Atelier d'écriture

L’atelier d’écriture est l’occasion de jouer avec les mots, de faire entendre sa voix, d’écouter celle des autres, de se découvrir. C’est avant tout une expérience ludique, le plaisir de réaliser quelque chose et de le partager. À chaque séance l’animatrice propose de nouvelles consignes, qui servent de point de départ à l’écriture. Cette règle du jeu, par son aspect contraignant, permet de libérer l’imagination. On n’est plus devant une inquiétante page blanche, mais devant une proposition d’écriture, qu’on pourra à son gré suivre de près ou subvertir discrètement. C’est ce qui fait tout le sel de la lecture des textes : on se rend compte que chaque participant a traité la consigne de façon personnelle, provoquant la surprise, le rire ou l’émotion. Les échanges, qui se font dans un esprit curieux et bienveillant, permettent à chacun de prendre du recul sur son propre texte.

Quelques textes du 5e mercredi


Cadavres exquis


Le ouistiti
réunit
la grosse pomme
avec beaucoup de joie.

Le thé à la menthe
avala
le sapin de Noël
non sans avoir longuement hésité.

La piscine municipale
actionna
la fleur au fusil
royalement.

Le président
répète sans cesse
un champignon
de manière chaloupée.

Pourquoi le bodybuilding est-il à la mode avenue Arnold Netter?
Parce qu'il n'y avait pas d'autres solution sinon c'était risqué!

Pourquoi le train siffle-t-il?
Parce que ton pessimisme est contagieux.

Pourquoi ne veux-tu pas manger tes brocolis?
Parce que l'allergie au pollen est de plus en plus répandue en ville.

Pourquoi les enfants pleurent-ils toujours dans les trains?
Parce que nous fêtons la nouvelle année.

Pourquoi le chat de Jules a-t-il mangé la souris de Marcel?
Parce qu'il y a de l'huile de palme dans le Nutella.

Pourquoi le chèvre de Monsieur Seguin avait-elle cassé la corde? 
Parce que l'amour dure trois ans.

Pourquoi l'homme ne peut-il cesser de se battre?
Parce que nous sommes samedi et c'est jour de piscine.


Le sac



Sous l’escalier du hall d’entrée de mon immeuble, quelqu’un avait déposé un sac.
Déposé, abandonné ou laissé là volontairement, en attendant de revenir le prendre. 
Cela faisait déjà un moment que personne n’y touchait car le nœud de la ficelle qui le fermait n’avait pas bougé d’un centimètre. À moins d’avoir affaire à un maniaque qui mesurait chacun de ses gestes avec un double décimètre, le nœud restait le même. 
Curieuse de nature, je décidai de regarder à l’intérieur, et là, je trouvai tous d’abord une lettre écrite dans une langue inconnue pour moi et puis un sac de billes, une couche propre pour bébé, des livres de coloriage, un petit gilet de laine, une paire de chaussons et une peluche. 
Mon imagination se mit à galoper. Aussi, je refermai ce sac. 
À qui était-il ? À qui étaient ces objets ? Pourquoi là, à la vue de tous, face aux portes d’ascenseur ? Déposés à la sauvette ou pas ?

Sylvia




Je déteste mes voisins ! Ils n’ont aucune considération pour la vieille dame que je suis. Pire encore, ils me parlent comme à une demeurée ou à un enfant, avec un langage simpliste. Si ça continue, ils vont téléphoner aux services d’aides de la mairie pour qu’on m’envoie une nourrice alors que j’ai besoin d’une aide à domicile pour m’aider à faire mes courses. 
Alors j’ai eu l’idée de leur donner une bonne leçon.
Je me suis procuré chez Emmaüs tout un tas d’objets liés à l’enfance : des billes, une peluche, des livres de coloriage que j’ai glissés dans un sac que j’ai déposé dans le hall d’entrée de l’immeuble.
Comme j’habite au rez-de-chaussée, je m’amusais à regarder par le judas de ma porte la réaction de mes voisins qui passaient devant le sac et n’osaient l’ouvrir. Il y avait ceux qui étaient intrigués et qui tournaient autour sans comprendre ce que ce sac faisait là ; ceux qui excédés avaient envie de shooter dedans ; ceux qui se sont plaints à la gardienne ; ceux qui ont appelé les encombrants ; ceux qui ont appelé la police.
C’est justement les démineurs de la police qui sont venus et ont ouvert le sac. Ils y ont découvert une petite lettre que j’avais écrite et dont ils ont dit qu’elle n’avait aucun sens, comme si son auteur avait écrit dans une langue inconnue.
Et c’est à l’écriture que je me suis faite pincer. Les enquêteurs m’ont démasquée.
Mes maudits voisins disposaient alors de la preuve que je retombais en enfance et ont alerté les services sociaux.
J’ai ainsi quitté mon appartement et je vis désormais dans un hospice de vieux où je m’ennuie. Il n’y a qu’un moment de la journée que j’aime bien, c’est l’heure du goûter où on me donne une barre de chocolat et une madeleine, comme quand j’étais une petite fille

Eric

*****

Lundi dernier, au petit matin avant que les éboueurs ne passent dans ma rue, en promenant mon chien, mon regard était attiré par un immense sac posé à côté d'une poubelle. Plutôt qu'un sac, il s'agissait en fait d'une housse. Instinctivement j'ouvris la fermeture éclair pour découvrir: un pistole, deux pieds de cochon sanguinolents, une liasse de billets de monopoly; une part de pizza qui était encore tiède, un parapluie cassé et une petite enveloppe fermée sur laquelle était inscrit "la curiosité est un vilain défaut". À qui pouvait bien appartenir ce trésor? Qu'est-ce que je devais en faire? Le garder pour en retrouver l'auteur ou bien le laisser aux éboueurs?

Eric

*

J'ai toujours eu de mauvaises fréquentations; aussi, malgré les avertissements de ma mère (une sainte), j'ai commis mes premiers actes de délinquance à onze ans, j'ai connu les foyers à treize et la prison à dix-huit. Je n'ai jamais été un grand criminel, je n'ai tué personne, d'une manière générale je préfère l'argent et les belles choses à la violence; mais pour mener mes trafics, forcément, je dois faire équipe avec des gens qui, eux, sont de vrais durs.
C'est comme ça que je me suis retrouvé cette nuit à une table de jeu avec Tino le Gros, Fred le Bègue et Gaspard le Briscard, pour négocier ma part d'une chouette arnaque que nous organisions ensemble.
Ce n'est pas foré-cément très malin de parler argent tout en jouant au black-jack et en sifflant les verres de whisky que me servait Tino sans se départir de son expression patibulaire. Plus le temps passait, plus je m'enfonçais dans une sorte de brume.
Je n'ai pas un souvenir très clair de ce que je leur ai dit. Ai-je insulté Fred le Bègue, qui est très chatouilleux concernant toute allusion à son élocution? Ai-je tenté maladroitement de tricher aux cartes? Pire encore, ai-je révélé par inadvertance mon intention de les rouler avant la fin de notre affaire?
Quoi qu'il en soit, je me sis endormi comme une masse dans mon lit, et quelques heures plus tard je me suis réveillé en sursaut, avec un mauvais pressentiment. À la lumière de l'aube j'ai soulevé ma couette, et j'ai trouvé à côté de moi deux pieds de cochons sanguinolents. Horreur! J'ai tout de suite reconnu ce qui restait de Pitou, mon cochon nain apprivoisé. Sur la table de nuit, au lieu de mes gains au black jack il y avait une pile de billets de monopoly; et une part de pizza encore tiède indiquait que mes bourreaux s'étaient restaurés tout en accomplissant leur sale besogne.
Évidemment je ne suis pas en position d'appeler la police quand j'ai ce genre de souci. J'ai saisi une housse dans le placard, j'en ai extrait mon costume et à la place j'ai rempli la housse de tous les indices de ma mésaventure. J'en ai profité pour jeter mon vieux parapluie, ainsi que le dernier cadeau de ma femme quand elle m'a quitté: une enveloppe avec une de ses phrases à double sens dont elle avait le secret. Elle m'a toujours reproché ma jalousie.
"Et voilà, me suis-je sit en déposant la housse remplie parmi les poubelles de la rue. Je suis tout seul désormais. Je n'ai plus de femme, ni de cochon apprivoisé, ni d'associés, ni d'argent. Je repars de zéro."

Vanessa

***** 

Dans mon métier, on a parfois des surprises. Je suis agent d'entretien au cinéma MK2 place Gambette; je passe le balais, je ramasse les boîtes de pop-corn qui traînent, rien de très folichon.
Mais ce soir, quand je suis entré dans la plus petite salle à minuit, à la fin de la dernière séance, j'ai tout de suite repéré un sac à dos par terre, un vieux sac gris tout déchiré, qui n'avait pas l'air très propre. Je me suis dit: "Zut! Une bombe", mais je n'y croyais pas trop. Après, j'ai voulu rattraper les spectateurs pour demander qui avait oublié son sac, mais tout le monde était parti. Il n'y avait plus qu'à le rapporter à l'accueil.
Mais j'étais curieux, encore plus quand j'ai vu qu'il y avait une étiquette autour d'une des bretelles, avec la photo d'un extra-terrestre et le nom "Zigpar". Bon, pas vraiment une photo, mais ça ressemblait, avec une grosse tête et un petit corps.
J'ai ouvert le sac, c'était le bazar à l'intérieur, alors je l'ai vidé et j'ai trouvé: un tee-shirt rouge, un caleçon à rayures blanches et rouges trois brosses à dents, une télécommande, une écharpe, un pillulier avec trois comprimés roses dans le casier du mercredi, un carnet avec quelques dessins au crayon, une radio, des tic-tacs éparpillés, une paire de chaussons fourrés taille 43, une médaille miraculeuse, un dictionnaire d'anglais économique en collection de poche. C'était très mystérieux.
J'ai tout remis dans le sac et je l'ai déposé à l'accueil du cinéma.

Vanessa 

*

Le lendemain soir quand j'ai repris mon poste, la caissière me dit qu'une vieille dame était venue réclamer le sac. Elle le lui avait restitué car elle avait parfaitement décrit le contenu. Comme beaucoup de personnes âgées, la vieille dame était bavarde. Elle lui avait raconté que le sac appartenait en fait à son mari. Il le transportait partout avec lui. Il s'était sauvé de l'hôpital l'après-midi précédent avec son sac. Alzeimer avait encore frappé. 
Elle était contente d'avoir retrouvé le sac. Non, son mari on ne l'avait toujours pas retrouvé! La police et l'hôpital continuaient à le chercher. Le sac contenait de fragments de sa vie avant la maladie, et il agissait comme un aimant. Quand il était perdu elle ramenait le sac à la maison, et dans les heures qui suivaient son mari réapparaissait pour prendre le sac et le serrer; C'est ce qui se produisit encore ce jour-là.

Laurence