plan après seulement trois ans de relation.
Et ce mariage, qui devait relancer leur amour, l'avait définitivement éteint pour Priscilla.
Après la fête, elle était repassée à l'appartement, avait ressorti son sac de voyage marron de sous le lit, et y avait jeté pêle-mêle de quoi recommencer sa vie: vêtements, brosse à dents, bijoux, un peu d'argent... Dans sa précipitation, elle avait embarqué une cravate de son nouveau mari et une balle de tennis qui se trouvait là, ainsi que le journal télé. Et comme Mourad était du genre nerveux, elle avait aussi emporté son revolver, par précaution.
Et c'est avec ce sac marron qu'elle se présenta à l'hôtel Printemps. Du moins, c'est ce qu'elle croyait. Dans le feu de l'action et de émotions contradictoires, elle avait pris par erreur l'attaché-case de Mourad, et laissé le sac de voyage dans l'entrée de leur appartement. "Crotte de bique", dit Priscilla en constatant son erreur. "Je ferais mieux de rentrer avant qu'il s'en aperçoive. Je le quitterai un autre jour."

Vanessa
*****

(Réponse à celle qui a trouvé un sac avec turban.)

Bonjour jolie Madame. Je suis Madame Irma II, la toujours célèbre voyante. N'ayez crainte, je n'ai pas forcé votre porte. Je suis là devant vous, simplement.
Quelque chose me dit qu'une fois passé la curiosité, vous vous êtes piquée au jeu de la découverte. Je vois que ce que vous cherchiez en dernier lieu était le turban. 
Sachez que ce turban me vient de ma grand-mère née en Turkmenistan, avec sa jolie pierre polie par mon grand-père. 
Je vois que vous avez beaucoup d'imagination : suspecter une bombe dans mon sac de voyage et non un sac à dos (une voyante voyage, dois-je vous le rappeler). Ou penser à une boule de bowling. Et pourquoi pas un œuf d'autruche, tant que vous y étiez ! Un globe terrestre, voilà qui était plus flatteur, plus proche de mon outil de travail, une boule de cristal. 
Celle-ci de vient de mon arrière-arrière-grand-mère, la Grande Zelda, celle-là même qui a conseillé le tsar Nicolas Ier.
Vous restez muette mais je sais que vous brûlez de me poser des questions. Alors, soit, mais d'abord évacuez le chat de cette pièce. Ne discutez pas !

Jacques-André

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Avis aux habitants de l’immeuble
Cette nuit, dans l’ascenseur, j’ai trouvé un sac Hermès. Afin d’en découvrir le propriétaire, je l’ai ouvert, et quelle ne fut pas ma surprise d’y découvrir plusieurs sachets de poudre blanche. Ces sachets étant hermétiquement fermés, je n’ai pas eu, je l’avoue, le courage de les ouvrir, suspectant que son contenu puisse être générateur de problèmes aussi bien de la part du ou de la propriétaire que de la justice. 
Je suis très embarrassé car, s’il s’agit de produits interdits, j’ai peur que la personne qui l’a perdu, soit ne se dévoile pas, soit me fasse du mal afin que la police ne soit pas avertie. 
Je pourrais, bien sûr, remettre ce sac dans l’ascenseur, ni vu ni connu, mais j’ai peur que cela puisse pousser une personne à en goûter le contenu et se mettre en péril. 
Si je n’ai pas de réponse avant ce soir à 18 heures, je porterai ce sac au commissariat dans le plus parfait anonymat.

Patrice

À partir d'un objet


Ce bord de mer sur la côte de Nord-Bretagne est à la fois tourmenté et apaisant. Les langues de sable entre les rochers taillés par le vent contrastent entre eux. Le jaune et le granite foncé par l'écume. 
S'y promener permet la rêverie, incite à la poésie. 
Il est loisible, pour y venir, de choisir une heure matinale avec l'aurore aux doigts roses mais on peut n'être guère enclin au matin. Le crépuscule offre de belles teintes par le rougeoiement du couchant. 
Il semble pourtant que la pleine journée soit le meilleur moment lorsque le soleil frappe les rochers qui rendent leur noir de jais où – surprise!- l'on a pu surprendre, lovée dans une encoche, une statuette d'esprit amérindien. Elle est toute entière avec une tête trilobée sur une face agrémentée d'un cœur et de mains sous un triple visage et, sur l'autre côté, un batracien et un reptile. 
Il vient à l'idée qu'un marin d'un siècle passé ait pu rapporter l'objet, en faire un lieu de culte personnel en trouvant un endroit qui intègre parfaitement la statuette dans la roche. 
A y regarder de plus près, la statuette n'est pas mobile mais sculptée directement dans la roche de granite. Ce peut être un membre d'équipage dont le navire s'est échoué et qui s'est retrouvé à proximité, qui a eu l'idée de laisser trace de ses racines et croyances. Il n'aurait pas été le premier ni le dernier pour cela. Racines olmèques par exemple et croyances mêlées de christianisme et d'animisme.
Toujours est-il que cette statuette n'a jamais eu d'échos dans les gazettes locales et que nulle atteinte physique n'a jamais été portée à son encontre, que par conséquent sa présence est restée ignorée jusqu'à présent. 
Il est donc temps de laisser intact ce secret et de partir vers les dunes herbues.

Jacques-André
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Lorsqu’on regarde la statuette de dos, on pourrait y voir une personne manchote, donc privée de ses deux bras en train d’haranguer une foule : symbole du tribun de la plèbe. 
Quand on tourne la statuette, on se rend compte que les deux bras raccourcis sont en fait des têtes de bébés protégés par une maman : symbole de l’amour maternel protecteur avec un grand cœur en plein milieu. 
Quand on revient au dos, on perçoit un personnage gravé, sans doute masculin qui pourrait représenter un symbole de pouvoir, une sorte de roi ou même de dieu. Au milieu du corps de ce personnage on croit reconnaitre une créature peut-être animale, faisant penser à un batracien, sur le dos, les membres supérieurs et inférieurs écartés. 
La multiplicité de figures gravées sur cette petite statuette laisse ouvertes toutes sortes d’interprétations pour symboliser un peuple, une civilisation, un pays, une famille.

Patrice